CHRISTOPHE, MOTS BLEUS, VOITURES ROSES ET NUITS NOIRES

Son décès, annoncé dès 5h du matin ce vendredi 17 avril, a rapproché la France entière des Paradis perdus. Hommages, souvenirs, témoignages évoquent sa carrière, ses chansons les plus connues sur lesquelles des tas de couples se sont rencontrés, aimés, mais aussi sa vie noctambule, et bien évidemment sa passion pour les voitures qui roulaient vite. C’est d’ailleurs après trois excès de vitesse dont un alors qu’il conduisait une Ferrari Daytona que son papier rose lui fut retiré en 2000 et qu’il décida de ne plus retenter la chose. Musicien et parolier hors-pair, Christophe était aussi un collectionneur compulsif. Radios, synthés, disques vinyles, juke-boxes, mais aussi voitures, petites et grandes, miniatures et américaines.

Une collection notamment dispersée voilà quelques années lors d’un Auto-Meudon d’anthologie. C’est lui que le racontait : il avait appris à conduire à l’âge de 4 ans au volant de la Simca Versailles de son père. La liste des autos qui suivront embarquera dans le désordre une 4L, une Austin Cooper, une Porsche 911, une Ford Mustang, une AC Cobra, une Lamborghini Espada, une Ferrari GTB2, une Méhari  (!) et une Miura que son copain Jean-Pierre Beltoise à qui il l’avait prêtée, ira « casser » en Italie en 1967. Christophe était aussi grand amateur de grosses américaines. Sa fameuse Cadillac Eldorado Brougham rose, il la revendra, comme me l’a raconté Dominique Hoffmann, journaliste auto chevronnée, à Marie-Hélène Gienger pour parader au milieu de ses Motesses, escadron de motardes roulées comme des DS qui « ouvraient » salons, évènements et autre Tour de France, jusqu’à ce que Bertrand Delanoë les interdise pour contravention à la publicité et à la pollution. Christophe rembrayé : dans un document de l’INA, visible sur You Tube, il est suivi par un journaliste alors qu’il pilote une F1 sur un circuit. Combien de disques vendus pour s’offrir une Ferrari ?. À question vaseuse, réponse au pif : 300.000 ?. En novembre 1966, le magazine Mademoiselle Âge Tendre, spin-off féminin de Salut les Copains, consacrait un long article à Christophe et à Michèle Torr, sa fiancée d’alors qui lui donnera quelques mois plus tard un fils, Romain, qu’il refusera de reconnaître. Une  embardée qui lui sera longuement reprochée. En 1970, Christophe composait l’une de ses rares BO de film. Réalisé par Georges Lautner, La route de Salina, ne fut pas un grand succès. Y jouaient la blonde Mimsy Farmer, rescapée de More !, de Barbet Schroder, Robert Walker Jr., fils des acteurs Robert Walker et Jennifer Jones, le beau Marc Porel, prématurément disparu à l’âge de 34 ans, et  Rita Hayworth, absolument sublime et fantômatique, ici dans un de ses ultimes rôles. Christophe y chantait The Girl from Salina et le theme Sonny Road to Salina sera repris par Quentin Tarantino dans Kill Bill.

De gauche à droite

Chrysler Saratoga. Dinky-Toys -1961.  No. 550.

Apparue chez Chrysler en 1939, la Saratoga, nom d’une ville et siège d’une fameuse bataille durant la Guerre d’Indépendance, évoluera vingt ans durant jusqu’à atteindre un paroxysme stylistique dû au grand Virgil Exner, papa de la Chrysler 300C ou encore des Plymouth Belvedere et Fury. Inventeur du Forward Look (allure du futur), Exner catapultera la nouvelle Saratoga vers l’espace avec force ailerons surdimensionnés et chromes rutilants tandis que Chrysler sponsorisait le show TV An Evening with Fred Astaire. Rien à voir, d’autant que rayon claquettes, la Saratoga partait avec un sacré handicap. En Europe, ce sera Dinky Toys qui osera reproduire en 1961 sa première belle américaine, au 1/43ème. Qui plus est, dans une robe rose, trois nuances au catalogue, allant du bonbon au parme, comme pour la Panhard 17, nonobstant quelques traits de blanc ou de noir. Chaussée de blanc, dotée de suspensions « oumph » et d’un habitat rouge grand-luxe, la Chrysler Saratoga ‘59 reste un ovni à Bobigny. Coiffant Dinky au poteau, Norev avait démoulé en 1960 sa Chrysler sous forme d’un immense cabriolet, mais version New Yorker (autre nom de la Saratoga à l’export) millésimé 57/58.

