ÉPARPILLÉ FAÇON PUZZLE

Durant quelques décennies, les enfants furent au cœur d’une pédagogie sérieusement ludique orchestrée autour du Code de la Route et de la Sécurité routière par la plupart des éditeurs et de livres et de jeux éducatifs. Le jeu des 1000 Bornes est ici tutélaire : créé en 1954 par Edmond Dujardin, éditeur spécialisé dans le matériel fourni aux auto-écoles, il a traversé les routes, les frontières et les générations, vendu par centaines de milliers d’exemplaires encore à ce jour. Disparues du paysage, les planches éducatives Rossignol, apparues dès 1946, sont désormais des collectors recherchés.

Avec leurs jeux didactiques et mécaniques, les Jouets Mapajo occupaient le terrain avec des planches électriques organisées pour apprendre le fonctionnement mécanique d’une automobile. Dans les années 1960, la plupart des fabricants de jeux de société mettront sur le marché des jeux directement liés à la Sécurité routière et à la circulation dans les villes. L’un des plus vendus fut le Jeu de la Prévention routière. Les dénicher en bon état de conservation et complets est aujourd’hui une gageure. La Prévention routière fut aussi traitée par les éditions Bourrelier pour le compte de l’Éducation nationale (et donc hors commerce) avec un coffret contenant des « modèles réduits pour l’enseignement du Code de la Route ». Soit des panneaux, des figurines et trois voitures au 1/43ème, dont deux Frégate Renault Minialuxe. Un dahu pour les collectionneurs !

Sinon, directement concernés, de Dinky Toys à Norev en passant par Quiralu ou Minialuxe, les fabricants de miniatures au 1/43ème roulaient avec des batteries de panneaux de signalisation, de feux tricolores et autres miradors avec agent de la circulation. Dans les autres pays européens, le bon usage de la circulation automobile fut aussi un sacré filon. Aux Pays-Bas, Simplex, leader des puzzles en bois produits sur tous les sujets, consacra quelques jeux au trafic routier. Celui qui illustre notre blog a été déniché, complet, dans une brocante. Par-delà sa fonction ludique, il permet d’estimer la nature du parc automobile batave au début des années 1960. On y identifie, de profil, un fourgon Ford Taunus rouge, une Austin Cambridge verte, un break Ford Anglia jaune, une Renault Dauphine verte, une américaine blanche (Dodge Dart ?), une NSU bleue/blanche, un camion rouge, un autre camion (Scania ?) rouge ; une Mercedes-Benz 22O SE noire, une Volvo P444 verte, une Fiat 500 Giardiniera bleue, une Volkswagen 1500 grise, une Simca 1000 ou une R8 jaune et un mini-bus Mercedes-Benz bleu et blanc. Piqué d’un push-pin, chaque modèle y est encastré ou retiré sans dommage pour la silhouette et pour le cadre. Du travail bien fait, vernissé, aux accents naïfs tels qu’on les trouvait aussi imprimés sur les pyjamas, des abat-jours des lampes de chevet, des assiettes et des verres promotionnels. Toute une époque….

De gauche à droite

Austin Seven Countryman. Dinky-Toys GB. 1961. No. 199

Moins titre de noblesse campagnarde que patronyme commercial, le Countryman désigne chez le constructeur anglais Austin le break vitré de plusieurs modèles de sa gamme, depuis les mignonnettes A30/A35 jusqu’aux grosses A90 Westminster. Décors bois/faux-bois ou peintures bitons : les Countryman jouent la carte de la famille en campagne. Aussi, peu de temps après le lancement fin 1959 de la première Austin Se7en, une carrosserie supplémentaire fut greffée sur la Mini inventée par Alec Issigonis. En effet, dès 1960, le groupe BMC commercialisera un van tôlé, ensuite décliné en break chic et vitré. Même politique d’extension chez Morris, la marque-sœur d’Austin, avec la présentation conjointe du break Morris Mini Traveller. À l’instar de Countryman, l’appellation Traveller est récurrente chez Morris, notamment avec le break Minor à montants bois, une coquetterie décorative que le public anglais affectionne tout particulièrement, ainsi que la clientèle continentale éprise d’accents so british. Gabarits rallongés par rapport à la Mini, les breaks Morris Traveller et Austin Countryman sont jumeaux -seules les calandres les différencient à première vue, bien aiguisée. Vitres avant et arrière coulissent de concert et les portes arrière s’ouvrent en armoire. Si les Mini vans tôlés roulent en étant dédiés aux services, secours et livraisons, les breaks « woody » haussent le ton en matière de snobisme automobile même si certains sont vendus carrossés dénués de « bois ». Par effet de licence, la marque italienne Innocenti procèdera de même dès 1966 avec sa Mini latine et son break T. En Angleterre, les breaks Mini suivront l’évolution cosmétique du modèle : Austin en vendra 108.000 exemplaires, Morris 99.000. Au début des années 1970, la Mini 1275 ne coupera pas à sa variation break. Et quand BMW ressuscitera la Mini, le break Countryman sera de la partie. En Europe, Austin et Morris ne furent pas les seuls à breakiser leurs minis : avant-guerre, déjà, Fiat avait procédé de la sorte avec la 500 Topolino, puis, après-guerre avec la 500 C Belvedere. Rebelote avec la nouvelle 500, déclinée en break Giardiniera. Même topo chez Autobianchi avec la ravissante Bianchina Panoramica. En Allemagne, la Lloyd 600 Kombi fera trois petits tours avant de disparaître.

