CASSE COU MAIS TOUJOURS VAILLANT

Dessinateur et scénariste culte, père de Michel Vaillant et dernier monstre sacré de l’âge d’or de la bédé, le vénérable Jean Graton s’est éteint à Bruxelles le 21 janvier 2021 à l’âge de 97 ans. Nantais d’origine, son père dirigeait un club de moto. Ce sera son premier dessin. Monté à Bruxelles à la fin des années 1940, le voici touchant chez Spirou aux Belles histoires de l’oncle Paul. Quelques saisons plus tard, Graton déboule au Journal de Tintin où, en 1953, il publie un récit, intitulé La première ronde qui a pour cadre le Grand Prix de Belgique F1 sur le circuit de Spa-Francorchamps. L’histoire plaît aux jeunes lecteurs et le journal aiguillonne habilement son auteur vers la création d’un personnage de pilote, indispensable. Ainsi naquit Michel Vaillant, brun, carré, viril, fort, courageux, loyal avec accroche-cœur sur le front.

Le Journal de Tintin sera son berceau. Vite émancipés, Vaillant et ses exploits vrombissants rouleront vers le succès. Avec 70 albums au compteur, Graton passera le flambeau à son fils, Philippe, qui en signera neuf autres. Entre temps, Michel Vaillant est devenu un mythe et ses voitures, les Vaillante, des bolides phantasmés. Tous les ingrédients sont alors réunis pour sauter de la bulle à l’écran. Découpée sous forme de feuilleton en 13 épisodes de 26mn diffusés sur la 1ère chaîne de l’ORTF, la série Les aventures de Michel Vaillant ne passera pas la seconde (saison). Pour incarner le héros, la production qui cherche l’acteur idéal a lancé un concours franco-belge. Chou blanc. On engage alors un vrai champion de F3. Son nom : Henri Grandsire. S’il est un pilote émérite, Grandsire n’est pas un comédien. Et il est blond. Ce qui rend Graton chiffon. Quant à la Vaillante, il s’agit d’une Alpine déguisée. Normal : Grandsire était le pilier de l’écurie Alpine-Renault. Le feuilleton a aussi suscité une chanson, Plus vite, chantée par Romuald, habitué du concours de l’Eurovision où il a représenté tour-à-tour Andorre, Monaco, le Luxembourg. Quant à l’action pure, elle se déroule, épisode après épisode, sur les circuits de Magny-Cours, Monza, Monaco, Reims, Sebring et même le Nürburgring !.  Ça ne suffira pas pour faire décoller la série, mise à l’antenne entre avril et juillet 1967. Un mois et demi après, les téléspectateurs se consoleront devant Les Chevaliers du Ciel, alias Tanguy & Laverdure, autre bédé-culte passée à l’image-qui-bouge. Même chaîne, mais pour trois saisons. Avec miniatures Dinky-Toys à la clé, tandis que les Vaillante n’ont ému aucun fabricant de jouets. Il faudra attendre 2003 pour que Michel Vaillant soit adapté au cinéma par Luc Besson, ici producteur-démiurge, avec Sagamore Stévenin dans le rôle-titre. Michel Vaillant-le film était adapté de l’album Le 13 est au départ, qui se passe durant les 24H du Mans. Au finish, ce fut le retour au stand assuré. L’énorme battage publicitaire accouchera d’une souris : une semaine d’exploitation en salle et basta. La critique enfonce le film, considéré comme un navet ; le public boude : l’esprit Vaillant a disparu. Aux orties les Michel Vaillant 2 et 3 déjà programmés. Besson s’est mangé la glissière de sécurité et a perdu une fortune.

Le cinéma, Jean Graton l’avait abordé par la bande (dessinée) en 1963 avec l’album Les casse-cou, édite chez Dargaud. Un récit comme d’habitude réaliste dont le découpage aurait parfaitement servi de base à un vrai scénario de film. Le pitch ?: pendant que MV pouponne en famille -un neveu est né, alléluia-, dans les beaux murs du château familial de la Jonquière, la presse annonce la sortie de la nouvelle Vaillante GT. Ce qui semble provoquer les noirs desseins d’un traître tapi dans l’ombre. Le téléphone sonne. C’est l’ami Gil Delamare, le célèbre cascadeur du cinéma. Parachutiste, crack du stock-car, acteur audacieux, Delamare est un vrai casse-cou. C’est d’ailleurs le titre du film que Pathé-Cinéma produit ces jours-ci. L’action se situe dans le milieu des courses automobiles et sera truffée de cascades haletantes et sensationnelles censées clouer le public dans son fauteuil.

