PATINAGE OLYMPIQUE EN ABSURDISTAN

C’est annoncé, mais pas officiel, et si les conditions sanitaires sont favorables, et si le Mont Blanc ne fond pas:  les stations de sports d’hiver pourront rouvrir le 7 janvier 2021. Juste le lendemain de l’Épiphanie. Ou comment court-circuiter les vacances scolaires de fin d’année en empêchant familles et zenfants de venir skier, puisque ce sera la rentrée. Il restera toujours février mais rien n’est gagné. Et jusqu’en Andorre où le co-prince -c’est Emmanuel Macron-, a fait les gros yeux pour qu’on regarde la neige de loin dans la principauté. Gageons que l’exécutif, formé à surpasser Kafka et faire passer Ubu pour Bécassine, trouvera alors d’autres ficelles restrictives à tirer.

La fondue est essentielle, mais sans fromage. Le feu dans la cheminée est essentiel mais sans les bûches. Le caviar est essentiel mais sans la petite cuiller en nacre. La luge est essentielle, mais sans la luge. Itou pour le ski de fond sans fond et le patin à glace sans glace. Ou sur de la soupe chaude. C’est ce que disait Groucho Marx, qui ne pouvait pas la piffer, à propos de Sonja Henie. L’ex-patineuse olympique norvégienne, détentrice d’une flopée de titres et médailles dont l’or aux JO d’hiver de Garmisch-Partenkirchen en 1936, devenue star de comédies musicales sur glace à Hollywood, aurait été en effet parfaitement capable de patiner sur de la soupe chaude si son contrat l’avait exigé. Ses films en étaient, de la soupe chaude. Des navets merveilleux cuisinés à la chaîne par la Fox où Miss Henie, poupée à grosse tête blonde et jolies fossettes, juste capable de deux expressions – sourire et re-sourire-, était une étoile jouant comme un pied mais divine dès qu’il fallait virevolter en tutu de vison blanc, la cuisse charnue et la tête surmontée de tiares géantes en cristaux Swarovski.

Skating-star douze ans durant, chaque film que Sonja tournera entre 1936 et 1948 à Hollywood cartonnera

au box-office : Thin Ice avec Tyrone Power, Sun Valley Serenade avec Glenn Miller, mais aussi Iceland, Wintertime, The Countess of Monte Cristo…Outre Tyrone Power qui fut à deux reprises son ciné-béguin, Sonja Henie sera courtisée à l’écran par Ray Milland, John Payne ou encore le crooner Rudy Vallee. En 1939, la MGM, agacée par ce succès, essayera de faire de Joan Crawford, prête à tout et au pire, une skating-figure bankable castée à l’aveugle dans The Ice Follies of 39. Un bide intégral. Joan était faite pour le patin comme pour être bonne-sœur.

Sonja Henie qui avait débuté aux USA

dans les méga-shows sur glace Hollywood on Ice avant de faire des films, abandonnera le cinéma pour rejoindre les ice-shows d’Holiday on Ice, créés en 1942 et dont le développement se fera à la vitesse de l’éclair en Europe dans les années 1950. Surnommée « la Pavlova de la glace », Sonja Henie était aussi une grande collectionneuse de bijoux Van Cleef & Arpels. Et aussi d’art moderne. Immensément riche, mariée trois fois, hélas leucémique, Sonja Henie mourra en 1969 à bord d’un avion assurant la liaison Paris-Oslo, ce qui ajouta à sa gloire. Idole absolue en Norvège, un musée tout à elle et à ses collections dédié a été ouvert à proximité de la capitale norvégienne. On y visite une exposition permanente d’œuvres signées Picasso, Manessier, Fautrier, Matisse, ou des piliers du groupe Cobra.

