CANNES 2020 : UN LONG MÉTRAGE QUI TOURNE COURT

Second évènement mondial le plus couvert médiatiquement après la Coupe du Monde de Football et avant la Design Week/Salone del Mobile de Milan, le Festival de Cannes a baissé pavillon pour la troisième fois de son histoire, le plus important des festivals du cinéma de la planète n’aura pas lieu. Ou alors sous une forme virtuelle, éventualité écartée par son président, Thierry Frémaux. Son report envisagé pour juillet a été ensuite oblitéré. Les sections parallèles aussi. Spike Lee, désigné comme président du jury, ne viendra pas. Les stars non plus. Quant au Marché du Film, il n’est pas incongru qu’il se déroule sur le mode virtuel. Fort à parier que la 73ème édition soit programmée pour 2021. Véritable machine de guerre, le Festival est au repos forcé.

En 1962, Roger Vadim portait sur grand écran un roman de Christiane Rochefort intitulé Le repos du guerrier, paru en 1958 et déjà adapté au théâtre en 1961 par Raf Vallone.

Auréolé d’une petite gloire littéraire, Le repos du guerrier sera le quatrième des cinq films que Brigitte Bardot tournera sous la férule de son premier puis ex-mari. Après Et Dieu créa la femme, après Les bijoutiers du clair de lune et après La bride sur le cou, Le repos du guerrier n’ajoutera rien à la carrière de Vadim, cinéaste pseudo sulfureux déjà démodé, ni à celle de Bardot qui détesta le film une fois terminé. Il y avait pourtant du beau monde au casting -Robert Hossein, Jean-Marc Bory, Michel Serrault, Macha Méril, et même Ursula Kubler, actrice suisse alors célèbre pour avoir été la seconde épouse et la veuve de Boris Vian. Le seul succès du Repos du Guerrier fut d’avoir relancé la mode du mobilier Art Deco, totalement oublié alors et décor dans lequel BB refusa de tourner « tellement c’était moche ».

Au cinéma, Bardot eut un rapport particulier avec les voitures. Outre la fameuse et funeste Giulietta spider rouge du Mépris –« Monte dans ton Alfa, Romeo », notre BB nationale conduisait des tutures à la mode à la ville comme à l’écran. Lors de la sortie de la Floride, la régie Renault se fendit d’un beau cadeau en offrant un modèle à BB, opération publicitaire hautement relayée par la presse. L’adoption d’une Mini Moke blanche inscrira ensuite le mythe BB dans la légende tropézienne. C’était l’époque Madrague, nue au soleil, fille de paille, plage abandonnée, coquillages et crustacés, à garer à côté de la Harley-Davidson gainsbourienne.

En 1970, BB rachetait à Charles Aznavour son cabriolet Rolls-Royce Corniche blanc qui sera revendu en 2014 aux enchères à Rétromobile. La plaque d’immatriculation avait été personnalisée au chiffre de BB et il n’était pas rare de repérer sa voiture garée devant ses boutiques préférées, comme celle du styliste de mode Jean Bouquin, où elle faisait des razzias de chiffons imprimés. Cette même année 1970, l’actrice avait maille à partir avec les Rolls de son soupirant officiel dans L’ours et la poupée, comédie badine de Michel Deville. BB y jouait la poupée, ravissante idiote friquée, très Parisienne de Kiraz, qui roulait en Chevrolet Corvette Sting-Ray ’69 mais qui empruntait la Rolls Silver Cloud de Daniel Ceccaldi, son chevalier servant du jour. Une Rolls au volant de laquelle elle emboutissait la vieille Citroën 2CV de Jean-Pierre Cassel -l’ours, c’est lui, avant de flanquer la Rolls dans le fossé. Une série noire de tôle froissée donnant l’occasion d’un dialogue amusant situé sous le casque du coiffeur Alexandre : bigoudis sur la tête, snob à rebours, BB y allait de sa tirade sur les Rolls, gna gna gna « alors qu’une 2CV c’est bien moins cher et bien plus solide. La Rolls, c’est de la ca-me-lote ! ». Logique Marie-Chantal…

