RIP RIC

Il s’appelait André-Paul Duchâteau et l’annonce de son décès voilà quelques jours a ému le landerneau de la bande-dessinée. Certes, le gaillard, né en 1925 était âgé de 95 ans et il a pu se vanter d’avoir une belle vie de journaliste, romancier, scénariste télé/radio et créateur du héros bande-dessinée Ric Hochet. Belge grand teint, Duchâteau tâta du métier sous une flopée de pseudos avant de reprendre son identité, notamment associé au grand dessinateur marseillais Tibet, Gilbert Gascard de son vrai nom, rencontré en 1949, disparu en 2010, et avec qui il signera les 78 volumes des aventures de l’intrépide journaliste-enquêteur.

Apparu entre 1955 et 1958 dans les pages du Journal de Tintin dont Duchâteau sera plus tard rédacteur-en-chef, Ric Hochet aura droit à son premier récit débité en planches dans les pages de ce même journal, avant de passer au stade suprême de l’album dès 1963. Ex-crieur de journaux promu reporter à La Rafale, Ric Hochet est basé à Paris, propriétaire d’un bel appartement moderne avec terrasse dans le XVIème ardt. Ses talents l’ont hissé au rang de détective privé, opérant en binôme entre la France et la Belgique avec le commissaire Sigismond Bourdon dont la fille, Nadine, est aussi la girl-friend de Ric. Face à lui, B (le Bourreau), son ennemi mortel. Athlétique -il nage, il boxe, il pilote des autos-, Ric Hochet possède une garde-robe précise : jeans, pull rouge et veste blanche parfois parsemée de motifs graphiques. À ses débuts, deux albums durant, Duchâteau et Tibet lui ont mis les mains sur le volant d’un roadster MGA jaune, sa couleur fétiche en matière automobile. Pour son troisième album, « Défi à Ric Hochet », on lui offrira une Porsche 356 S cabriolet ’62. Jaune, toujours. Il y aura ensuite un bref intermède durant lequel il conduira un coupé Volvo 1800S, puis à partir du 12ème album, il sautera sur le siège de la nouvelle Porsche 911 Targa. Il y aura enfin, dès le tome 29, une Porsche 911 Turbo. La Targa, il la plantera contre un arbre. Car Ric poursuit toujours les méchants en voiture. Et casse beaucoup de bagnoles. On n’a rien sans rien. Sur papier, l’ultime aventure de Ric Hochet, « À la poursuite du griffon d’or », sortira en 2010. Nonobstant une reprise datée de 2015, le re-boot ne fera pas long feu. A l’image, Ric Hochet loupera le coche de la télé : en 1968, le projet-pilote « Signé Caméléon » fera un flop à la télé belge. Daniel Vigo, jeune acteur à la mode choisi pour incarner Ric Hochet avait pourtant le physique du rôle.

Devenu entre-temps directeur littéraire des Éditions du Lombard, qui publiaient le Journal de Tintin, André-Paul Duchâteau continuera à écrire des polars. Auteur précoce -il a publié son premier roman à l’âge de 15 ans !-, son « 5 à 7 avec la mort » sera couronné du Grand prix de Littérature policière, et il se paiera même le luxe d’en intituler un autre « Crimes par ricochets », paru en 1991. Tout en collaborant à un tome de Jean Valhardi, « Le naufrageur aux yeux vides », il se consacrera à la série des Mr. Wens, adaptée des romans éponymes écrits par le grand Stanislas-André Steeman. Haute-figure de la littérature belge « noire », Steeman est resté célèbre pour avoir signé « L’assassin habite au 21 » paru en 1939 et porté à l’écran par H.G. Clouzot en 1942. Cette même année, Steeman publiait en Belgique  « Légitime défense », ré-intitulé « Quai des Orfèvres » après le triomphe du film réalisé par le même H.G.Clouzot en 1947. Duchâteau vénérait Steeman dont il a préfacé les œuvres complètes réunies en six tomes par les éditions du Masque. Sortie en février 1998, sa biographie analytique des bouquins de Steeman était intitulée « L’écrivain habite au 21 ». Quant à sa propre autobiographie, « 7 à 77 ans, souvenirs d’un scénariste », elle est hélas épuisée. Sinon, depuis les débuts de la série, les lecteurs se sont interrogés : Ric pour Éric, Frédéric, Roderick, Childéric, Richard?. Il semblerait que ce fut Frédéric puisque le prénom de son père, gentleman-cambrioleur, était Richard….Après celui de la chambre jaune, le mystère de la Porsche jaune….

