LE DESSOUS DES KARTS

Un volant, quatre roues et un moteur de tondeuse à gazon : l’anatomie du kart est des plus spartiates. Apparu au mitan des fifties aux USA, le bidule se pose en cousin de la caisse-à-savon, sans la caisse et sans le savon, propulsé par un moteur 2-temps. Aux manettes, Art Ingels, mécano sport-auto de la Kurts Kraft, firme basée depuis 1938 à Glendale, CA., et impliquée dans la préparation des voitures de course à Indianapolis. Avec lui, un certain Lou Borelli. Ensemble, ils vont fonder en 1956 la Ingels-Borelli Kart et commercialiser le kart Caretta. Deux ans plus tard, leur concurrent direct, Go Kart Manufacturing, va leur tailler des croupières avec un kart non plus motorisé « tondeuse-à-gazon » mais hors-bord Mac Culloch. Succès fou chez les teen-agers avec atomisation en myriades de clubs et de compétitions. En sept ans, le kart va pulvériser les hobbies motorisés modernes.

En France, c’est par le salon nautique de Paris, en 1959, que la machinette va faire son apparition, illico adoptée par la génération « Tricheurs » (cf le film de Marcel Carné). La presse délire et les people du jour s’amusent comme des fous. Sur des clichés en noir & blanc, on reconnaît Romy Schneider cheveux au vent sur un circuit parisien. Avec elle, Jean-Louis Trintignant, pas encore passé à plus costaud rayon course. Il y a aussi cette photo hilarante d’Alfred Hitchcock sur un circuit milanais. Babar fait du kart. Dès 1961, le cinéma kartise à tout va. Dans  La bride sur le cou, comédie douce-amère de Roger Vadim, Brigitte Bardot se laisse embarquer par un jeune Claude Brasseur et le ténébreux Michel Subor (décédé voilà quelques mois) pour une virée banlieusarde et quelques tours de circuit en kart, entre bottes de paille, combi-casque et cris joyeux de notre BB nationale, pas encore engagée pour vanter le tombé parfait des pantalons… Karting, lancés en 1974 !. L’année suivante, ce sera le Go Kart Twist, BO yéyé-riviera du film Diciotenni al Sole (Jeunes gens au soleil), comédie estivale tournée à Ischia avec la délicieuse Catherine Spaak (elle aussi, hélas disparue voilà peu), Gianni Garko, Lisa Gastoni et Fabrizio Capucci, acteur frère du grand couturier romain Roberto Capucci et futur mari de la… Spaak !. Quant au tube, Go Kart Twist, il est entonné à pleins poumons par le chanteur Gianni Morandi. En revanche, ça traînasse à Hollywood, plus occupé à produire à la chaîne des beach-movies où ça twiste en bikini sur le sable, parfois même avec Dracula dans les parages. Du coup, Go Kart Go, sorti en 1964, est bêtement anglais. Tous les personnages, jeunes, forcément young, s’appellent Jimpy, Patchy, Stiggy, Cheesy, Spuggy… Au générique, Dennis Waterman et John Moulder-Brown à leurs débuts. Plus récent, venu d’Australie, Go Karts date de 2020. Un nanar austral pour teenagers amateurs de poussière. Entre temps, Super Mario et le chat Garfield saurant adonner leurs fans au video-kart. En ces années 1960 vrombissantes, sur les circuits belges et français, les plus assidus sont les pilotes d’avion. Sans doute parce que les roues des karts sont celles des trains d’atterrissage ?. Autrement, en France, le roi des moteurs de karts, c’est Rexo, qui soigne sa pub auprès des amateurs. Sinon, savoir qu’Alain Prost, Nelson Piquet, Ayrton Senna et quelques autres champions ont débuté en courant au volant de karts. Karts sur table avant la F1 ?: oui, le kart entre dans la catégorie des sports mécaniques de compétition…Plus prosaïquement, l’anatomie mécanique du kart saura inspirer un certain Alec Issigonis pour la conception de sa Morris Mini Minor. Présentée en 1959, la Mini roule en effet sur quatre petites roues projetées aux quatre coins du châssis. Issigoni sera le premier à revendiquer cette karto-graphie qui fera de sa voiture un jouet mécanique et une bombinette cooperisée bouffant du rallye à Monte-Carlo. La mode du kart est telle que même l’esprit des suprise-parties s’en trouvera chahuté. Voire, car le petit monde du vinyle festif se mélangera allègrement les pédales. Ainsi, pour accompagner sa Kart Party, le label de disques Super Panorama, modestement auto-proclamé « le plus écouté des disques français ! », a-t’il gravé sur vinyle 45 tours quatre… valses !. Depuis quand Les fiancés d’Auvergne  ç est kart-compatible ? La pépée en combi au volant d’un Thunder Kart, sur la pochette, est juste un alibi. Autant le savoir, Super Panorama était plus au point quand il s’agissait de chachacha, calypso, sucu-sucu et autres cumparsitas.

