LE CARRÉ QUITTE LE CERCLE

Monté au ciel le 12 décembre 2020 après une vie passée à l’écriture de best-sellers parfumés au rideau de fer, John le Carré se nommait en réalité David Cornwell. Plus exactement David John Moore Cornwell. Né en 1931 d’un père décrit plus tard comme « un escroc magnifique…qui changeait de noms comme de femmes », et d’une mère ayant abandonné du jour au lendemain domicile conjugal et progéniture assortie, le petit Cornwell deviendra grand en étudiant et en décidant, après avoir envisagé d’entrer dans les ordres, de quitter l’Angleterre pour filer étudier à Berne. La Suisse de l’immédiat après-guerre a remplacé la Turquie d’avant 1939 en matière de jeux d’espions et la capitale fédérale était alors « un haut-lieu du renseignement ».

L’air de rien, Cornwell s’y frottera. Entré aux affaires étrangères pour le compte de sa gracieuse Majesté, il se retrouvera secrétaire d’ambassade à Bonn, nouvelle capitale décrétée de la Bundesrepublik allemande proclamée depuis peu. Puis consul à Hambourg. Ici, là, comme ailleurs, il n’en loupera pas une miette, notera tout. Le futur maître de l’espionnage avance alors ses pions en col blanc. Le gouvernement anglais l’approche pour « renseigner ». Il confessera avoir été un espion au service du MI5, mais pas bien longtemps. Cornwell était toujours en poste quand, en 1961, il publia en Angleterre son premier roman, Call for the Dead, sorti deux ans plus tard en France chez Gallimard dans la collection Panique sous le titre L’Appel du Mort. Y apparaissait le fameux George Smiley, officier du renseignement, anti-héros par nature que celui qui s’appelle désormais John le Carré fera vivre dans huit de ses livres. Cette même année 1961, voici le diplomate-écrivain visitant Berlin quelques jours après la construction du Mur. Un vrai choc qu’il métabolisera en écrivant L’espion qui venait du froid (The Spy Who Came in from the Cold), son premier best-seller mondial, paru en 1963. Entre temps, son deuxième bouquin, Chandelles noires (A Murder of Quality) est paru en 1962 et le diplomate a rendu son tablier pour se consacrer à l’écriture. Dès lors et jusqu’en 2020, John le Carré ne quittera plus sa machine-à-écrire et les sommets des ventes. Très vite, flairant le bon filon, le cinéma s’intéressera à ce phénomène de librairie, adaptant dès 1965 L’espion qui venait du froid. Efficacement réalisé par Martin Ritt, tourné à Dublin et à Amsterdam, le film sera un énorme succès critique et public, et donnera à Richard Burton l’occasion de rafler un Oscar. Avec un casting en or massif -Claire Bloom, Oskar Werner, Peter Van Eyck…, L’espion qui venait du froid tordait le cou aux jamesbonderies exotico-sexy et aux exercices humoristico-cyniques des Harry Palmer avec Michael Caine.

L’année suivante, le Carré reviendra sur grand écran avec The Deadly Affair, hasardeusement traduit en français par MI5 demande protection, alors qu’il s’agissait de l’adaptation de Call for the Dead, soit L’appel du mort. C’était sans doute trop simple. Mis-en-scène par Sidney Lumet, sorti en 1966, The Deadly Affair captivera les spectateurs. À l’image, rien moins que James Mason, Simone Signoret, Maximilian Schell, Harriett Andersson et Lynn Redgrave (la sœur de Vanessa). Du lourd. Avec BO composée par Quincy Jones. Au box-office, un film tiré d’un bouquin signé  John le Carré, c’est devenu le jack-pot assuré. Paru en 1965, Le miroir aux espions (The Looking Glass War) fera l’affaire. Aucun changement de titre : le projet co-produit entre la Grande-Bretagne et l’Allemagne de l’Ouest, tournera rond, piloté en 1969 par un réalisateur américain, Frank Pierson qui signait ici son premier film. Pierson se rendra célèbre en réalisant quelques années plus tard le remake rock de A Star is Born avec Barbra Streisand et Kris Kristofferson. À l’affiche, le héros, Fred Leiser, est campé par Christopher Jones, star-météore du nouveau cinéma anglais, à jamais héros de La Fille de Ryan. Autour de lui, il y a la Suédoise Pia Dagemark, étoile elle aussi fugace, prix d’interprétation à Cannes en 1967 pour Elvira Madigan. Également au générique, Susan George, Anthony Hopkins à ses débuts, et l’immense Ralph Richardson, gloire du théâtre britannique. Avec la guerre froide pour contexte brûlant, la RFA opposée à la RDA, Le miroir aux espions était pile poil inscrit dans son époque. Jalon minoré dans la liste des adaptations ciné des romans de le Carré au cinéma, ce film mérite la revoyure. Publié en France en 1965 chez Robert Laffont, son succès en librairie conduira naturellement à une édition en Livre de Poche dont la couverture flirtait avec l’esthétique Fleuve Noir. Jaquette verte, nom de l’auteur trop fois plus gros que le titre et une Citroën DS 19 noire braquant ses phares jaunes sur une silhouette affolée, vêtue d’un trench-coat, éblouie comme un lapin. Décryptage : dans le film, les voitures utilisées étaient, effectivement, une DS 19 noire, mais aussi une Skoda Felicia de la Polizei RDA, une Land-Rover et un camion ZIS 14 d’avant-guerre…

