TROP TÔT POUR TOKYO

C’est official. Les Jeux Olympiques de Tokyo sont reportés à 2021. Sale coup pour les droits télé et glissement du calendrier officiel quadriennal des années paires aux années impaires. Pour le Comité olympique, c’était inéluctable : plus entorse qu’impair, ce report des XXXIIèmes Olympiades modernes chamboule tout, notamment le rapport de force entre le tout-puissant CIO et les nations organisatrices et souveraines. Salubrité sanitaire avant tout. Outre les JO, ce sont également les jeux paralympiques qui sont impactés. Et moindre mal pour les Gay Games, programmés à Hong Kong pour 2022. En 1964, les temps étaient plus cléments : cette année-là, Tokyo accueillait ses premiers JO d’été qui eurent lieu en octobre. Oubliée la session de 1940 annulée pour cause de guerre. C’est un pays régénéré qui s’aligne avec, fierté absolue, l’introduction -avec le volley ball-, du judo comme pratique olympique. Parmi les 94 nations participantes, l’Afrique du Sud a été écartée pour motif d’apartheid et la Chine s’est fâchée tout rouge à cause de Taïwan. Au palmarès final, le Japon arrivera 3ème derrière les USA et l’URSS, remportant 29 médailles dont 16 d’or. Retransmis en Mondovision, l’évènement aura collé 600 millions de téléspectateurs devant leur poste. Win-win sur toute la ligne pour le Soleil Levant…

Sur le champ de la culture populaire, le Japon émerge tout juste. Pour les Occidentaux, si les cinéphiles ne jurent que par Kurosawa, le grand public ne connaît du Japon que le monstre Godzilla, créature « inventée » en 1954 par le producteur de cinéma

Tomoyoki Tanaka. Si Hollywood découvre Machiko Kyo dans La petite maison de thé, avec Marlon Brando, le public français applaudit en revanche aux films de deux actrices japonaises, alors grandes vedettes : Yoko Tani et Keiko Kishi. La première, fille de l’ambassadeur du Japon à Pars, mariée à l’acteur Roland Lesaffre tournera des dizaines de films -Ma Geisha, La fille des Tartares…-, en France, en RFA, en Angleterre et en Italie. La seconde, venue du Japon où elle était déjà une star, épousera le réalisateur Yves Ciampi sous la direction duquel elle sera à l’affiche, entre autres, en 1956, du fameux Typhon sur Nagasaki avec Jean Marais et Danielle Darrieux, tourné au Japon sous le titre de Un Français à Tokyo. On la verra aussi dans Du Rififi à Tokyo, film noir et cosmopolite de Jacques Deray (1963) avec l’Autrichien Karl-Heinz Böhm (l’ex-François-Joseph de la série des Sissi), Charles Vanel et la Polonaise Barbara Lass, alors mariée à Roman Polanski et du Japonais Eiji Okada, à jamais mythifié pour avoir incarné « Lui », face à Emmanuelle Rivan, dans Hiroshima mon Amour tourné en 1958 par Alain Resnais. Star absolue du cinéma nippon et notamment des Sept Samouraïs, l’acteur Toshiro Mifune sera engagé en 1971 par l’Anglais Terence Young pour tenir l’un des rôles principaux de Soleil Rouge, aux côtés de Charles Bronson, Alain Delon et Ursula Andress. En 1970, c’est la bébé belge qui verra apparaître, via les pages de Spirou, une nouvelle héroïne intrépide : la Japonaise Yoko Tsuno. Trois ans auparavant, le Japon était dans la ligne de mire du plus sexy des agents secrets de sa Grâcieuse Majesté. Sorti en 1967, You Only Live Twice (On ne vit que deux fois) verra 007 se marier pour la seule et unique fois de sa ciné-vie et délaisser sa chère Aston-Martin pour un cabriolet blanc Toyota 2000 GT. À ses côtés, deux James Bond Girls japonaises, Akiko Wayabayashi dans le rôle d’Aki, et Mie Hama, considérée comme la BB nippone, dans celui de Kissy Suzuki !. Voir ici les balbutiements du Cool Japan et la J-Pop….

De gauche à droite

Karrier-Commer Bantam BBC Roving Eye. Dinky-Toys GB. 1959. No. 968

Entrée dans les foyers britanniques via la radio puis la télévision, la BBC -British Broadcasting Company- fut créée en 1922. Surnommée « the Beeb » et bien que longtemps figée en monopole et en noir&blanc, la BBC affichait la couleur -le vert mousse-, notamment appliquée aux véhicules de la chaîne. En 1959, Dinky-Toys GB mettait à son catalogue une flotte de trois fourgons techniques aux couleurs de la BBC. Une première aux pays des jouets et au 1/43ème. Inscrits au listing de la série 900, il y avait là le gros camion Bedford BBC à échelle télescopique actionnée par manivelle (no. 969), le fourgon Karrier BBC TV Control Room (no. 967) et le fourgon Commer Bantam de transmission avec bloc camera+cameraman pivotant (roving eye) et antenne fichés sur le toit (no. 968). Un élégant filet gris argent en soutachait le profil. Trois ans plus tard, Dinky modifiait la livrée des deux fourgons 967 et 968 pour une version ABC (American Broadcasting Company) sans doute destinée au marché nord-US. Robe bleu pâle et filet gris clair : deux références millésimées 1962 très recherchées. Le filon des TV-cars sera ensuite alimenté toujours chez Dinky-GB par le magnifique break noir Fiat 2300 Pathé News, chez Dinky France avec le break Citroen ID 19 RTL, et chez Corgi par le Van Commer Mobile Camera, par la Renault R16 Paramount Tour de France, ensuite remplacée par l’improbable pick-up Citroen DS 21 Paramount Tour de France.

