DÉCONFINEMENT : PERMIS DE CONDUIRE EN ROUGE ET VERT

Le 11 mai prochain, le rayon de déplacement du Français (dé)confiné passera du pâté de maison local à cent kilomètres autour de son domicile. Depuis le 17 mars, et pendant quatre semaines, en dépit du vide sidéral qui s’est emparé des rues et des routes, le nombre de contredanses pour excès de vitesse a été multiplié par quatre. Les prunes et les retraits de permis sont tombés comme à drache sur les automobilistes qui avaient poussé tuture à des pointes ayant dépassé de plus de 60km/h les vitesses autorisées (+16%). Les gendarmes ne passaient pas qu’à la télé. Allumé à 195km/h en lieu et place des 90km/h règlementaires, l’un d’eux a battu les records. Devra repasser son permis. Et dire qu’en 1899, le premier conducteur à s’être fait aligner était coupable d’avoir outrageusement piétiné le règlement en roulant à 12km/h dans le Bois de Boulogne !. Instauré par ordonnance en 1893 par le préfet de Paris, Louis Lépine, le fondateur de la Brigade Criminelle et l’inventeur du concours Lépine, le certificat de capacité à conduire un véhicule à moteur sera étendu très vite à toute la France.

Initialement réservé aux jeunes hommes d’au moins 21 ans, cette patente sera élargie aux femmes. La légende aime à retenir que la première d’entre elles à l’avoir décrochée fut, en 1898, l’intrépide duchesse d’Uzès, pionnière de l’automobile au féminin, première femme-pilote et fondatrice de l’Automobile Club Féminin. Une autre aristo du volant qui la talonnait entrera dans l’histoire de la cosméto grâce à la voiture. Compagne du grand chimiste et plus tard homme politique Marcellin Berthelot, la comtesse de Presle, affolée de constater que conduire dans Paris à l’air libre, déjà pollué, provoquait des effets désastreux sur sa carnation si délicate, réclama à Berthelot la mise-au-point d’un baume automobile miraculeux qu’elle s’empressera de commercialiser dans les salons de son hôtel particulier avant de fonder la maison Detaille, qui existe toujours aujourd’hui, sise rue Saint-Lazare. Le baume automobile y est toujours proposé au sein d’une vaste gamme de cosmétiques, soins et parfums.

Quant au permis de conduire, découpé à point(s) depuis le 1er juillet 1992, il a perdu son statut de « papier rose » et, il été décroché en 2018 par plus d’un million de candidats, tous âges, sexes et catégories confondus. Cadré et encadré par la Sécurité Routière, le permis de conduire fut au lendemain de la Seconde Guerre mondiale et jusque dans les années 1970 au centre des missions acceptées par les concepteurs et les fabricants de jeux de société éducatifs. Avec le Code de la Route pour sujet favori, il y eut une déferlante de jeux de l’oie, de puzzle, de jeux de cubes, en carton, en plastique, aimantés, électrifiés, du plus simple au plus chic, certains passant par la case cadeau-station-service ou le bazar. Visant l’éduction routière en inculquant aux juniors les rudiments et règles de la conduite, de la vitesse, mais aussi de la compétition « intelligente » et ludique, le plus connu sera le jeu des 1000 Bornes avec ses 106 cartes créé en 1954 par un certain Mr. Dujardin, éditeur de matériel pour auto-écoles. Un succès mondial. Très présent sur le secteur, le fabricant de jeux d’éveil MFR, connu pour ses jeux de construction en bois type Je Bâtis, Baby Villas, Cubville, était un spécialiste des mallettes de jeux et des coffrets où se trouvait notamment le plateau Rallye de France Le Code de la Route en s’amusant. Autrement, les fabricants de miniatures autos y allaient aussi de leur message éducatif béni par la Prévention routière en accompagnant certains modèles de livrets ad-hoc et de panneaux de signalisation routière, accessoires souvent réunis en coffrets ou en sachets. 

De gauche à droite

Peugeot 404 commerciale. Dinky-Toys -1964. NO. 525

Suivant le rythme de lancement des modèles dérivés de la nouvelle berline 404 du Lion de Sochaux, Dinky-Toys garera en catalogue la version commerciale, autre nom pour un break familial, nonobstant quelques détails de montée en gamme comme les phares diamantés, hayon ouvrant des roues avant directionnelles et une banquette arrière rabattable par tirette. Usage « commercial » oblige, la gamme de coloris sera réduite à un beige très neutre, voir banal, et à un bleu marine très préfectoral, histoire de faire officiel, d’autant que l’intérieur était rouge. Ne manquait que le blanc pour claquer tricolore au vent. La version pie Police

( no. 1429) sera pour plus tard. À l’inverse de la berline 404 qui fut unanimement reproduite au 1/43 par l’ensemble des fabricants français, exception faite de Solido, le break, outre Dinky, intéressera seulement Norev (et Majorette au 1/65è) qui se distinguera en sortant cette même année 1964 une « familiale » 404 L à calandre avancée, avec trois rangées de banquettes, coffre arrière vitré ouvrant, couleurs un peu plus vitaminées et heureusement sortie d’un moule ayant corrigé le navrant ratage de la berline.