Lamborghini P 400 Miura. Solido -1968/9. No. 161.

Établi depuis 1949, constructeur de tracteurs agricoles, de chaudières, climatiseurs et d’incinérateurs, Ferruccio Lamborghini était un gros client chez Ferrari. Un client nouveau riche, exigeant et râleur que Enzo Ferrari enverra un jour sur les roses en défiant le jamais-content de construire sa propre bagnole si celles des autres ne lui convenaient pas. Piqué au vif, le commandatore établira sa firme automobile en 1963 dans une usine ultra-moderne postée dans les parages de Modène, histoire de narguer encore plus Ferrari. Ralliant à sa cause la crème des ingénieurs et designers débauchés de chez Ferrari, il lancera une première Lamborghini GT frappée du logo « taureau », indice notable pour comprendre les noms de baptême des futures Lamborghini, dont la bestiale Miura 400 P, lancée en 1966 et considérée, à raison, comme la voiture la plus rapide du monde. Autour de son moteur V12 transversal, le designer Marcello Gandini avait galbé une fabuleuse carrosserie signée Bertone. Produite jusqu’en 1973 au gré de plusieurs phases, la Miura sera acquise par le gotha du moment -Jacques Dutronc, Johnny, Rod Stewart, le roi Hussein de Jordanie et Christophe.

Devenue une pièce de musée, flirtant avec une cote à 1 million d’euros sur le marché de la collection, la Miura sera reproduite au 1/43ème par Politoys-M, Mebetoys, Corgi Toys, Joal et même Matchbox dans la série King Size. En France, seul Solido sautera le pas à la fin de l’année 68 dans la série Haute-Fidélité. Vendue dans un coffret spécial, la Miura P400 était une petite merveille sophistiquée avec ses yeux au plat ourlés de faux-cils en plastique noir et ses ouvrants multiples qui la rendaient fragile à jouer. À moins comme Johnny, de la fracasser contre une pierre du jardin en faisant circuit sur le sable. C’est ce qui arriva à la plupart des Solido. De la Lambo aux lambeaux…

Ferrari 365 GTB/4 “Daytona”. Solido – 1972.  No. 165.

À son tour furax de se voir damer le pion de la vitesse et de la puissance par ce bouseux de Ferruccio L., Ferrari ripostera avec la 365 GTB dite Daytona, un bolide ravageur à la silhouette profilée comme un squale, tracée rageusement par le designer Leonardo Fioravanti. Présentée en 1968, la Daytona sera produite jusqu’en 1973. Sur le tapis de jeu, outre Corgi Toys avec plusieurs versions « course/rallye » tardives  flashy pas folichonnes et au 1/32ème, alors que la triade italienne Mercury/Politoys/Mebetoys, mystérieusement n’y toucha pas, c’est encore Solido qui remportera la mise avec une première version « civile » apparue en 1969, dotée de plusieurs ouvrants dont l’immense capot, nantie de pare-chocs chromés et d’une belle rampe transparente frontale. Fidèle à sa vocation de circuit, Solido modifiera et simplifiera son moule en 1972 pour une série de versions rallye, Le Mans, etc…, mises en boîtes quasi nues avec planches de décalcos. La Daytona sera ensuite proposée en coffret KIT métal à peindre et à monter, ce qui me permettra de réaliser une version Cartier peinte en noir avec phares et feux arrière diamantés Swarovski 3 couleurs et ceinture de caisse Letraset platine. Unique. Remplacée par la Ferrari 512 BB au catalogue, Solido ressuscitera la Daytona « course » en 1993 pour la série Yesterday (n. 1810), puis la série Racing (no. 1907) mais bizarrement exclue de la série Ferrari, lancée en 1997. Entre temps, la première Daytona « civile » avait été recyclée par Verem.