À l’instar de toutes les grandes villes européennes, Genève sut tenir son salon de l’automobile quand bien même l’industrie automobile suisse était quasi inexistante. Par charité, on dira qu’elle fut confidentielle : Pic Pic dans les années 1920, Martini dans les années 1930, puis Saurer (camions + autobus), Monteverdi, Sbarro ou Cizeta pour exemples. Dès 1905, le Salon de Genève sut faire parler de lui avec une soixantaine d’exposants et quelques centaines de visiteurs au compteur.
Partagée ensuite entre Genève et Zurich, la manifestation se fera sporadique. Il faudra attendre 1923 pour que se tienne une 4ème édition genevoise, laquelle rencontra un tel succès qu’il fut décidé d’upgrader cette foire provinciale en salon international de l’auto, de la moto et du cycle. Avec 200 exposants et 68.000 visiteurs, le Salon de Genève de 1924 fut un succès. En 1926, l’ex-Palais des Expositions accueillait 224 exposants dont 83 marques automobiles. Dix ans plus tard, son renom était mondial. Après la Seconde Guerre, Genève fut le premier en son genre à re-tenir salon en 1947 avec 305 exposants. Au fil des décennies suivantes, Genève tiendra la dragée haute à Paris et Londres. Le premier, fondé en 1898 au Grand Palais et devenu Mondial de l’Auto est désormais biennal. Il se tiendra en octobre prochain Porte de Versailles. Le second, installé en 1903 au Crystal Palace et rebaptisé London Motor Show connaît des trous d’air depuis 2008. Ailleurs, l’IAA Cars allemand, déménagé de Francfort à Munich obéit depuis 2021 à un calendrier biennal. Créé en 1902 par Louis Mettewie, constructeur des vélos Belgica, le Salon de Bruxelles joue dorénavant l’alternance avec le Brussels Auto Show piloté par les Néerlandais. En Italie, c’est Turin qui fait la loi depuis 1900 -la session de septembre 2024 est très attendue, quand bien même Bologne le suce à la roue depuis 1976, ajoutant la moto à l’auto. De fait, les Italiens, constructeurs, carrossiers, designers, ont longtemps considéré Genève comme leur pré-carré, privilégiant les rives du Léman pour dévoiler nouveautés, concept-cars, dream-cars et prototypes futuristes. De Bertone à Pininfarina, de Ghia à Frua, de Ital-Design (Giugiaro) à Zagato, le gotha du design auto italien avait ici ses pénates assurés, d’autant que les visiteurs, épris de vitesse, de performances et d’exclusivité, correspondaient aux cibles visées, gros budgets à la clé (de contact). Luxe et GT : Genève était aussi le rare salon à disposer d’une section dédiée aux carrosseries spéciales. Médiatisation assurée et mine d’or pour les fabricants de jouets et de miniatures. Le XXIème siècle genevois saura faire bouger les lignes. Avec plus de 735.000 visiteurs, le salon multipliera les spécificités : posé en pierre blanche pour les premières mondiales, Genève lancera en 2012 un pavillon dédié aux voitures économiques. En 2018, se seront les voitures électriques avec tests publics. Entre temps rebaptisé Geneva International Motor Show (GIMS), le Salon, annulé en 2020 pour cause de Covid 19, s’est trouvé un nouveau partenaire : le Qatar. L’idée ? exporter le GIMS à Doha sous forme d’un nouveau salon qui se tiendra en 2021 en même temps que le Grand Prix de F1 du Qatar. Succès public avec plus de 180.000 visiteurs. Début 2024, le GIMS reviendra à Genève pour marquer son centenaire sous sa forme internationale. Peine perdue. À l’exception de Renault, tous les autres grands constructeurs européens bouderont l’évènement. Le prix de la désertion diront les uns. Comme cadeau d’anniversaire, pour ses 100 ans, le GIMS finira liquidé en mai 2024. Genève, Geneva plus ( prononcer je n’y va plus), 2025, ce sera au Doha et à l’œil …
BERTONE RUNABOUT. MATCHBOX SPEED KINGS. No. K-31
Fondée au mitan des années 1950 grâce à un deal industriel noué entre Bianchi, Pirelli et Fiat, la firme Autobianchi s’était fait remarquer en 1957 avec sa Bianchina, adorable tuture élégante habillée haute-couture sur la base d’une Fiat 500 et déclinée en coupé, en cabriolet Eden Roc et même en break Panoramica. De ses usines milanaises sortiront ensuite en 1964 les Primula, premières tractions-avant produites en série en Italie, puis, remplaçant la Bianchina, la fameuse A112, dessinée en 1968 par Marcello Gandini chez Bertone. Un an plus tard, le même Gandini dévoilait au Salon de Turin une barchetta développée sur la base de son A112. Exception faite du cabriolet Eden Roc déjà cité, Autobianchi était peu enclin à