Onze des romans suivants de le Carré paraîtront en France chez Robert Laffont. Tous les autres, jusqu’au dernier, Retour de service, seront ensuite édités au Seuil. En Angleterre, le Carré négocie habilement les droits cinéma d’une dizaine de ses romans, exigeant parfois de collaborer au scénario. En effet, déçu par certaines adaptations, il confiera au réalisateur John Boorman qui avait, en 2001, porté Le tailleur de Panama au grand écran en réclamant que Le Carré en co-signe avec lui le scénario, que « faire un film d’après un livre, c’est comme préparer un bouillon Kub avec un bœuf ». Entre Le miroir aux espions, en 1969 et La petite fille au tambour, en 1984, il se passera en effet plus de quinze ans avant que John le Carré accepte que ses romans « passent » au cinéma. En 1984, le monde a changé, l’espionnage aussi. Avec le terrorisme et les machinations pharmaceutiques internationales, la Perestroika et la Glasnost, la chute du Mur et le Post-communisme, l’activisme avide et le démantèlement soviétique, les sujets de ses livres foisonnent et rebondissent avec une maestria unique. Entre ses romans et les films, quelques hiatus temporels en brouillent la chronologie. Si La petite fille au tambour (film) et La Maison Russie (film) suivent de près la sortie des romans, La Taupe (Tinker Tailor Soldier Spy) publié en 1974 dormira jusqu’en 2011. Avec Tom Hardy, Gary Oldman, Colin Firth, John Hurt et Benedict Cumberbatch, le film finira bardé de prix et de récompenses. Comme tonton Hitch s’amusait à le faire dans ses propres films, le Carré y effectue un caméo. Une habitude prise depuis La petite fille au tambour où jouaient Diane Keaton, Yorgo Voyagis, Sami Frey et, très loin au générique, David Suchet et Bill Nighy. Outre les tournages effectués aux quatre coins du globes, les stars vendaient leur mère pour être dans un « le Carré ». Sean Connery, Michelle Pfeiffer, Roy Scheider, Klaus-Maria Brandauer dans La Maison Russie (1989). Pierce Brosnan, Geoffrey Rush, Jamie Lee Curtis, Daniel Radcliffe (futur Harry Potter) et même le fameux dramaturge Harold Pinter dans Le tailleur de Panama (1996). Ralph Fiennes, Rachel Weisz, Bill Nighy, Hubert Koundé dans La constance du jardinier (2005). Philip Seymour Hoffman, Rachel MacAdams, Willem Dafoe, Robin Wright, Daniel Brühl dans Un homme très recherché (2014). Ewan Mac Gregor, Stellan Skarsgard, Naomie Harris dans Un traître idéal (2016), à ce jour ultime film adapté. En 2018, La petite fille au tambour a fait l’objet d’une série télé. Les archives de la BBC abritent aussi quelques adaptations devenues des classiques et où le personnage de Smiley est incarné par Sir Alec Guinness. Nul doute que dans les prochaines années, l’œuvre de le Carré fera l’objet de nouveaux films, séries et remakes. Quant à sa vie, roman plus ultra, elle mérite amplement un biopic. Pour cela, il suffit de lire ou relire tous ses livres : dans chacun se nichent des éléments, des indices et des allusions biographiques. Un titre ?: L’espion face à son miroir…