De gauche à droite

Renault Floride cabriolet. CIJ/CIJ-Europarc -1959. No. 3-58

Au départ envisagé comme une Dauphine GT, le cabriolet Floride évoquait cette Amérique du tout-voiture que la Régie Renault lorgnait avec envie. Y lancer un cabriolet « griffé » représentait un sacré pari. Pensée pour mettre des bâtons dans les roues du coupé VW Karmann-Ghia, son design avait été confié au carrossier italien Frua qui avait brûlé la politesse au losange nationalisé en exposant son prototype abouti au Salon de Genève 58, laissant Renault prendre le relais au Salon de l’Auto de Paris quelques mois plus tard. Base Dauphine mécanique et moteur arrière, la Floride était une mignonne voiture pour cruiser sur la Croisette ou à Auteuil. Avec son look pimpant et ses petits ailerons vaillants, la Floride était une voiture optimiste, joyeuse et féminine, proposée en version coupé ou cabriolet avec hard-top et prendra du galon avec un nouveau moteur plus puissant, un nouveau dessin de pavillon et un nouveau nom, Caravelle, dont la production s’achèvera en 1968. Au 1/43ème, la Floride sera unanimement reproduite, coupé ou cabriolet, par l’ensemble des fabricants français -Dinky, CIJ, Solido, Norev, Minialuxe, Clé, BS… À l’étranger, ce seront les Anglais, Corgi avec une Floride Coupé Frua, et Spot-On avec une Floride Cabriolet, qui se démarqueront en même temps que l’Allemand Gama avec une Floride cabriolet et son hardtop amovible en plastique. Option déjà choisie par CIJ avec une palette surmultipliée d’effets bicolores et un capot ouvrant. Initialement estampillée CIJ, la Floride passera en 1960 au régime éphémère du CIJ-Europarc.

BMC Austin Mini-Moke “Para Moke”. Dinky Toys GB -1966. No. 601. 

En 1963, la British Army réclame à la firme automobile BMC (Austin+Morris) la création d’un véhicule léger et parachutable. Sur la base de la Mini, on bricolera une jeepette trop surbaissée pour satisfaire aux conditions militaires. La Para-Moke sera produite, livrée et vite rendue à la vie civile pour un usage de runabout sur le front de la plaisance et des loisirs balnéaires. Plusieurs évènements en feront une voiture mythique des Sixties : sa présence dans la série TV culte Le prisonnier, sa captation tropézienne par Brigitte Bardot et son rôle dans la série anglaise pour enfants The Enchanted House où elle était pilotée par une girafe. Kart sous toit de toile rayé, beach-car désirable assurant son lot de cheveux dans le vent, la Mini Moke embarquait aussi à bord des yachts pour en descendre à chaque escale m’as-tu-vu, toute frimousse frimeuse dehors. Au cinéma, la Moke fut une vraie starlette, vue dans Fantômas se déchaîne et dans La Collectionneuse, le film d’Éric Rohmer, avec Haydée Politoff. Entrée dans la légende, la mini-jeep anglaise fut au monde automobile ce que la mini-jupe de Mary Quant fut à la mode : un phénomène. Produite en Australie, au Portugal, à Hong-Kong, la Moke effectue des come-backs réguliers : l’un des derniers, sous forme de NoMoke, zigzague entre Saint-Trop’ et Ramatuelle sur le mode électrique.

Rayon mini-mini, il n’y aura que Dinky Toys GB qui minimokera en 1966 la bestiole au 1/43è. Et en la déclinant dans toutes les versions sus-évoquées : Para-Moke militaire kaki avec parachute plié et plateforme de largage (no. 601), en version The Prisoner , blanche avec dais rayé blanc/rouge orangé et marchepieds faux bois (no. 106), en version vert mat ou métallisé (no. 346) et en version Enchanted House (1971) en rouge, avec la girafe Tiny dépassant d’un trou percé dans le toit en plastique (no. 350). Techniquement, la Moke by Dinky changera de roues Zip en 1971 et finira sa toy-carrière « civile » en 1975, en bikini bleu ou vert métal, capote plastique blanche ou grise. Sinon, il existe, au 1/10ème, un modèle en plastique jaune avec housses de sièges et dais en coton blanc à rayures marine, reproduit par Sitap, firme française spécialisée dans les jouets de bazar.  

Rolls-Royce Silver Wraith 1957. Spot-On -1959. No. 103

Ce fut la première Rolls “moderne » de l’après-guerre : dévoilée en 1948, cette limousine qui montait à 140km/h verra sa carrosserie allongée à partir de 1953, et sera produite jusqu’ en 1959, remplacée par la Silver Cloud, présentée trois ans auparavant. On verra la Silver Wraith dans de nombreux films et sur le marché de la miniature, seuls Dinky GB et Spot-On en reproduiront chacun une version différente. Quant à la Silver Wraith japonaise réduite par K.K.Sakura, elle apparaîtra longtemps après que la vraie soit entrée au musée.

Lancée par la firme de jouets anglaise Triang en 1959, la marque de miniatures Spot-On était placée sur l’ échelle intangible du 1/42ème et, à de rares exceptions (Fiat, Renault, VW, Mercedes), vouée à la reproduction de voitures anglaises singulières et si possible ignorées par Dinky Toys et par Corgi Toys. En 1959, le premier catalogue Spot-On dévoilait une première série de modèles dont une Triumph TR3, une MGA, une Armstrong-Siddeley Sapphire et la Rolls-Royce Silver Wraith, proposée en plusieurs combinaisons de couleurs, avec vitrage, mais sans suspensions. Gagnant en variété et en sophistication, Spot-On ajoutera une seconde Rolls à son catalogue, l’énorme Phantom V bordeaux avec royales figurines à bord. La marque cessera sa production en 1967 après l’incendie de son usine. Quelques modèles, dans les années 1980, feront l’objet de replicas sommaires.