EN ATTENDANT LA DEUXIEME VAGUE

Publié pour la première fois en avril 1938 en Belgique par l’éditeur Jean Dupuis, Le Journal de Spirou était articulé autour de la figure espiègle d’un groom d’hôtel, créé par Rob-Vel, vêtu de rouge galonné de noir, calot assorti crânement posé sur une tignasse rousse. Longtemps concurrent et rival du Journal de Tintin, toujours édité à ce jour, Spirou est l’orgueil de la presse-jeunesse d’outre Quiévrain. Un journal bourré de stars en papier inventées par les jeunes turcs de la bédé wallonne. Franquin, Morris, Jidéhem, Will, Eddy Paape, Tillieux, Peyo et Roba, pour exemples les plus illustres. Posté aux antipodes de la Ligne Claire chère à Hergé, l’esthétique Spirou était survoltée, moqueuse, bondissante, dynamique et surréaliste.

À l’instar de Mickey, Spirou saura sortir de sa bulle pour amuser ses jeunes lecteurs avec force numéros spéciaux, animations, clubs, jeux de plage et même un cirque!. Le calendrier des publications comportait aussi les Albums du Journal de Spirou, épais recueils compilant sur des centaines de pages les meilleurs gags des héros du Journal et que l’on conservait pieusement comme les adultes avec leur Pleïade.Ainsi de Boule & Bill. Apparus en 1959 dans le numéro 1132 du Journal de Spirou, inventés par Jean Roba et Maurice Rosy, Boule & Bill faisaient initialement l’objet d’un gag glissé ça et là dans le chemin-de-fer du magazine, avant de décrocher leur page fixe hebdomadaire. Succès fou : dès 1962, les aventures de Boule & Bill paraîtront sous forme d’albums qui se vendront à plus de 25 millions d’exemplaires. Plus tard, il y aura des dessins animés, des jeux vidéo et même une méthode de lecture scolaire reconnue efficace. En 2013, Boule & Bill sauteront le pas pour s’incarner en chair, os et poils au cinéma, rare essai réussi d’adaptation bédé au grand écran -on se souviendra ici du désastreux Fais gaffe à Lagaffe -déboulé en 1981 avec Roger Mirmont ( Gaston Lagaffe) et Marie-Anne Chazel (Mademoiselle Jeanne). Dans le Boule & Bill 2.0, Marina Foïs jouait maman, Franck Dubosc, papa au volant de sa fameuse 2CV rouge, et le petit Boule était incarné par l’enfant-acteur belge Charles Crombez. Quant à Bill, sa « voix » in petto était celle de Manu Payet. Joli succès et une suite, en 2017, avec changement de casting : Mathilde Seigner jouait maman, Franck Dubosc, papa toujours au volant de sa fameuse 2CV rouge, et le petit Charles Crombez ayant grandi, Boule était campé par Charlie Langendries. Quant à Bill, sa « voix » in petto était toujours celle de Manu Payet.

Pour ceux qui ont toujours confondu Boule avec Bill, savoir que Boule est le garçonnet roux de 7 ans, que Bill est le cocker anglais doué de parole, mais seulement Boule est apte à dialoguer avec lui, et qu’ils ne grandiront jamais !.

De gauche à droite

RENAULT DAUPHINE. NOREV-1956. No. 13

On a déjà traité voilà peu ici-même de la Renault Dauphine, reproduite par Norev. Le décor bédé étant planté du côté des plages d’Ostende ou de La Panne, c’est de la Dauphine belge qu’on va causer. Dès sa présentation à Paris, la Dauphine sera produite en Belgique dans les usines de Haren/Vilvoorde, site industriel fondé par Renault en 1935 pour la production de la nouvelle Primaquatre et qui restera actif jusqu’en 2012. On sait le choc social et politique suscité par la fermeture du site, écho répercuté et réitérée aujourd’hui encore avec la remeur selon laquelle Renault fermerait Maubeuge. Bombardé en 1943, reconstruit en 1947, Haren se posera en 1956, année de lancement de la Dauphine, comme l’usine de montage des véhicules de la Régie à l’attention des six pays du Marché Commun. Après la 4CV, la Frégate, la Colorale et avant la 4L et toutes les R qui suivront, mais aussi avant les Rambler canado-yankees, la Dauphine belge sera l’un des véhicules les plus vendus (hors France) entre 1957 et 1961. La Dauphine belge était aussi coureuse et remportera à quatre reprises des compétitions sportives notables comme le Tour de Belgique, la Mille Miglia ou le Tour de Corse. Avec à chaque fois, une femme au volant : pilote et championne, la Belge Gilberte Thirion, native de Bruxelles, remportera en effet en 1956 le premier Tour de Corse à bord d’une Dauphine « spécial usine ». L’histoire rapporte et colporte depuis une formule lapidaire qu’aurait énoncée la dame à propos de la Dauphine de course : « Une voiture formidable !. Rien de l’arrête, surtout pas ses freins ! ».