Delamare réclame Vaillant sur le tournage. Chez les Vaillant, pas question que Michel risque sa vie pour un film. Lui, y voit l’opportunité de caser la nouvelle Vaillante à l’image et d’en tirer une pub mahousse. Sans le savoir, il vient d’inventer le placement de produit. Vaillant et Delamare se lancent. Ils doivent doubler la star du film, Alain Régent, qui ne sait pas conduire, et son rival allemand, Wilfrid Wolf, qui roule en Porsche 356 blanche. Le scénario des Casse-Cou-le film prévoit plusieurs courses dont le Grand Prix de Bruxelles et celui de Reims, ainsi que trois accidents, prétextes à des cascades époustouflantes, que le duo prépare avec des miniatures au 1/32 ème (un camion, une 404), malgré les menaces inquiétantes reçues par Vaillant. Sur le site des usines Vaillant, on a réuni les caisses promises à la casse : un camion Vaillant vert aux airs de Berliet, une Peugeot 403 bleue et une Simca Beaulieu jaune et noire. Il y aura aussi une Renault Dauphine blanche. Entre les prises de vue, MV roule avec plusieurs Vaillante, rouge, jaune. Toutes les cascades sont réglées, les voitures dûment préparées -Graton décrit ici avec précision ce processus. Silence, on tourne. Le rouge est mis. Les menaces anonymes se multiplient. MV est préoccupé. Delamare le prévient : les nerfs à vif, les risques d’accident, c’est pas bon. Des paroles prémonitoires quand on sait comment Delamare trouvera la mort trois ans plus tard sur un tournage. La suite des Casse-cou ?: à lire à tête reposée, le sourire aux lèvres. Tout est bien qui finira bien. Avec une victoire à l’arrivée.

En revanche, le si sympathique et intrépide casse-cou du cinéma connaîtra une fin tragique, survenue en 1966 pendant le tournage du film Le Saint prend l’affût, réalisé par Christian-Jaque, valeureux cinéaste de talent alors égaré dans des bobines mineures. Inventé au début des années 1930 par l’auteur anglais Leslie Charteris, le personnage du Saint, alias Simon Templar, justicier-détective pourri de chic, n’a pas attendu la télé et Roger Moore pour passer à l’image, héros de plusieurs films américains puis britanniques tournés dès 1938. De surcroit, grâce à Moore et sa Volvo P1800, Le Saint n’est pas un inconnu du public hexagonal. Diffusée dès 1964 en France, la série télé fait un tabac. Aussi, on ne saisit pas bien l’intérêt qu’il y avait à en faire un film en 1966 quand bien même c’était Jean Marais qui portait l’auréole. Certes, il y avait déjà eu en 1960 un Saint mène la danse bien franchouille, avec Félix Marten, Françoise Brion, Jean Desailly et Michèle Mercier. Librement adapté de l’œuvre de Charteris, le film se posait en comédie policière et se laissait voir sans crainte d’un surmenage neuronal. Mais nul besoin d’en faire une suite. Toujours est-il que Le Saint prend l’affût se fera. Aux côtés de Jean Marais, on engage Jean Yanne, une très jeune Danièle Évenou, Dario Moreno et, pour obéir aux lois de la coproduction, la chanteuse italienne Raffaella