Rayon Minis en anglaises miniatures, les breaks des Mini Morris et Austin furent unanimement captés par Corgi-Toys, par Spot-On et par Dinky Toys qui, plutôt que choisir entre les deux marques, jouera la doublette avec une Morris Mini Traveller (no. 197) et une Austin Se7en Countryman ( no. 199), sorties en 1961. Traités avec décors « bois », ces deux modèles étaient proposés en plusieurs coloris : ivoire/marron ou vert foncé/marron pour la Morris Traveller ; bleu ciel ou gris bleu pour l’Austin Countryman. Pour la version « nue », la Morris Traveller était jaune tandis que l’ Austin Countryman était rouge. Aux versions « tourisme » s’ajouteront plusieurs vans de service. Concurrence oblige, à l’instar de Spot-On, Corgi-Toys multipliera les versions du van avant de dévoiler en 1966, une BMC Austin Mini Countryman à décors bois accessoirisée surf, offre hautement désirable mutée en collector absolu. Le collectionneur croisera aussi un break Mini woody en plastique de plage, échelle 1/10 ème chez le fabricant anglais Tudor Rose.

CHEVROLET CORVAIR MONZA. Norev-1963.  No. 69

Dévoilée en 1960, périmant d’un coup d’un seul, les hystéries supra-chromées, les envolées futuristes et les ailerons démesurés des fifties, la Chevrolet Corvair inaugurait l’ère des Américaines compactes. Qui plus est, avec moteur arrière, mode venue d’Europe (Fiat, Renault, NSU, Tatra…) et ici pensée par la GM avec un 6cyl. à plat installé pour tailler des croupières à la VW qui commençait à agacer sérieusement Detroit. Design épuré griffé Ed Cole, silhouette surbaissée, ligne de lumière tracée net et face avant « souriante », la Corvair démodera subito la concurrence de l’année -Chrysler Valiant, Stubebaker Lark- et prendra de front la « petite » Ford Falcon. Élue voiture de l’année 1960, innovante et économique, la Corvair cueillera son monde et se vendra à 1,8 million d’exemplaires déclinés en plusieurs typologies : coupé, cabriolet, break Lakewood, fourgon Corvan… Voiture populaire en Amérique du Nord, chantée en 1973 par la Québécoise Diane Dufresne dans « L’homme de ma vie », vue et revue au cinéma, restylée en 1965, la Corvair finira sur le bûcher des voitures tueuses dressé par l’avocat Ralph Nader. Sortie de route industrielle : 1969. Sur le champ du sport ou assimilé, le coupé Corvair Monza fut le plus connu et vendu des modèles de la gamme. Référée au fameux circuit lombard, motorisée en rapport bien que surnommée « Porsche du Pauvre », la Corvair Monza fera le bonheur des petits garçons grâce à Norev. À l’inverse de la berline Corvair qui fit l’affaire de Dinky Toys France, de Corgi Toys, de Lone Star ou des Japonais Bandai et Yonezawa, le coupé Corvair Monza n’aura intéressé que deux reproducteurs : Dinky Toys GB en 1967 dans sa série des Américaines made-in-Hong-Kong au 1/42è et, avant cela, en 1963, Norev, pour qui la Chevrolet Corvair Monza représentera la seconde américaine, après la Chrysler New Yorker, à intégrer son catalogue, alors très international. Produite selon un large spectre de coloris, la miniature sera l’un des gros succès de la firme, vendue pendant plus de dix ans, jouant les prolongations dans les coffrets « Caravane Digue » et « 1000km de Spa », tractant là une remorque chargée d’une CD Le Mans. En revanche, contrairement aux coupés Volvo P1800 et Peugeot 404, apparus chez Norev cette même année 1963, la Corvair Monza ne fut jamais proposée en version Baby, peinte métal ou en Jet-Car. En revanche, le moule finira sa course chez Éligor. Un autre coupé Corvair Monza a été réalisé au 1/43ème par l’Américain Tootsie Toy pour une série de slot-cars en plastique. Ce même fabricant avait usiné au 1/41ème et en zamac, un break Corvair Lakewood, rarissime aujourd’hui. Autrement, la seconde version de la Corvair sera boudée par la profession : seul la firme israelo-US Gamda-Koor Sabra/Cragstan mettra un coupé à son catalogue.