La célébrité mondiale de Sonja Henie et l’immense popularité de ses films musicaux sur glace inciteront les studios hollywoodiens à dupliquer le phénomène. Arrivée seconde aux JO de Garmisch derrière Sonja, la Tchèque Vera Hruba avait tapé dans l’œil d’Hitler qui lui demanda si elle aimerait « patiner » pour la Swastika. « Plutôt patiner dessus! » se serait récriée la championne avant de fuir à Prague puis à New-York en 1939. Star des Ices Vanities puis des Ice Capades, shows sur patins qui rameutaient les foules, exagérément décrite comme « la plus belle femme du monde », Vera Hruba devenue Vera Ralston, partira patiner à Hollywood dans Ice Capades et Ice Capades Revues, deux navets glacés produit par les studios Republic Pictures dont le big boss, Herbert Yates, raide dingue de Vera et quarante ans plus vieux qu’elle, finira par l’épouser. Vera-la- patineuse jouera dans toutes les séries B possibles des années 40 et 50, passant du patin à la Winchester puisque exfiltrée de la glace au sable brûlant des westerns. Tous ses films furent des flops. Aucun acteur censé voulait tourner avec elle. Devenue un poison du box-office, l’ex-Queen of the Clinkers, basculera à son corps défendant dans le cult-trash tardif.

Également présente à ces JO de 36, l’Anglo-argentine Belita suivra le mouvement: star de shows on ice en Angleterre et aux États-Unis, elle fera du cinéma dans les deux pays, raccrochant vite le patin au profit de rôles moins filants. À l’orée givrée des sixties, Hollywood tentera de relancer la mode des skateries avec la championne Carol Heiss, médaillée aux JO d’hiver 60 de Squaw Valley. L’indescriptible Snow White and the 3 Stooges (un trio de comiques pas drôles) sorti en 1961, mordra la glace et Carol Heiss s’en ira coacher des futures championnes de patinage. Au répertoire des skating-movies américains, il faut s’accrocher à quelques pellicules notables comme The Cutting Edge (Le feu sur la glace) réalisé par l’ex-Starsky Paul-Michael Glaser en 1992. Considérer aussi Ice Castles (Châteaux de Rêves), une patinerie de 1978 avec la très chevaline Lynn Holly Johnson, qui finira dans des films d’horreur après avoir été une James Bond Girl dans For Your Eyes Only. Sinon, rechausser absolument les Blades of Glory, mieux connu sous le titre Les rois du patin, avec Will Ferrell et Jon Heder en Sigfried & Roy du skating acharné.

C’est bien connu, la moujik adoucit les morses. Pour patiner et oublier les diktats de papy Castex, la bande-son est primordiale. Quand le Théâtre du Rond-Point était encore une patinoire ronde, on s’y adonnait à la minute de vitesse sur le grand air de La Danse du Sabre de Katchatourian. Comme il en existe une cinquantaine de versions, les patineurs acharnés ont de quoi voir venir. The Pretenders, Spike Jones, Liberace, Richard Galliano, Deep Purple et même Ivan Rebroff au menu.  Succès fou mais avec conséquences hyper-cardio possibles. À tempérer avec une injection de Yoko Ono et son Walking on Thin Ice, simplement incontournable en matière de fonte des nerfs. Quant au Patineur de Julien Clerc, il est évidemment raccord, ce qui ne signifie pas qu’on doive l’écouter, même à titre bobo-genou : l’arnica ne chante pas… Cet hiver, on ne mettra pas les patins pour entrer chez Mémé qui reste à la cuisine, mais pour aller brûler de la glace. Quant à les rouler, avec cette épidémie…. Conseil à nos ministres : regarder Shining avant d’oser prendre une semaine de congés à la neige. Il pourrait leur en cuire…Enfin, les puristes seront enchantés de savoir qu’on patine mieux sur de une surface d’eau déminéralisée gelée. Rien de nouveau :

en 1967, les ingénieurs responsables de la piste de patinage de vitesse des futurs JO de Grenoble ont découvert qu’une fois gelée, l’eau déminéralisée permettait d’obtenir une piste plus rapide qu’avec celle réalisée avec de l’eau du robinet. C’est ainsi que de nombreux records du monde et records olympiques furent battus pendant ces jeux alpins.  