De gauche à droite

Moskvitch 408. Dinky-Toys. 1968. No. 1410

Quelle mouche rouge aura piqué les huiles Meccano de Bobigny pour qu’ils décident de glisser la réduction au 1/43ème d’une voiture soviétique au catalogue Dinky-Toys de 1968 ?. Certes, avec la Honda S800 venue du Soleil Levant, les nouveautés du moment sont assurément exotiques, mais la Moskvitch, personne connaît. Et pas moins les gamins qui n’en ont jamais vu circuler un seule en ville ou sur les routes. À ce jour, encore aucun fabricant de jouets européen ne s’est hasardé à fabriquer des miniatures de tutures russes. Exception faite de l’Italien Politoys avec la GAZ 69 AM. Mais Politoys, avec Mebetoys, commerçaient déjà avec l’URSS et les républiques-sœurs, en revendant leurs vieux moules à Moscou comme à Prague. De fait, boudée par les jeunes clients comme par les collectionneurs, la Moskvitch fut pour Dinky un bide cuisant. Le contexte était pourtant favorable à un tel oukase : 68, année révolutionnaire, et Renault manœuvrant en coulisses depuis 1966. En effet, un gros contrat industriel passé entre la Régie nationale et le Kremlin, cadrait la production en Belgique et notamment à Vilvoorde, de la Moskvitch 408, modèle que Moscou envisageait d’exporter à gogo en Europe de l’Ouest. De surcroit, la Moskvitch est auréolée d’un beau palmarès sportif, engagée et arrivée entière aux rallyes London-Sydney (1968), Wembley-Mexico (1969) et bien classée aux 24h de Spa, en 1971. Décliner la 408 « civile » en versions rallye n’était pas chose compliquée pour sauver la moscovite de la bérézina. Il faut dire que restylée en 1968 avec parcimonie, baptisée 412, la Moskvitch destinée à l’export avait déjà périmé celle de Dinky…

Dévoilée en 1963, alors moderne et bien dessinée, la 408 avait été présentée en fanfare à Londres et, posée comme la rivale directe de l’Opel Kadett, lancée à l’assaut du marché occidental. Du côté capitaliste du rideau de fer, l’histoire de Moskvitch est alors confuse, sinon ignorée. À force de changer sans cesse de nom, la marque a perdu les siennes en chemin. Au début, en 1930, était KIM, pour Jeunesse Communiste Internationale, production étatique de petites voitures bon marché mais solides. Implantée aux portes de Moscou, KIM usinait alors sous licence des Ford A. Premier changement patronymique en 1941 : KIM devient MZMA, pour Usine de Voitures Compactes de Moscou. Soit la vieille Opel Kadett de 1938 dont plans et outillages ont été raflés en 1945 par l’Armée Rouge. Un an plus tard, re-changement. Place à AZLK, pour Usine Automobile de la Jeunesse Léniniste. Il en sera ainsi jusqu’en 1965 avec l’instauration d’un quatrième et ultime nom, Moskvitch, au parfum plus exportable que celui de Komsomol Lenine. Entre 1946 et 1958, sont sorties des usines moscovites les modèles 401, 402 et 407, ce dernier ayant remplacé en toute logique par la 408, née AZLK avant de devenir Moskvitch. À la 408 succédera une kyrielle de modèles plus ou moins reliftés. Pour rajeunir la gamme, on fera même appel à Raymond Loewy, symbole de l’impérialisme industriel et consumériste américain. Moscou n’était pas à une contradiction près.

Sur le terrain, la concurrence de Lada, issue d’un partenariat avec Fiat, chahute salement Moskvitch malgré ses 4 millions de véhicules produits et vendus. Amorcé en 1986 dans un pays secoué par la Perestroika de Gorbatchev, le déclin de la marque est inexorable. Obsolète, l’outil industriel fonctionne presqu’ à vide. Les ouvriers sont payés en pièces auto. Le ratage de la Moskvitch Ivan Kalita, tentative bâclée d’une percée premium, vaudra pour point final. Renault, qui n’a jamais perdu Moskvitch de vue, profite du marasme pour implanter ses propres usines sur le site. Celui de Moskvitch, liquidé en 2001, pillé, fermera définitivement en 2010, tout comme le musée Moskvitch, installé dans un bâtiment à l’architecture ufoesque inauguré en 1980. En 2015, Renault annoncera sa volonté de relancer Moskvitch. Depuis, Moscou ne répond plus…

Chez Dinky, l’échec de la Moskvitch se soldera par un tour de passe-passe industriel. Par analogie et similitude, il est évident que le moule français a été vendu au fabricant de jouets soviétique Radon. À moins que, comme l’avancent certains fins connaisseurs proches du dossier, ce ne fut le contraire : ce seraient les Russes qui auraient fourbi le moule, revendu à Dinky en 1966. Pas glop. Ne pas oublier ici la toile de fond Renault-Belgique-Export. Pour ce dire, nos experts se basent sur le capot ouvrant, son moteur vert (Tchernobyl, déjà ?) et son articulation en agrafe, identique à celui de la Moskvitch russe de Radon. Sauf que ce modèle, destiné à l’export, sortira en 1973.  Mystère et pneus en gomme. Mal-aimée, la Moskvitch de Dinky, alors unique miniature soviétique reproduite en France, reste une petite auto parfaite, intéressante et insolite. En atteste son jeu de plaques d’immatriculation moscovites.

