ÉCRAN DE FUMÉE

Novembre, mois anti-tabac. Aucun chiffre pour savoir combien de poumons furent sauvés. Juste le temps pour le gouvernement de proclamer son plan anti-tabac. Pas de quoi faire un tabac : 12€ le paquet en 2025, 13 € en 2027. Un vrai passage à tabac pour qui fume encore. Ça mégote sec mais les huiles élues ont envoyé leurs signaux de fumée. Fier comme un bar-tabac aurait dit Fernand Raynaud.

Lesquels débits pourront aussi vendre des munitions, histoire de renflouer le manque-à-gagner rayon cigarettes. Peau de balle ? Voire. En attendant, peaufiner la smoke-list du fumeur, sorte de hit-parade dressé par le site smoking.fr, à laquelle on ajoutera des pépites comme Cigarettes, whisky et p’tites pépées, rengaine entonnée par Annie Cordy dans le film éponyme tourné en 1959. Une chanson qui fit alors un tabac et que reprit Eddie Constantine, idéalement posté au cœur de cette trilogie des vices de série B qui fit florès dans les années cinquante. On citera aussi Ta cigarette après l’amour lancinée par Charles Dumont, sorte de riposte intello à Sylvie Vartan et son tube L’amour c’est comme une cigarette. De la cibiche au cigare, la chanson française partira en fumée avec Catherine Deneuve et Gainsbourg en duo sur Dieu est un fumeur de havanes. Clopin-clopant, la smoke-list s’allume avec Eddy Mitchell –Fume, fume cette cigarette, adapté d’une chanson yankee de Tex Williams, se consume avec les Cigarettes de Jane Birkin et fait une pause-cigarette avec Pink Martini –Je ne veux pas travailler…et puis je fume

Se rappeler ici, qu’enfant, on fumait des cigarettes en chocolat qu’on « allumait » avec des allumettes en sucre en se prenant pour des caïds.  Quand on ne le chante pas, quand on ne mange pas, le tabac se met au parfum. Ingrédient de nombreux jus et fragrances, on le trouve chez Caron avec Tabac Blond, chez Houbigant avec Tabac Nomade ou chez Molinard avec Habanita. En 1939, la couturière Elsa Schiaparelli lançait son unique parfum masculin qui plus est dédié aux fumeurs : Snuff était connecté au tabac -il y eut même un flacon en verre en forme de pipe, et référé à la virilité du moment. Sur le terrain, on déniche aujourd’hui encore un talc au tabac, produit par Pinaud et appelé… Whiskey Woods. Quant au mot tabac, il est devenu une marque, Tabac Original, lancée en Allemagne en 1959 par le groupe savonnier Maurer & Wirtz, toujours en vente et à peu près aussi irrespirable que le Pino Silvestre italien. En termes d’image, les cigarettiers surent très tôt rendre leurs produits attrayants, visant autant les hommes que les femmes. Marque apparue à la fin du XIXème siècle, Lucky Strike deviendra iconique après que le grand designers industriel Raymond Loewy en redessina le logo. C’est avec son fameux cowboy que Marlboro se façonnera une image sur-virilisée sur fond de Wild Wild West. Apparu en 1963, incarné par Darrell Winfield, véritable cow-boy de son état, le Marlboro Man tirera sa révérence en 1989, remplacé par un bataillon d’autres modèles dont certains décèderont d’un cancer du poumon. Le karma du goudron. Autre image forte : le dromadaire Camel, qui accompagna le produit dès son lancement en 1913. En France, c’est la gitane bleue dessinée par Max Ponty en 1947 qui imprimera sa silhouette noyée par des volutes de fumée dans l’imaginaire collectif. Peintre et affichiste coté, Ponty qui a aussi créé les réclames pour les cigarettes Primerose et Balto, signera l’une des pubs les plus connues du grand public avec Dubo Dubon Dubonnet. Face aux Gitanes, il y avait les Gauloises logotypées par un casque gaulois ailé, dessiné originellement par le peintre Maurice Giot, et passées au bleu en 1947 sous le crayon du graphiste Marcel Jacno qui avait retouché un an plus tôt le dit-casque.

