ABBA CARS

En 1974, le 19ème concours de l’Eurovision est organisé à Brighton. Non pas que l’Angleterre ait gagné en 1973, puisque c’était le Luxembourg avec Anne-Marie David avec Tu verras, tu te reconnaîtras (on a vu, merci). En fait, le Luxembourg-vainqueur avait refusé de financer une nouvelle session et jeté l’éponge budgétaire. C’est donc la BBC qui avait raflé la mise et voilà. En lice, les pays habituels, sauf la France qui annulera la participation de la chanteuse Dani pour observer le deuil national provoqué par le décès du président Pompidou.

Y a pas d’mal à se faire du bien qu’elle aurait dû chanter la Dani. Parmi les concurrents, exceptions faites d’Olivia Newton-John, de Romuald et de Gigliola Cinquetti (dix ans après son triomphe pour Non ho l’età), l’habituelle cohorte de glorieux inconnus qui repartiront dans l’anonymat européen. Programmé en 8ème position et représentant la Suède, surgira un groupe baptisé ABBA, fondé en 1972 où chacun/chacune était déjà pro, rompu à la scène et au vinyle. Ils se prénomment Bjorn, Benny, Agnetha et Frida. Ils ont déjà sorti en 1973 un album, Ring Ring, et leur look sur la pochette du 45 t. en dit long : gilet en daim frangé, col roulé à cotes, cols pelle-à-tarte, mouton retourné et coupes de cheveux médiévales. En cela, le quatuor ne se démarque guère du style générique de l’époque. Il suffit de zyeuter les pires looks suédois des années 1970 sur les pochettes de disques tels que répertoriés par le site 2tout2rien pour s’en payer une tranche. Les Eldorados, les Martyrs, Rubb & Stubb, The Gayes, Tonfixarna, Nils-Ericks…

Min Gud ! qu’ils sont tous laids ! En déboulant à Brighton, ABBA ne fera pas dans le potage. En une seule prise, leur chanson Waterloo cartonne et remporte le grand prix. Le vestiaire des quatre a participé à leur triomphe. On sent frémir le disco et ça ravagera les charts d’Europe et du monde entier. Dès lors, ABBA sera une machine de guerre. En huit albums sortis entre 73/74 et 1981, le groupe truste le sommet des hit-parades. Entre Waterloo et One of Us, il n’y aura pas moins de douze mega-tubes universels : Mamma Mia, SOS, Dancing Queen, Money Money Money, Fernando, Take a Chance on Me, Voulez-vous, I Have a Dream, Chiquitita, Super Trouper, Lay All Your Love on Me…appris par cœur par trois générations de fans.

Sorti en avril 1975 sur label Vogue, le 45t. I Do I Do I Do…sera le deuxième hit Mondial d’ABBA après Waterloo. Numéro un en Autriche, en Suisse, en Nouvelle-Zélande, en Australie, mais le titre fera un gros flop en Angleterre. Classé no 5 en France, I Do I Do affronte du lourd : I’m Not in Love des Ten CC, Lady Marmelade/Voulez-vous coucher avec moi de Labelle, Never Can Say Goodbye de Gloria Gaynor et le Juke Box Jive des trépidantes Rubettes. Quant à son succès en Australie, il métabolisera quelques années plus tard le ABBA revival, porté notamment par Le Mariage de Muriel, la comédie délirante qui révèlera l’actrice Toni Collette.

Au mitan des années 1970, la Suède était peu rompue à l’exportation de ses stars de la chanson. En revanche, le grand public français était enclin à faire le meilleur accueil aux Volvo, aux Saab, aux camions Scania, au design, aux films d’Ingmar Bergman, aux sabots suédois de chez Kerstin Adolphson, tout en rêvant de posséder une chaine hifi dessinée par Sigvard Bernadotte pour Bang & Olufsen, au demeurant marque danoise, mais on confondait souvent…

Back to ABBA. À l’inverse des autres pop-stars de l’époque, en solo ou ensemble, il existe peu de photos les montrant avec leurs voitures, pourtant LE trophée de la réussite en ces années bénies. On a pointé un cliché en noir et blanc de Benny Andersson assis sur le coffre d’une Ford T-Bird 65, un autre en couleurs du groupe assis sur une Rolls Royce Silver Shadow blanche. On a repéré aussi une Rolls Corniche cabriolet marron, quelques Volvo, évidemment. Sinon, les modèles les plus « présents » s’avèrent une Maserati Merak rouge de 1975, quelques BMW dont une série 5 et surtout un coupé 630. Pour vivre heureux, conduire caché : tel est l’adage des ABBA, en chair et en os comme en hologrammes….

