2021: ON TOMBE LE MASQUE!

Proclamée « Revue mondiale du cinéma », Cinémonde, lancé en 1928, fera partie du ciné-paysage français pendant trois grandes décennies. Un premier temps dirigé par la talentueuse Suzanne Chantal, amie de Jean Renoir et de Marcel Carné, et qui écrira un formidable bouquin de ciné-mémoires, intitulé Le Ciné Monde et publié en 1977, le magazine, à la fois populaire et exigeant, engage les signatures de Blaise Cendrars, Pierre Mac Orlan, Joseph Kessel et celle du fameux historien du cinéma Charles Ford.

Face à Cinémonde, le magazine Pour Vous, lancé cette même année 1928 par L’Intransigeant se positionne sur le créneau luxueux avec la collaboration de Paul Morand, notamment. Pour Vous ne survivra pas à la Seconde Guerre, cessant de paraître en 1940. Quant à Ciné-Miroir, en kiosques depuis 1922, patronné par Le Petit Parisien avec public familial à la clé, il sortira du jeu en 1953, laissant le champ libre à Ciné-Révélation rival direct de Cinémonde. 

Revendu en 1946 au propriétaire du Studio 28, la fameuse salle d’art et d’essai de la rue Tholozé à Montmartre où les films de Bunuel avaient fait scandale, Cinémonde avalera ses rivaux, Cinévie et Cinévogue, puis mettra sur pied les Victoires du Cinéma, décernées en grand tralala lors d’une soirée de gala à laquelle aucune vedette française aurait songé se soustraire. Actualité des acteurs et des actrices, potins, scénarios, films en images : Cinémonde, passé à la couleur, hisse tour-à-tour en couverture vedettes incontournables et starlettes prometteuses un brin aguicheuses. Un terrain scabreux déjà occupé par le magazine Paris-Hollywood, publication coquine apparue en 1947, embrassant sur les fesses starlettes effrontées du cinéma, du music-hall et du cabaret. Passé à la vitesse supérieure dans les années 1960, Paris-Hollywood sera interdit aux moins de 18 ans et interdit d’affichage en kiosque tandis que son poster de pin-up en relief se refilait sous le manteau. Ces années 60 érotisantes marqueront le déclin de Cinémonde, sérieusement concurrencé par le Belge Ciné Revue, très tourné vers le cinéma US, devenu Ciné Télé Revue, et dont les posters de pépées italo-tedesco-hispano-teutonnes, peu avares de leurs charmes, shootées par Angelo Frontoni, occupent les pages centrales en promettant au lecteur des apparitions mémorables dans des navets tournés à la chaîne en Italie. L’arrivée de Maurice Bessy, futur délégué général du Festival de Cannes, à la direction de Cinémonde en 1966 ne changera rien : Bardot a beau souhaiter un joyeux Noël aux lecteurs de 1967, le reste de l’année, chaque semaine, c’est une starlette pulpeuse et pneumatique qui s’exhibe en bikini. Rebaptisé Le Nouveau Cinémonde en 1970, la fin du film interviendra en 1971.

Dans les années 1950, la tradition cinémondesque était de mettre en couverture soit le gratin du cinéma français souhaitant de merveilleuses fêtes aux lectrices, soit des stars de Broadway en habit de lumière, histoire de faire rêver le lectorat. Mais la tentation du maillot était souvent la plus forte. Imprimer de la gambette à l’heure du paquet cadeau et des vœux zé étrennes permettait de titiller le chaland. Rien de nouveau sous les sunlights : depuis les Bathing Beauties de Mack Sennett, les jolies filles du cinéma posaient volontiers en maillot de bain pour les photos promotionnelles des films mais aussi les calendriers et les cartes postales. Montrer ses jambes sera d’ailleurs une pose photo obligée dans la carrière d’une actrice, au bas de l’échelle comme au sommet de l’affiche. À Hollywood, on appellera cela le Cheese Cake Art, par opposition au Beef Cake Art. En clair : l’art de montrer des femmes pulpeuses et sexy à croquer, à la fois sucrées et (dé)salées, en maillot ou frou-frou fripon, face à celui de photographier torse nu ou en costume de bain des hommes musclés et sexy. À ses débuts, l’avantageux Rock Hudson fut ainsi surnommé The Baron of Beef Cake tandis que la blondissime Betty Grable coiffait la couronne de Queen of Cheese Cake. Défini comme une métaphore de la pin-up, le Cheese Cake à la sauce piquante hollywoodienne (ou sex appeal) mixait les deux statuts nappés de glamour épicé de pizazz, ce truc en plus addictif qui faisait qu’on se rinçait l’œil pour pas un rond.

