LE DANDY GANDINI

Rarement disparition d’un designer aura autant secoué Instagram. Disparu le 13 mars 2024, Marcello Gandini a autant, sinon plus, mobilisé les médias en ligne que la sortie quasi conjointe du film de Michael Mann, Ferrari , avec Adam Driver, et celui de Stefano Mordini, A Race for Glory : Audi vs. Lancia, avec Daniel Brühl et Riccardo Scamarcio. Ironie de l’actualité ou quand un maestro révéré est challengé par deux navets.

Né en 1938 à Turin, rien de prédestinait Gandini à embrasser une carrière de designer automobile. Pourtant, le contexte industriel, florissant à Turin, s’y prêtait. Immanence ou hasard ? Son père était un compositeur et chef d’orchestre estimé, entouré d’intellectuels. Membre d’une vaste fratrie, 5 enfants, rebelle aux études mais doué pour le dessin, le jeune Marcello fera une première carrière discrète dans la conception et la décoration d’appartements privés. Le design, déjà. Et un engagement aux antipodes du genre, chez Bertone, le fameux carrossier turinois, survenu en 1965, pour remplacer Giorgetto Giugiaro, parti chez Ghia. Les deux gaillards ont le même âge. Chacun, prolifique et surdoué, révolutionnera le design automobile des années 1960 à 1990. Pour comprendre leur trajectoire, il importe de planter le décor. Berceau de l’automobile italienne, Fiat, Lancia…, Turin est aussi le fief des carrossiers, métier piloté par Farina (futur Pininfarina), Ghia, Vignale, Viotti, Frua… Installés à Milan, leurs rivaux ont pour noms Zagato, Touring, Castagna, Boneschi…. Fondé en 1912 à Turin par Giovanni Bertone, originellement réputé pour la robustesse et l’élégance de ses voitures hippomobiles, la carrosserie Bertone entrera dans le circuit automobile au sortir de la Première Guerre mondiale. Des ateliers de la via Monginevro où opère une vingtaine d’ouvriers sortiront en 1921 deux premières voitures, la SPA 235 et la Fiat 501 Sport Siluro. Spécialisé dans les sportives haut-de-gamme, Bertone collabore dès lors avec la plupart des constructeurs turinois -Fiat, Aurea, Itala, Ansaldo, Lancia…, produisant des petites séries de voitures exclusives dessinées sur des bases mécaniques de série. Aspirant à posséder une automobile de luxe, unique et spéciale, la clientèle privée se bouscule. En 1933, l’arrivée de Nuccio Bertone, âgé de 19 ans, booste la firme familiale. Un essor contrarié par l’entrée en guerre de l’Italie : obligé de fournir des équipements pour les voitures militaires, Bertone poursuit néanmoins ses activités de carrossier pour l’élite. Ainsi de cette Fiat 525 cabriolet, fabriquée à un seul exemplaire, commandée par le pilote-journaliste Giovanni Lurani Cernuschi, par ailleurs comte de Calvenzano, et haute figure de la compétition italienne. Installé dans une vaste usine située au 225, Corso Peschiera, Bertone négocie son après-guerre en oeuvrant pour Fiat, Lancia, Alfa-Romeo mais aussi pour les firmes anglaises MG et Bristol. Sur le terrain, carrossiers et designers se croisent, travaillent ensemble, partent fonder leur propre entité. Tous sont de sacrés entrepreneurs et leurs menées industrielles se doublent d’un fabuleux talent d’esthète. Ainsi de Mario Boano ou de Luigi Segre qui reprendront Ghia respectivement en 1944 et en 1954, ou de Pietro Frua, designer pour Pininfarina et Ghia, à la tête de la firme portant son nom. En 1965, Bertone vit un premier apogée. Installé à Grugliasco, aux portes de Turin, la firme emploie 550 personnes et travaille, entre autres, pour Maserati, NSU et Aston-Martin. Dirigé par Nuccio Bertone, le bureau de design, a vu passer des phénomènes du calibre de Franco Scaglione (1952-1959) et Giorgetto Giugiaro (1959-1965). Ce dernier a marqué les esprits en dessinant l’Alfa Romeo Giulietta Sprint (1959), voiture qui fera de Bertone un constructeur à part entière : des mille exemplaires prévus, la production sera de 40.000 unités jusqu’en 1965. Suivront les Iso Rivolta 300 et Grifo (1963 et 1964), l’Alfa Giulia 1600 coupé Sprint GT, la Simca 1000 coupé, et la Fiat 850 Spider. C’est ce même Giugiaro que Marcello Gandini remplacera en 1965. Nuccio Bertone est aux taquets. L’époque vit au rythme décoiffant des GT à l’italienne. Puissance absolue sous les capots et design ébouriffant à la clé (de contact). Gandini est assigné à Lamborghini, nouveau client qui ne cache pas vouloir envoyer Ferrari dans les orties. Venu du tracteur, Ferruccio Lamborghini a lancé sa première GT en 1963. Franco Scaglione, Touring et Zagato ont planché sur les modèles des débuts, mais Lamborghini veut frapper plus fort encore. En sollicitant Bertone et Gandini, il va être servi. Révélée en 1965, la Miura va casser la baraque. Bestial, le bolide va se hisser au firmament des plus belles voitures du monde. Gandini n’a pas le temps de se reposer : Lamborghini le presse de travailler sur ses futurs modèles dont la Marzal, l’Espada, la Jarama, l’Urraco et la Countach. Entre deux Lambo, Gandini dessinera pour Bertone la barquette Runabout sur base Autobianchi, la Dino Ferrari 308 GT4, les Alfa Romeo Carabo, Montreal et Navajo, la Fiat Dino coupé, la Ferrari Rainbow, la Lancia Stratos, la Maserati Khamsin, la Citroen GS Camargue…Rayon généraliste, il y eut aussi l’Audi 50 (jumelle de la première VW Polo), la Citroën BX, les Fiat X 1/9 et Ritmo I cabriolet, la BMW Série 5, ou encore l’Innocenti Mini 90, dite Mini Bertone (qui deviendra une De Tomaso). Voir et observer aussi la BMW Garmish, présentée au Salon de Genève 1970, élégant coupé dont le dessin de la calandre en hexagones est aujourd’hui repris, agrandi, sur les nouveaux modèles de la marque munichoise. Plus amusant : le cyclomoteur LUI dessiné pour Lambretta, filiale d’Innocenti, et star des deux-roues motorisés des seventies.

