PEUT-ON ENCORE APPUYER SUR LE CHAMPIGNON?

Vitesse réduite à 30km/h. Menace d’un 110 sur autoroute. Radars à gogo frappant tout ce qui dépasse. La vitesse est devenue aussi vénéneuse qu’un champignon tueur. Ce qui pose question quant à l’origine de l’expression « appuyer sur le champignon ». Ne pas compter sur Minute Papillon !, le dictionnaire des expressions toutes faites, pondu en 1986 par Pierre Germa, ex-secrétaire général des Éditions Larousse, et qui a préféré passer sous silence la formule. De fait, typique du monde automobile, l’expression vient en ligne droite du poste de conduite : dans les années 1920, la pédale d’accélération se présentait sous forme d’une tige coiffée d’un chapeau en gomme et sur lequel il fallait appuyer avec le pied, sinon l’écraser, pour rouler plus vite. Aucune analogie avec la balade en forêt : ce n’est pas parce qu’on écrase des champignons qu’on marche plus vite dans les sous-bois…

Depuis la nuit de temps, le champignon prolifère dans la nature fraîche et humide. Végétal thallophyte dépourvu de chlorophylle, le champignon revêt de très nombreuses formes et se divise en plusieurs espèces. Le mot champignon a aussi généré un vocabulaire imagé et populaire. Pousser comme un champignon. Ville-champignon. Par sa forme, le champignon est aussi un porte-manteau, un siège et, c’est plus grave, un nuage atomique. Sur le terrain, le champignon pousse comme un… champignon. Mieux : il prolifère sans qu’on le cultive. Exception faite du champignon de Paris. Nulle AOC pour ce comestible de la vaste famille des Agaricus et pour cause: le champignon de Paris, le plus vendu en son genre en Europe n’a plus de Paris que le nom. Cette identité est due à sa mise en culture sur fumier de cheval au début du XIXème siècle dans les caves et anciennes carrières de calcaire abandonnées sous l’Hôpital Cochin et le boulevard Saint-Jacques (XIVème ardt.).

La ville gagnant en urbanisme, les couches reculèrent autour de Paris jusqu’aux campagnes devenues banlieues avant de quasi disparaître. Parmi les recettes les plus déroutantes du champignon de Paris, celle des champignons à la grecque demeure un best-seller des charcuteries traiteurs.

Chaque année, la cueillette des champignons rameute des milliers d’amateurs. Comme c’est gratuit et qu’il n’y a pas besoin de permis ou de licence, ça ratisse dru dans les bois. Et chaque année, ça finit à l’hosto, et parfois au cimetière quand l’intoxication est mahousse. En 2020, il a été recensé, entre le 1er juillet et le 31 décembre, avec gros pic en octobre, plus de 1300 empoisonnements provoqués par l’ingestion de champignons toxiques. Cette année 2021, entre juillet et août, on en était déjà à 330. Dont quelques cas mortels. Pas faute de prévenir, de renseigner, de publier liste et images des champignons impropres à la consommation. Il y a donc la fameuse amanite phalloïde, dite aussi calice de la mort, l’entolome livide, la galère marginée ou encore le bolet de Satan. Ce ne serait pas çuilà qui aurait inspiré l’expression « appuyer sur le champignon » ? Ben oui, Amédée et Léon Bollée, le père et le fils, pionniers de l’auto ne furent-ils pas les inventeurs d’automobiles qui, fin XIXème, tapaient le 48km/h ? Certes, mais leur nom était Bollée, et non pas bolet. Bien essayé, mais raté. Rayon comestible, le champignon va du cèpe à la morille, de la pleurote à la chanterelle, du pied-de-mouton à l’oreille de judas en passant par la truffe noire. Ça fait du monde dans un panier et les promesses d’omelette sont légion. Celles du velouté aussi. Avec en toile de fond, des festins plus funestes.

En 1936, Sacha Guitry réalisait Le roman d’un tricheur, adapté d’un sien roman et joué par lui-même en personne.  Le roman de quelque chose était alors très en vogue. En 1935, Abel Gance portait à l’écran Le roman d’un jeune homme pauvre, d’après Octave Feuillet, avec Pierre Fresnay et Marie Bell. L’année suivante, un certain Michel Bernheim mettait en images qui bougent Le roman d’un spahi, d’après Pierre Loti, avec Georges Rigaud et Mireille Balin. Pour son roman à lui, Guitry signera un film, alors boudé par la critique, mais devenu un classique des classiques rangé au panthéon du grand cinéma français. L’intrigue est simple : après avoir tapé dans la caisse de l’épicerie paternelle pour s’acheter des billes, un jeune gamin de 12 ans est privé de dîner. Au menu : des champignons qui enverront toute la famille ad patres. Déduisant devoir la vie à la malhonnêteté, il grandira en en cultivant les vices jusqu’à devenir un tricheur professionnel. Devenu riche, sa tentative de devenir honnête le mènera plus vite à la ruine qu’un champignon toxique au cercueil. Des trompettes de la renommée aux trompettes de la mort, sauf que ces dernières, en dépit de leur nom, ne sont pas dangereuses.