Toyota 2000 GT spider 007. Corgi-Toys-1968 . No. 336

Au mitan des sixties, l’industrie automobile japonaise, en plein essor, commence à tailler des croupières aux Américaines surdimensionnées. Issue d’un projet piloté par Yamaha, récupérée par Toyota, le coupe 2000, lancé en 1967 comme la première GT de la marque, fera l’évènement. Profil inspiré de la Jaguar Type E avec le même type de portière de coffre, la 2000 GT, dessinée par Satoru Nozaki, exposée dans les plus grands salons de la planète, sera produite à 351 exemplaires exportés au compte-goutte : 25 en Europe seulement dont 8 en Belgique et aucun en France. Ce qui explique que la 2000 GT blanche acquise en 1968 par la chanteuse Sheila soit passée par la Belgique. Vendue alors au même prix qu’une Porsche 911, la Toyota 2000 GT cote aujourd’hui la bagatelle de 500.000 euros. La 2000 GT est entrée dans la ciné-légende et la mémoire collective en roulant des mécaniques sur-gadgétisées grâce à James Bond. Délaissant sa chère Aston-Martin DB, 007 se débridait à bord d’une Toyota 2000 GT spider. C’était en 1968 dans You Only Live Twice (On ne vit que deux fois), film pour lequel Toyota produisit deux spiders qui n’ont jamais existé dans la vraie vie roulante. Motif invoqué : Sean Connery était trop grand pour se caler dans l’habitacle. Pour Toyota, ce James Bond, le 5ème de la série, représentait un gros coup médiatique et un sacré ticket d’entrée de sa GT sur le marché américain. Non seulement You Only Live Twice, chanté par Nancy Sinatra, voyait Bond se marier, qui plus est avec une Japonaise, mais les Bond Girls étaient aussi Japonaises. Mie Hama, considérée comme la BB nippone (faut rien exagérer) y jouait Kissy Suzuki et Akiko Wayabayashi, Aki ou la Tiger Girl au volant de la 2000 GT. C’est sa figurine et celle de 007 que Corgi Toys a assis dans sa reproduction sous licence lancée en 1968 et bardée de gadgets dont le lance-roquettes planqué dans le coffre. Strictement cabriolet, la 2000 GT 007 renvoyait le jouet au film sous toutes ses coutures, roues à rayons comprises. Son existence marchande ne durera que deux ans : en 1970, elle sera remplacée par une version désarmée, peinte en bleu ou rouge mercurisé et dotée de roues Whizzwheels. Sortie de route : 1972. Et pour Corgi, le titre exclusif d’unique reproducteur d’un modèle qui ne fut jamais mis en production. En revanche, le coupe 2000GT sera superbement reproduit par l’attelage danois Tekno/Kirk, par l’Italien Mebetoys (avec replicas du moule en URSS), et au Japon, notamment par Diapet Yonezawa en deux versions, par Ichiko Asahi et par Tomica Dandy.

Honda S 800 coupé. Dinky-Toys-1968.  No. 1408

Avant de rouler au 1/43ème chez Dinky France, la bombinette bonzaï de chez Honda avait emballé les as du Journal de Spirou : le dessinateur Jidehem la chouchoutait dans ses chroniques Starter et Franquin en avait fait le cabrio préféré de Spirou et Fantasio. À Bobigny, Dinky, peu enclin à l’exotisme automobile, ouvrira son catalogue, coup-sur-coup à la très soviétique Moskwitch 408, totalement inconnue en France, et à la Honda S800, seule et unique voiture japonaise jamais reproduite par la firme. Or ni Honda ni sa 800 étaient des inconnues sur le territoire. Numéro un de la moto, passé à l’auto en 1962 via la F1, la marque avait suscité surprise et succès en Europe avec ses mini citadines à bouille sympathique comme la 360 et la N600 et carburant comme des bolides. Présent au Salon de Paris 1965, et succursalisé en France depuis 1966, Honda fignolera son coupé S800 en passant par la S600, quasi jumelle. Présenté à Tokyo en 1965, la 800 propulsée par un petit 4 cylindres arrache le goudron. Produite à plus de 11.500 exemplaires jusqu’en 1970, accusée de trop polluer (déjà !), elle fit une petite carrière en France, taxée de voiture pour minets et minettes friqués. Rivale directe de la Fiat 850 spider Bertone et de la MG Midget MkIII, la Honda S800 était proposée en deux configurations : coupé et cabriolet. En France, Dinky n’en fut pas le seul reproducteur miniature : la marque Clé avait produit très confidentiellement un cabriolet S600, aussi rare que le cabrio NSU Printz et que la Triumph TR4. Au Japon, Diapet commercialisera un cabrio S800 au 1/40è et ACT Model Pet se chargera de la doublette cabrio+coupé au 1/43è. Les historiens de Dinky Toys précisent que la sortie de catalogue de la S800, fixée à 1972, serait due à une bouderie du modèle, pourtant fort réussi avec son capot ouvrant bombé. En attendant la déferlante des Civic et des Prélude, l’ultime petite Honda reproduite en Europe sera, chez Politoys M, la craquante Z avec sa fenêtre arrière en forme d’écran télé.