COMÉDIE EN BANG ORGANISÉ

De Ian Fleming, on ne retient généralement qu’il fut le père de James Bond. Un père littéraire, cela va de soi. Mais le gaillard vécut cent autres vies et publia d’autres récits que ceux brodés autour de l’agent 007. Il y eut ses reportages d’après-guerre saisis dans les capitales chancelantes de l’Occident et ce récit pour enfant, plus précisément son propre fils, Caspar, alors âgé de 7 ans. Un récit hautement fantaisiste paru en 1964, exactement deux mois après le décès de Fleming, emporté par une crise cardiaque. Chitty Chitty Bang Bang : The Magical Car était un roman-jeunesse en forme de courroie de transmission : l’idée en était venue à Fleming après qu’il eut visité le domaine de Higham Park, alors propriété d’un certain Walter Whigham.

Lequel était très proche du grand-père de Fleming, propriétaire de la banque commerciale Robert Fleming & Co. Situé dans le Kent, Highgam Park avait été auparavant le domaine de l’excentrique comte Louis Zborowski, aristocrate richissime apparenté par sa mère à l’illustre famille new-yorkaise des Astor, et alors noté comme détenteur de la quatrième plus grosse fortune mondiale. Comme le comte ayant 21 ans, ça faisait jaser. D’autant que sa passion était l’automobile, avec vitesse et performance sous le pied et qu’il claquait des mille et des cents pour s’en satisfaire. Ingénieur et pilote, Zborowski qui avait financé en partie la firme Aston-Martin, avait dessiné et construit quatre voitures inouïes dont la Chitty Bang Bang, développée en deux modèles, l’un équipé d’un moteur Maybach, l’autre d’un moteur Benz. Toutes deux participèrent en ce début des roaring twenties aux fameux rallyes des Brooklands. Il y eut même une CBB qui prit part en 1922 à la traversée du Sahara armée par Citroën. Sinon, Zborowski pilotait des Bugatti à Indianapolis et c’est au volant d’une Mercedes qu’il fut tué en percutant un arbre lors du Grand Prix d’Italie de Monza en 1924. Il était âgé de 29 ans…Sous la plume de Ian Fleming, la Chitty Bang Bang avait gagné un Chitty de plus au passage et se présentait comme une voiture imaginaire et magique qui volait mais dont l’esprit était Zborowskien en diable. Son héros était un inventeur farfelu désargenté du nom de Caractacus Pott, flanqué de deux enfants et d’un aréopage de personnages croquignolets. Le bouquin de Fleming ayant rencontré un joli succès, très vite, il fut question de l’adapter au cinéma. Filmé en Super Panavision dans les studios anglais de Pinewood, le film Chitty Chitty Bang Bang sorti en 1968 fut un demi-succès public, la critique l’ayant allègrement dézingué, comparant le projet à un « Edsel » du cinéma voire d’un « James Bond pour enfant de cinq ans ». Présenté et financé par United Artists, la firme autrefois co-fondée par Charlie Chaplin et Douglas Fairbanks, choisira de se retirer du marché britannique après ce flop. Le producteur Albert R. Broccoli en mangea son chapeau. Habitué aux succès mondiaux des James Bond, Broccoli avait joué sur tous les tableaux pour rafler la mise en hybridant Mary Poppins à 007. On débriefe : le scénario, originellement confié au brillant écrivain Roald Dahl, notamment scénariste de On ne vit que deux fois, fut jeté à la poubelle par Broccoli et par le réalisateur du film, Ken Hugues, qui après avoir co-dirigé Casino Royale, se crut investi d’un mission divine et décida de tout réécrire lui-même : CCBB sera une comédie musicale avec effets spéciaux. On engagea les mêmes compositeurs et les mêmes chorégraphes qui avaient fait de Mary Poppins un carton inoubliable. On fit un pont d’or à l’acteur Dick Van Dyke, star masculine de Mary Poppins, pour incarner Caractacus Pott. Et comme il n’y avait pas de personnage principal féminin dans le CCBB original de Fleming, on en inventa un, baptisé Truly Scrumptious, et Broccoli s’empressa d’offrir le rôle à … Julie Andrews !. Trop de Mary Poppins fera caler CCBB. Andrews ayant refusé tout net, la production se tournera vers Sally Ann Howes, une ex-enfant star de la scène londonienne, fort jolie mais ayant très peu fait de cinéma. CCBB sera l’un des rares films de sa longue carrière très anglo-anglaise. Pour les seconds rôles, on débaucha notamment l’Allemand Gert Froebe, célèbre pour avoir joué le méchant Auric Goldfinger dans le 007 Goldfinger. Et pour concevoir la voiture, rien moins que le génial Ken Adam, décorateur oscarisé, attitré des James Bond, et aussi de Dr. Folamour !. Six CCBB furent construites mais une seule était fonctionnante. Inspirée des vrais CBB de Zborowski, dotée d’une poupe façon skiff, la ciné-CCBB avait des roues rouges, une semi-carrosserie en argent, des ailes escamotables avec hélices grâce auxquelles elle pouvait voler. Malgré tout cela, les effets spéciaux étaient si minables qu’elle semblait planer avec des fils de pêche. Quant aux musiques et chansons, pressées sur 33t vinyle UA, elles loupèrent leur cible. Autre flop. Et pour couronner le tout, Caspar Fleming, pour qui le bouquin avait été écrit, se suicidera en 1975, âgé de 23 ans…À la décharge de CCBB, la mode des films à tacots était déjà bien dégonflée, périmée par l’époque : en 1968, on se moquait bien de ces guimbardes, toutes magiques fussent-elles. Sortis en 1965, Ces merveilleux fous volants dans leurs drôles de machines et La Grande Course autour du Monde étaient déjà d’aimables souvenirs. Avec le temps, le film s’est bonifié jusqu’à virer au british-cult. Même trajectoire pour la voiture. En dépit de tous ses efforts, Michael Jackson ne réussit jamais à en acheter une, même en y mettant le paquet. La CCBB « fonctionnante » sera vendue à l’encan en 2011 en Californie, atteignant l’enchère mirobolante de 805.000 $, remportée par Peter Jackson, le réalisateur néo-zélandais de Lord of the Rings et de la trilogie du Hobbit. En 2002, CCBB fut monté au théâtre à Londres. Trois plus tard, ce fut à Broadway. La voiture vole toujours haut…  