L’autre chef-d’œuvre du spectacle référé aux champipis vénéneux reste la pièce de théâtre Le noir te va si bien, comédie noire menée tambour battant par le duo Jean Le Poulain/Maria Pacôme. Datée de 1959, cette pièce anglaise écrite par Saul O’Hara et intitulée Risky Marriage a été adaptée en français par Jean Marsan et créée au Théâtre Antoine en 1972. Succès fou. Quatre-cents représentations et des comédiens débridés, en roue libre, qui chaque soir inventent des dialogues et des répliques. Ainsi des devinettes Monsieur et Madame ont un fils, une fille. Sur le papier, deux serial marieurs ayant chacun zigouillé une demi-douzaine de maris/femmes finissent par se passer la bague au doigt et dès lors, tout imaginer pour occire l’autre. Tout y passe : la balade sur la falaise, l’horloge qui tue, la bombe dans la voiture et le velouté aux champignons, vénéneux, forcément vénéneux. Dialogue à la clé –« Jooooohn ! le velouté est servi ! Il est chaud, il est véné, véné…, vénez-viiiite » croasse Maria Pacôme. La scène de la dégustation du velouté à la cuiller demeure gravée dans l’histoire du théâtre de boulevard. Faut dire que Jean Le Poulain en fait des tonnes, Pacôme aussi et que les deux s’entendaient comme larrons en foire. Ensemble, ils avaient déjà joué sur scène Interdit au public, De doux dingues, Le don d’Adèle ou Quand épousez-vous ma femme ? Comédie française jusqu’à la racine des cheveux, Le Poulain a tout joué au théâtre : Brecht, Majakovski, Feydeau, Anouilh, Labiche, Giraudoux, Sartre…Au cinéma, ce fut moins glorieux avec une brochette de navets du calibre de Salut Berthe, Et que ça saute !, Les gorilles, Un drôle de colonel où il croise, second rôle alimentaire en bandoulière, Maria Pacôme, mais aussi Darry Cowl, Fernand Raynaud, Francis Blanche, Jean Yanne…Son dernier film ?: Signé Furax, de Marc Simenon, en où il joue Klakmuf, le représentant du Boudin Sacré. Homme des planches à 300%, Jean Le Poulain fut aussi celui qui hissera Au théâtre ce soir au pinacle des audiences télé dans les années 70. Grâce à Rembob’INA, l’émission-phare de la chaîne parlementaire LCP, l’émission est souvent remise en ondes et Le noir te va si bien aussi. Jean Le Poulain est mort en 1988, âgé de 64 ans. Maria Pacôme en 2018, âgée de 95 ans. Aucun des deux n’avait mangé du velouté aux champivenins. Pourtant, la Pacôme savait écraser le champignon et ne cachait pas sa passion pour les cabriolets qui roulaient vite.