En 1980, Marcello Gandini a quitté Bertone, remplacé par  Marc Deschamps, designer belge talentueux. La firme, devenue constructeur, assure plusieurs lignes de production dédiées de modèles que Fiat ne veut plus produire mais dont le succès commercial ne se dément pas. Ainsi du spider X 1/9. Quant à Gandini, son renom est tel qu’il peut travailler en indépendant. Les clients se bousculent. Volvo, Opel, Renault, Citroën, De Tomaso. Quelle que soit la marque, une nouvelle voiture signée Gandini fait piaffer les amateurs à chaque salon de Genève ou de Paris. Il y aura aussi des épisodes singuliers comme celui de la Cizeta-Moroder V16 T. Italien du Süd-Tyrol, fils d’un concierge d’hôtel, inventeur du Munich Sound, roi du disco, producteur de Donna Summer et sorcier de l’électro-danse mondiale, Giorgio Moroder a longtemps vécu à Hollywood où ses compositions des musiques de films  – American Gigolo, Cat People, Scarface, Flashdance, Top Gun…, l’ont propulsé au pinacle. Moroder a aussi produit rien moins que Barbra Streisand, Blondie, Irene Cara, David Bowie….Cousu d’or et bardé d’argent, oscarisé à gogo, Moroder est revenu en Italie en 1988. Le voici à Modène, berceau de Ferrari, investi dans la création ex-nihilo d’une nouvelle marque de voiture GT : Cizeta. Italo-californien, ce projet de supercar V16T de 520 chevaux tapant les 330 km/h, est confié à Marcello Gandini. Son dessin est encore plus radical que celui tracé pour la Lamborghini Diablo. Et pour cause : le gaillard en a recyclé le concept original, rogné et chipoté par Chrysler, alors proprio de Lamborghini. Avec son profil ferrariesque, sa double batterie de phares escamotables, et, c’est plus cheap, ses feux arrière d’Alpine V6, la carrosserie de Gandini habille une machine de guerre quasi supersonique. Son vrai concepteur, Claudio Zampolli, ingénieur et pilote d’essais venu de chez Lamborghini, ne vise que le marché US et plus précisément celui des stars hollywoodiennes. Bien placé pour ça : le bonhomme qui a tenu pendant des années la succursale Lamborghini de Los Angeles, a vendu des Lambo au tout-Hollywood. Parmi ses clients, le dit-Moroder, bientôt associé au financement, à la création et au lancement de la marque Cizeta-Moroder. Présentée en fanfare le 5 décembre 1988 à Los Angeles par l’animateur-télé Jay Leno, grand collectionneur de belles voitures, la Cizeta-Moroder partira ensuite se pavaner au Salon de Genève. Produite à Modène, la Cizeta-Moroder ne dépassera pas les dix exemplaires dont le numéro 01, cadeau, roulera direct dans le garage de Moroder, lequel se retirera du business deux ans plus tard-ce qui explique pourquoi Cizeta effacera son nom des modèles suivants. Aparté : en janvier 2022, la maison d’enchères RM/Sotheby’s, spécialiste des ventes de voitures de collection et de prestige, mettait sous le marteau la Cizeta-Moroder V16 T, cédée par son unique et historique propriétaire : Giorgio Moroder. Estimée entre 900.000 et 1,2 million de dollars, cette voiture rarissime revenait en deuxième semaine : en effet, RM/Sotheby’s l’avait déjà mise à l’encan lors d’une vente organisée à l’été de 2021 à Monterey, California. Estimation : 1,8 million de $. Résultat : invendue. Démoroderisée mais toujours gandinisée, la Cizeta coûtait les yeux de la tête -3,5 millions de francs-, et cessera sa production en 1993. Parmi les rares clients, le Sultan de Brunei, à la tête d’une fabuleuse collection de plus de deux mille voitures exceptionnelles, et qui en commanda trois exemplaires : une en bleu, deux en noir. La famille royale était passée par un dealer haut-de-gamme, Hong Seh Motors, basé à Singapour. La Cizeta bleue lui fut consignée depuis Modène avec moins de mille km au compteur (les essais). Elle ne sera jamais livrée au sultan et restera en stock pendant 25 ans !. La Cizeta noire #1 modifiée par Pininfarina restera démontée ; la Cizeta noire #2 sera récupérée par le Marconi Museum de Tustin, California. En janvier 2021, restaurée par Bruce Canepa, célèbre pilote et restaurateur de beautés motorisées californien, la Cizeta bleue du sultan par défaut a été vendue 665.000 $, la moitié de son estimation haute.