GAZ Volga M-24. 1967. Radon Saratov/Novoexport. 1978. No. A14

GAZ. Pour Gorkovski Avtomobilnyï Zavod. Fondé en 1932, ce conglomérat militaro-industriel implanté à Nijni Novgorod, cité historique baignée par les eaux de la Volga, et rebaptisée Gorki par les Soviétiques, se pose en leader de l’industrie moteurs-et-véhicules russe. Connu pour sa vaste production de camions, bus et véhicules utilitaires diesel, GAZ la bien nommée, consacrera à l’aune du dégel amorcé par Krouchtchev, une infime partie de ses capacités à la production de grosses berlines et limousines destinées à l’élite du pays. Ainsi de la GAZ Volga M21, lancée en 1956 et livrée derechef aux cadres du PC. Très inspirée de la Ford Customline de 1951, la Volga M21 symbolisera une forme d’ouverture de l’URSS aux valeurs occidentales, couronnée d’un prix lors de l’Expo Universelle de Bruxelles en 1958 et participant brillamment au Rallye de Monte-Carlo en 1964. Destinée de prime abord à l’élite soviétique, la Volga accusera bientôt le poids des ans. Démodée, elle réclame une remplaçante. Ce sera fait avec la Volga M24, grande berline tri-corps moderne, spacieuse, présenté en 1967. Il faudra patienter trois ans ensuite pour en acheter une. En lice, les mêmes apparatchiks politiques, mais aussi les chauffeurs de taxi, et avec la déclinaison en break apparue en 1972, des ambulanciers. Avec sa proue qui n’est pas sans évoquer celle de la Chevrolet Nova, la M24 s’inscrira aussi, conduite par les agents du KGB, dans la sinistre mémoire de la répression soviétique.

Char d’état pesant la bagatelle de quasi 1500 kilos, vendue sur le mode capitaliste avec radio de série et montre électrique de luxe, la Volga M24 carburait à l’antique avec un moteur essence 2,4l. glougloutant 13,2l./100km. Importée en Belgique par Scaldia-Volga, elle y sera diffusée avec un moteur diesel Rover. Son succès commercial fut tel que la voiture sera produite jusqu’en 1992, atteignant 1,48 millions d’unités vendues. Sans prétendre au titre de soviet suprême, la Volga M24 reste une automobile iconique, vue dans deux James Bond, Octopussy et Golden Eye. Elle est aussi très présente dans Inspektor Gai, comédie grinçante d’Eldo Ourazbaïev, sortie en 1983. Et très visible dans la série télé d’animation hyperréaliste Archer 2009-2020, série d’espionnage américaine ayant pour héros, l’agent Sterling Archer. Baignées d’une östalgie galopante, les Volga historiques alimentent un patrimoine proche du culte, régulièrement troublé par des annonces qui restent intentionnelles : ainsi du concept M24 coupé au design audacieux signé Stanislav Tchechouïne ou du projet d’une Volga 500 GL simplement bestiale. 

Populaire jusqu’à faire peur, la Volga M24 sera reproduite en miniatures et à toutes les échelles, destinées au seul marché intérieur et à celui des républiques assujetties. En zamac ou en plastique, aussi rudimentaires que fidèles, ces petites autos très très russes passeront difficilement à l’Ouest, pénalisées par une qualité tout juste digne du jouet de bazar. À Moscou, on perçoit que cette typologie de jouet pour garçons peut servir la propagande communiste. Mais pas question de jouer le jeu sans monter en gamme. Avec Dinky-Toys, Solido, Corgi-Toys et autre Mercury dans le viseur, Moscou élaborera un plan sophistiqué. Les usines de jouets Radon et Tantal reproduiront au 1/43ème et en zamac, la totalité des marques et modèles de la production soviétique, jusque dans leurs plus infimes variantes, des ZIL aux ZIS, des Lada aux Moskvitch et plus encore. Berlines, coupés, breaks, fourgons, camions, bus : les miniatures seront d’un haut-niveau de qualité, dotées d’ouvrants, de suspensions, d’une profusion de pièces rapportées chromées, de feux arrière en plastique rouge. Ces miniatures soviétiques et néanmoins luxueuses, seront lancées à la conquête occidentale par l’Agence Nationale d’Exportation sous la marque-vitrine Novoexport, fabrique étatique officielle jusque-là spécialisée dans la reproduction d’autos miniatures en plastique, produites à Donetsk, en Ukraine, et à Tbilissi, en Géorgie, sur la base d’anciens moules Norev, Politoys et Mebetoys. Déjà reproduits par Novoexport/Valutin, il existait bien quelques modèles en zamac de piètre facture, mouillé au sable, comme la petite ZAZ Zaporozhets ou la Volga M24, mais réservés aux marchés intérieurs.