De gauche à droite

CITROËN DYANE 4. NOREV, 1969. No. 157

Elle était censée remplacer la 2CV. Elle ne lui survivra pas. Taillé à la serpe, son profil tourmenté a été travaillé par le bureau de design de Panhard dirigé par Louis Bionier. La firme d’Ivry, rachetée par Citroën en 1965 est désormais aux ordres de Javel. Bien que modernisée et un chouia reliftée, la 2CV accuse son âge en ce début des années 1960, d’autant que Renault lui taille des croupières avec sa 4L. Pas question de laisser le marché à la Régie : chez Citroën, on exige une « super deuche », plus moderne mais élaborée à l’économie sur la base de la 2CV. Le projet doit s’insérer entre la grande sœur et l’Ami 6. Seulement voilà, chez Citroën, on planche sur la nouvelle DS 21, sur l’Ami 8 et sur la future GS. Pour soulager ses équipes, Javel confie le bébé à Panhard qui non seulement initiera son style mais lui donnera aussi un nom. En effet, à l’instar de Dyna et autres noms commençant par Dy, Panhard a tout déposé. Dont Dyane. Présentée au Salon de Francfort 1967, la nouvelle Citroën déroute. Illico qualifiée de vilain petit canard, elle relève du registre des voitures laides, rejoignant l’Ami 6, mais aussi la Ford Anglia, la DKW Junior…Son défaut ?: être trop 2CV pour faire oublier la 2CV qu’elle est appelée à supplanter au plus vite. Or le public se montre guère enclin à s’offrir ce machin hybride avant l’heure. Le cannibalisme ne prend pas, tout du moins pas comme le réseau commercial l’espérait : relookée, la 2CV a repris du galon tandis que la Dyane marne dans les concessions. Il faudra atteindre 1974 et les premiers effets de la crise du pétrole pour que la Dyane décolle enfin, cartonnant à 128.000 exemplaires vendus. Du coup, pour la bichonner, Citroën lui consent un léger revamping cosmétique. D’autant que sous le capot anguleux avec ses canines s’encastrant autour de la calandre, le moteur a enfin gonflé ses performances. De 4, la Dyane est devenue 6 et a gagné une troisième fenêtre latérale (comme la 2CV bien avant elle). En 1977, la fourgonnette Acadiane vient l’épauler : il s’en vendra 254.000 unités jusqu’en 1988, l’Italie étant son principal marché. Penser la Dyane enfin lancée et se mettre une bielle dans l’œil : en 1976, la 2CV6 se vendra trois fois plus !. Avec la Visa visée pour la remplacer, la Dyane tirera sa révérence en 1983, non s’en s’être vendue à plus de 1,4 million d’exemplaires. Pas si mal, pour finir. Quant à la 2CV, elle sera usinée jusqu’en 1991. Au chapitre des séries limitées, ce ne fut pas le Pérou : juste une version Caban bleu marine filetée de blanc. Et aussi une Côte d’Azur pour le marché british. Sinon, savoir que la Méhari relève du clan des Dyane…

En ce qui concerne sa miniaturisation au 1/43ème, la Dyane fut plus chanceuse. Il y eut Dinky Toys, évidemment, et aussi une version Dinky Toys GB tardive avec peinture métallisée et capote noire mate. Il y eut Minialuxe, Clé, Grisoni (Italie) et AB (Espagne) en plastique. La Dyane 6 fut reproduite en Italie par Mebetoys et par Polistil, avec portes avant ouvrantes, et qui multiplieront les versions (Rallye, Safari, Week-end…). Corgi mettra plus tard une 6 au catalogue à l’échelle 1/36, et Majorette réduira l’échelle pour une Dyane Maharadjah des plus improbables. La Dyane que Norev produira en 1969 appartient à une ère faste : en effet, cette même année, Norev lançait sur le marché la nouvelle DS 21, la Peugeot 504, la Renault R6 et trois Simca -1000 II, 1100 et 1501. Capot et coffre ouvrants, pare-chocs arrière avec arceaux de protection des feux : la Norev rend justice à l’originale et maintiendra le modèle au catalogue avec une ultime version Plastigam à roues boutons rapides. Il y aura aussi une Dyane 6 réduite grossièrement au 1/66ème dans la série Mini-Jet, ici en concurrence directe avec celle de Polistil à la même échelle. Quant à l’Acadiane, ignorée par la grande famille du 1/43 alors déliquescente, elle ne sera reproduite que par Majorette, à une échelle moindre.