De gauche à droite et au milieu

Sur le circuit de la miniature, les fabricants se sont rués sur le kart comme un  nuage de sauterelles sur Los Angeles. À toutes les échelles, toutes les matières. Du Giordani à pédales pour enfants démoli par le tonton Edouard -gabarit Babar lui aussi, avant même son dépôt sous le sapin -grrrrr !!!!, jusqu’au japonais téléguidé au 1/10ème avec variantes usinées par Joustra et Clim. Si Solido et Norev se sont alors abstenus, leurs rivaux et concurrents sont entrés dans la course à fond de train . Au 1/43ème, le Leskokart Midget ciselé par Dinky Toys est un petit bijou. Tellement mimi, tellement fragile, mis au catalogue, réf. 512, en même temps que la Panhard 17, la Citroën ID 19 break et la Citroën 2CV de 1961. Daté de 1959, le kart Minialuxe roule au 1/32ème, échelle adoptée pour une large gamme de voitures mais aussi pour les accessoires lumineux (feux tricolores, bornes, etc…), pompes à essence et motos. Produit en vert, jaune ou bleu, avec « passager en souple » (comprendre le pilote), roues à rayons chromés et moteur peint argent,

vendu dans sa propre boîte carton illustrée, c’est un collector, parvenu rarement intact aujourd’hui. Quant au pilote, en dépit d’une livrée différente, c’est le même qui chevauche les motos Minialuxe !

Le kart de Cofalu court pour sa part au 1/36ème. Firme française fondée en 1947 en Gironde, près de Bordeaux, Cofalu, pour COnstructions FAciles en ALUminium s’est de prime abord consacré aux Maisons des Provinces, avant d’élargir son catalogue dès 1948 aux figurines de la route, matériels et accessoires de garage, stations-services etc… Outre la circulation routière, Cofalu décochera le maillot jaune avec ses collections cyclistes et Tour de France, notamment incarnées par les fameuses Jeep, Peugeot 203 et 404 cabriolets. Vouée à l’alu, la production passera au plastique en 1964 en dirigeant ses gammes vers le jouet de bazar, rachetant au passage en 1970, la société Clairet, spécialisée dans les animaux et accessoires de fermes. En 1980, la famille fondatrice Ohrensstein rebaptisera Cofalu en Kim’Play, marque toujours active sur le marché. Et toujours girondine. Reproduit en métal bleu, le kart Cofalu est équipé de roues en zamac concaves, de pneus noirs et son pilote aux bras articulés, est en plastique jaune. Ou d’une autre couleur, selon les versions. En passant au tout-plastique Cofalu poursuivra sa course en kart, réduisant l’échelle au 1/40. S’ensuivra une noria de modèles multicolores, souvent proposés en cadeaux Bonux, ou équipant des coffrets de jeux dédiés comme Karting Junior édité en 1962 par les Jeux de Société et éducatifs de la Tour St. Denis. Labélisé Championnat du monde, illustré par Dresler, ce « jeu d’actualité, passionnant et vivant, avec lequel chaque joueur retrouvera la griserie de la vitesse et la virtuosité du conducteur », contenait une piste de karting en carton illustrée, des bottes de paille en plastique et cinq karts en plastique Cofalu. Pour finir ce tour d’horizon pétaradant, il faut savoir que Norev a reproduit tardivement un kart Crédit Lyonnais Tour de France, surmontée de l’énorme mascotte léonine de la dite banque. Kart de crédit ?