Sacrée Pin-Up Number One, Betty Grable qui était fort gironde, avait décroché le pompon en posant en 1943, de dos, vêtue d’un maillot de bain une-pièce, montée sur hauts talons et aguichant le public par un regard enjôleur lancé par-dessus l’épaule. Très suivez-moi-jeune-homme. Signé Frank Powolny, photographe attitré de la 20th Century Fox, ce cliché catapultera Betty au firmament des phantasmes militaires après que la Fox en eut envoyé cinq millions d’exemplaires aux troupes US. Tenue pour être la femme américaine la plus payée de son époque, Grable eut aussi la bonne idée d’assurer ses jambes 1 million de $ chacune -Angie Dickinson, surnommée The Legs, fera de même à la fin des années 1950. L’Amérique entrée en guerre, Hollywood fut chargé de soutenir le moral des troupes. En 1944, Betty Grable, ultra-patriote et héritière du titre envié de Ice Cream Blonde porté avant elle par Thelma Todd puis Alice Faye, tournait The Pin Up Girl, comédie musicale en Technicolor, avec la tonitruante Martha Raye (Hellzapoppin’) et Nat King Cole. Entre cheese-cake et pin-up, le public masculin avait les yeux du Loup dans les dessins animés de Tex Avery devant les appas de Jane Russell, Veronika Lake, Rita Hayworth, Linda Darnell ou Ann Sheridan. Autant de stars adulées par les as de l’US Army pilotant bombardiers, forteresses volantes et autres Halifax et qui feront peindre sur le « museau » de leur avion leur pin-up préférée. On sait que Rita Hayworth, alors surnommée Sizzling Rita , supportera mal cette popularité, mais l’érotisme patriotique de ces figures, conceptualisé comme Nose Art, donnera des noms fulgurants aux appareils de la flotte aérienne américaine : Dallas Doll, Blonde Bomber, Butterfly Baby, Target for Tonight, Careful Virgin ou encore Supine Sue…

La guerre finie, la pin-up descendra des carlingues pour entamer une recette inédite du Cheese Cake Art. Surfant sur une société d’abondance, l’American Way of Life hisse la pin-up au pinacle en usant de son image, toujours plus souriante, toujours plus sexy pour vendre des frigos, du lait, des fruits, des jus de fruits et des voitures. Deux blondes vont incendier ce marché : Marilyn Monroe et Jayne Mansfield. Photographiée à ses débuts par Powolny, la première cassera le tabou du nu en posant pour un calendrier entré dans l’histoire du Cheese Cake Art absolu. Miss-tout-ce-qui-se-présentait-et-qui-payait, la seconde, traversera les fifties, carrossée comme une Cadillac en hululant son fameux Va-Va-Vooooom ! et en posant nue dans Playboy en 1955, star incontournable d’une nouvelle donne hollywoodienne : la Celebrity Culture.  

