BYE BYE BOB

L’aventure, ça conserve. Ce 25 juillet 2021, un vénérable romancier belge mettait le mot « fin » à une vie trépidante, par défaut. Né Charles-Henri Dewisme en 1918, Henri Vernes était âgé de 102 ans. Et il était le père du plus célèbre des héros modernes : Bob Morane. Oui, l’aventurier contre tout guerrier, le vrai héros de tous les temps comme le scanda le groupe Indochine en 1982. Un tube du même matériau inoxydable, inaltérable que le vrai Bob Morane.

Un héros de papier, moral, généreux et courageux. Surgi de la jungle birmane en 1953, Bob Morane cassa subito la baraque de la littérature junior. Beau, athlétique, polyglotte, nyctalope -oui, il voyait dans le noir !-, ceinture noire de tout et français, bien que héros de la bataille d’Angleterre. Son auteur, journaliste, avait été débauché par l’aile belge des éditions Marabout pour créer un nouveau personnage moderne et exemplaire destiné à booster Marabout Junior, la « Collection jeune pour tous les âges ». Paru début 1953, le premier roman moranesque s’intitulait La vallée infernale et  était illustré par Pierre Joubert, célèbre pour ses dessins de scouts de la série Signes de Piste. Au rythme haletant de six romans publiés chaque année jusqu’en 2012, Vernes en signera plus de 250, vendus à 40 millions d’exemplaires et traduits en 18 langues. Si son héros reste intangible, Vernes lui fera vivre toutes les aventures possibles, du pur polar à la science-fiction la plus débridée. Décloisonné à l’envi, Bob Morane restera entier et tutélaire. Autour de lui, Bill Ballantine, le géant roux écossais, 2 mètres sous la toise et porté sur la bibine tourbée, et Sophia Paramount, la journaliste sexy et alliée face au crime. Contre lui, la capiteuse Miss Ylang-Ylang, génie du mal asiatique et cheffe de l’infâme SMOG, organisation scélérate et raffinée, Tanya Orlof, autre gabarit sulfureux et érotique, nièce de l’Ombre Jaune, l’ennemi juré de Bob Morane. Lequel cultivera une vaste gamme de sentiments et pulsions pour ces dames, quand bien même fatales et létales.

Pas vieilli pour un sou après quasi six décennies d’aventures éreintantes, Bob Morane fera l’objet d’une bédé, d’un jeu vidéo, d’un dessin animé, mais à l’instar de la plupart de ses camarades fictionnels, se cassera les dents sur un transfert ciné/télé. En 1960, L’espion aux cent visages, premier film où le personnage de Bob Morane passait de la page à l’écran, était produit par une société belge qui verra ses films partir en fumée dans l’incendie de ses locaux. L’unique copie de L’espion…avait juste eu le temps d’être projetée au cinéma Scala de Bruxelles le 8 janvier 1961, avant de brûler dans le sinistre. Film perdu à jamais, L’espion aux cent visages était joué par Jacques Santi, futur Chevalier du Ciel !. Trois ans plus tard, Bob Morane passera par la case TV avec une série en noir/blanc, deux saisons et 26 épisodes, produite par l’ORTF et diffusée en 1965 sur la 2ème chaîne. Dans le rôle-titre, le comédien Claude…Titre. Beau brun alors à la mode, Titre venait de tourner un Michel Strogoff de série B avec Curd Jurgens et Capucine, et avait campé François Ier dans La salamandre d’or, un cape-et-d’épée avec Jean-Claude Pascal, Valérie Lagrange et Madeleine Robinson. Dans la série Bob Morane, son partenaire qui incarnait Bill Ballantine était l’Américain Billy Kearns, second rôle populaire du cinoche français qu’on voyait dans un tas de films quand son compatriote Jess Hahn, même gabarit, même emploi, n’était pas libre et lycée de Versailles. Quant au réalisateur, Robert Vernay, bon artisan du cinéma d’action -son Monte-Cristo avec Jean Marais reste parmi les meilleurs-, il était le père d’une certaine Nicole Lambert, future auteur de la bédé Les Triplés.