À la fin des années 1960, le monde entier fume des cigarettes. On fume dans les films et dans les cinémas. On fume à la sortie des lycées (des P4). On fume des Murati Ambassador chez les riches et des Gitanes Maïs chez les prolos. Smoke Gets in Your Eyes à tous les étages. Les affaires tournent rond. Allumettes et briquets. Cendriers et porte-cigarettes. Les mégots s’entassent et les rideaux empestent la sèche froide. Dans les westerns, les héros allument leur clope en frottant l’allumette contre leurs joues mal rasées. Dans un film en noir et blanc, Joan Crawford allume sa cigarette en frottant l’allumette sur un disque posé sur un pick-up. Plus kitsch, tu pars en fumée. Jusqu’au monde du jouet qui se frottera à la cigarette quand en 1953, le fabricant anglais Lesney lancera la marque Matchbox, collection d’autos miniatures vendues dans des boîtes en carton illustrées semblables aux boîtes d’allumettes. De la p’tite ouature à la grande, il n’y eut qu’un tour de roues pour les grands groupes cigarettiers : dès le début des années 1970, Marlboro, Gitanes, John Player Special, Camel et quelques autres se feront sponsors des écuries de course automobiles. La fumée ne sortant pas que des pots d’échappement, leurs logos et couleurs accompagneront courses, raids, rallyes et championnats du monde. La loi Veil promulguée en 1976 sera contournée et les marques nargueront les interdits en multipliant les licences. Initiée par le pilote de F1 Andrea De Adamich en 1974, la ligne de vêtements de loisirs Marlboro Classics sera récupérée dix ans plus tard par le groupe textile Marzotto et à ce jour, toujours commercialisés sous label MCS. Avec Camel Trophy Adventure, on vit passer des montres remontées par l’horloger suisse Mondaine. En revanche, Gitanes n’avait rien à voir avec les vélos Gitane, marque fondée en 1928 !. Rayon jouets, réduits à toutes les échelles, inertes, filoguidés ou radios commandés, tous les modèles gagnants sur circuit véhiculeront les logos Marlboro, Gitanes, JPS, Camel comme autant de pubs sans filtres. Un truc à faire hurler les parents d’aujourd’hui. À l’époque, personne pour s’y opposer. Fumeux, non ????

De gauche à droite

LANCIA STATOS HF « MARLBORO ». SOLIDO 1973. No. 27

Au début, en 1970, la Stratos Zero était un concept-car futuriste taillé comme un silex. Dessinée par Marcello Gandini pour Bertone, son concept titilla les caciques de la Fiat, propriétaire de Lancia depuis 1969, qui convia le duo Gandini-Bertone à extrapoler une nouvelle voiture de sport à moteur V6 Ferrari Dino. L’idée était de remplacer la valeureuse mais néanmoins vieillissante Lancia Fulvia Coupé HF, gloire des rallyes. Présentée en 1973, la Stratos « stradale » dépassera les espérances turinoises. Design et motorisation décoiffants, la Stratos sera illico happée par la compétition. Préparée sur le mode HF, elle cartonnera dans les rallyes grâce au pilote Sandro Munari. Tour de Corse, Rallye de Monte-Carlo, Targa Florio, San Remo : victorieuse à 200%, la Stratos HF devra aussi son succès aux pilotes français Bernard Darniche et Jean-Claude Andruet. Rivale absolue de l’Alpine A310 et la Porsche 911, sa carrière sera courte, cannibalisée en interne chez Fiat par la 131 Abarth Rally et bientôt remplacée chez Lancia par la Beta Monte-Carlo Turbo. Entre temps, en 1974, la Stratos Turbo Silhouette avec sa carrosserie en vétro-résine fragile, ne fera que de la piste, toujours aux couleurs de Marlboro. Sponsor de l’écurie Lancia depuis le Tour de France automobile 1973, Marlboro s’effacera du paysage stratosphérique en 1975, supplanté par Alitalia dans le cadre d’un accord de sponsoring unique et au long cours.

Après la mise au 1/43ème de la Stratos Zero par Politoys, Mebetoys puis Auto Pilen, la Stratos Stradale fut reproduite par Norev en plastique et métal Jet-Car, et par Mercury, mais au 1/66. Ce sera dans sa version HF « brandée » Marlboro ou Alitalia qu’elle sera reproduite à toutes les échelles et dans tous les pays. Norev, histoire d’amortir le moule, Bburago et Metosul, KK Sakura et Kyosho pour le 1/43ème tutoriel. Pour les grandes échelles, électriques, téléguidées, radio/télé commandées ou pilotées par sonic-control, piocher chez Joustra/CEJI, Giodi, Bandai, Re-eL, Yonezawa, Polistil, Radon…avec faveur à la Stratos Marlboro au 1/24è de l’Italien Martoys, marque éphémère apparue en 1972 avant de devenir Bburago. Sans oublier la noria de maquettes italiennes et japonaises. La Stratos made-in-Solido fut mise au catalogue en 1974, figurant la version Tour Auto 73 aux couleurs de Marlboro et de Munari. Aucun ouvrant mais des phares escamotables et une belle facture. Une seconde version Rallye (no. 73) sera proposée en 1977. Exit les phares escamotables : une rampe de projecteurs en plastique noir est fixée sur la proue. Deux ans plus tard, Solido lancera sa ligne de kits métal au 1/43ème avec une Stratos à peindre et décorer. Il y aura aussi une Stratos Monte Carlo bleue avec roues en plastique jaune, exploitée en collection presse pour Hachette.