En deux coups de seins taillés en obus, l’iconique Petty Girl des années quarante était périmée, balayée. Dessinateur doué alors fort renommé, George Petty était le père de ces Petty Girls qui peuplèrent jusqu’en 1956 les pages du magazine Esquire, publication pour messieurs distingués. Titre du puissant groupe de presse Hearst Corporation, Esquire collaborait aussi avec le non moins illustre Alberto Vargas, qui avait donné ses titres de noblesse à la pin-up : entre 1933 et 1946, plus de 180 dessins affriolants y seront publiés, sans compter les calendriers. Péruvien d’origine, Vargas était passé par Paris avant de s’établir à New-York en 1916 où il avait été engagé sur le champ par le grand Florenz Ziegfeld pour magnifier ses Ziegfeld Follies et ses Ziegfeld Girls. Artiste prodigieux, Vargas peignait à l’aérographe ses Vargas Girls, mises à l’affiche pour des films, des publicités, des shows divers et variés. Parmi les plus connues des Vargas Girls, il y eut Paulette Goddard, Mrs. Charlie Chaplin à la ville. Juge pour Miss Monde de 1956 à 1958, engagé par Hugh Hefner pour Playboy, Vargas réalisera sur ses vieux jours (83 ans) quelques pochettes de 33 tours vinyles dont le second album du groupe culte The Cars fondé en 1978 par Ric Ocasek : une Vargas Girl rousse en body dentelle noire était allongée sur le capot d’une Ferrari 365 GTC4 à peine esquissée. Il s’agissait de l’actrice Candy Moore, ex-enfant-star du sitcom The Lucy Show avec Lucille Ball. Intitulé Candy O, cet album sorti en 1979 sera quadruple disque de platine aux USA.

À l’instar de ceux de Vargas, aujourd’hui collectionnés avec ferveur, les dessins de Petty atteignent des cotes insensées. En 1950, au faîte de sa gloire, il avait servi de consultant sur un biopic musical tout à lui consacré. The Petty Girl était un projet envisagé dès 1942 par Howard Hugues, immense amateur de pin-up, pour sa compagnie, RKO, qui pour lancer et le film et une nouvelle star, organisa un concours national à l’issue duquel furent retenues Anne Shirley, Rosemary LaPlanche et Virginia Mayo que Cinémonde affublera plus tard d’un curieux surnom : « le plus ravissant strabisme de Hollywood ». Justifié. Puis RKO délaissa sa Petty Girl, fourguant le projet à la Columbia qui imaginera en 1946 de confier le rôle-titre à la pétulante Ann Miller. La reine des claquettes avait tous les talents, mais pas celui d’une pin-up et encore moins le physique d’une Petty Girl. Entre temps, les Petty Girls avaient elles aussi sauté au paf des avions militaires. Le plus connu?: Memphis Belle.

Il faudra patienter jusqu’en 1950 pour que le film The Petty Girl soit enfin tourné, en Technicolor et en musiques et chansons, avec la ravissante Joan Caulfield, ex-mannequin devenue actrice et déjà vedette de nombreuses comédies musicales avec, notamment Bing Crosby. En fouillant dans les tréfonds du générique et avec un œil aiguisé, on repèrera à la vision de ce chef-d’œuvre périssable, jouant l’Ice Box Petty Girl, une blondinette toute jeunette du nom de Tippi Hedren. Sorti en France où le nom de George Petty était quasi-inconnu, The Petty Girl y fut exploité sous le titre de La scandaleuse ingénue.

Dans le sillage de ces deux maîtres, le Pin-up Art occupera un bataillon de dessinateurs audacieux tels Al Buell, Earl Moran, Mac Pherson. Tous des hommes, à l’exception de Zoe Mozert, auteur de l’emblématique Victory Girl. Tous publiaient dans les pages de Life, de Look. Après-guerre, Gil Elvgren rajeunira le Cheese Cake style en sortant la pin-up de son carcan posé et passif, sinon lascif. Place aux sports, au jardinage, aux hobbies. Réclamé par Coca-Cola, General Electric, Ovomaltine, Ford ou Studebaker, Elvgren avait rajeuni, rafraîchi la pin-up en en la replaçant dans son rôle de girl-next-door. En réalité, Elvgren n’avait rien fait d’autre que transposer les valeurs-piliers du Beef Cake au Cheese Cake. Face au beau morceau de viande sur-virilisé déjà récupéré par l’imagerie gay et exploité par les magazines de body-building, la jeune femme appétissante de la fin des fifties s’en ira poser à la plage, pratiquera le ski nautique, dansera le twist sur le sable et prototypera derechef le futur canon du top-model californien au sourire Ultra-Brite.