Indifférent à ce cirque, Marcello Gandini préférait vivre tranquillement en famille dans un ancien couvent restauré par ses soins. Personnellement, il conduisait un brin pépère sa Mini ou sa BMW, se payant le luxe de décliner le cadeau par Lamborghini d’une Countach « qui aurait pris la poussière dans mon garage en occupant un espace utile ». Faut-il préciser que ce refus laissa coi les généreux donateurs?. Souvent interviewé, Gandini aimait à dire qu’il ne considérait pas l’auto comme une œuvre d’art, mais qu’il concevait que sa parentèle avec une sculpture pouvait susciter des émotions. Pour dire le renom du gaillard, en 2018, la marque italienne de souliers Tod’s lançait la collection No_Code confié au designer sud-coréen

Yong Bae Seok, venu du monde automobile, et ici inventeur de la shoeker, hybridant shoe et sneaker, profilés comme des bolides. Et pour cause: le designer s’est inspiré des supercars italiennes mythiques dessinées par Marcello Gandini, impliqué dans le projet. L’année suivante, une exposition montrée au Musée de l’Auto de Turin consacrait Gandini comme Genio Nascosto (le génie caché). Voire, car l’homme était mondialement célèbre. La parution récente du beau livre, Marcello Gandini, Maestro of Design, ne dit pas autre chose, en 800 pages !.

