Certaines fratries ont le chic pour faire de leurs schismes des affaires en or. L’exemple le plus connu demeure celui des frères Dassler. Nous sommes à Herzogenaurach, riante cité bavaroise et futur fief de deux des plus gros équipementiers sportifs mondiaux : Adidas et Puma.
Une histoire de famille chaussée en 1920 quand le jeune Adolf Dassler, surnommé Adi, fils de cordonnier, ouvrit un premier atelier de fabrication de chaussures de sport en toile où viendra travailler son frère cadet, Rudolf, surnommé Rudi. Ensemble, ils formeront la Gebrüder Dassler Schuhfabrik (Fabrique de souliers des frères Dassler) et chausseront quelques athlètes des premiers modèles spécifiques lors des J.O. d’Amsterdam de 1928. En 1935, les frères Dassler disposaient en catalogue de 30 modèles distincts destinés à onze disciplines sportives, football en tête, et atteignirent un premier apogée l’année suivante lors des J.O. de Berlin lorsque l’athlète noir américain Jesse Owens, chaussé Dassler, décrocha l’or par quatre fois, au grand dam de Hitler. Durant toute la durée de la guerre, la boîte à chaussures des frères Dassler bottera en touche. Ce seront les Américains – qui n’ont pas oublié Owens – qui, en 1945, aideront à sa relance en fournissant les matières-ersatz nécessaires à la production. Nul ne sait ou ne veut dire ce qui se passa exactement en 1948 quand Adi et Rudi se fâchèrent tout rouge. Toujours est-il que Rudi claqua la porte et fila établir à quelques enjambées de là sa Rudolf Dassler Schuhfabrik, future Puma, qui se cramponnera illico aux joueurs de la toute nouvelle équipe nationale ouest-allemande durant le premier match d’après-guerre. Contractant ses mâchoires et son nom, Adi en profita pour déposer sa nouvelle marque : Adidas. Depuis, en véritables Atrides et Putrides du sport, Puma et Adidas ne loupent pas une occasion de se disputer la paternité de la chaussure à crampons. La marque aux trois bandes est devenue un mastodonte, un faiseur de tubes des pieds. Après avoir racheté Le Coq Sportif, Pony, Arena, etc…, Adidas fut avalé à son tour par l’homme d’affaires français Bernard Tapie. La suite appartient au grand feuilleton des marques en portefeuille. Quant à Puma, un temps versé dans le giron du groupe PPR (futur Kering) de François Pinault, elle joue en d’autres divisions.
Sans atteindre ce niveau de rivalité, les frères Véron verront leur route lyonnaise se séparer sur le vaste champ de la tuture miniature après avoir fondé ensemble en 1946 la firme de jouets Norev. Véron à l’envers. Ils étaient donc trois : Joseph, Paul et Émile. Ce dernier décida de s’émanciper au début des années 1960 en quittant Norev pour fonder Rail-Route Jouets, une nouvelle firme de véhicules miniatures divisée en deux activités : le train (Rail), les voitures et les camions (Route). Échelles respectives : 1/100è et 1/65è. Nous sommes en 1961. Rail-Route Jouets a choisi ces échelles ainsi que le métal pour contrecarrer l’hégémonie de l’Anglais Matchbox et celle de l’Allemand Siku. Premiers modèles commercialisés : une BRM F1, suivie d’une Porsche F1. Mais très vite, ce sont les autos françaises qui vont alimenter cette première série 100, exploitée jusqu’en 1970 : R16, DS 19, 404 break, 204 cabriolet, 504, camions Bernard…Très vite aussi, Émile Véron abandonnera les trains au profit des voitures et des camions et par conséquent changera de nom en 1965/66 en choisissant Majorette. Basée à Rilleux-la-Pape, son usine initiera bientôt un circuit de distribution mondiale -60 pays, en produisant 400.000 modèles par jour! Devenu le premier fabricant français de miniatures, Majorette entrera en bourse en 1977, ouvrira une filiale aux USA en 1982 et finira par délocaliser sa production en Thaïlande.
Au mitan des années 1960, le marché européen de la p’tite voiture échelle « majorette » est évidemment dominé par Matchbox. Chez Norev, les micro au 1/86è sont destinées aux trains électriques. Chez Solido, il y a beau jeu que les Mosquitos ont été rangées au magasin des souvenirs. Idem pour les mini CIJ. Venues d’Angleterre, les Impy et les Tuf Toys (Lone Star), les Husky (Corgi Toys) et les Dinky made-in-Hong-Kong restent confidentielles. Même refrain pour les Penny italiennes (Politoys) et les Mercury Speedy Velox. Autrement dit, pour Majorette, la voie est libre. Certes les échelles sont fluctuantes -du 1/51 au 1/72, la précision des lignes un brin pataude pour ne pas dire approximative. On est loin de la finesse des Matchbox et des Impy, mais cette maladresse se réclame alors du jouet idéal dans la mimine d’un bambin. Majorette caracole en tête des ventes. Son panache est unique et son lever de gambette irrésistible. Si les moules sont parfois grossiers, les peintures sont belles, les portes, les capots et les coffres s’ouvrent et les suspensions sont à toute épreuve. En sus, les Majorette sont hyper accessoirisées. Voitures, 4×4, jeeps et camions tractent des caravanes, des bateaux, des vans à chevaux, des planeurs, des canots (Serie 300). Succédant à la série 100 des débuts, la série 200 marque un âge d’or avec un choix immense de modèles : un tiers de françaises, un tiers d’étrangères avec faveur aux américaines et aux japonaises, et un tiers de camions.