Vernes fut-il content du résultat téloche?. Le gaillard n’était pas bobmoranisé à ce point : sous un tas de pseudos du genre Lew Shannon, Cal W. Bogar, Pat Richmond, Jacques Seyr…, il signa un autre tas de romans populaires dont la qualité littéraire égalait bien celle d’auteurs dits sérieux. Si le Bob Morane télévisé de notre enfance n’a pas laissé une grande trace mémorielle, le projet d’adaptation récemment piloté par le réalisateur Christophe Gans avec Vincent Cassel s’est aussi vite enlisé. Il faut croire qu’Indochine a sacrément miné le terrain : son Aventurier contre tout chacal vaut bien, en quelques minutes chantées, tous les films en images du monde.

OLDSMOBILE TORONADO 1966. POLITOYS-EXPORT.No. N 567

Bestiale. Radicale. Surpuissante. L’Oldsmobile Toronado méritait amplement son nom. Une tornade. Signée Bill Mitchell, sa silhouette ravageuse, assortie de dimensions supersoniques -deux mètres de large !, en faisait une muscle-car plus stéroïdée que les bodybuilders élevés au grain par Joe Weider. Plus peplum-car que pony-car, luxueuse et chère, la Toronado taillait des croupières aux Cadillac Eldorado, Ford T-Bird et autres Buick Riviera. Avec un plus technique inédit aux USA : la traction-avant !. Coupé superlatif par essence -qu’il glougloutait éhontément, la Toronado atteignait les 190 km/h grâce à son moteur V8 7 litres, ce qui en fait, encore à ce jour, la traction-avant la plus puissante jamais produite à ce jour. Premier spécimen d’une dynastie qui sera usinée jusqu’en 1992 non sans subir dès les seventies un enlaidissement notable de son design, long de 5,36m., le coupé Toronado avec ses pare-chocs en crosses, ses phares escamotables, sa poupe étirée, ses porte-à-faux avant et arrière démesurés et sa gueule inclassable coûtait un rein : un peu moins de 5000$. Pesant deux tonnes, jugée « inutilement encombrante » par une critique auto qui l’avait dans le collimateur, la Toronado de 1966-67 se vendit à plus de 40.000 exemplaires. Rarissime en France, taxée 40 chevaux fiscaux, la Toronado y était tarifée deux fois plus chère qu’une Ford Mustang et trois fois plus qu’une DS 19. Aujourd’hui, sa cote collector est fixée à 22.000 euros.

Unique la Toronado ?: « le seul point commun qu’elle partage avec toute autre voiture, c’est la route » clamait la pub. Une pub qui faisait rêver les mâchoires carrées masculines de la série Mad Men : on les y voit, feuilletant les brochures commerciales de la voiture, et bavant à l’idée de l’allure folle qu’ils auraient au volant. Paradoxalement, malgré son impact visuel et son design, la Toronado fut boudée par le cinoche, sans doute parce que peu propice à briller en courses-poursuites et autres cascades. Le salut viendra de la télé avec un cabriolet élaboré sur une Toronado de la série II par l’immense customisateur Georges Barris (la Batmobile !) pour plaire à Mike Connors, l’acteur incarnant le détective Mannix à qui il fallait une caisse hors du commun. La sienne était bicolore gris/argent mais ne fera pas long feu dans l’imagerie globale de la série. Sinon, il existera une stretch-limousine élaborée sur la base de la première Toronado : construite par la firme American Quality Coach (AQC) basée en Arkansas, la Jetway 707 était une airport-limo à 8 portes et 6 roues avec toit en mode vista-cruiser. Selon les sources, entre 52 et 100 exemplaires de ce monstre délirant auraient été produits entre 1968 et 1970. On en apercevra un, en noir, dans le film All the President’s Men (1976), avec Robert Redford.