De gauche à droite

Lamborghini Miura. Solido. 1969. No. 161

On sait que c’est parce que Enzo Ferrari l’avait envoyé promener après une énième jérémiade à propos de sa 250 GT que Ferruccio Lamborghini, constructeur de tracteurs agricoles et gros amateur des GT de Maranello, piqué au vif, se mit en tête de fabriquer des bolides rugissants qui feraient la nique à ceux du cheval cabré. Comme il fallait un animal puissant pour logo, Lamborghini se choisira celui de son signe astrologique : le taureau. Passionné de corrida, le gaillard piaffera dès 1963 sur les mêmes terres émiliennes que Ferrari, désormais rival et ennemi. Guerre des égos sous le capot. Et de la suite dans les idées : presque toutes les Lamborghini porteront le nom d’une race de taureau. En tête : la Miura. Si elle ne fut pas la première Lambo -place occupée par la 350 GTV de 1963-, la Miura fut la première voiture de série et de route à dépasser les 300 km/h. Véritable bestiau au profil saisissant, son design était tracé par le génial Marcello Gandini pour Bertone. Moteur positionné arrière-central, stricte 2 places, phares bordés de faux cils à la Betty Boop, la Miura sera produite à 764 exemplaires entre 1966 à 1973 (au gré de plusieurs versions) et se posera en voiture-symbole d’une époque ravageuse. Outre ses performances dignes d’un Mach II, la Miura véhiculera une image supra-testostéronnée, pilotée par le Shah d’Iran, Johnny Hallyday, Rod Stewart, Fayçal d’Arabie, Gunther Sachs, Frank Sinatra, Christophe et même Jacques Dutronc. Il en parle dans ses mémoires, Et moi, et moi, et moi. Un joujou extra, donc, beaucoup vu au cinéma. La légende des Miura réclamées par le tournage de The Italian Job, première version 1969, titrée en français L’or se barre, reste ici exemplaire. Bien que les stars roulantes du film étaient les BMC Mini-Cooper, la scène d’ouverture et de générique filmait le très smart Rossano Brazzi pilotant clope au bec, une Miura écarlate mugissant sur une route sinueuse des Alpes. Tunnel, paf ! La Miura y emplafonne un bulldozer bêtement placé dans l’obscurité et qui se débarrassera de la carcasse fumante en la balançant dans un ravin. Guet-apens, évidemment, signé mafia. Pour cette grosse casse spectaculaire, la Paramount avait passé commande à Lamborghini de deux Miura : une neuve et une déjà salement accidentée (celle de Johnny ?). La Miura restée intacte, ensuite vendue à un particulier collectionneur basé au Lichtenstein, a été récemment retrouvée, numéro de châssis 3586 faisant foi, ce qui a rempli d’aise des fans du films et les lamborghinistes acharnés.

Au 1/43ème, la Miura sera reproduite en Italie, naturellement, par Mebetoys et par Politoys M. En Angleterre, ce seront Corgi Toys et Matchbox King Size. En Espagne, se seront AK (en plastique cheap) et Joal (réplica Mebetoys). Au Japon, Sakura la hissera en numero 1 de sa collection Super Car. En France, Solido s’emparera de la Miura en 1968 pour ne la lâcher qu’en 1974, cadran ainsi peu ou prou, avec le rythme de production de la vraie. Proposée à ses débuts dans une boîte-coffret spéciale, la Miura était alors vendue comme « la méchante italienne qui fait fureur ». À l’instar de ses rivales miniatures de chez Corgi et de chez Politoys M et Mebetoys, la Solido disposait d’un nombre ahurissant d’ouvrants, basculants et gigognes. Ce qui ajoutait au spectaculaire de la reproduction, quatrième nouveauté 1968 pour le fabricant, également dotée de roues avant directionnelles ! Initialement présentée comme Lamborghini P400 Miura, la voiture sera abrégée en Miura lors de son passage en boîte-vitrine du second type. Quant à la gamme de couleurs, elle courait du jaune au gris métal via le rouge, l’orange, l’argent, le bleu turquoise ou le mordoré « champagne ». Comme la vraie, les plastiques étaient noirs, le châssis était soit noir, soit argent et l’intérieur, noir ou blanc. Les changements de couleurs (intérieur jaune ; châssis corail…) seront du fait des productions Solido exotiques avec Brosol au Brésil et Solido-Marx à Hong-Kong.

