CHÂTEAUX BRILLANTS

Les Français sont des girouettes. Voilà deux siècles, la Révolution vidait, bradait et même brûlait les châteaux. En 2020, après deux mois de confinement, ils trépignent à l’idée de les visiter. Bien avant les cinémas, les théâtres, les restaurants, les hôtels et les frontières, depuis le 11 mai, une trentaine de sites parmi les Châteaux de la Loire ont été autorisés de s’entr’ouvrir à la visite publique. Pour la plupart, cela s’est borné aux seuls parcs et jardins, ce qui était déjà fabuleux. Le château de Blois fut ainsi le premier à donner le signal d’un soulagement historique. Début juin, c’était au tour de Chambord. Entre temps, Amboise, Chinon, Villandry et quelques autres avaient rouvert grilles, portails et pont-levis. Économiquement, l’enjeu était de taille. Touristiquement, il est hautement symbolique. Classé au Patrimoine Mondial de l’Unesco depuis l’an 2000, le Val-de-Loire recense la bagatelle d’environ 3000 sites dont 22 châteaux et domaines de premier plan.

Cela va, d’Est en Ouest, de Gien à Serrant via Chenonceau, Azay-le-Rideau, Amboise, Chambord, Blois, Langeais, son sans traverser les départements de l’Indre-et-Loire, du Maine-et-Loire, du Loir-et-Cher, de l’Eure-et-Loir. Destination privilégiée par les touristes français, européens et ceux venus du monde entier, « les châteaux de la Loire », résidences royales comme nobiliaires, aimantent chaque année quelques dix millions de visiteurs, la moitié favorisant les 14 grands châteaux dont Chambord qui bat tous les records avec 1,13 million de visiteurs en 2019. Ce fabuleux intérêt ne date pas d’hier. Dès les débuts du tourisme, les primo-guides inscrivirent les Châteaux de la Loire immédiatement après Paris et la Côte d’Azur à leur collection. Les cartographes suivront docilement. Toutes les enseignes pétrolières mettront ensuuite leur logo sur des guides et des cartes cadeaux avec grosse faveur aux Châteaux de la Loire et au Val-de-Loire. Maintenant, juste pour passer le temps en voiture, savoir que Charles Perrault s’inspira du Château d’Ussé pour imaginer celui de la Belle au Bois-Dormant et que Hergé fit de même avec le château de Cheverny pour son Moulinsart. Et jouer aux devinettes : où vécurent Catherine de Médicis, Diane de Poitiers, Barbe-Bleue, Charles VIII, Anne de Bretagne, René d’Anjou, la Dame de Monsoreau, Angélique de Plessis-Bellière, Louis XI… ?.  Un intrus s’est glissé dans cette liste, sauras-tu le retrouver et gagner une Simca Chambord Norev état épave ?.  

De gauche à droite

Simca Versailles. Dinky-Toys. 1956. No. 24Z puis no. 541

Avant sa fusion au mitan des années 1950 avec Ford et de trouver dans la corbeille de mariage une nouvelle Vedette toute neuve, Simca avait déjà manifesté son appétence aux titres nobiliaires pour baptiser ses autos. Chez Simca, en effet, se trouvait, aux côtés du fondateur,  Henri-Théodore Pigozzi, un certain Jean de Limur, comte et ancien réalisateur de cinéma. Cause à effet et lycée de Versailles ?. Quand il a fallu trouver en 1954 un nom au break de l’Aronde, le choix est tombé sur « Châtelaine ». Choix réitéré au fil des changements de styles et de carrosseries, jusqu’à la P60 pour un modèle visant l’intendance campagnarde plus stylée qu’avec une Renault Dauphinoise et très pâte-en-croute dans le genre pneus à flancs blancs.  

Tout a été dit et abondamment raconté sur la Simca Vedette Versailles, lancée en fanfare en 1955 avec son moteur V8, et illico démultipliée en versions Trianon, Ariane, Régence et Marly (le break). La vie de château(x), déjà, autrement plus suggestive et glamour, bref, so française !. Entre Poissy, siège-usine de Simca, et Bobigny, siège-fabrique de Dinky-Toys, les relations filaient bon train. Simca 5, Simca 8 Sports cabriolet, Aronde 9 type 1 et Type 2 : le catalogue Simca était fidèlement reproduit au 1/43è. La Versailles n’y faillira pas : présentée au catalogue 1956, elle s’y pavana en bleu-ciel/toit ivoire ou en jaune soufre/toit noir, ce qui collait impec au nuancier Simca. Pas de vitrage mais des pneus blancs élégants et des chromes à profusion. Doublée en 1959 d’ une version taxi G7 blasonnée « Versailles » ou « Ariane » selon les cas, la nouvelle Vedette Simca sera retirée du catalogue Dinky à la charnière des années 1959/60 non sans avoir changé de nomenclature. Cette même année 1959, Air France baptisait son premier Boeing 707A « Château de Versailles », premier d’une longue lignée d’aéronefs dument et officiellement castellisés Chambord, Fontainebleau, Rambouillet, Chantilly….

