LA CARAVANE PASSE

Voyager en caravane ? rien de nouveau sous le soleil des Trente Glorieuses. Héritée en ligne directe de la roulotte en bois hippotractée, la caravane embarquait des promesses de liberté et d’indépendance. Maisonnette roulante par essence, la caravane et ses avatars -campers, etc…-, ont juste changé de look et de clientèle au cours du XXème siècle. Les bagages ?. Aucun constructeur n’y pense alors. Et comme pour les diligences, fiacres et autres berlines de voyage hippomobiles, c’est sur les toits, sur les ailes et greffées en proue et poupe des autos que les malletiers, promus équipementiers, imaginèrent d’arrimer les indispensables coffres et bagages nécessaires au voyage, même les plus courts.

L’essor de l’automobile fera du malletier Louis Vuitton un partenaire privilégié des constructeurs, la maison équipant quasiment toutes les marques alors présentes sur le marché. Sa brochure de malles automobiles, disponible sur demande auprès des magasins de Paris, Londres, Lille, Cannes, Vichy et Nice, accompagnait ce développement phénoménal, fournissant, sur commande et sur mesure, aux constructeurs automobiles tous types de malles et coffres censés emporter bagages, outils, pneus, et même un lavabo pour que le chauffeur puisse se laver les mains après avoir réparé une roue, justement.

Fondée en 1860 et alors sise rue Godot de Mauroy, la maison Kellner était un sellier de luxe comme il en existait beaucoup à Paris, Hermès en tête. Le passage de l’hippomobile à l’automobile donnera prétexte aux deux fils du fondateur de passer à la vitesse supérieure en devenant carrossiers. On leur devra ainsi la carrosserie scaphandrier de la Renault 40CV et surtout celle de la fameuse Serpollet 1903, dite « Œuf-de-Pâques ». Dans le paysage automobile de l’époque, la marque créée par Léon Serpollet est déjà une légende. Associé en 1899 au financier américain Frank Gardner, Serpollet fut le pionnier de la voiture à vapeur industrielle. Leur premier modèle, une 40HP, a été carrossée par la firme anglaise H.J.Mulliner&Co qui liera son destin à Rolls-Royce en 1908. Ensuite établie au 125, avenue Malakoff , dans le XVIème ardt., Kellner & ses Fils, collaborera avec Louis Vuitton, carrossant notamment une limousine de voyage Pilain 24/35 HP « Saint-Christophe » et une Itala 50HP accessoirisée en bagages par le malletier et figurant à ce titre au catalogue automobile Louis Vuitton. Le Salon de l’Automobile de 1908, tenu sous la Coupole d’Antin, présentait sur l’un de ses stands, deux voitures ainsi réalisées par Vuitton. L’une était une Darracq_Serpollet-Roulotte de voyage, carrossée par Felber et accessoirisée de malles Louis Vuitton, l’autre était due à la collaboration de W.S. Hogan, Kellner et Vuitton, sur châssis De Dietrich. Une voiture de route et de camping « permettant à deux personnes de narguer hôtels et restaurants ». Il s’agissait d’un véritable camping-car, avant la lettre qui « porte sa tente, deux lits, une table, deux sièges, un lunch-case et une toilette ». Carrossé par Kellner, pesant à plein près de 800 kilos, ce véhicule de 75HP était aussi équipé de malles auto emportant avec elle un nécessaire à thé ou à déjeuner, quatre valises, un nécessaire de toilette complet, une malle pour quatre à six chapeaux de dame, une malle pour chapeaux d’homme, une pharmacie de voyage, deux malles longues réservées aux robes, un malle de mécanicien (placée dans le coffre avant, fixé sous les lanternes), un coffre à outils avec étau placé sous le marchepied côté conducteur et un sac chauffeur placé à l’avant du pavillon. Sur le terrain et à l’arrêt, la voiture s’ouvrait pour devenir chambre et salle-à-manger avec un bar à l’intérieur du véhicule et un couchage d’appoint sur le pavillon. Parfait en cas de querelle conjugale, en version auto du « va dormir sur le divan ». Le Journal automobile du 4 avril 1908 en trépigna de joie en y allant de son commentaire lyrique illustré de dessins signés Mich. « Ouvrez la porte arrière et vous voilà dans un cabinet de toilette qu’aucun prédécesseur douteux n’aura défloré ». Au sortir de la Première Guerre mondiale, peu de gens penseront à baguenauder ci et là ainsi équipés. Chez Vuitton, à Asnières, après avoir présenté à la Foire d’Amiens la première remorque de camping automobile élaborée sur châssis Labourdette, on enregistrait la première commande spéciale de l’après-guerre : une malle-auto en cuir de vache verni noir pour une Hispano-Suiza. Les années folles pouvaient commencer…