Carrà qui vient de tourner L’express du colonel von Ryan avec Frank Sinatra,  son béguin officiel du jour. Les dialogues sont signés Henri Jeanson, qu’on connut mieux inspiré. Pour les cascades, outre Gil Delamare, également responsable des effets spéciaux, il y a Claude Carliez et Odile Astier, alors la seule femme cascadeuse française. Comédien dans une flopée de films depuis les années 1950, Delamare a souvent doublé Jean Marais, notamment dans les Fantômas et dans Le gentleman de Cocody, du même Christian-Jaque. Pour lui, Le Saint est une routine. D’autant qu’on l’attend pour tourner Le Judoka agent secret, son premier film en qualité de réalisateur et dont il a déjà assuré les premières prises de vue. Le Saint prend l’affût prévoit une scène de poursuite auto. Un tronçon encore inusité de la nouvelle autoroute du Nord (A1) a été choisi pour cela. Route déserte, temps sec, revêtement neuf. Ce sera fatal à la Renault Floride S décapotée que Delamare conduit, avec à bord, Gaston Woignez et Astier. La cascade en tête-à-queue finira en tonneaux. Les passagers éjectés, s’en sortiront blessés. Delamare succombera avant que l’ambulance atteigne l’hopital. Son décès choquera le public qui l’admirait. Jean Marais en sera meurtri pendant longtemps et saura le dire, l’écrire. Et le film, véritable navet, ne fera pas un kopeck en salle. Sale temps pour les cascadeurs : décédé en juin 1966, Delamare sera par force remplacé sur Le Judoka Agent secret. De son vrai nom, Marc St. Clair, Judoka est un héros de romans d’espionnage inventé par Ernie Clerk, pseudo du journaliste français Pierre Caillet. L’acteur Jean-Claude Bercq a été choisi pour l’interpréter. Ex-cascadeur, Bercq qui a débuté chez Mocky a déjà une quinzaine de films à son actif, notamment dirigé par Fred Zinnemann, Terence Young et Jean-Pierre Melville (Le deuxième souffle). Pierre Zimmer, qui a aussi joué dans Le deuxième souffle remplace Delamare derrière la caméra -ce sera son dernier film comme réalisateur. L’une des trois vedettes féminines du Judoka, c’est Patricia Viterbo, blonde starlette abonnée aux séries B qui avait fait jaser les gazettes lors de son idylle avec Johnny Hallyday, époque Let’s Twist Again. Fou d’elle, l’idole des jeunes lui avait offert un cabriolet Sunbeam Alpine avant de rompre. Le 10 novembre 1966, dernier jour de tournage du Judoka, Viterbo est assise dans la MG bleue décapotée de l’acteur Henri Garcin, garée sur un quai de Seine, à la hauteur du Pont de l’Alma, où les ultimes scènes du film ont été shootées. Garcin est au volant. Il ne saura jamais expliquer ce qui s’est passé, juste qu’il a « perdu les pédales » en appuyant non pas sur le frein, mais sur l’accélérateur. Plongée dans les eaux glaciales de la Seine sous les yeux de l’équipe entière, la MG coulera à pic, entraînant l’actrice qui ne savait pas nager. Garcin s’en sortira. Patricia Viterbo est morte noyée. Elle avait 27 ans. Johnny lui dédiera une chanson, Maudite rivière…