SINGER VOGUE MkII. DINKY-TOYS GB. 1962. No. 145

Rien à voir avec les machines à coudre. Cette Singer-ci était anglaise et avait débuté en mobilités avec le XXème siècle et avec des motos et des vélos, produits à Coventry. L’auto, ce sera pour 1905 avec la construction sous licence d’une Lea-Francis, marque anglaise aujourd’hui oubliée. En 1927, Singer, hissé au troisième rang des constructeurs anglais derrière Morris et Austin, préparait le futur en visant la compétition : en 1933 et 1934, les Singer Sport Nine courraient au Mans. L’après-guerre sera plus épineux : les mécaniques et modèles des années trente sont dépassés et les nouveautés ne suffisent pas à renflouer les caisses. Le lancement de la Singer Hunter en 1955 ne pourra éviter la faillite. En 1956, le groupe Rootes rachetait Singer. Ironie des choses : William Rootes fut un vendeur de Singer en ses primes années. Et voici Singer ralliant derechef un portefeuille de marques ou roulaient Hillman, Sunbeam, Humber au sein d’un groupe puissant qui s’empressera de chambouler le catalogue : désormais, Singer sera le haut-de-gamme luxe de Hillman, exactement comme Wolseley avec les Morris. Exit la Hunter, remplacée par la Gazelle, jumelle de la Hillman Minx. Une Gazelle vite chassée au bénéfice de la Vogue, plus puissante mais surtout vantée et vendue comme une petite berline huppée avec ses cuirs et boiseries vernies. Version luxe de la Hillman Super Minx, la Singer Gazelle sera produite de 1961 à 1966 et sera vendue en Australie sous la marque Humber. Déclinée en quatre générations, la Singer Vogue IV sera présentée en 1967, mais trois ans plus tard, quand Singer disparaîtra des radars, elle continuera sa carrière comme Hillman… Hunter !. Une chick n’y retrouverait pas ses chickadees. La Singer Vogue Mk II sera déclinée en break, sans grand succès. Aucun cabriolet malgré quelques essais restés sans suite. Chez Dinky-Toys GB, pas question d’ignorer les Singer. Après la Gazelle bicolore des fifties, la Vogue sera reproduite au 1/43ème (pour une fois !) en 1962 en jaune primevère ou en vert-de-gris métal. Aucun ouvrant, un intérieur rouge commun aux deux coloris : la Singer Vogue reste unique à cette échelle. On trouvera des Vogue au 1/32 et au 1/25ème à Hong-Kong, en plastique, avec moteur à friction, chez Telsada, notamment. Quant à la Hillman Hunter de 67, elle sera reproduite chez Corgi Toys en version rallye London-Sydney.

NSU SPORT PRINZ. CORGI TOYS. 1963. No. 316

NSU pour Neckarsulm, firme allemande fondée en 1905 et qui connut deux vies. Une jusqu’en 1929, l’autre entre 1958 et 1977. La première fut stoppée en 1927 quand Fiat racheta la firme ; la seconde quand NSU intégra Audi Auto Union, alors déjà contrôlé par Volkswagen. Alors que Fiat produisait ses NSU-Fiat sous le nom de Neckar, NSU reprenait ses esprits et la production de ses propres autos, dont la première, baptisée Prinz, avait été présentée en 1957. Moteur bicylindre vertical à arbre à came en tête tout à l’arrière, la Prinz est une jolie petite voiture régulièrement améliorée et dont le moteur ne cessera de prendre de la puissance au gré des générations successives. Sorti en 1958, le coupé Sport Prinz dérive de la Prinz 3. Sa ligne élégante doit tout à Franco Scaglione chez Bertone et son gabarit roule dans un nouveau répertoire de petits coupés chics à robes italiennes où l’on retrouve la Renault Floride et la Lloyd Alexander dessinées par Frua, la Triumph Herald dessinée par Michelotti, mais aussi les BMW 700, DKW 1000 et autres Siata. La Sport Prinz annonce également le futur coupé Simca 1000 qui sera dessiné par Bertone. En 1963, NSU suscite l’évènement en lançant une version spider de la Sport Prinz, en fait la première voiture au monde équipée du fameux moteur rotatif Wankel. Quand j’étais petit garçon à Marseille, une dame garait son coupé Sport Prinz rouge sur le parking en face de chez nous. Cette voiture me fascinait. Je m’étais roulé par terre pour qu’on m’achète la miniature de chez Corgi qui était rose métallisé. Je l’ai toujours, avec la boîte, ce qui tient du miracle. La vraie pouvait atteindre les 130km/h. Il s’en est vendu plus de 20.000 exemplaires jusqu’en 1968. Les kékés qui préféraient frimer en mode rallye avec la NSU TT, sont passés à côté de ce petit bijou. Tiens, j’ai récemment aperçu un cabriolet dans un épisode des Petits Meurtres d’Agatha Christie, qui se passe dans le milieu du cinéma et où la Sport Prinz fait vraiment de la figuration dans un décor de studio…

Corgi Toys n’a pas attendu que NSU stoppe sa production du coupé pour arrêter la sienne : en 1966, le fabricant retirait la Sport Prinz du catalogue sans en avoir modifié un iota, avec juste des variations de bain dans la couleur de carrosserie. Unique reproducteur au 1/43ème de ce coupé déjà particulier, Corgi tenait là un joli best-seller. Quant au spider Wankel, si rare, il n’y eut que le Français Clé pour le reproduire au 1/48ème, alors sans doute cadeau Lever. Quasi introuvable aujourd’hui, ce modèle est un Graal absolu chez les collectionneurs.