Rayon jouets et miniatures, la Toronado fera trépigner les fans de Tekno et de Solido. Leur reproduction au 1/43ème de cet énorme coupé américain s’accompagnera d’une débauche de gadgets luxueux comme la pile ronde permettant à la Solido de déclencher notamment l’éclairage de l’intérieur en ouvrant les portes. Dotée de phares escamotables diamantés et de 4 ouvrants, la Tekno était encore plus spectaculaire. Et, comme la vraie, pesait un quintal. En Angleterre, seul Corgi Toys se penchera sur la Toronado mais en la réduisant au 1/45ème. Avec pour seuls gimmick les phares diamantés escamotables, cette Toronado filera au début des années 1970 chez l’Espagnol Pilen pour une seconde carrière civile, police US et pompiers. Face à cette concurrence brillante, l’Italien Politoys se fendra d’une Toronado, certes au 1/43ème, mais aussi sommaire que mastoc. Rangée dans la série Export, singulièrement rabaissée en matière de finitions, troquant fissa ses roues à pneus pour des trains filaires à roues boutons rapides, cette Toronado était lourde, trop carrée et nappée de couleurs vulgaires avec armada de chromes en zamac brut. En fait, cette Toronado ressemble plus à un décapsuleur qu’à autre chose. Loin, bien loin de la belle Oldsmobile Cutlass coupé que Politoys avait reproduite en plastique et au 1/42ème quelques années plus tôt.

Autrement, on trouve aussi une Toronado décente chez Sabra/Cragstan (1/43) et une, totalement ratée chez l’Allemand Siku (1/66) mais avec phares diamantés escamotables, bitte. Savoir enfin que la Solido a fait un crochet chez l’Argentin Buby avant de se réformer chez Verem.

JEEP CJ-5 GOLDEN EAGLE. CORGI TOYS. 1979. No 441

En 1970, la firme American Motors Corp. (AMC) rachetait à Kaiser, la marque Jeep, étape supplémentaire dans l’existence mouvementée d’un véhicule-marque né sur le champ de bataille. Rendue à la vie civile, d’où son nom CJ pour Civilian Jeep, la voiture la plus connue au monde avait évolué. La CJ-5, mise sur le marché depuis 1961 méritait un lifting. Chose faite en 1972 avec une CJ-5 rallongée, empâtée, arrondie aux angles, modernisée, embourgeoisée -la clim’ en option !. Plusieurs versions en catalogue dont la fameuse Renegade apparue en 1970. Sept and plus tard, Jeep sortait une CJ-5 Golden Eagle, en réalité une version-pack enjolivée et bardée d’options en série : soft-top ou hard-top, direction assistée, clim’, freins à disques assistés, tachymètre, moteur V8 5 litres et décalcos à gogo. Commercialisée jusqu’en 1983, la Golden Eagle sera ensuite « appliquée » à la nouvelle CJ-7. L’immense succès mondial de la CJ-5 Golden Eagle ira titiller les fabricants de jouets, lesquels, pour avoir épuisé la primo-Jeep militaire mise ensuite à toutes les sauces, préféraient tous s’occuper de Land Rover. Justement, en Angleterre, Corgi-Toys, qui s’était impliqué dès 1959, et jusqu’en 1972, à reproduire le sympathique petit camion Jeep FC-150 en multi-versions (nacelle, pick-up, etc…), attendra 1979 pour accrocher une Jeep CJ à son catalogue. Réduite au 1/36ème, la CJ-5 élue était une Golden Eagle, dotée d’une capote fermée mais arborant fièrement ses décors de capot autocollants. Histoire d’amortir son investissement, Corgi déclinera sa CJ-5 en plusieurs versions découvertes. Au mitan des années 80, le fabricant proposait encore une CJ-5 à son catalogue, en version Renegade ( no. 448). Il y eut aussi la version bicolore Spiderman rouge et bleue !. Plus timidement, en Italie, Polistil faisait rouler une grossière CJ-5 hard-top en plastique noir fermé amovible au 1/43è ( plusieurs versions) et Burago une Renegade au 1/24è. À l’opposé de l’échelle, il y avait Matchbox, Siku et Majorette.

PS. La moto jaune est une Laverda 750 Turismo de la Serie Jet du fabricant italien Giodi/Scame