C’est avec une Moskvitch 412 que Novoexport tâtera le terrain en 1971. Succès de curiosité, vite alimenté par les Moskvitch 408 et 403. Entre 1973 et 1986, Novo exportera ses « soviétiques » avec un bonheur inégal selon les pays concernés. Si les Belges, les Allemands, les Scandinaves et les Italiens s’enthousiasment, les Anglais tordent le nez, les Espagnols s’en tapent et les Français boudent. Aucun intérêt, pfff. Faut dire que l’image des vraies Lada encrasse salement la perception d’un parc automobile méconnu. En URSS, les deux usines Radon et Tantal ne chôment pas. La sophistication des références produites témoigne que les Russes sont capables du meilleur. Après le démantèlement de l’URSS, Radon, Tantal, Novoexport seront remplacés par une seule marque, AGAT, qui poursuivra la production des miniatures jusqu’en 1993, avant de faire faillite en 2007, non sans avoir écoulé les stocks. Quelques nouveautés avaient été injectées dans un catalogue comptant plus de 40 références, comme la nouvelle Lada Samara Coupé, mal fabriquée et fragile.

Commercialisée en 1978, la Volga M24 est une petite merveille. Capot, coffre et quatre portes ouvrants : à la berline s’ajoutera le break, décliné en ambulance, voiture de secours, d’aéroport. Proposée en peintures claires ou pastel, la berline « civile » sera cyniquement traitée en noir KGB, histoire de coller aux mœurs du moment. Débourser, pour l’une comme pour l’autre, entre 25 et 40 euros, permet au collectionneur du jour d’empocher un exemplaire en excellent état, voire en boîte. Snobées, les « russes » hier bradées, et dépassant péniblement les 20 euros, ont soudain vu leur cotation flamber jusqu’à 230 euros, avec pointes à 900 euros pour des modèles plus rares et spécifiques, comme, vu sur e-Bay, le minibus RAF Latvia aux couleurs des JO de Moscou 1980 que se disputaient au 20 janvier dernier plus de 55 enchérisseurs. Avidité capitaliste ! Auto-kritik !

Moskvitch 433 Kombi. Radon Saratov/Novoexport. 1975. No. A5

Usinée des années durant, la Moskvitch 408 de 1963 évoluera pour devenir en 1967 la 412. Seuls la calandre, les phares et les feux arrière en signalaient les différences. La gamme sera élargie avec un break, un pick-up, une fourgonnette et même un kombi 5 portes. Produites jusqu’en 1976, remplacées par la 2140, les Moskvitch 408, 412 et suivantes, seront reproduites dans le désordre par Radon-Saratov-Tantal avec pléthore de versions dont un taxi, un break civil avec ou sans galerie sur le toit, un pick-up et un break tôlé banalisés, l’élégant Kombi, et des berlines en livrée de secours, sanitaire ou policière, des breaks aux « couleurs » d’Aeroflot, de Novoexport et autres organismes étatiques officiels dont on assurait ainsi une forme de publicité, lors de leur anniversaire, notamment. Aujourd’hui, ces miniatures minutieusement et opportunément décorées sont à regarder comme des objets-documents. Techniquement, toutes versions confondues, la Moskvitch 412 était seulement dotée d’un capot ouvrant, mais la palette des peintures et des décors en augmentaient l’attractivité. Nantie des mêmes qualités de précision que toutes les autres miniatures de la gamme, elle reste toutefois fragile des suspensions. Et son capot a tendance à prendre la tangente. Quant au Kombi, ses portes avant ouvrantes le rendent plus cassable que nature. À l’instar des autres références Novoexport, la 412 et sa famille seront à partir de 1986 reproduites et diffusées par AGAT jusqu’à ce qu’on siffle la fin de la récré. Au registre des cotations en collection, ces pimpantes Moskvitch made-in-USSR oscillent, avec ou sans boîte, entre 25 et 50 euros. Pour les Tchaika, les ZIL, les ZIS, et les Lada, c’est un brin plus cher, avec percée notoire de la Lada Niva dans tous ses états.