De gauche à droite

Ford Comète Monte-Carlo 1954 « Skis ». Car-Horse. 2019. No. 25

À l’orée des années cinquante, Ford France (SAF) vit sur une gamme mono-modèle avec la Vedette, grosse berline à six glaces, déclinée en plusieurs carrosseries dont un cabriolet et un coupé. Aucun des deux n’est assez convaincant pour être commercialisé avec rentabilité. Poissy, que Detroit commence à lâcher, imagine alors d’ajouter à sa Vedette un vrai coupé à la ligne originale. La direction lorgne alors sur la très réussie Simca 9 Sport dessinée par Pinin Farina et assemblée par Facel-Metallon à Colombes. Et de passer commande à Pinin Farina d’un dessin qui sera approuvé en dépit d’une grande similitude avec celui de la Simca. Histoire d’enfoncer le clou du jumelage, Ford fera usiner son nouveau coupé chez Facel-Metallon. Après voir embouti des éviers en acier, Facel, qui a été fondé par Jean Daninos, s’est fait connaître en construisant, en collaboration avec la Société d’Aluminium Française, la Panhard Dyna, lancée en 1948. En sus de Simca, Facel emboutira et assemblera les Jeep Delahaye VLR, les scooters Vespa sous licence, et surtout la Bentley Cresta produite à 17 exemplaires. Venu frapper à la porte de Facel en 1951, Ford France y trouvera une issue industrielle pour son nouveau coupé, et aussi son nom. C’est Pierre Daninos, frère de Jean, journaliste, humoriste, chroniqueur, écrivain à succès, futur auteur des Carnets du Major Thompson, qui la baptisera Comète. Présentée sans aucune référence extérieure à Ford, la Comète a été élaborée sur le châssis de la Vedette. Avec le même moteur. Ce qui handicapera sa vocation sportive : lourde, poussive, la Comète coûte aussi fort cher. Presqu’autant qu’une Salmson, une Delage ou une Talbot-Lago. En revanche, son profil préfigurent le futur style Facel avec ses flancs galbés, sa silhouette lisse, sa ligne fuselée. Pinin Farina oblige : sa proue annonce celle de la future Peugeot 403. La carrière de la Comète sera météorique avec, entre 1951 et 1955, une production de 3064 coupés et 699 coupés Monte Carlo. Lancée en 1954 au Salon de Bruxelles, la Comète Monte Carlo arbore un nouveau capot, une nouvelle calandre en grille coupe-frites, un nouveau moteur V8 3l.,9 et, forcément un nouveau prix stellaire. Chez Ford, l’heure à la revente des usines à Simca. Et chez Simca, on n’a que faire de cette encombrante Comète invendable et quasi démodée. 

Chez Dinky-Toys, on suit le même raisonnement. Si la mise au 1/43ème des deux Ford Vedette a été un succès, celle de la Comète restera à l’état de projet.  Annoncée en juin 1955 par Meccano Magazine et affichant déjà la référence 24Z, la Ford Comète Monte Carlo passera fissa aux oubliettes. Et le 24Z sera attribué à la nouvelle Vedette Versailles de Simca, autrement plus moderne et vendeuse. De fait, l’unique reproducteur de la Ford Comète du temps de sa courte trajectoire, sera Solido avec une version en série Mosquito (1/55ème), commercialisée en 1952,  et une version démontable, datée de 1953-1954, unie ou bicolore, proposée sous le nom d’Alençon (no. 429).

Comme on est à la neige et qu’on s’y fait des entorses, My Little Voiture y va de la sienne en incluant, exceptionnellement, une little voiture produite en…2019 par Saint-Hubert 92, atelier de création et de fabrication artisanale français, spécialisé dans les adaptations de moules originaux Dinky, Corgi, JRD, CIJ, Jep, Norev, Politoys, et dans la création de modèles inédits labélisés Automic Toys ou Car-Horse. Ainsi de la Ford Comète Monte Carlo, proposée avec ou sans skis, produite en série très limitée et comme Dinky l’aurait peut-être usinée en son temps. Carrosserie en résine, roues en métal, pneus blancs : cette Comète des neiges n’aura fait que passer.