En revanche, dès la fin des années 1970, la concurrence se fait plus rude. Outre Matchbox et Siku, Norev a lancé les Mini-Jet-Cars. Les Allemands Gama et Schuco sont aussi entrés dans le circuit, talonnés par Polistil. Corgi a switché ses Husky pour en faire les Corgi Juniors. Venu du Japon, Tomica conquiert l’Asie et l’Europe du Nord. De surcroit, il faut se battre contre Hot Wheels qui, lancé par Mattel en 1968, rafle tout. L’aventure yankee de Majorette ne fera pas long feu tandis que les accords de licence accordés aux firmes brésiliennes Inbrima et Kiko n’apportent pas grand-chose.
Émile Véron s’est pourtant diversifié, rachetant en 1980 la vénérable Solido, écartant de son emplette, et par convictions personnelles selon la légende, la série militaire. Il avait aussi acquis la firme portugaise Novacar afin de posséder un outil de production local. Au fil des années 1990, la qualité des Majorette bat de l’aile. Ça se voit, à l’œil et au jeu. La sortie de piste est proche. Déraille-Déroute. En 1996, Majorette est rachetée par la firme allemande Triumph-Adler qui sera liquidée en 2000. Nouveau rachat par la société de jouets jurassienne Smoby. Re-liquidation en 2008. Tourbillon de la vis. Suivront d’autres propriétaires, fugaces, jusqu’à l’arrivée du groupe allemand Dickie Toys qui va stabiliser les choses. Disparu en 2013, Émile Véron assistera de loin à ce waltzer industriel. Son parc automobile qui compte des milliers de fan sera chahutée par l’irruption d’oukazes tapageurs comme la série des Sonic Flashers. Apparue dans les années ’80, les Majo-kits se vendront pendant une dizaine d’années avec un certain succès. Histoire de rouler sur les plates-bandes de Matchbox King Size ; Majorette s’essayera à l’échelle du 1/32 avec la série 3000 (Toyota Land Cruiser, Lincoln Stretch Limo, Excalibur, Ford Van et Hot Rod, Dune Buggy, Renault Espace, T-Bird…). De l’ère Smoby, on se souvient que le 1/43è fut abordé avec une série de Fiat (Panda, Punto, Multipla, Ritmo) produites à des fins promotionnelles -ainsi des JO d’hiver de Turin 2006, mais aussi pour rivaliser sur les marchés des stations-services et des grandes surfaces avec Burago, descendu de ses grandes échelles en 1982 avec la New Line au 1/43.
Boudée, sinon snobée par les collectionneurs plus âgés, Majorette compte des milliers de fans, aujourd’hui adultes grandis dans les années 1980/90. Contre toute attente, la maison d’enchères spécialisée Collectoys injecte de plus en plus souvent dans ses ventes en ligne des Majorette au 1/32 ou des modèles de la série 100. À ce titre, parmi tous les modèles recherchés, celui du camion Etalmobil « Au bon pâté » (no. 3) est un Graal absolu, coté jusqu’à 400 euros ! Bonne cote aussi pour les camions Bernard et Daf mis à toutes les charges poids-lourds et remorques. Gros intérêt aussi pour la Mercedes 250 SE, rarissime et pour le cabriolet Peugeot 204, rarement intact. Autres références prisées : la Fiat 127, la Simca 1100 Ti, la Lancia Beta Monte Carlo, l’Autobianchi A112 Abarth, la Dyane Maharadjah avec son palanquin tournant, la 4L Surf, les Citroen DS21 Ambulance, SM et Acadiane, l’Oldsmobile Omega, la Pontiac Transport, la Cadillac Allante, la Morgan Plus, l’amphibie ATV 6×6 ou les pick-ups Dodge mis à toutes les sauces.