LANCIA STATOS HF « MARLBORO ». SOLIDO 1973. No. 27

Au début, en 1970, la Stratos Zero était un concept-car futuriste taillé comme un silex. Dessinée par Marcello Gandini pour Bertone, son concept titilla les caciques de la Fiat, propriétaire de Lancia depuis 1969, qui convia le duo Gandini-Bertone à extrapoler une nouvelle voiture de sport à moteur V6 Ferrari Dino. L’idée était de remplacer la valeureuse mais néanmoins vieillissante Lancia Fulvia Coupé HF, gloire des rallyes. Présentée en 1973, la Stratos « stradale » dépassera les espérances turinoises. Design et motorisation décoiffants, la Stratos sera illico happée par la compétition. Préparée sur le mode HF, elle cartonnera dans les rallyes grâce au pilote Sandro Munari. Tour de Corse, Rallye de Monte-Carlo, Targa Florio, San Remo : victorieuse à 200%, la Stratos HF devra aussi son succès aux pilotes français Bernard Darniche et Jean-Claude Andruet. Rivale absolue de l’Alpine A310 et la Porsche 911, sa carrière sera courte, cannibalisée en interne chez Fiat par la 131 Abarth Rally et bientôt remplacée chez Lancia par la Beta Monte-Carlo Turbo. Entre temps, en 1974, la Stratos Turbo Silhouette avec sa carrosserie en vétro-résine fragile, ne fera que de la piste, toujours aux couleurs de Marlboro. Sponsor de l’écurie Lancia depuis le Tour de France automobile 1973, Marlboro s’effacera du paysage stratosphérique en 1975, supplanté par Alitalia dans le cadre d’un accord de sponsoring unique et au long cours.

Après la mise au 1/43ème de la Stratos Zero par Politoys, Mebetoys puis Auto Pilen, la Stratos Stradale fut reproduite par Norev en plastique et métal Jet-Car, et par Mercury, mais au 1/66. Ce sera dans sa version HF « brandée » Marlboro ou Alitalia qu’elle sera reproduite à toutes les échelles et dans tous les pays. Norev, histoire d’amortir le moule, Bburago et Metosul, KK Sakura et Kyosho pour le 1/43ème tutoriel. Pour les grandes échelles, électriques, téléguidées, radio/télé commandées ou pilotées par sonic-control, piocher chez Joustra/CEJI, Giodi, Bandai, Re-eL, Yonezawa, Polistil, Radon…avec faveur à la Stratos Marlboro au 1/24è de l’Italien Martoys, marque éphémère apparue en 1972 avant de devenir Bburago. Sans oublier la noria de maquettes italiennes et japonaises. La Stratos made-in-Solido fut mise au catalogue en 1974, figurant la version Tour Auto 73 aux couleurs de Marlboro et de Munari. Aucun ouvrant mais des phares escamotables et une belle facture. Une seconde version Rallye (no. 73) sera proposée en 1977. Exit les phares escamotables : une rampe de projecteurs en plastique noir est fixée sur la proue. Deux ans plus tard, Solido lancera sa ligne de kits métal au 1/43ème avec une Stratos à peindre et décorer. Il y aura aussi une Stratos Monte Carlo bleue avec roues en plastique jaune, exploitée en collection presse pour Hachette.

CITROEN GS CAMARGUE. NOREV JET-CAR. 1972. No. 714.

Dans les années 1960 et 1970, il était monnaie courante qu’un carrossier italien s’empare d’une voiture de série pour en extrapoler un concept-car ou une étude de style destinés à l’image et qui sait, à une mise en production industrielle du dit-modèle. Doublant son activité d’une ligne de production inaugurée avec l’Alfa Romeo Giulietta Sprint, Bertone savait y faire. Citroën exerçant un certain pouvoir de fascination en Italie, et sans doute piqué au vif que la SM ne fut pas dessinée par un carrossier italien en dépit de son double-pedigree Maserati, Bertone jeta son dévolu sur la GS. Sortie en France en 1970, intercalée entre l’Ami8 et l’ID20, dessinée par Robert Opron, la GS servira de base à la Camargue signée Gandini. Coupé 2 portes de style hatchback 2+2, profilée en fusée avec bulle arrière évoquant celle de la SM, la GS Camargue fut présentée aux salons de Genève puis de Londres. À la fois agressive et sensuelle, ancrée dans l’air du temps, la voiture aurait pu déboucher sur une production mais Citroën, dans la mouise, râclait alors les fonds de tiroir. Abandon total du projet au grand dam de Nuccio Bertone qui se vengera en vendant en 1975 le nom Camargue à Rolls Royce pour un nouveau coupé dessiné chez… Pininfarina. Quant à Gandini, il saura se souvenir de son oukase quand il concevra la BX pour un Citroën revenu à de meilleurs sentiments…