De gauche à droite

Peugeot 403. Norev

Citroen DS 19. Dinky Toys.

Rien de mieux pour jouer aux accidents et aux cascades que des épaves Norev ou Dinky, pour cela bousillées à dessein à coup de talon ou à coup de marteau. Nos caisses étaient pleines de ces tutures en lambeaux ou salement amochées. Impec pour tout casser sur le tapis du salon en s’adonnant à des séances de stock-car. Norev avait d’ailleurs sorti un coffret Stock-Car (aujourd’hui saint Graal absolu chez les collectionneurs) qui contenait une Traction, une Simca 1000, une VW Cox et une 403. Elles ont toutes fini en miettes. Ne pas se mentir : ce fut le sort de 70% de la production automobile miniature des années 50 à 70. Tout casser pour rigoler. Et faire comme dans les films. Bim boum badaboum. On connaissait les noms des cascadeurs les plus célèbres comme Gil Delamare, Remy Julienne, Daniel Vérité. On savait qu’ils prenaient des risques fous, qu’ils défiaient la mort. On tentait de voir à l’image quand ils doublaient les stars, parfois avec des perruques. Et force était de constater que les amerloques, en matière de poursuites et cascades, c’était d’une autre trempe que Les choses de la vie. Pas peur de casser et encore moins de la voiture neuve. Et de jubiler devant L’or se barre avec son armada de Mini-Cooper poursuivies dans Turin par des Alfa Giulia carabinées et on se rejoua le film avec des Corgi et des Mebetoys sur un toit en Lego. Devenus ados, le ciné US nous comblera avec les poursuites haletantes de Bullitt, Duel, Dirty Harry, Point Limite Zero, French Connection, Police Puissance 7, Larry-le-dingue Mary-la-garce, Sugarland Express… C’était le triomphe des Mustang et des Dodge Charger et Challenger. On en faisait des remakes avec nos Solido, nos Dinky GB, nos Tekno et nos Matchbox-Kingsize. Chaque année, le James Bond nouveau pourvoyait aussi son lot d’adrénaline motorisée et gadgétisée reprise en écho par Corgi Toys. Et puis Hal Needham est arrivé. Cascadeur hollywoodien de première bourre, il bossait sur des tas de films en y réglant bagarres, cascades et poursuites. Celle qui ouvrait le film The Longuest Yard, comédie déjantée réalisée par Robert Aldrich en 1974, donnait à voir Burt Reynolds au volant d’une Citroën SM poursuivi par les flics pour avoir trop appuyé sur le champignon. Devenu très pote avec Reynolds, Needham passera à la réalisation, devenant le premier cascadeur-cinéaste du cinéma. Il tournera une vingtaine de films dont la série des Cannonball Run et des Smokey & the Bandit (Cours après moi, sheriff), avec l’ami Burt, mais aussi Stroker Ace, Cactus Jack ou Stunts Unlimited avec tous ses copains casse-cou, Glenn Wilder et Ronnie Rondell en tête. Connu pour ne pas être un as du dialogue, Needham, décédé en 2013, mouchait ses détracteurs en déclarant « Let’s wreck some cars ». Et si on bousillait de la bagnole ?. Ça vaut tous les mots. Te gêne pas mon gars, c’est pour ça qu’on vient voir tes films. À sa suite, d’autre grands cascadeurs passeront derrière la caméra, évidemment, pour des films d’action. Ainsi de Sam Hargrave, ex-doublure de Hugh Jackman ou de Chris Evans, ou de David Leith. Ne pas oublier ici Jackie Chan. Sinon, le plus grand cascadeur de Hollywood reste à jamais Dar Robinson, spécialiste du saut en chute libre. Adulé, révéré, il s’est tué à moto, en 1986, pendant le tournage de Million Dollar Mystery, l’ultime film du vétéran Richard Fleischer. Quant à la personne-même du cascadeur, elle fascine toujours : dans le dernier Tarantino, Once Upon a Time in Hollywood, Brad Pitt incarne un stuntman, payé pour doubler le personnage d’acteur joué par Leonardo di Caprio… Autre chose : vous connaissez la cascade la plus facile du monde ?. On est dans une voiture à l’arrêt, assis au volant d’une Mercedes 220 D de 1973 couleur caca d’oie, ou d’une BMW 520 de 1974 beige béchamel, et on en sort avant de fermer doucement la porte. Voilà, c’est fait. On appelle cette cascade « spécial Derrick «. Achtung ! Kolossal Kaskade !.  

Fiat 124 S. Minialuxe. 1969.

Première voiture mondiale qui sera produite en Italie mais aussi en Espagne, en Turquie, en Corée-du-Sud et aussi en URSS sous la marque Lada, fourguée jusqu’à 18 millions d’unités, ce qui en fera la voiture la plus vendue au monde après la VW Coccinelle, la Fiat 124 succédait à Turin au duo 1300/1500. Moderne, pas chère, elle fut lancée en 1966 en même temps que sortaient la Renault R10, la VW 1600 TL, la Triumph 1300, une banale Opel Rekord hâtivement restylée et la première Audi sur base DKW F102. La Fiat raflera le prix de la Voiture de l’année 67 nonobstant ses innombrables défauts. Jusqu’en 1974, date de son remplacement en Italie par la 131 Mirafiori, elle se vendra à 2,2 millions d’exemplaires. Un chiffre record incluant ses dérivés -break, coupé, spider-, et ses évolutions motorisées sous label : ainsi de la 124 S apparue en 1968 puis de 124 Special T, présentée en 1970. La Fiat 124 bouffera la concurrence : il faut dire que face à ce monstre de rationalisme industriel, la R12, la Ford Escort et l’Opel Kadett ne tenaient pas la corde. Carré, efficace, son design n’avait rien de glamour, tandis que celui du coupé et du beau spider, griffé Pininfarina, faisait mouche. Hormis ses performances commerciales augmentées par sa propension à gagner des territoires exotiques, la 124 n’avait aucun atout pour entrer dans l’histoire de la pop-culture. C’était sans compter le cinéma, Henri Verneuil, Belmondo et le cascadeur Rémy Julienne.