De gauche à droite

Piper Comanche PA-24. Matchbox. 1977. No. Sb-19

C’est en 1973 que la marque Matchbox produite par la firme anglaise Lesney Products programma la mise en vol de la série SkyBusters, inaugurée par un Airbus et un Boeing 747. Visant le militaire comme le civil privé et commercial, la collection est toujours au catalogue de Mattel qui a racheté Matchbox en 1997. Falcon, Corsair, Douglas, Junkers, Phantom, Spitfire, Mirages, Cesna : les as ailés volaient haut dans les coffres à jouets. En 1977, outre l’arrivée des hélicos, les deux nouveautés SkyBusters étaient le Ram Rod et le Piper Comanche. Monomoteur légendaire, stable, fiable, rapide, l’engin qui cartonne dans son genre depuis 1956, a fait la fortune volante de la firme américaine Piper Aircraft. Plusieurs fuselages bicolores sous blister, celui de Matchbox fut un best-seller à hélice.

Mercedes-Benz 190 SL cabriolet. Solido. 1958. No.105

La lecture de Wikipedia s’avère parfois instructive. La longue page consacrée à Ric Hochet signale un détail réjouissant pour l’amateur de voitures. « Un petit problème s’était posé au moment de la course-poursuite entre la Porsche de Ric Hochet et une Mercedes 300 SL, dans le tome 3, Défi à Ric Hochet. En effet, le dessinateur Mitteï avait attribué une Mercedes-Benz 300 SL au personnage du riche industriel Rémy Valloire, sans connaître le scénario de l’histoire en détail. Lorsque le découpage de la planche 21 lui est parvenu, il a pu lire que Ric Hochet, au volant de sa Porsche, rattrapait la Mercedes avant de la voir plonger dans un étang. Mitteï a aussitôt téléphoné à Tibet pour lui signaler que la Porsche de Ric Hochet n’est pas suffisamment puissante pour rattraper une Mercedes-Benz 300 SL. Tibet a alors conseillé de modifier la course-poursuite en faisant en sorte que Ric Hochet puisse prendre un raccourci. Par la suite, Mitteï s ‘est bien gardé d’attribuer aux personnages de la série des voitures plus puissantes que la Porsche de Ric Hochet ».

Spectaculaire, ruineuse et effectivement fulgurante, la 300SL était un bestiau du bitume. On sait qu’elle fut développée sur la base de la 300 Gullwing pour séduire le marché américain. On sait aussi qu’elle avait une petite sœur, plus petite, plus abordable : la 190 SL qui vivra sa vie en toute autonomie dès 1955 et jusqu’en 1963, non sans devenir une voiture de légende après avoir véhiculé l’image du miracle économique ouest-allemand. Pour s’en offrir une aujourd’hui, coupé ou cabriolet, il faut débourser 125.000 euros. A l’échelle 1/43è, le budget sera moindre, sauf si on vise la version Solido/Dalia, flottant autour des 500 euros. À l’instar de Dinky-Toys qui opta pour le coupé (série 24), Schuco Micro Racer fera le même choix. En fouillant bien, on en trouvera un aussi chez l’Américain Tootsie Toys, pour lequel il faut beaucoup d’imagination afin de l’identifier. Seuls Märklin et Solido saisiront l’option cabriolet. Augmentant ainsi sa flotte décapotée constituée de la Renault Floride, de la Ford T-Bird, de la Simca Océane, de la Peugeot 403 et de l’Alfa-Romeo Giulietta, Solido proposera plusieurs coloris au menu et une finesse de moulage remarquable. Intérieur rouge ou blanc, figurine au volant, la 190 SL reste l’une des plus belles réussites du fabricant français. Quant à la 190 SL en vinyl pédagogique (no. 11) du Norvégien Tomte Laerdal, lancée en 1963, il s’agit bien d’une Solido sur-moulée, tout comme l’étaient les cabrios Floride et 403.