Motoneige/Ski-Doo. Majorette. No. 259

Inventé par le Canadien Bombardier, le scooter des neiges ou ski-doo figure parmi les véhicules les plus populaires en milieu hivernal, à fortiori recouvert d’un blanc manteau. Efficace, bruyant, ludique, salvateur, entre skis et chenille, le ski-doo deviendra un générique produit par Suzuki, Yamaha et autres constructeurs de moto. On ne sait pas trop bien quels marque et modèle aura reproduit Majorette dans les années 1970. Certains avancent qu’il s’agit d’un motoneige Bosch. Si un amateur éclairé pouvait renseigner ce dossier, il sera le bienvenu. Glissant sur la chenille en caoutchouc, ce ski-doo était vendu avec ou sans remorque bobsleigh et passera du boîtage en plastique rigide au blister de la série Team. Non sans changer de couleurs et de numéro, avec caution olympique tardive (no. 259). Sa longévité commerciale en fait un best-seller patenté.

Mascotte Shuss-le-skieur, JO d’hiver Grenoble 1968.

Première mascotte du genre adoptée par les instances olympiques, Shuss-le-skieur fut lancé en fanfare par le Comité olympique en 1967 dans le cadre d’un film-télé réalisé par Aline Lafargue, créatrice de dessins animés pour l’ORTF. Et créatrice par la même occasion de la silhouette en S de Shuss, doublé vocalement par le comédien Jacques Bodoin qui « faisait » Pollux  dans Le Manège Enchanté. Shuss était aussi bruité par Micheline Dax (madame Bodoin à la ville) et chanté par Marcel Amont. Loin d’être une inconnue, Aline Lafargue était alors célèbre pour avoir inventé et signé les 65 épisodes du feuilleton d’animation pour enfants Titus le petit lion, et aussi l’illustre poussin vert Pipiou, future star de la réclame des petits-pois-chez-soi, slogan imaginé par Eric Lipman, alors directeur artistique chez Publicis et bientôt grand animateur d’émissions musicales à la radio et à la télé. Sur le terrain, Shuss-le-skieur dévalera des montagnes de gadgets, slalomera entre les promotions et anticipera la mode des goodies. En dépit des avalanches d’avatars distribuées à la ronde, les survivants sont rares. Un Shuss état neuf sous blister Xème Olympiades coûte un bras. Pas dans le plâtre.

Citroën ID 19 Safari “JO de Grenoble ». 1968. Corgi-Toys. No. 499.

Reproduite sur le mode pléthorique au 1/43ème et échelles avoisinantes, la DS 19 traversera le Channel en 1960 pour intégrer le catalogue Corgi-Toys. Deux ans plus tard, ce sera au tour du break ID 19, produit en l’usine de Slought, en Angleterre, et baptisé là Safari. Ironie du jeu : la première version du break Safari chez Corgi sera aux couleurs de la Wildlife Preservation, modèle commercialisé et largement diffusé jusqu’en 1965 (no. 438). L’année précédente, le break Safari avait changé de cap et d’altitude avec la version Ski Club Car qui deviendra Corgi Ski Club (no. 475), avec force accessoires d’hiver et figurines assorties. L’ultime Safari sera lancé début 1968 pour coller aux JO d’hiver de Grenoble. Caisse blanche, toit et hayon bleu, galerie rouge sur le toit avec skis et une luge + figurines de champions alpins : la panoplie tout schuss était complète et tiendra un an à l’épreuve d’endurance. Sortie de production en 1969, la Safari est une miniature enviable dont on collectionne toutes les nuances winter-sports comme on alignait, enfant, étoiles et chamois.