À l’échelle du jouet, les caravanes accompagneront les petites autos dès les années 1920/1930, véhicules génériques aux couleurs ludiques et aux formes rondouillettes. En France, chaque maison se fera un devoir d’atteler sa propre caravane à son écurie de voitures. Dinky-Toys, Norev, CIJ et Solido mais aussi Tekno, Märklin, Spot-On, Corgi Toys, Mercury ou Politoys accrocheront au fil du temps des caravanes Hénon, Notin Cottage, Sterckeman Datcha, Digue, Caravelair, Sprite Musketeer et autres Eriba à leurs modèles, moyennant qui un crochet spécifique qui une encoche universelle à l’arrière des voitures. Une seule caravane française jouera les mercenaires en s’accrochant aux CIJ, aux Solido et autres Dinky: la Maniabloc de chez Ador. Une caravane en plastique avec vitrage bleu, électrique télécommandée par boîtier à piles, et vendue en coffret avec une Citroën Traction Avant 15 Six de chez JRD. Dans les vitrines, la caravane est devenue une théma prisée de collectionneurs, souvent doublée d’une autre théma : les remorques bâteau.

Vacances et loisirs en miniature : la collection commence cet été…

De gauche à droite

Karrier Bantam Mobile Canteen « Joe’s Diner. Corgi-Toys. 1965. No. 471

Marque anglaise fondée au début du XXème siècle et spécialisée dans la conception et la fabrication de bus, vans, trolleys et véhicules utilitaires légers, Karrier sera absorbé en 1934 par le groupe Rootes (Sunbeam, Hillman, Humber, Singer), plus tard racheté par Chrysler qui fera disparaître la marque en 1970. Avant-guerre, Karrier était célèbre pour son tracteur à trois roues Cob, surnommé « le cheval mécanique », remplacé par un quatre-roues appelé Bantam. Karrier produira plusieurs générations de Bantam, elles-mêmes reproduites fidèlement par Dinky Toys et par Corgi Toys, non sans varier les plaisirs de versions multiples. Fourgons BBC ou ABC chez Dinky, van Lucozade chez Corgi où la tentation des boutiques ambulantes dont Karrier avait le monopole était un sacré plus accessoirisé, que la firme désignait comme des « versatile vehicles ». Dès 1957, Corgi proposait un Bantam « Mobile Grocery Shop » doublé d’un « Butcher Shop ». En 1964, apparut dans la série du cirque Chipperfields, le Bantam « caisse mobile », devenu une rareté absolue. Avec les vans Commer, Bedford et VW Kombi, l’offre « utilitaire » chez Corgi,  alors florissante, s’augmentera en 1963 d’un Bantam « Mister Softee Ice Cream », en 1964 d’un van « Military Kitchen Field », et en 1965 du van « Mobile Canteen Joe’s Diner, » proposé en bleu ou en rouge, mais surtout animé par un comptoir ouvrant, une figurine et même un éclairage intérieur. Usiné jusqu’en 1966, ce food truck sera l’ultime des Karrier Bantam produits par Corgi. En vrai, ce type de comptoir alimentaire était des plus populaires dans l’Angleterre balnéaire des années soixante. De Brighton à Bornemouth, ils faisaient partie du paysage estival, et plus encore.

Ford Taunus 17M P3 coach 2 portes. Tekno. 1961. No. 826

Officiellement dévoilée à Bonn en 1960 dans le cadre du 30ème anniversaire de la fondation de l’usine Ford à Cologne, avec le chancelier Konrad Adenauer et Henry Ford pour parrains, la nouvelle Ford Taunus 17M P3 rompait catégoriquement avec les influences stylistiques dictées par Ford USA. Ainsi de la précédente Taunus 17M P2, sorte de clone bonzaïfié de la Ford Fairlane 1956. De fait, cette nouvelle Taunus présentait un profil inédit et novateur, pur et lisse comme un savon de beauté Lux, ce qui lui vaudra le surnom de « Badewanne » -baignoire en allemand !. Signé Wesley P. Dahlberg et Uwe Bahnsen -lequel dessinera les Ford Capri II et III, les Taunus L, XL, GXL, la Fiesta ou encore la Sierra-, le design de la nouvelle Taunus que les Français préfèreront qualifier de « ligne en coup de vent »,  étonne, épate et séduit. Succès commercial soldé par près de 670.000 exemplaires, toutes versions confondues, vendus en quatre ans dans toute l’Europe et plus loin encore, notamment en Afrique du Sud, la 17M porte beau le nom d’une chaîne montagneuse allemande, adopté pour une gamme lancée en 1939 et qui perdurera jusqu’en 1994, alors remplacé par Sierra, autre toponymie minéralo-montagneuse. De 12 à 26, selon la catégorie, la Taunus carburait au V4 ou au V6, le M signifiant, en totale modestie, Meisterstück (Chef d’œuvre), laurier technique également adopté par la marque allemande Montblanc pour ses stylos plume. Déclinée en plusieurs typologies de carrosserie, la Taunus 17M P3 sera vendue sous forme de berline 4 portes, coach 2 portes et break 3 portes Turnier. Réalisés par le carrossier Karl Deutsch, les rares coupés et cabriolets seront produits à 150 exemplaires, tandis que des pick-ups partiront rouler en Grèce et en Rhodésie. Remplacée en 1964 par la nouvelle Taunus 17M P4, la P3 reste un joli souvenir pimpant et élégant, à la fois populaire et unanime dont la cote en collection aujourd’hui tournicote autour de 2500 euros, ce qui en fait une aubaine, à condition d’en trouver une!.