Plus pimpante que sa jumelle française avec chromes et enjoliveurs rutilants ajoutés, la Dauphine belge était aussi plus osée chromatiquement avec une gamme de couleurs ayant su dépasser le choix administratif. Un oukase que Norev, reproducteur de la Dauphine dès 1956, saura capter grâce à la nature intrinsèque de sa matière première : la Rhodialite. Marque commerciale mise au point et développée par Rhone-Poulenc, la Rhodialite était une matière plastique à base d’acétate de cellulose appartenant à la vaste famille chimique des résines cellulosiques. Teintée dans la masse et moulée par injection, la Rhodialite assurait un produit fini éclatant de couleur, robuste et capable d’une grande finesse de gravure. Sa fatigue sera pour plus tard…Dès 1956, Norev qui est installé à Villeurbane, au cœur de la plastique-vallée, décrochera, décerné par le Comité de Propagande de Jouet de Fabrication Française, le très convoité Oscar du Jouet, catégorie Miniatures, pour sa Simca Versailles « à construire » en Rhodialite, coffret de montage aujourd’hui saint-graal pour le collectionneur. De fait, chaque miniature Norev est vendue neuve bardée d’une étiquette rouge collée main indiquant, sur une face –Norev a moulé cette carrosserie en Rhodialite. Légèreté. Solidité. Fidélité-, et sur l’autre : Grâce à la Rhodialite, les Miniatures de Norev gardent leurs belles couleurs. Pour être belles, les couleurs Norev sont belles. Éclatantes, voire improbables quand elles flirtent avec celles des Tupperware. Certains y verront un rappel des coloris des premières miniatures produites entre 1930 et 1950 en celluloïde, matière plastique à base de cellulose et de camphre, hautement inflammable et interdite en 1964. Délibérement joyeuses, les couleurs Norev exprimaient une fantaisie de bazar qui lui vaudra les gros yeux des dinkystes et solidites, dogmatiques jusqu’à l’orthodoxie. Norev, coupable de futilité. Pour exemple, cette Dauphine jaune annonçait sans le savoir le fluo des Stabilo Boss. Mais avec le recul, ce charme de bonbon ludique est à croquer. Comme dans une pomme… Dauphine. 

PANHARD 17 BT BREAK. NOREV-1963. No.4.  

Basée à Ivry, considérée comme la marque doyenne de l’histoire automobile française, Panhard & Levassor passera difficilement le cap de l’après-guerre. Exclue du plan Pons, tournée vers l’aluminium, PL devra faire du populaire économique. Après avoir tenu la tête hors de l’eau avec la première Dyna baroque style Louis XV, l’appel d’air viendra de son association nouée avec Citroën en 1955. À l’époque, Ivry usine depuis un an sa nouvelle Dyna Z, toute en rondeurs et toute en alu, reconnaissable à l’oreille et de loin, à son bruit de moteur bi-cylindre si caractéristique. Démodée, la Z sera sérieusement reliftée devant-derrière pour donner naissance en 1959 à la PL 17, nouvelle berline « moderne » 5CV, économique -elle suce 6l/100km-, accueillant six places et garantie « silencieuse » par la réclame. Une performance boostée très vite par l’adjonction du moteur Tigre, plus sportif, qui lui vaudra son succès au Rallye de Monte-Carlo. La pub le dit : la 17 Tigre est « toujours prête à bondir ». Et à l’image de son aînée, outre un élégant cabriolet, la gamme 17 multipliera les variations utilitaires : camionnette bâchée, pick-up, fourgonnette tôlée ou vitrée. La vraie nouveauté viendra en 1962 avec le break, typologie inédite chez Panhard malgré la tentative d’un break Dyna Z carrossé par Pichon-Parat. Pour ce faire, Ivry s’est tourné vers l’Italie, s’adressant à la firme Caproni, sise à Trento, dans l’Alto Adige. Ex-gloire de la carrosserie transalpine, Caproni est au plus mal et vient de changer de nom : désormais, c’est Panauto. Chez Panhard, l’idée était à l’origine d’en sortir un cabriolet, projet muté en break. Présenté confidentiellement, le prototype a conservé la cellule centrale de la 17, ajouté un proue évoquant furieusement celle de la Vauxhall Victor, et une poupe, copie mixant  l’Austin/Innocenti A40 au break Fiat 1800. Fiasco. Panhard enverra paître Panauto et rapatriera son break à Orléans. Un break harmonieux, élégant, vaste et propice à la route comme aux voyages en famille. Et qui s’adaptera au face-lifting de la berline survenu en 1963.