En France, où l’idée de montrer ses gambettes pour faire monter la température du public masculin remontait aux premières heures du music-hall avec, en tête, Mistinguett et ses consoeurs pas-froid-aux-yeux, lancer un pin-up pour promouvoir un produit prenait mal la béchamel. Belle blonde au sourire éclatant, Geneviève Cluny, à jamais Mademoiselle Dents Blanches de la french réclame, eut du mal à faire oublier son dentifrice Colgate quand elle tournait dans Les Cousins de Chabrol ou pour Godard, de Broca et les autres. Et quand Jacqueline Huet, ex-mannequin couture, ex-pin-up du cinéma de papa, et ex-speakerine de la télé, passa à la pub Vivagel-bien-sûr en fin de carrière, plus personne se souvenait qu’elle avait été des années durant le visage de la cold-cream américaine Pond’s. Sinon, le plus illustre des pin-up boys, l’ancêtre des beef-cakes, le pionnier du culturisme, fut, en 1890, un véritable phénomène de foire. Eugen Sandow dit « Le Magnifique » possédait une musculature herculéenne et posait, quasi nu, dans des poses suggestives. Il laissera à la postérité et son nom et des sangles élastiques génériques, déviées de leur usage fitno-gymnique pour attacher les valises sur la galerie de la 404. C’est pas Schwarzy qui aurait fait ça, na. Hasta la vista, 2020….

Ainsi, comme vous chers lecteurs, My Little Voiture termine cette année sur les jantes mais attaque 2021 sur les chapeaux de roue. On vous souhaite le meilleur , la santé par dessus tout, et plein de bonheur !

De gauche à droite

Packard Clipper 57. Dinky-Toys GB. 1958. No.180

Voitures de luxe américaines, les Packard plaisaient beaucoup en Europe. Fondée en 1899 par James Ward Packard, la firme, longtemps indépendante et ayant adopté un pélican pour emblème, rivalisait dans les années 1920 et 1930 avec Cadillac, Duesenberg, Cord et Lincoln, et dans une moindre mesure, avec Chandler, La Salle, Hudson, Auburn ou encore Pierce-Arrow. Reconnaissables à leur haute calandre verticale travaillée comme une théière en argent, les Packard se vendaient comme des scones, jusqu’à plus de 110.000 unités en 1937.    L’après-guerre sera plus touchy. Si les grosses Packard Clipper avaient reçu toutes les faveurs des haut-gradés militaires, leur nouveau design, lourd et pataud les fera surnommer par le public « l’éléphante enceinte ». Anyway, Packard ne plaisait pas qu’aux huiles médaillées US : à Moscou, Staline ne jurait que par Packard, ce qui la fichait mal pour un leader communiste. En 1948, la firme soviétique ZIS sortit ainsi une limousine à 6 places, type 110, très-très-très inspirée des Packard Clipper 1942-46. En 1959, le régime faisait sa fête à la GAZ Tchaika M-13 stylistiquement attribuée à Boris Lebedev, auteur cette même année de la nouvelle ZIL 111. Une Tchaika quasi jumelle de la Packard Patrician 400 de 1955, et alors tenue pour la plus belle voiture d’URSS, seulement réservée aux apparatchiks. De plus en plus concurrencée par Cadillac, partagée entre la production d’autos bon marché et de modèles de grand luxe comme cette fameuse Patrician, Packard choisira la voie du design pour habiller ses intérieurs en confiant les gammes textiles à la célèbre interior-designer Dorothy Draper. En 1956, présentée à titre expérimental, la fabuleuse Predictor portait mal son nom : Packard, en bonne santé, sera acquis par Studebaker, qui ne l’était pas. Fusionnées, les deux marques sortiront des voitures jumelles badgées ici Packard, là, Studebaker, et ce, au détriment de Packard, dès lors surnommé « Packardbaker ». Ainsi de la Packard Clipper de 1957, proposée en berline et break, clone de la Studebaker President. Un doublé que Dinky-Toys GB s’empressera de reproduire en 1958, nonobstant quelques détails qui faisaient toute la différence entre les deux sœurs, toutes deux bicolores, forcément, dotées d’un vitrage mais dénuées d’intérieur, équipées de pneus blancs crantés. Seules les découpes de couleurs (toit, ailes arrière) permettaient de les séparer au premier coup d’œil. On imagine que chez Dinky, il s’agissait d’un ultime baroud pour ces deux marques souvent réduites en miniature. Ainsi du cabriolet Packard Caribbean 53 et des Studebaker Land Cruiser et Golden Hawk.