Sur Instagram, plusieurs comptes alimentent l’imagerie Majorette dont un, basé aux Pays-Bas, et truffé de curiosités et de versions bataves hautement enviables. Un autre fil, Majocollector célèbre les 60 ans de Majorette avec une date de « naissance » fixée à 1964. Date qui ne correspond en rien à l’histoire fondatrice en deux étapes de la marque – 1961 et 1966, mais qui est considérée comme un marqueur primordial dans l’évolution de la marque. Dans son ouvrage paru en 2005, Majorette, les miniatures de 1965 à 1980, régulièrement remis-à-jour par l’auteur, Marc-Olivier Martinez, il apparait que 1964 est l’année de commercialisation des premières voitures, la BRM et la Porsche F1 sus-citées, conditionnées sous la double marque Rail-Route/Majorette. En langage majorette, on appelle cela du twirling…
Justement, et les majorettes dans tout cela ?, les vraies, celles qui lèvent les gambettes, méritent bien ici un hommage, non ? En dépit de son nom, la majorette est 200% américaine. Son origine tournicote autour de la fin des années 1920 et du début de la décennie suivante quand fut féminisé le rôle du tambour-major des fanfares. À pied ou à cheval, ce dernier usait d’un bâton de marche pour rythmer la parade. De tambour-majorette à majorette, il n’y eut ensuite qu’un pas, vraisemblablement franchi en 1927. En France, le mot de majorette fut officialisé vers 1955 pour donner corps à ces parades cadencées en musique défilant à l’occasion de fêtes locales, carnavals, réceptions et autres raouts municipaux organisés dans les petites et grandes villes. Bâton lancé, épaulettes, coiffe martiale, bottes blanches, jupette : la panoplie de la majorette deviendra un générique convoité. Dans les années 1960, les filles rêvaient autant d’être majorettes qu’esthéticiennes ou hôtesses de l’air. Populaires en diable, puis devenue tocarde, la majorette rependra du galon dans les années 2000, après que le film court-métrage Les majorettes dans l’espace eût décroché un César. Cela n’avait rien à voir, mais on peut toujours essayer. Amicales, associations régionales : marchant droit avec la réhab’ des fanfares, la néo-majorette, un cran plus sportive et athlétique que son aînée, tient même son championnat national, prévu à Albi sous l’égide des Majorettes de France, en mai prochain. En attendant et pour rester dans le thème, se régaler d’un film hollywoodien majeur, un classique supra-kitsch produit par la MGM en 1941 : Ziegfeld Girl. Rien à voir avec The Great Ziegfeld, biopic tourné en 1936 avec William Powell dans le rôle-titre. Aparté : Florenz Ziegfeld (1867-1932) était un producteur de Broadway dont les incroyables shows musicaux, les Ziegfeld Follies, déployaient des trésors inouïs de chorégraphies réglées comme des horloges où s’illustraient les fameuses Ziegfeld Girls, vivier de beautés et futures stars de Hollywood. Ainsi de Nita Naldi, vamp des films de Rudolf Valentino, de Mae Murray, future muse d’Erich Von Stroheim, de Marion Davies, bientôt maîtresse officielle de William Randolph Hearst, de Paulette Goddard, future madame Charlie Chaplin (puis Erich-Marie Remarque) ou encore Barbara Stanwyck qu’on ne présente plus. Intraitable, Ziegfeld recala une flopée de Girls dont Joan Crawford qui en mangera ses faux-cils. Sorti en France sous le titre La danseuse de Folies Ziegfeld, Ziegfeld Girl avait pour vedettes Lana Turner, Hedy Lamarr, Judy Garland, James Stewart et Tony Martin. Si Lana et Hedy, sompteuses de glamour, ne chantaient pas, Judy tenait la note avec talent. La BO du film comporte un plein de ses chansons dont We Must Have Music entonnée en duo avec Tony Martin dans un numéro musical truffé de danseurs et de choristes mis-en-scène par le grand Busby Berkeley, où Miss Garland est habillée en majorette. Rien n’y manque, des bottes blanches au mollet au bâton, de la jupette aux épaulettes pailletées. Succès de l’époque, We Must Have Music est visible sur YouTube dans un extrait du film restauré. Un bijou. Autre fameuse majorette hollywoodienne : Raquel Welch dans Myra Breckinridge, bobine adaptée en 1970 d’un roman de Gore Vidal, et considéré comme le plus mauvais film jamais tourné. De fait, MB est un navet intersidéral au casting hallucinant -Mae West, John Huston, Tom Selleck, Farrah Fawcett, et au sujet scabreux -un homme devenu femme. La Welch y était hissée en haut de l’affiche, posant en majorette sexy en bikini. Il n’en fallait pas plus pour que ce bidule vire au culte trash absolu.
De gauche à droite et de haut en bas
Rang du fond :
-Renault R4 Fourgonnette Telecom (no. 230)
-Bus Neoplan (serie 3000)
Rang 2:
-Renault R5 TS 4 portes (no.280)+ remorque voilier
-Chevrolet Impala Police Car US (no. 240)
Rang 3 et 4
-VW 1302 (no.203) + remorque voilier
-Alpine A310 V6 Police (no. 264)
-Peugeot 604 (no. 238) + remorque hors-bord
Majorette en tête:
-Peugeot 205 cabriolet CTI (no.210).