De gauche à droite

MASERATI MERAK SS. SAKURA. 1976. No.6

En 1972, la firme Maserati est contrôlée par Citroën depuis quatre ans. La décennie des prodigieuses sixties avec les Mistral, Ghibli, Mexico et Indy -sans parler des somptueuses Quattroporte, a mordu avec superbe dans les seventies en propulsant la Bora, première Maserati à moteur central-arrière. Dessinée par Giorgetto Giugiaro, présentée en 1971, la Bora est propulsée par un V8 fort glouton. Ce qui en pénalisera la dynamique des ventes dès le premier choc pétrolier. Chez Citroën qui se mange le même gâteau amer avec la SM, on freine des quatre fers. La Bora se vend mal. Trop chère, trop puissante. Un comble ! Sous la pression du Quai de Javel, Maserati planche sur une version plus abordable. Petite sœur de la Bora, sans changer de carrosserie, ce qui ajoutera à la confusion, la Merak pointera son nez avec un moteur V6 (celui de la SM), tapant le 250 km/h max en suçant 14 litres/100 et dotée

d’un habitacle 2+2 alors que la Bora est une stricte 2 places. Nonobstant les réserves des afficionados, la Merak se vendra à 630 exemplaires. À peu près autant -625- que la Merak SS, lancée en 1975 au Salon de Genève, et un chouia plus puissante. La débâcle de Citroën qui a, entre temps, lâché l’affaire, obligera l’État italien à retrouver un repreneur pour son fleuron automobile. Ce sera, au terme d’un feuilleton industriel rocambolesque, le constructeur automobile argentin Alejandro De Tomaso qui emportera l’affaire. Basé à Modène, le gaillard est devenu, à l’instar de Ferruccio Lamborghini, l’empêcheur de tourner en rond de Ferrari. Avec la Mangusta (1968) puis la Pantera (1971), De Tomaso occupe le terrain avec panache. Rafler Maserati est un sacré coup porté à la concurrence. D’autant que la Pantera se vend comme des petits pains -dix fois plus que la Merak. Laquelle, en 1977, fait son intéressante en 2000 GT. Une version « économique » qui trouvera deux-cents clients. Ce qui portera l’effectif des Merak vendues à 1830 unités quand sa production sera stoppée en 1983, pour être remplacée par la Biturbo. En coulisses, après l’épisode De Tomaso, le Trident passera par la case Chrysler, puis Fiat, en enfin, Ferrari, en 1997.

Miniaturisée au 1/43ème, la Maserati Merak passera après la Bora, reproduite par l’Italien Mebetoys dans la série GranToros puis Europa, par l’Anglais Matchbox, au 1/66 et au format King-Size, et encore par le Japonais Diapet. Débarquée dans la foulée, la Merak n’intéressera que les fabricants japonais : Shinsei dans la série Jet Machines/Mini Power au 1/39, Tomica au 1/62 et surtout Sakura au 1/43, dans le cadre d’une collection de bolides occidentaux tels la De Tomaso Pantera, la Lancia Stratos, les Lamborghini Miura et Countach, les Ferrari BB et Dino 246, la Porsche 928, la Pontiac Firebird, la Chevrolet Corvette. Mieux : la Merak faisait là l’objet d’une doublette avec la Maserati Bora ! Sans être rares, ces modèles sont aujourd’hui recherchés, d’autant que fabriqués avec soin et dotés d’ouvrants et de beaux détails.