Sur le terrain à l’echelle 1, l’ultime Packard portant ce nom sera lancée en 1958 sous le nom de Hawk, en fait une Studebaker plus luxueuse. Et ce fut un bide…

Mercedes-Benz 300 SL.  Corgi-Toys. 1961.  No. 304S

On a déjà glosé ici sur ce fameux coupé, reproduit au 1/43ème par une flopée de fabricants (Tekno, Märklin, Quiralu, etc…) et que Corgi tardera à mettre à son catalogue : en 1961, la 300 SL approchait en effet de sa mise à la retraite. Qu’importe, Corgi le doublera d’un roadster et commercialisera la doublette jusqu’en 1966. Y sera adjointe une version chromée ou mercurisée, comme les boules de Noël. Ce traitement plaisait beaucoup aux enfants, persuadés alors de détenir un trésor supplémentaire. Du coup, Corgi chromera en 1964 et son coupé Simca 1000 Bertone et sa Jaguar Type E cabriolet. Chez Dinky GB, il y aura en 1969 la Sam’s Car, extrapolée de la série télé de science-fiction anglaise, Joe 90. L’imposant coupé Lincoln Continental Mk IV sera également chromé chez le Japonais Diapet, histoire de faire pendant avec la version « corbillard chinois » totalement dorée. Mais ce sera l’Espagnol Auto-Pilen qui se lâchera sur le chrome en y baignant une dizaine de modèles, depuis la futuriste Chevrolet Astro I (ex-Corgi), juqu’à la mignonne Seat 850 Spider Bertone, en passant par la Ferrari Modulo, la Mercedes-Benz C111, la Seat 124 Sport ou l’Oldsmobile Toronado (ex-Corgi itou). Chez Norev, on préfèrera le doré au chrome en appliquant en 1971 sur la Citroën SM une couche d’or fin, histoire de combler parmi les heureux membres du Club Norev, ceux qui en étaient les plus assidus. De l’or pour les braves qui achetaient beaucoup où à qui Mamie faisait de fréquents cadeaux. Autrement, c’est la firme allemande Prämeta, connue pour produire outillage et matériel médical qui, la première, lança la mode des petites voitures chromées. En l’occurrence, d’imposantes et lourdes miniatures au 1/35ème, fabuleusement détaillées, bourrées de mécanique ingénieuse. Produites entre 1948 et 1958 en RFA, il y eut une demi-douzaine de références dont une majestueuse Mercedes-Benz 300 « Adenauer », une Buick 405 ravageuse et un coupé Jaguar XK120 des plus désirables. Si l’on distingue quelques versions en plastique, la plupart étaient en métal nickelé brillant. Avec parfois un vert mercurisé totalement glamour.