VOLKSWAGEN KOMBI MINIBUS SAMBA. CORGI TOYS. 1962. No. 433.

Produit pendant 56 ans au fil de trois générations, vendu à plus d’un million et demi d’unités, le Kombi VW reste un véhicule symbolique dont le design intrinsèque a pénétré l’imaginaire collectif. Apparu à l’orée des années cinquante et considéré comme le second modèle (Typ 2) de Volkswagen après la Cox (Typ1), surnommé Bulli (pour bouledogue) en Allemagne, le Kombi sera l’unique utilitaire teuton à s’offrir un usage ludique et sociétal, récupéré par le mouvement hippie, roulant aux couleurs du Flower Power et exportant le Summer of Love jusqu’à Katmandou. Sur le terrain, le VW Kombi aura raison de ses concurrents locaux : le DKW Schnellaster, le Ford Taunus Transit, le Tampo Matador/Wiking/Rapid et aussi des vans Hanomag-Henschel. Par sa fantaisie, le Kombi ringardise les fourgons français. En Italie, il cohabite avec les Fiat 238 et 900T, avec le rare Lancia 800 et avec les Alfa-Romeo Roméo et A 11. En Espagne, le Kombi se retrouvera face aux DKW et Tampo produits sous licence. Enfin, tout finira en 2013 au Brésil où, à l’instar de la Cox, le Kombi achèvera sa carrière en beauté. La multiplication des versions -van, pick-up, sera coiffée par un mini-bus Deluxe lancé en 1951, surnommé Samba aux USA et doté de 23 fenêtres dont 8 lucarnes perçant le toit. À l’occasion d’une retouche esthétique de l’arrière survenue en 1963, le Samba perdra deux fenêtres pour n’en plus compter que 21. Si le Samba conserve le pare-brise plat en deux parties, l’accès aux 9 places assises se fait par deux battants de portes façon armoire ou grange. Autres versions : un toit découvrable tendu d’une toile-bâche ou un toit surélevé vitré « ouvrent » l’habitacle au plein air et à la lumière. C’est ce Samba qui sera converti en camping-car, dispositif que VW mettra à son catalogue après 1967, avec le nouveau Kombi T2 restylé, dit de la seconde génération, caractérisé par son immense pare-brise bombé et la disparition de la pointe centrale de la proue, si caractéristique. De fait, par ce lissage, le Kombi perdra sa robe bicolore reconnaissable entre mille, même si le T2 (et ensuite le T3) tenteront de faire perdurer cette élégance.

Autant que la Cox, le Kombi fut réduit et reproduit à toutes les échelles et dans toutes les matières par l’industrie du jouet. Au 1/43ème, Märklin et Schuco alignèrent chacun leur Bulli en catalogue. Au Danemark, Tekno leur taillera de belles croupières avec pléthore de versions. À des échelles moindres, il y eut Siku en Allemagne. En Angleterre, Matchbox, Husky, Impy et Dinky Toys Dublo se mirent sur les rangs, chacun avec une variante de carrosserie spécifique. La longévité industrielle et la popularité mondiale du Kombi en prolongeront l’intérêt en miniature, chaque fabricant adoptant restylings et versions nouvelles du T2 et du T3, comme CKO Kellermann, Cursor Modell ou Schabak en RFA. Un effet rétro ravivera dans les années 1990 la remise en reproduction du Kombi de la première génération. Ainsi chez Wiking, au 1/42ème, en plastique, et surtout, chez le Japonais Tomica Dandy avec un fourgon Bully en multi-versions.

Chez Corgi-Toys, la présence du Kombi vient combler une lacune : l’absence en ce début des années 1960 de tout modèle VW au catalogue alors que la concurrence alignait des Cox et des 1500 à l’envi. Introduit en 1962, le Kombi est aussi le premier fourgon non-anglais à rallier une flotte de Bedford, Karrier, Commer et autres Ford. Corgi usera de son moule pour sortir un van tôlé aux couleurs de Toblerone, un van militaire US, un pick-up bâché, une dépanneuse Racing Club et un Kombi mini-bus Samba vitré doté du système Trans-O-Lite pour en éclairer les phares. Forcément bicolore, le Kombi Samba roulera jusqu’en 1966 au catalogue Corgi. Ce qui est étonnant ici, c’est que ce fabricant, toujours à la pointe des tendances, n’ai pas daigné convertir son Kombi aux couleurs hippies du flower-power, chose faite avec une Ford Mustang anachronique, et plus tard avec la Cox. Enfin, savoir qu’aucun fabricant français, trop occupé à fourguer ses vieux fourgons bien franchouillards, imagina reproduire un Kombi -ceci dit, les Italiens en firent autant dans le genre je-regarde-ailleurs. Sur le très tard, il y aura Solido et à nouveau… Corgi.