Au 1/43ème, la Panhard 17 berline fut abondamment reproduite, en zamac comme en plastoc, mais seul Norev se chargera du break. Norev qui avait déjà adapté son moule initial de 1960, no. 29, aux changements extérieurs de la nouvelle 17 BT, mise au catalogue en 1963 sous numéro 76. Le break apparaîtra curieusement en 1966, soit un an après le rachat définitif de Panhard par Citroën et après l’arrêt de production de la 17 (166.000 exemplaires vendus). Et deux ans après la mise-en-reproduction des Panhard 24 BT et CT, apparues en 1964. Basé sur la version 64 de la 17, le break dispose d’un hayon arrière vitré ouvrant et restera inscrit quelques courtes saisons au catalogue. On le retrouvera quelques années plus tard, tout comme le break Simca Marly, la Jaguar Mk I 2,4l., ou le pick-up Peugeot 404, récupéré par Éligor. Un mystère subsiste : pourquoi Norev a-t’il nomenclaturé ce modèle no.4, alors que cette même année 1966, entre autres nouveautés, le break Simca 1500 et le break Citroën ID 19 étaient respectivement numérotés 86 et 87 ?. Oui, pourquoi, hein ?. 

CARAVANE NOTIN COTTAGE. CIJ-1955. No. 3-27

C’est en 1921 que les frères Louis et Joseph Notin s’attelèrent à leur fabrique de roulottes alors hippo-tractées. Très vite, ils les adapteront à la voiture (1928) puis présenteront en 1938 leur première vraie caravane de tourisme. Placée dans le haut-de-gamme et le sur-mesure, Notin sera parmi les premiers fabricants du genre à s’essayer au camping-car, en 1948. Une activité aujourd’hui pérenne : la marque, entrée en 2012 dans le portefeuille du groupe Trigano, y côtoie Chausson, Adria, Challenger….Rayon miniatures, Notin intéressera seulement CIJ qui avait déjà fabriqué une caravane en tôle lithographiée tractée par une Renault Vivasport dans le cadre d’un coffret Camping. Mais en zamac et au 1/43ème, il n’y aura que Notin pour partir en vacances comme papa-maman. Commercialisée dès 1955 par CIJ, la caravane Notin Cottage pouvait s’accrocher aux deux belles américaines de la maison (Plymouth Belvedere et Chrysler Windsor), à la nouvelle Frégate Grand Pavois ou à la Peugeot 403 familiale et se parait d’une combinaison de couleurs tranchées et élégantes. À l’inverse de la concurrence, la Notin disposait d’un intérieur en tôle sérigraphiée réaliste mais d’aucun ouvrant. Pour le détailler, il fallait coller son œil aux sept fenêtres non vitrées. Avec ses pneus blancs très chics et son toit rouge, bleu ou vert, elle donnera le ton : littoral. Lors de son passage sous pavillon CIJ-Europarc, la caravane Notin (no. 3-27 T) gagnera en visibilité : désormais en plastique bleu transparent, son toit, amovible, donnera enfin à voir ce joli agencement intérieur coloré. Curiosité : la boîte ne fera jamais mention de la marque Notin, seulement d’une désignation générique : Caravane Camping…