BMW 630 CF.  NOREV JET-CAR. 1978 . No. 868

Dévoilée au Salon de Genève en mars 1976, cette nouvelle BMW relève de la famille de grands coupés haut-de-gamme de la firme bavaroise, segment introduit au mitan des années 1960 avec le superbe coupé 2000CS et sa proue de squale vitrée. De fait, le coupé 630 succède aux 2800 et 3.0 CS, porteur d’un design « hérité » et encore plus suggestif, signé Manfred Rennen. On y retrouve le style des séries 5 et 7 et on découvre des performances décoiffantes qui place cette série 6 en rivale directe de la Porsche 928, avec, notamment la 635 CSi. Bombe routière, la 630 sera reliftée en 1987 et fera la fière avec un réjouissant bilan commercial : plus de 86.000 exemplaires vendus dans le monde. Réduite au 1/43, la 630 sera moins sollicitée que ses aînées. À part une version 630 CS fournie par Schuco en Allemagne, il n’y aura que Norev pour s’y coller. Les BMW, le fabricant lyonnais a déjà donné avec la 700 LS, la berline 2000 Ti et la Turbo de 72 usinée en collaboration avec… Schuco. En cette année 1978, Norev carbure encore aux vraies bonnes nouveautés avec les Ford Fiesta, Porsche 924, Peugeot 305, VW Golf, Simca Horizon et même une ambulance Binz Mercedes 280. Seulement proposée en version métal Jet-Car, la BMW 630 CS est plus sommaire que celle de Schuco mais sera très vite déclinée en plusieurs versions rallye, compète 633 CSi, CF…(no. 869). Civile ou course, la 630 roulera en plusieurs coffrets, tractant tour-à-tour une VW Golf, une Porsche 911 Turbo et même une autre BMW 633. Il y aura aussi une version Mini-Jet….Rayon collector, la 630 Jet Car ne vaut pas tripette : entre 5 et 15  euros sans boite ; à peine 20 sans sa boîte. Les coffrets sont en revanche plus ambitieux…Il faut juste les débusquer complets et en bon état…

VOLVO PV 544. TEKNO. 1959. No. 822

Avec son profil de gros insecte à dos bombé, la Volvo PV 444 symbolise à elle toute seule l’histoire et l’image de l’automobile suédoise. Apparue en 1947, commercialisée l’année suivante, contemporaine de la 4CV, de la VW ou, c’est moins connu de la Skoda 1101 et de Jowett Javelin, cette voiture à 2 portes au gabarit ramassé mais dont le look lorgne vers les formes américaines de l’époque -exactement comme la 203 française, et plus robuste qu’un cuirassé, connaîtra une longévité dont Volvo, fondé en 1927 forgera son renom au gré des modèles successifs. Seulement déclinée en break Duett, la PV 444 sera relooké en 1958. Entre temps, Volvo a fondé un bureau de design intégré piloté par Jan Wilsgaard. Et lancé en 1957 un nouveau modèle, la 120 Amazon, qui fera une carrière mondiale. Bardée d’une jeunesse nouvelle, la PV devenue 544, a troqué son pare-brise plat en 2 vitres pour un pare-brise bombé d’un seul tenant. La proue a été retouchée. Et le moteur augmenté, jusqu’à foncer en rallyes. Commercialisée aux USA pour tailler des croupières à la Cox, elle y fera son trou par pur snobisme. Dans le roman « Le monde selon Garp », paru en 1978, l’écrivain John Irving décrit le levier de vitesse d’une Volvo à l’origine d’un fâcheux accident corporel. Et, en 1982, dans l’excellente adaptation ciné du bouquin, le regretté Robin Williams, héros du film, roulait en PV 544. La sortie de route finale de la 544 aura lieu en 1965 alors que Volvo produit et vend toujours sa berline 122 à 2 et 4 portes et s’apprête à lancer sa nouvelle berline 144, futur succès increvable et inoxydable.

Ne pas se voiler la face : à la charnière des années 40 et 50, la Volvo PV 444 est un pur produit automobile exotique sur le marché français. Aucun fabricant de jouets pour s’y intéresser. Pas plus qu’en Angleterre ou en RFA. Le Belge Gasquy aurait pu, mais non. Le Danois Tekno était aux premières loges, mais préféra regarder ailleurs, car la PV444 avait été captée par son grand rival : Vilmer. Fondée à Copenhague en 1953 par Kaj Christiansen, cette firme de jouets s’était spécialisée dans les camions. La reproduction des voitures occupera aussi une ligne de fabrication abondante et dont la production sera amplement exportée aux USA. La Volvo PV 444 figure à son catalogue, ainsi d’une Renault 4CV plus traquée que le graal. Fin du jeu en 1971. Vilmer fourguera son business en Colombie et deviendra Chico Toys. La Volvo sera récupérée en Hongrie, en plastique et couleurs flashy. Tekno avait rattrapé le coup en 1959, profitant du relooking de la 444 en 544. Ce qui le dédouanait de Vilmer. Il s’agit aujourd’hui, autant que la Vilmer, d’un modèle ultra-prisé. La 544 fut aussi reproduite au Japon, en tôle, par Asahi. Il y en eut aussi une chez Schuco Piccolo et au 1/40 en plastigomme chez le Néerlandais Combiplay.