La réduction de la GS Camargue au 1/43ème ne se fera que chez Norev, en plastique Plastigam et en métal Jet-Car. Littéralement ignoré par les autres fabricants -aucun écho en Italie, malgré la griffe Bertone, le modèle descendra en échelle chez Majorette, assez réussi en son genre. En revanche, ce n’était pas la première Bertone reproduite par Norev depuis l’Alfa Romeo Giulietta Sprint et le coupé Simca 1000 et encore moins l’unique Gandini/Bertone. Pour exemples : la De Tomaso Pantera, la Fiat X 1/9, l’Alfa-Romeo Montréal et la… GS !

ALFA ROMEO CARABO BERTONE. 1969 SOLIDO. No.172

Ses portes en élytres en faisaient un fantastique insecte roulant. Sa robe vert métal ajoutait au style de la bestiole quasi rampante. Ou volante, puisque Carabo est un genre de coléoptère, le carabe. Présentée au Salon de Paris 1968, la Carabo est un dream-car signalé par son bandeau orange ceignant une proue fendant l’air, sa poupe quasi supersonique, et une ligne cuneiforme tranchante comme un ciseau. Sans ses roues, la Carabo pourrait servir comme coupe-papier. Nonobstant, l’étude profile un futur proche :  Gandini saura ensuite s’en inspirer pour dessiner les Lamborghini Countach et Diablo. La base de la Carabo était en réalité une Alfa 33 Stradale, berlinetta sortie en 1967 et dûe au crayon de Franco Scaglione (ex-Bertone). Conçue en seulement dix semaines par Gandini avec carrosserie en fibre de verre, la Carabo n’était pas épaisse – 99 cm de hauteur, mais tapait les 260 km/h. Comme il s’agissait d’un exemplaire unique, elle ne fut jamais commercialisée. En 1976, le tandem Bertone/Gandini repiquait au jeu sur la base de cette même 33 Stradale pour imaginer l’Alfa-Romeo Navajo, autre dream-car ravageur.

Dès son apparition « publique », la Carabo mit le petit monde de la miniature sur le pli. Quasiment tous les fabricants épingleront la Carabo à leur catalogue. En Italie, Mercury fut le premier, talonné par Politoys M. qui reproduisit la Carabo et au 1/43e et au 1/25è. Habituellement peu sensible à ces jeux de design, Dinky Toys France succombera à la piqûre avec une reproduction impeccable, rivalisant frontalement avec celle de Solido. En couverture de son catalogue, ce dernier couplera la Carabo avec une autre Alfa, le coupé Junior 1300 Zagato. La Solido roulera longtemps, figurant dans plusieurs lignes sans jamais changer de couleur, le vert métal originel. Une rigueur que l’Italien Mercury se gardera bien d’observer : sa Carabo, un chouia épaisse, fut vendue en gris acier et en mordoré, peu réalistes. Prévue pour le circuit des slot-cars, la Carabo de Jouef, en plastique, était ô combien plus réussie. Il y eut aussi une Carabo au 1/12è et filoguidée chez l’Italien ReeL et à l’autre bout du curseur, une Carabo chez Matchbox, pourpre métallisé. Ce qui rend les rééditions des Dinky par Atlas en rouge et en orange quasi orthodoxes….

LAMBORGHINI MARZAL. DINKY-TOYS GB. 1967/68. No 189

Pièce unique, la Marzal (un autre taureau), restée à l’état prototypal (1967), entra tout droit dans la légende. La seule personne autorisée à la conduire fut le Prince Rainier de Monaco. Pas longtemps, juste pour la photo. Ensuite, la voiture en partance pour les USA, restera en plan sur le port de Gênes, abandonnée à tous les vents pendant un an. C’est un collectionneur suisse, Albert Spiess, qui la sauvera du désastre et la restaurera à l’identique. Gandini dira plus tard que ce fut une erreur que la Marzal ne soit jamais entrée en production, même s’il en découla subito la Espada, sortie en 1968. GT 4 places, la Marzal était une étude de style fulgurante avec ses portes papillon transparentes et son habitacle habillé de cuir argent, très Barbarella. Sa robe d’un blanc nacré était soutachée d’un bas de caisse argenté. Une allure folle, étirée sur 4,50 m. Un mythe absolu.