Studebaker Commander. Dinky-Toys. 1955. No. 24Y, puis no. 540

Considéré comme le père du design américain et aussi comme l’inventeur du marketing design, Français installé aux États-Unis avec agence parisienne à la clé -la Compagnie d’Esthétique Industrielle-, Raymond Loewy fut le designer de la beauté et du génie industriels. Avec à son crédit, entre autres, les voitures Hupmobile, les locomotives S1, les cars Greyhound, les cabines des avions  Constellation, Super-Constellation, Super Starliner et aussi du Condorde pour Air France, le design du XXème siècle lui doit le packaging du dentifrice Pepsodent et des cigarettes Lucky Strike, les logos pour Shell, New Man, BP, Au Bon Marché, Fanta, LU, Monoprix, TWA, Exxon…  Aussi célèbre aux USA qu’en Europe, Loewy mettait en garde ses émules de ne « jamais dessiner quelque chose de laid car quelqu’un pourrait l’acheter« . Les Studebaker n’étaient pas laides. Elles étaient au-delà de la laideur, car excessivement d’avant-garde. Doyenne des marques automobiles américaines puisque fondée en 1852, pionnier de la voiture électrique (1902), Studebaker fut l’une des marques les plus populaires du paysage « automotive » du XXème siècle. Populaire mais financièrement toujours sur le fil : après une faillite survenue en 1933, remis en ordre, le constructeur fera appel à Raymond Loewy en 1938 pour doper son design et aussi son image, et donc ses ventes. Bingo assuré : les premières Studes signées Loewy se vendront à plus de 100.000 exemplaires. À l’époque, les Studebaker étaient baptisées de noms conquérants et tutélaires -President, Commander et même Dictator !. Les Champions by Loewy visaient la performance stylistique et non le commandement suprême. À la charnière des années 1949/50, l’apparition du fameux « bullett nose » sur les nouvelles Champion et Commander catapultera pile poil Studebaker dans les étoiles pour son centenaire. Et posera une équation bancale au constructeur : les coupés Starliner et Starlight dérivés des Champion et des Commander se vendaient dix fois mieux que les berlines. Sous la férule de Loewy, ces deux coupés américains forgeront « le nouveau style européen ». De fait, les Studebaker circuleront en masse en Belgique, en France, en Italie et en RFA. Le rachat de Packard par Studebaker coïncidera avec la fin de la collaboration avec Loewy qui, en 1956, signera un ultime modèle : la Hawk. Laquelle, restylée et modernisée au début des sixties, sera rebaptisée Gran Turismo. En 1963, Loewy se rapprochera de Studebaker avec le projet du coupé Avanti, pensé comme rival de la Corvette Sting-Ray. En 1966, Studebaker fermait définitivement ses portes. Loewy, continuera de travailler jusqu’à 1980n en l’occurrence pour Prisunic -il décèdera six ans plus tard. Et l’Avanti sera reprise par un groupe de fans transis pour une production artisanale et confidentielle confinant au culte absolu.

Véritables icônes du design américain, les Studebaker dessinées par Raymond Loewy, avec, au début, le talent de Virgil Exner, alimenteront avec ardeur le créneau ludique des Stude Toys. En clair : les autos miniatures, toutes échelles et matières confondues, du zamac au plastique, de la tôle sérigraphiée à la bakelite. Le coupé Commander , si « européen », fut reproduit par Solido (démontable) dès 1953. Outre le Japonais Mikansue et l’Italien AMB-Marchesini avec chacun un modèle en tôle, il y aura une flopée de Commander en plastique ou métal, qualité bazar, et marques inconnues. En RFA, Distler et Auto Dux proposeront une Commander de luxe pilotée par des mécaniques sophistiquées et présentées dans des coffrets accessoirisés. Chez Dinky Toys France, Studebaker était loin d’être une marque inconnue : l’usine de Bobigny avait déjà reproduit en 1949 le coupé Commander de 1939 (no. 24 O) et roulait pour les camions C Cab de la série 55 asservis à tous les usages (benne, ridelles, bétaillère, tapissière, maraîcher, laitier Nestlé, dépanneuse…), peints de toutes les couleurs et avec ou sans remorque assortie. Soucieux de ne pas mordre les pneus de Dinky GB, Meccano France jettera son dévolu sur le coupé Commander « hardtop », proposé en 1953 en robe bicolore orange toit coquille d’œuf, vert amande toit vert sapin ou ivoire toit grenat. Au biton originel succèdera en 1959 un nouveau jeu reprenant ces mêmes coloris en y traitant les flancs comme le toit. Et toujours les pneus blancs de rigueur.

Le studio de design de Raymond Loewy tirant plus vite que son ombre, le coupé Commander sera restylé en 1953 alors que les modélistes chez Dinky planchaient sur le précédent modèle avec calandre séparée en deux : il leur fallut donc modifier en hâte le dessin du nouvel avant de la Stude pour coller à l’actualité. Produite en masse dès 1955, la Commander de Dinky sera l’une des miniatures les plus vendues et jouées des années 50. Aujourd’hui, sa cote en collection oscille de 80 à 500 euros selon la version, la combinaison de couleurs et l’état de conservation. Pour le coupé Golden Hawk qui lui succèdera, Dinky GB prendra la relève en 1958, bien que devancé en 1957 par Corgi Toys et par Mercury en Italie.