Simca Chambord. Dinky-Toys. 1959. No. 24K, puis no. 528

Lorgnant l’industrie auto américaine de Detroit qui jonglait avec ses millésimes stylistiques comme autant d’acrobates avec des Tupperware, Pigozzi appliqua les mêmes recettes à Simca et ses gammes de modèles. Estimant la Versailles et succédanés succinctement surannés, il en commandera un spectaculaire lifting « américanisé » au designer italien Luigi Rapi à qui l’on devait l’adorable silhouette de l’Autobianchi Bianchina, lancée en 1957. Dévoilée l’année suivante, la nouvelle Vedette de Simca fera figure d’héritière de la Versailles en visant un autre château royal : Chambord. Sous le capot, un V8 grondant et tout autour des chromes rutilants, des ailerons conquérants et une robe bi/tri-colore hardie sonon tapageuse mais qui exprimait tout l’optimisme des Trente Glorieuses au zénith. Produites pendant quatre courtes années en plusieurs versions -Chambord, Beaulieu, Régence, Marly et même Présidence, routières et familiales à la fois, cossues jusqu’au rupin, les ultimes Vedette de Poissy, vantées comme « les plus spacieuses des voitures françaises », sillonneront l’hexagone avec superbe avant d’aller finir leur carrière au… Brésil.

Chambord ou Beaulieu : ces Simca flamboyantes firent le bonheur des petits garçons, reproduites à foison, métal ou plastique, tractant des caravanes, arborant des coloris surréalistes, à toutes les échelles, du 1:86ème au 1:43ème et plus gros encore, chez Norev, Solido (démontable), Minialuxe (1/32è), Charvel avec phares lumineux, en passant par les cadeaux Bonux et même une Beaulieu exotique estampillée Empire, made-in-Hong-Kong!. Obéissant au programme officiel de Poissy, Dinky Toys commercialisera sa Chambord dès 1959. Une première livrée blanc-ivoire/rouge sera suivie d’une combinaison vert-tilleul/vert-sapin. Vitrage et pneus blancs : la production montait en gamme, chromes inclus. Mais cessera net en 1961, comme la grande. Si la Chambord et son break Marly se référaient respectivement à un château fastueux et à un domaine royal connu, la Beaulieu était moins faraude, voire générique, car des châteaux de Baulieu, il y en a à foison en France, notamment à Tours, à Candé et à Saumur, sans oublier le village de Beaulieu-sur-Mer, sur la Côte d’Azur. C’est cette modestie de rang qui conduisit sans doute le Journal de Tintin à réaliser son reportage sur la Simca Beaulieu devant le château de Vaux-le-Vicomte !.

Simca Marly. Quiralu. 1957. No.10

Situé à proximité de Saint-Germain-en-Laye, le château de Marly avait été bâti par Mansart pour Louis XIV qui désirait « quelque chose de plus intime que Versailles ». Abandonné après la Révolution, racheté puis démantelé pierre par pierre, le château a disparu bien après que ses fameux chevaux aient été déplacés pour la place de la Concorde où la pollution générée par le trafic automobile du XXème siècle aura raison de leur intégrité minérale et plastique. Restent un domaine et sa forêt. Marly fut aussi un pseudo prisé par les actrices et les chanteuses étrangères. Née tchécoslovaque, Florence Marly, mariée au grand cinéaste Pierre Chenal, fut une vedette fugace du cinéma français des années 1940 et 1950, son film le plus connu restant Les Maudits, de René Clément, sorti en 1946. Quant à Anna Marly, née russe, elle était chanteuse et musicienne, entrée dans la légende pour avoir composé la musique et écrit les paroles (en russe) du Chant des Partisans.

Chez Simca, la Marly désignait le break de la Vedette Versailles, vendu très cher comme « le premier break de luxe français ». Break de classe et break de chasse : l’imagerie liée à la promotion du modèle allait de chasse en chasse et de château en manoir. Sans aucune concurrence dans le paysage français, Simca en vendra 105.150 exemplaires entre 1956 et 1961. Dérivé de la Versailles, le premier break Marly subira le lifting appliqué à la Chambord sans toutefois changer de nom, puis, lui aussi s’exportera au Brésil sous le nom de Jangada. Au 1/32ème et en plastique, ce sera Minialuxe qui usinera la première Marly. Au 1/43ème et en métal, seul Quiralu reproduira cette première Marly/Versailles, annoncée sur sa boîte comme « le nouveau breack (sic) Marly bicolore ». Fondée au début des années 1930 par Émile Quirin sur la base de la fonderie familiale ancestrale, la firme de jouets en aluminium Quiralu, spécialisée dans les petits soldats, sujets agricoles et animaux, moula entre 1955 et 1961 une série de trente petites autos au 1/43è en zamac non sans choisir des modèles singuliers ignorés par les concurrents. Ainsi de la Messerschmitt, de l’Isetta Velam, du cabriolet Jaguar XK140 ou de la Rolls Royce Silver Cloud « Hooper ». Avec juste Simca Vedette pour référence unique, Quiralu sortira en 1957 une Versailles, une Trianon et une Régence, différenciées par des traitements chromatiques tranchés. Le « breack » Marly sera démoulé cette même année 1957 : plusieurs robes bicolores pimpantes + une version ambulance blanche à croix bleue. La seconde Marly (sur base Beaulieu/Chambord) fera une carrière miniature tout-plastique chez Minialuxe (1/32è, civile et ambulance) et surtout chez Norev, en seule version ambulance au 1/43è. Le moule sera repris ensuite par Éligor pour une version « civile » inédite.