Renault Dauphine. Norev-1956. No. 13

Ce fut la voiture la plus vendue en France. La Dauphine ne remplaçait pas de la reine 4CV mais, selon les termes de Billancourt, elle venait « l’épauler ». L’épaule sera produite de 1956 à 1967. Avec prolongations aux Brésil (1968) et en Argentine (1970). Petite berline dont une partie du design aurait été suggéré par Ghia, son moteur arrière la propulsait à 111km/h en dépit d’une tenue de route qui sera pour beaucoup meurtrière. Embourgeoisée par l’Ondine, mordant la piste en robe Gordini, la Dauphine tentera l’export, notamment aux USA. Au 1/43ème, ce sera la bousculade avec CIJ en première ligne. Il y aura une Dauphine chez Dinky (la première Renault depuis des lustres), chez Jep, Minialuxe, Clé, Rico en Espagne et Politoys en Italie, seulement parce que là-bas, la Dauphine était produite par Alfa-Romeo !. Norev sera de la partie évidemment avec une mignonne Dauphine rondouillarde sortie en 1956 avec, nouveautés, un vitrage et un socle, non plus en métal, mais en plastique, privilège alors partagé avec la DS19, la Mercedes-Benz W196 et la Jaguar Mark I 2,4l. Roues rouges, pneus blancs : la bestiole était élégante, moulée dans une palette de coloris pimpants. On savait que c’était une Dauphine, puisque c’était marqué sur la plaque d’immatriculation avant, laquelle, selon les auteurs du livre Les Belles Autos de Norev, aurait été amovible sur certains modèles. Doublée d’une rare version mécanique avec moteur à friction, la Dauphine Norev évoluera en même temps que la vraie, gagnant un aménagement intérieur, des roues avant directionnelles, des nouvelles roues, des pneus à flancs blancs et une suspension. Le grand luxe!. Jumelée avec l’Ondine apparue au catalogue en 1961, la Dauphine Norev, à l’instar de la vraie, partira à l’export pour être reproduite en URSS par Tbilissi/NovoExport et d’aucuns évoquent une version algérienne. En France, la plaque d’immatriculation arrière variait d’une série à l’autre – AL 85, CC 88… Les boîtes aussi évolueront : caisse faux bois carton, écrin/socle noir plastique, mica/socle jaune carton…Du coup, sa nomenclature passera du numéro 13 originel au numéro 50 final…

Renault Estafette Gendarmerie nationale. CIJ-Europarc -1960. No. 3-93

C’est Louis Renault qui, avant-guerre, avait signé des accords exclusifs avec la Compagnie Industrielle du Jouet (CIJ) pour la reproduction officielle et exclusive en France des miniatures Renault sous la marque Jouets Renault. Accords prorogés après-guerre par la Régie Nationale mais rompus en 1955 suite au décès accidentel du dirigeant de la Régie, Pierre Lefaucheux, au volant de sa Frégate. Ceci pour expliquer que CIJ fut jusqu’à cette date fatidique, l’unique reproducteur des Renault, omniprésentes à son catalogue (4CV, Frégate, Étoile Filante, Dauphine, Prairie, Savane, Dauphinoise, Alpine, etc…). En 1957, la Régie lançait sa fourgonnette Estafette, illico embrayée par CIJ qui la livrera à tous les usages. En résumé : moule amorti !. Apparu au catalogue des nouveautés 1960 en même temps que l’Estafette Police surélevée et que l’Estafette Mini Car Hostellerie du Cheval Blanc, l’Estafette Gendarmerie en clôturait le cycle industriel. Contrairement au modèle Police électrifié par pile, le minicar Gendarmerie nationale est chichement équipé d’un gyrophare en alu peint rouge inerte fiché sur le toit et d’une antenne métallique qui ressemblait à un tire-comédon. Les roues étaient bleues « gendarme » et les pneus, calandre et pare-chocs, noirs. Increvable, l’Estafette sera âpre au service et mettra un temps fou à prendre sa retraite, à l’Armée, comme au civil.