rouler cheveux au vent. Son joli cabriolet Stellina dessiné par Luigi Rapi et sorti en 1963 avait été rapidement retiré du circuit deux ans plus tard. Raison officielle : sa carrosserie en plastique n’avait pas eu l’heur de plaire. Raison officieuse : pas question de faire de l’ombre au nouveau spider Fiat 850 Bertone dessiné par Giugiaro et dévoilé au Salon de Genève en 1965. Savoir que Fiat rachètera Autobianchi en totalité en 1968…Chez Bertone, Gandini s’est amusé à faire joujou : sa barchetta couvait un moteur central et la boite de vitesses de la Miura. Rien que ça. Ses phares étaient intégrés à un roll-bar énorme. Profilée comme un bateau de course avec ligne de flottaison appuyée, d’où son nom, la Runabout restera à l’état prototypal tout en profilant le futur roadster Fiat X 1/9 lancé en 1972 et lui aussi conçu chez Bertone. On ne change pas une équipe qui gagne. Quant à la carrosserie, elle était d’un blanc immaculé avec base argentée et inserts rouge vif…
Sans jamais faire mention d’Autobianchi, quelques fabricants de miniatures reproduiront la Bertone Runabout au 1/43ème. Ainsi de Mebetoys, en Italie, avec, inscrite dans la série Gran Toros, une miniature parfaite, peinte en gris/bleu ou vert métal avec roll bar orange et ligne de flottaison en plastique rouge orangé. Mebetoys soldera plus tard son moule au-delà du Rideau de Fer : en sortiront des Runabout sous marque Donetsk traitée dans d’improbables coloris. En Angleterre, outre Corgi Toys avec une reproduction fort réussie à roues Whizzwheels, robe intégralement jaune vif et feux arrière diamantés rouges, Matchbox mettra à son catalogue King Size une Runabout au 1/44ème, habillée de jaune orangé sur base verte avec roues rapides. Il y aura plus tard de désastreuses couleurs fluo… Rompant avec l’omerta masquant obstinément l’origine de la Runabout, il y eut un seul fabricant pour imprimer en toutes lettres et chiffres sur sa boîte « Bertone Runabout Autobianchi A112 ». C’était Meccano-Triang, qui, à la charnière des années 1960-1970, quand la firme, tant anglaise, que française, commençait à capoter, lança sur le marché une série de modèles motorisés par filoguidage, en plastique et au 1/18ème. Il y avait là une Matra 630, une Opel GT 1900, une Fiat Abarth 2000, une Ford Capri, une Peugeot 504 et une Bertone Runabout, ici notable car seul jouet proposé en blanc, comme l’originale.
LAMBORGHINI MARZAL BERTONE. POLITOYS-E. No. 568
Modèle unique signé Marcello Gandini chez Bertone et dévoilé au Salon de Genève en 1967, la Lamborghini Marzal, restée à l’état de prototype, entrera tout droit dans la légende. La seule personne autorisée à la conduire fut le Prince Rainier de Monaco. Pas longtemps, juste pour la photo. Ensuite, la voiture en partance pour les USA, restera en plan sur le port de Gênes, abandonnée à tous les vents pendant un an. C’est un collectionneur suisse, Albert Spiess, qui la sauvera du désastre et la restaurera à l’identique. Gandini dira plus tard que ce fut une erreur que la Marzal ne soit jamais entrée en production, même s’il en extrapola subito la Espada, sortie en 1968.
GT 4 places, la Marzal était une étude de style fulgurante avec ses portes papillon transparentes et son habitacle habillé de cuir argent, très Barbarella. Sa robe d’un blanc nacré était soutachée d’un bas de caisse argenté. Une allure folle, étirée sur 4,50 m. Un mythe absolu.
A l’instar de la Lamborghini Miura, la Marzal rameutera la plupart des fabricants de miniatures. Les Italiens en tête, avec Politoys et Edil Toys, mais aussi le Belge Sablon qui refilera son moule à l’Espagnol Nacoral, lequel l’exploitera jusqu’au dernier fil. En Angleterre, la Marzal roulera rapido chez Matchbox, et au 1/42ème, chez Dinky Toys qui, au mépris des couleurs originelles, choisira de peindre sa Marzal dans des coloris rose, vert, jaune fluo dignes d’une palette de markers Stabilo, moyennant un vert métallisé déjà vu sur la Mini Moke. Cela dit, aucun autre fabricant sus-cité ne respecta les couleurs d’origine de la voiture : bleu métal et jaune d’or chez Edil Toys, tutti frutti chez Nacoral. Seul Sablon sembla jouer le jeu avec une carrosserie blanche mais se laissa aller avec des bas de caisse jaunes ou rouges. Idem chez Politoys qui usina deux versions : l’une sous label Politoys-M (pour Metallo), luxueusement finie, l’autre sous label Politoys-E (pour Export), autrement plus sommaire et économique, enlaidie par des roues boutons rapides.