LOTUS F1 JPS. CORGI TOYS 1973. No.154

Marque de cigarettes de luxe anglaises évoluant dans le portefeuille du groupe Imperial Tobacco, John Player Special, ou JPS, était, dans les années 1970, un marqueur social fort. Étui noir, logo doré ; arborer et fumer des JPS plaçait son homme. Et aussi la femme, cible favorite du marché haut-de-gamme. Rival de Dunhill, JPS fut parmi les premiers cigarettiers à sponsoriser le sport auto. En l’occurrence la F1 avec Lotus, par ailleurs champion du monde en 1972 et 1973. Ce partenariat élitiste perdurera jusqu’en 1978, le temps de hisser JPS sur quelques podiums. Fondée en 1952 par Colin Chapman, Lotus s’est doublée en 1958 d’une écurie de course F1, la Team Lotus qui sera dissoute en 1994. Damant le pion à Tyrrell, BRM et McLaren, pluri-victorieuse grâce aux pilotes du calibre de Jim Clark, Graham Hill ou encore Emerson Fitipaldi, la Team Lotus, sans cesse en quête de financement, brûlera la gomme grâce à JPS. En 1978, la Lotus 78 JPS, livrée noire, filets et logo or, roulera haut et fort avant de tirer le rideau sur ce partenariat. C’est donc une Lotus JPS que Corgi-Toys réduisit au 1/36ème dans le cadre d’une série consacrée à la F1. Entre 1973 et 1977, Corgi alignera, outre cette Lotus, une Tyrrell Project 34 Elf à double train-avant, une Surtees TS, une McLaren M13A Yardley, une Ford Shadow et une Eagle STP Indianapolis. Ailleurs, peu, très peu de JPS, exception faite d’une Lotus Europa chez le Japonais Tomica Dandy. Robe noire, filets or : pourrie de chic…

MORRIS VAN J “CAPSTAN”. DINKY TOYS GB. 1957-1959. No. 465

Bedford, Commer, Trojan, Wandham, Ford, Karrier, Leyland: les constructeurs anglais ont toujours eu un faible pour les petits utilitaires et les fourgons compacts, agiles dans le trafic urbain, et destinés à livrer les particuliers en denrées alimentaires, emplettes faites dans les grands magasins, etc…Ainsi de Morris avec son van Type J, usiné de 1949 à 1961 et jumeau du van Austin 101. Produit à 48.600 exemplaires dont 17.000 pour le seul usage de la Royal Mail -avec des ailes en caoutchouc noir ! le Morris J, long de 3,78m, tôlé ou vitré, doté de portes coulissantes, était aussi populaire outre-Manche que le fourgon Citroen H en France. Cause à effet ? à l’instar du Tube, le Type J fait l’objet d’une version 2023 électrique dans le droit fil de la mode retrofit. En 1952, le Type J fut réduit en miniature par Dinky-Toys GB, le fabricant de Liverpool optant pour la version rouge Royal Mail. Un succès commercial qui durera jusqu’en 1960, le dit-modèle figurant dans un gift-set des plus recherchés. Moule à disposition, le fabricant aurait pu multiplier les versions de services ou publicitaires. Il n’en fera rien, sinon un oukase controversé avec un Type J aux couleurs -bleu ciel/bleu marine, de la marque de cigarettes anglaises Capstan. Les historiens de la marque n’ont toujours pas tiré au clair le pourquoi d’une telle version. Un jouet vantant une marque de cigarettes ? Impensable, même au mitan des fifties ! S’est-il agi d’un partenariat aux quantités mal calculées ? d’un co-branding promotionnel resté lettre morte et qu’il fallut disperser ? Toujours est-il que Dinky-Toys commercialisa le van Morris J Capstan en 1957 et que ce fut un bide. Have a Capstan : même le slogan était de la partie. D’aucuns se souviennent que l’entrisme de Capstan dans le monde du jouet ne s’est pas arrêté là puisque les pubs de la marque figuraient dans les décors des trains Hornby, maison-mère de Dinky. Marque de cigarettes populaire comme Gauloises en France, apparue en 1894, Capstan existe toujours, vendue en Angleterre et dans les pays du Commonwealth. Devenu rare sur le marché du collector, le Van Morris de Dinky fait figure de vilain petit canard. Voilà peu, Dan-Toys a repris cette pub Capstan, appliquée à un camion Guy, évidemment bleu marine et bleu ciel…Sinon, Corgi et Vanguards ont remis le Morris J en service, roulant pour Oxo, Cydrax, Wall’s Ice Cream, Bovril ou Cadbury.