Porsche 356 Carrera 1500.  Norev. 1958.  No. 16

Avant les Porsche, il y eut d’autres voitures conçues par Ferdinand Porsche (1875-1951) en son agence de design indépendante fondée à Stuttgart en 1931. Des Daimler, des Mercedes, des Auto-Union, la légendaire Cisitalia, et puis aussi cette Voiture du Peuple à moteur arrière dont la fabuleuse et longue carrière mondiale fera oublier qu’elle fut commandée par Adolf Hitler. Qui de la VW ou de la Porsche ?: c’est sur la base mécanique d’une Coccinelle que Ferdinand Porsche et son fils Ferry imagineront une version sportive –coupé et spider- qui verra le jour en 1948 et qui portera leur nom. Fondatrice du mythe Porsche, la vaillante 356, dessinée par Erwin Komenda qui avait modelé la ligne de la première VW en 1934, partira à la conquête des USA, propulsée par un moteur à cylindres opposés à plat, refroidi par air et placé à l’arrière en porte-à-faux. Le 356 sillonnera les routes et circuits de la planète et entrera au panthéon des icônes du design allemand avant de finir en réplicas autorisées. Ainsi, c’est une Porsche 356 qui figure et profile la couverture de l’ouvrage Un siècle de design automobile de Penny Sparke, et qui fait aussi celle du Dictionnaire du Design Allemand, la mini-bible du genre. En 1951, à la mort du patriarche-fondateur, Porsche occupait un marché de niche encore balbutiant. Vingt ans plus tard, Porsche règnera sur la compétition sportive, avec pour seul rival, Ferrari. En 1972, dans les rues et sur route, les playboys pilotaient d’un doigt leur 911 Targa puis s’amuseront de cette plate et basse 914 conçue en collaboration avec … VW. Produite jusqu’à 1965 à plus de 76.000 exemplaires dont les experts estiment qu’une moitié a survécu aux accidents, à la casse, au vol et à la ferraille, la 356 lorgnait de ses gros yeux globuleux de crapaud -son surnom-, le marché US. Coupé, cabriolet, speedster : au fil des ans et de ses quatre séries, sa ligne s’est affinée et raffinée. Motorisé de 1100 à 2000, le crapaud a bouffé de la piste, du circuit, du rallye. Ce qui lui vaudra d’être cataloguée Carrera 1500/1600, histoire de faire encore plus sport. Après plus de 17 ans de carrière, la 356 tirera sa révérence, remplacée en 1964 par la 911, également dessinée par Komenda et par le petit-fils de Ferdinand Porsche.  La 356 jaune conduite par Ric Hochet était une décapotable qui, en 1958, remplaçait le Speedster, mais qui ne fut jamais reproduite en son temps à l’échelle du jouet. En effet, sur le tapis du salon, les premières Porsche 356 miniatures fabriquées par Märklin et par Schuco étaient des coupés. Il y aura aussi le Danois Tekno, Dinky-Toys GB et contre toute attente, le Français Quiralu, décidément et heureusement décalé dans ses choix -Jaguar XK140 cabriolet, Isetta Velam, Simca Marly…

La Carrera 1500 reproduite par Norev en 1958 correspond au modèle 1955 que le fabricant lyonnais produira jusqu’au milieu des années 1960. Mise au catalogue en même temps que le coupe Lancia Aurelia, la Simca Chambord et la Vespa 400, la Porsche est nantie d’un vitrage. Pas de suspensions, pas d’intérieur, mais une antenne baladeuse selon les versions. A l’exception d’un changement de roues, la seule modif notable sur ce modèle consistera en un ajout gravé des essuie-glaces sur le pare-brise. Une révolution apparue en 1964, juste un an avant que Norev retire la Carrera de son écurie. En revanche, il faudra attendre un chouia pour que la 911 Targa, modèle 1967, fasse son entrée dans la gamme. Bien que reproduite massivement par le gotha de la miniature -Tekno, Märklin, Corgi Toys, Kirk, Sablon, Mebetoys et les autres, la 911 Targa de Ric Hochet ne fera jamais l’objet d’une série particulière. Seuls Minialuxe et Norev, par défaut, frôleront l’intention avec des versions en plastique jaune, ici nullement référées à Ric Hochet, qu’on verra ensuite au volant d’une Porsche 911 Turbo, histoire de faire plus moderne et rapide. Un modèle reproduit notamment par Norev (Plastigam et Jet Car), par l’Allemand NZG et par Solido dans la série Gam 2.