MERCEDES-BENZ C111. NOREV JET-CAR. NO. 809
Chez Mercedes, les portes papillon sont une signature. Envisagée comme une super-car expérimentale, la C111 arborait évidemment ces fameuses gullwing doors, exactement comme la 300 SL de 1954. Dessinée par Bruno Sacco, la première C111 était un prototype à moteur rotatif Wankel central-arrière de 2,4l. et 350 ch. Haute de 1,12m, affichant un cx de 0,32, la C111 qui montait jusqu’à 300km/h fut la première voiture entièrement conçue par ordinateur selon les méthodes des « éléments finis », une technologie digitale rendant le calcul des charges dynamiques possible sans assembler la voiture ! De fait, il ne fallut que quatre mois à Mercedes pour la développer. Sa carrosserie en fibre de verre était vissée sur un châssis en tôle. Son museau profilait celui du TGV. Sa couleur, bronze orange, évoquait celle des biscuit Chamonix de LU. Quatorze exemplaires de la première version furent assemblés ; dix ont survécu. Mercedes orchestrera sa première apparition au Salon de Francfort en 1969. Les clients trépignants, carnet de chèques en main, la voulurent subito. Nein, nicht ! Pas d’héritière pour la 300SL. Car la C111 était avant une voiture-laboratoire. Entre 1969 et 1979, l’étoile de Stuttgart mettra au point différentes versions. Moteur Wankel remisé au magasin des accessoires, en 1971, le V8 à essence fourni par la 280 SE 3,5l. qui le remplacera propulsera le bolide à 403 km/h ! Essais sur pistes et circuits garantis et tous records de vitesse battus. Son designer y apportera des retouches : feux arrière remplacés -ils étaient à 3 barres, ils seront ronds, forme du capot modifiée, phares escamotables, cx amélioré (0,25). Mercedes y placera plusieurs moteurs : diesel turbo-compressé, bi-turbo…Aujourd’hui nonagénaire -il est né en 1933, d’origine germano-italienne, Bruno Sacco œuvra pour Mercedes de 1958 à 1999. Venu de chez Ghia, il y avait été engagé pour épauler le designer-star Paul Bracq, travaillant avec lui sur l’énorme 600, sur la 230 Pagoda, sur les berlines 250 et 280 SE. Couronné par un Car Design Award pour le coupé SL de 1989, Sacco avait auparavant conçu la petite 190 et la première Classe A.
La C111 demeure son chef d’œuvre absolu. Saura-t’on un jour s’il encaissa les copyrights du modèle versés par les fabricants de jouets ? En effet, la C111 compte parmi les voitures les plus reproduites en miniatures et à toutes les échelles…
La première C111 de 1969/70 fut reproduite au 1/43ème par Dinky-Toyx GB, par les Italiens Politoys (série Export) et Mercury, par les Espagnols Joal et Nacoral (après que Mercury et Politoys eurent bazardé leur moule,
et par le fabricant ouest-allemand Jean Höfler, spécialisé dans les miniatures bon marché en plastique. Aucun d’entre eux n’appliqua alors la couleur originale orange. La Mercury était blanche, la Dinky, argentée, blanche ou rouge métal. La seconde version de la C111 de 1971avec phares escamotables et feux arrière ronds, fut reproduite au 1/43ème par Märklin, Solido, Corgi Toys, Mebetoys, Gama, Matchbox King-Size, Auto-Pilen et Norev. Si la Märklin était taillée à la serpe, donc ratée, la Corgi, un cran plus réussie, respectait le code couleur orange, tout comme Solido qui, fort d’une reproduction au poil, s’en écarta pour des variantes chromatiques dont un beau bleu. Contre toute attente, c’est la C111 de l’Espagnol Pilen qui s’avèrera la plus réussie, et pour cause : son moule était celui de la Mebetoys italienne ! Histoire de rester dans le circuit, la Scalextric mérite une mention « peut mieux faire ».
Enfin, avec une C111 en Plastigam et sa jumelle en zamac Jet-Car, habillage uni ou bicolore/noir mat, roues rapides des deux générations, gravure impeccable, Norev n’eut pas à rougir au milieu de cette déferlante. À l’échelle 1/10ème, la C111 fut fabriquée par les Allemands Gama, Schuco et Rex, par l’Espagnol Paya et par les Français Rollet et Joustra, ici avec une C111 Polizei totalement fictionnelle. Métal ou plastique et même tôle sérigraphiée chez le Japonais Shinsei…À fouiller encore le répertoire, il doit bien y avoir d’autres C111 mises à toutes les sauces et échelles sous des contrées exotiques. Ainsi de la Solido vendue au Brésil sous la marque Brosol.