De gauche à droite

VOLKSWAGEN 1200 SALOON “FLOWER POWER. CORGI TOYS. 1972. No. 384

À l’inverse de la concurrence ( Dinky, Märklin, Tekno, CIJ…), Corgi Toys patientera jusqu’au mitan de sixties pour se pencher sur la VW Cox (Beetle), préférant s’occuper du Kombi et du joli coupé Karmann-Ghia 1500 Typ 34 de 1962. La première Cox de Corgi sortira en effet en 1966 version East African Safari, avec capot ouvrant et roue sur le toit pilotant la direction du train avant. Dès lors, la carrière de la Beetle corgiste durera dix ans, jusqu’en 1976 au gré de plusieurs vagues : à la triplette Polizei RFA/Politie NL/Police Suisse en 1969, succèdera l’année suivante un changement de moule simplifié avec capot scellé, roues rapides Whizzwheels sous robe ADAC, Swiss PTT, Police US… En 1976, place au rallye et à la Driving School Car avec retour du volant-toit directionnel et les anciennes roues à pneus !. Apparue entre 1972 et 1974 en même temps qu’une 1200 ‘civile » orange à pare-chocs verts, la Beetle hippie Flower Power roulait vite, rouge de plaisir avec ses stickers bomp, shebam, pow, blip, wizz, comme ses roues Whizzwheels…

THE CHITTY CHITTY BANG BANG. CORGI TOYS. 1968. No. 266

Qui, plus et mieux que Corgi Toys était légitime pour reproduire la CCBB en miniature gadgetisée ?. Lancée en même temps que sortait le film, la CCBB sera produite jusqu’en 1972 et en plusieurs échelles. Ultra fidèle à l’originale jusqu’à ses figurines, la CCBB devra affronter, cette même année 68, la sortie de la fabuleuse limousine Green Hornet, tout autant bardée de gadgets. Fragile mais fière, la CCBB sera rééditée à plusieurs reprises. On repèrera ça et là quelques copies made-in-Hong Kong mais la version Husky (marque de Corgi Toys au 1/72ème, et qui deviendra Corgi Juniors), vendue sous blister et « présentée par Albert R. Broccoli », est aujourd’hui un mini-collector recherché.

ROLLS-ROYCE SILVER CLOUD III. SPOT-ON MAGICAR -1965. No. 504

Marque d’autos miniatures fondée en 1959 par la firme anglaise Line Brothers, propriétaire de Tri-ang, Spot-On fut un hot spot de l’histoire du jouet de garçon. Lancée dans les roues de Dinky et de Corgi en se fixant une échelle intangible, le 1/42ème, Spot-On modernisait radicalement les p’tites zautos mécaniques Minic de Tri-ang, sommaires et démodées. Produites en zamac avec un luxe de peintures et de détails inédits sur le marché, les miniatures Spot-On dépotaient grave accross the Channel. D’autant que le choix des modèles, terriblement anglo-british avec oukases continentaux des plus exotiques, tombaient pic là où les concurrents snobaient ou boudaient. En 1967, un incendie ravagea la fabrique. Et comme quatre ans auparavant, Lines Brothers avait racheté Meccano qui produisait Dinky-Toys GB, il fut décidé de sacrifier Spot-On sur l’autel du dieu Dinky. Exactement comme Panhard avec Citroën, Spot-On s’effacera devant le géant favorisé par ses marchés à l’export. L’ironie industrielle voudra que Dinky GB adopte l’échelle de Spot-On, ce qui expliquera que tout le catalogue Dinky GB sera dès lors au 1/42ème, que maints détails esthétiques propres aux Spot-On, dont les roues, seront unanimement adoptés par Dinky, et que la fameuse série des Américaines de Dinky-Toys Hong Kong, ressemblaient si fort à des Spot-On rebadgées. Quelques années avant ce ramdam, Spot-On s’était essayé au plastique avec les Magicar !, courte série de modèles proposés en coffrets Go Magicar contenant kits de slot-cars à monter avec système de drive-slot fixé sous le pare-choc avant. L’insuccès du projet se soldera par une mise en vente des modèles montés désactivés, soit une Ferrari 420 Superfast 1963, une Jaguar Mark X, une Batmobile, une Bentley S3 et sa jumelle, la Rolls-Royce Silver Cloud III de 1963. Y étaient parfois adjoints un van à chevaux, un canoë sur galerie ou une remorque avec voilier. Très vite oubliées, fragiles et rarissimes, les Magicar ! de Spot-On sont des collectors absolus, bardés d’une cote 5* assortie.