A l’instar de la Miura, la Marzal rameutera la plupart des fabricants de miniatures. Les Italiens en tête, avec Politoys M et Edil Toys, mais aussi le Belge Sablon qui refilera son moule à l’Espagnol Nacoral qui l’exploitera jusqu’au dernier fil. En Angleterre, la Marzal roulera rapido chez Matchbox, et au 1/42ème, chez Dinky Toys qui, au mépris des couleurs originelles, choisira de peindre sa Marzal dans des coloris rose, vert, jaune fluo dignes d’une palette de markers Stabilo, moyennant un vert métallisé déjà vu sur la Mini Moke. Ceci dit, aucun autre fabricant sus-cité ne respecta les couleurs d’origine de la voiture : bleu métal et jaunes d’or chez Edil Toys, tutti frutti chez Nacoral. Seul Sablon sembla jouer le jeu avec une carrosserie blanche mais se laissa aller avec des bas de caisse jaunes ou rouges. Toujours est-il que la Marzal de Dinky fut un gros best-seller au long cours…

FIAT X 1/9. CORGI. 1976. No. 314

Chez Fiat, les années soixante furent celles des jolis coupés et cabriolets griffés par les grands carrossiers turinois : Pininfarina pour les cabrio 1300/1500 et le spider 124, Vignale pour un des coupés 850 ou encore Bertone pour la 850 spider. Dessiné par Giugiaro, lancé en 1965, le spider 850 sera produit sur les lignes de montage Bertone pour Fiat avant d’être commercialisé jusqu’en 1973 par Bertone sous son nom. Savoir que Seat en Espagne produira aussi le spider 850. La 124 spider vivant sa vie aux USA (et ce jusqu’en 1985), il importait à Fiat de remplacer ce spider élégant et féminin. À la nouvelle 128, déclinée en break et coupé, il manquait justement un cabriolet. Bertone planchera sur le projet, sans convaincre Fiat. Jusqu’au jour où Gianni Agnelli, en visite chez Bertone, remarqua, remisé dans un coin, le proto de la Runabout élaboré par Gandini sur base Autobianchi. Mais quoi mais caisse ? Zou, fissa, veloce : ainsi naquit la X 1/9, spider deux places à moteur central. Dévoilé au salon de Turin en 1972, remplaçant définitivement le spider 850, ce petit roadster aux phares escamotables et au toit amovible était équipé du même moteur que le coupé 128 et présentait une allure un brin plus virile sinon grintosa que le mignonnet spider 850. De fait, la X 1/9 faisait figure d’ovni au cœur de la gamme Fiat d’alors qui partait de la 126 (vaine remplaçante de l’increvable 500) jusqu’à la 132 via une 127 bonne à tout faire, une 128 versatile, un coupé 124 sport mal restylé et une 131 Mirafiori promise à un avenir sportif pétaradant. Idem pour la X 1/9 préparée par Giampaolo Dallara, constructeur de voitures de compétition, qui la gonflera de façon spectaculaire entre 1973 et 1978. Abarth entrera dans la danse dès 1974, propulsant la X 1/9 au palmarès de bon nombre de courses, raids et rallyes. Avec 70% de la production destinés aux USA, la X 1/9 se vendra à 174.000 exemplaires, dépassant le score du spider 850 de 30.000 unités. En 1982, délaissées par Fiat, production et commercialisation seront reprises et assurées jusqu’en 1989 par Bertone.

Un tel succès ne pouvait être ignoré des fabricants de miniatures quand bien même aucun italien ne se risqua à une reproduction quelconque. En France, il y eut Solido et Norev (Plastigam et Jet-Car) avec même chez ce dernier, une version Abarth ! Le Japonais Tomica choisira la version Dallara au 1/43 et une version « civile » au 1/66. On trouvera aussi une X 1/9 basique et grossière chez Zylmex (Hong-Kong). Contre toute attente, Corgi mettra la X 1/9 au catalogue de sa nouvelle ligne au 1/36, entre 1976 et 1979, référence vite doublée au 1/60 par une X 1/9 Corgi Juniors. Marché US on vous a dit….