Nous sommes en 1971. Verneuil tourne à Athènes un film adapté d’un roman noir signé David Goodis : Le casse (The Burglar) a déjà été porté au grand écran en 1957 avec Dan Duryea, prototype du dur-à-cuir méchant comme une teigne et avec Jayne Mansfield en pépée pneumatique, pie voleuse et partner in crime. Co-production dorée sur tranche pilotée par la Columbia avec un budget alors colossal de 15 millions de francs, tourné en français et en anglais, Le casse réunissait un casting international : autour de Jean-Paul Belmondo, Verneuil avait engagé Omar Sharif, Robert Hossein, Renato Salvatori et l’Américaine Dyan Cannon. Physique de pékinois s’étant pris une porte sur le nez, ex-épouse de Cary Grant, la Cannon était à l’époque très à la mode. Dans le film, elle est une cover & call girl de luxe spécialisée dans le double jeu et dont le studio moquetté de pourpre du sol au plafond reste un modèle du mauvais goût moderne au cinéma. Mobilier design, gadgets sexy, luxure tout inox et au finish, un gag mémorable provoqué par le système luminaire phono-sensible : un claquement de main pour allumer, deux pour éteindre. Lena ayant séduit et trahi Bebel, celui-ci, en grande forme, lui administre une série de baffes réjouissantes alors que la lumière clignote furieusement. Domotique et Cromagnon faisaient salon. Et sans cascade. L’autre affrontement mémorable reste la  fameuse poursuite en voitures dans les rues d’Athènes, interminable, 14 minutes, achevée sur deux épaves chancelantes et fumantes. Aux manettes de cette prouesse, Remy Julienne. Ex-champion de France de moto-cross, le gaillard double Belmondo, son pote depuis Le cerveau, tourné en 1969. Film dans le film, le duo tournera en 1977 L’animal, comédie remuante où Bebel joue un cascadeur de cinéma qui doit se marier avec sa partenaire, elle aussi cascadeuse, interprétée par rien moins que Raquel Welch !. Pour Le Casse, Verneuil et Julienne ont mis le paquet. Belmondo au volant d’une Fiat 124 Special T rouge flambant neuve tente de semer Omar Sharif conduisant une vétuste et increvable Opel Rekord 1700 L noire couverte de poussière et qui chasse du cul. Les deux stars sont doublées : Belmondo par Julienne, Sharif par Remo Mosconi. Le montage final montrera quelques incohérences, une grande spécialité de la cascade à la française, mais les 4, 5 millions de spectateurs français n’y verront que du feu. Rendons à César : pour une fois, les bagnoles restent les mêmes et ne sont pas troquées en cours de cascades pour des vieilles caisses ressemblantes. Comme dans Fantomas, par exemple, où la Simca Présidence (plutôt une Régence, d’ailleurs) noire aux freins sabotés mène Jean Marais et Mylène Demongeot à une mort certaine sur une route pelée de la Saint-Baume. Un coup la Régence, un coup une Simca Ariane, noire, évidemment. On digresse. Retour au Casse. Feux rouges brûlés, rues à contresens, gymkhana entre camions et funérailles, rocades, parking du port, escaliers : tout y passe. Les pneus crissent, les freins hurlent, les moteurs rugissent, les roues arrière se gondolent, la tôle se froisse. On nous fait croire que la Fiat carbure à 170 km/h, collée au train par l’Opel qui plafonne à 60…On s’en tape : la cascade est efficace, comparée à un duel au pistolet dans un western. Il n’y manquait que la zizique de Morricone. C’était d’ailleurs le cas. Résumé, un film qui fonctionnait à pleins tubes.

Sur le terrain, peu de choses différenciaient la Fiat 124 originelle de ses versions S et Special T, équipées du moteur du coupé 124 Sport. Double-phares, calandre, feux arrière : le diable était dans les détails. Réduite au 1/43è, la 124 sera reproduite en Italie par Mercury, par Edil Toys et par Mebetoys qui sera le seul, ensuite, à proposer une 124 S civile, taxi et rallye, non sans avoir légèrement modifié son moule, par ailleurs envoyé en Espagne se faire revoir par Joal et par Nacoral-ChiquiCars pour que chacun usine sa Seat 124. Bizarrement, Politoys passera son tour pour se focaliser sur le spider 124 décapoté, taillé à la serpe, et réserver la 124 berline à une échelle moindre (1/55), initialement diffusée sous label Penny avant de passer à Polistil. Échelle encore : celles dépassant le 1/20ème seront légion. Ainsi des 124 filoguidées produites par l’Italien Pocher.