MATRA-SIMCA 670 B LE MANS “GITANES ». NOREV JET-CAR. No. 832

Mécanique-Aviation-Traction. MATRA pour les initiés. Ainsi renommée en 1941, la firme fondée en 1937 par Marcel Chassigny, est entrée en automobile avec le rachat de René Bonnet à l’orée des années 1960. Auto et sport ou Sport Auto, jusqu’à Matra Sports, écurie lancée sur les circuits de la F3 puis de la F1 avec Jean-Pierre Beltoise et Jacky Stewart. En parallèle d’une production de coupés « civils » -Jet, M530, Bagheera I et II, Murena, Matra fourbira des voitures de courses construites pour gagner. Du Mans à Imola via Spa, Nürburgring, le Castellet et autres circuits, Matra raflera la mise en F1 dès 1967 au Mans. Premier constructeur français vainqueur de l’épreuve depuis 1950, Matra rempilera en 1972 avec la bestiale MS670, moteur V12, conduite par Henri Pescarolo et Graham Hill. Exploit réitéré en 1973 et en 1974 avec le même Pescarolo. La « rencontre » avec Gitanes se fera en 1974 pour la Coupe du Monde. Auparavant, Gitanes avait été sponsor F1 de l’écurie Lola au Mans, et après, sponsor F1 de Ligier. En 1978, c’est avec Alpine et Renault que la marque poursuivra son partenariat sportif, clos en 1980. Cocorico. Les victoires de Matra galvaniseront les fabricants d’autos miniatures français. Dinky-Toys avec les F1, la 530, la 630 et la Bagheera ; Solido avec la F1 V8 1968, la 670 courte, la 670 longue et la Bagheera ; Minialuxe avec la F1 MS 80 et la Jet ; Norev avec la 530, la 670 B longue « Gitanes » en métal Jet-Car, la 670 courte en plastique, et la Bagheera. En Italie, Politoys produisit la même 630 Sports Elf que Dinky tandis que Mebetoys s’occupait de la 530 carrossée par Vignale. Plus tard, Mebetoys-Mattel sera l’unique fabriquant à reproduire la Murena. Pas une réussite, mais le mérite d’exister… Quant à Gitanes, c’est à la faveur de son partenariat avec Ligier que le Japonais Tomica proposera une 4L à calandre rectangulaire noire au décor dédié. Le même modèle existe aussi aux couleurs d’Air France…

TOYOTA LAND CRUISER RALLY. MAJORETTE. Série 3000.

Increvable, inoxydable : tel est le Toyota Land Cruiser, 4×4 fort de plus de dix millions d’unités vendus dans le monde et affichant 13 générations au compteur. Lancé en 1951 dans le but de tailler des croupières à Land Rover, le Toy’ fut de tous les raids et rallyes. Proposé en plusieurs versions, motorisations et typologies de caisses, sa génération la plus prolifique fut celle produite entre 1960 et 1984, étayée par les séries BJ, FJ, HJ. Star du Paris-Dakar, le Land Cruiser a été singulièrement boudé par les fabricants de jouets. Le Japonais Tomica Dandy en proposa une version « civile » au 1/43ème des plus réussie. Celle de l’Italien Polistil était en revanche ratée, tandis qu’à l’échelle 1/25ème, elle était parfaite. Outre Joustra avec une version décapotée bizarre, ce fut Majorette qui proposa au 1/36ème le plus grand nombre de variantes. Un brin grossier, le moule fut amorti à gogo. Corps métal, toit plastique, versé dans la Série 3000, ce Land Cruiser roulait pour le raid Paris-Pékin-Paris, un Rallye Raid Safari générique au nom des supermarchés Champion, le Paris-Dakar Shell, toujours avec un barda différent sur le toit. Autrement, Majorette attela à son 4×4 un van pour chevaux, une remorque avec scooter des mers, etc….