Avec ses phares ovales et sa calandre en sourire à la Jackie Kennedy, la Taunus 17M sera reproduite à l’envi au 1/43ème. Curieusement, en RFA, ni Märklin, ni Gama Mini ni même Schuco  daigneront la mettre à leur catalogue, préférant les versions antérieures et ultérieures. Ce qui expliquera la percée notable de la 17M Polizei de Dinky-Toys sur le marché fédéral. Seuls Siku au 1/72ème s’en chargera avec un coach 3 portes et un break Turnier, ainsi que CKO-Kellermann avec une Taunus civile et une Taunus taxi en tôle et à friction, au 1/32è. En France, il y aura donc Dinky-Toys, mais aussi Norev, Clé et Minialuxe, qui en version 2 portes, qui en version 4 portes. En Italie, Politoys et Ingap feront du tout plastique de la 17M. Sortie en même temps que Ford lançait la vraie, en grand, avec ses pneus à flancs blancs, la 17M P3 du Danois Tekno venait remplacer la précédente 17M P2 de 1958 (no. 823). Là aussi, version coach 2 portes avec robe unie (jaune, rouge, blanc, vert jade, bleu de Prusse…), ou bicolore par le toit. Vitrage, aménagement intérieur, détails rapportés, mais sans aucun ouvrant, la nouvelle Taunus est une belle miniature de luxe, malgré un avant un chouia mastoc dû à la fusion du parechoc et de la calandre. À ce titre, celles de Dinky Toys et de Norev étaient beaucoup plus réussies. Mention spéciale aussi à la splendide 17M téléguidée (ou non) de chez Mont-Blanc, en plastique rouge. Rayon bazar, on dégotera une Taunus 17M en plastoc soufflé chez Kryo au 1/43è (cadeau Bonux), et un bizarre break Turnier du même acabit, environ au 1/30ème, sans doute moulé cheap par l’Espagnol Bullycan, auteur d’un improbable break Ford Thunderbird !.  Quant à la sa remplaçante, la nouvelle Taunus 17M P4, elle sera reproduite au 1/43è, berline 4 portes, par Politoys M, coach 2 portes par Dinky Toys GB et coupé par Gama Mini.

Caravane « aérodynamique ». Dinky-Toys GB. 1956. No. 190

Des caravanes chez Dinky Toys à Liverpool, il y en avait déjà une, avant-guerre, rudimentaire mais mignonette, importée par Dinky France jusqu’en 1939. Au début des années 1950, le répertoire était du même zamac. Aussi quand en 1956, la firme accrocha à son catalogue cette caravane « moderne » profilée streamline, c’est toute la série 150 qui profita des départs en holidays sur le tapis du salon. Sunbeam Rapier, Singer Gazelle, Hillman Minx, Austin A 105, Humber Hawk , Vauxhall Cresta et autres Ford Zephyr s’attelèrent à tracter la bestiole nantie d’un crochet d’attache spécifique et d’une roue minuscule. Livrée bicolore -crème/citrouille ou ivoire/bleu ciel-, train roulant caréné équipé de pneus noirs, cette caravane dite « aérodynamique », référée à aucune marque ni aucun modèle existants, sera remplacée au catalogue en 1961 par la Caravane 4 Berth (4 couchettes), toujours bicolore et toujours un brin baroque de style, autrement mieux équipée et même nantie sur certaines versions d’un toit transparent panoramique, histoire d’admirer son intérieur aménagé, que l’étroite meurtrière de la porte ouvrante empêchait d’estimer à loisir, même après modification du moule en 1963, destiné à agrandir les fenêtres (no. 188).