En France, il n’y aura que Norev pour mettre une 124 à son catalogue. D’abord en plastique, puis en métal Jet-Car (première époque), suivi du rival Minialuxe, qui, histoire de se démarquer, choisira la 124 S dont la fragilité des pare-chocs la fera vite ressembler à celle du Casse en fin de poursuite.

Harley-Davidson+ side-car. Tekno. 1950-65. No. 762

À l’instar de tous les fabricants de jouets et miniatures autos, le Danois Tekno mettra quelques deux-roues à son catalogue. Outre la Vespa avec ou sans side-car, les amateurs enfourcheront une

Harley-Davidson déclinée en de nombreuses versions (Postes suédoises, allemandes…) le plus souvent destinées aux marchés néerlandais, allemand et suédois, dont ce Motorcykel med Sidevogn, en danish dans le texte. Produites pendant une quinzaine d’années, ces motos, rouges ou bleues, ont rarement traversé le temps intactes. Comme si soumises, elles aussi, aux pires cascades. Ancien champion de moto-cross, Remy Julienne aura réglé les cascades de plus de 400 films dont six James Bond, films truffés de poursuites en tutures et en moto. Mais le plus célèbre des motards-cascadeurs reste le fantastique Evel Knievel, un daredevil americain fameux pour ses sauts inouïs et les grands shows qui les encadraient. Celui du Grand Canyon ou celui du stade de Wembley à Londres restés ancrés dans l’histoire du genre, même si ses sauts au-dessus de cages emplies de crotales ou de pumas affamés, voire au-dessus d’un aquarium bourré de requins alternaient avec ses prouesses volantes et trompe-la-mort par-dessus les fontaines du Caesar’s Palace de Las Vegas. Décédé en 2007 à l’âge de 69 ans d’une bête maladie pulmonaire, Knievel (prononcer Ka-ni-vol) était si connu qu’on lui consacra de son vivant plusieurs biopics. Le premier tourné en 1971 pour le cinéma par Marvin Chomsky s’intitulait sobrement Evel Knievel et c’était l’improbable et trop bronzé George Hamilton qui l’incarnait. Problème : Hamilton ressemblait à Kanivol comme Sim à Marilyn Monroe. Quant au premier rôle féminin, il était assuré par la blonde Sue Lyon, héroïne du Lolita de Kubrick, et alors en perdition de carrière. Honnêtement, le blond Jon Voight aurait été parfait. Restent les scènes d’action, épatantes, avec cascades réalisées évidemment par Knievel himself. Le second biopic, réalisé pour la télé en 1974, mordra la poussière. Knievel y était incarné par le très viril Sam Elliott, un chouia physiquement plus crédible, mais en faire un héros de polar était délirant. Le troisième biopic sera pour 2004 et pour la TV, avec George Eads (future star de la série CSI:Miami). Derrière la caméra : John Badham qui avait réalisé La fièvre du samedi soir et Tonnerre de feu.

Incroyablement populaire, Knievel acceptera de tenir son propre rôle dans un autre film tout à sa gloire. Sorti en 1977, Viva Knievel ! était réalisé par Gordon Douglas, solide routier du film d’action. Le cascadeur-star y était entouré de Gene Kelly, Lauren Hutton et Leslie Nielsen. Mais le scénario était si inepte que le film se plantera en beauté. En France, son titre, Le casse-cou, n’aidera pas à esquiver le flop. Comparables aux shows de Liberace avec son piano en cristal ou à ceux du duo de magiciens végasiens Siegfried & Roy, les barnums organisés autour du personnage de Knievel marqueront un apogée de la pop-culture américaine. Avec sa combinaison blanche étoilée de bleu et sa petite cape assortie, Knievel sera parodié par Dom DeLuise dans la série des Cannonball, avec Burt Reynolds. Son personnage fera aussi l’objet d’un merchandising poussé avec posters, figurines, jouets, etc…. Quant à son fils, Robbie Knievel, suivant les traces paternelles, il réalisera en 2008, un saut à moto au-dessus de 24 camions Coca-Cola parqués comme des sardines. Sinon, bien qu’il débuta au guidon de motos Norton, Knievel-père avait une prédilection pour les Harley-Davidson. C’est avec une XR 750 qu’il réalisera ses exploits les plus spectaculaires et aussi ses gadins les plus mémorables. En 2013, un groupe de passionnés américains procèdera à la production artisanale d’une moto à sa mémoire, la Knievel 1340 Commemorative Bobber, vendue en France au prix de 22.000 euros. Un retour de ma-knievel ?.