DAS MANTA-LIST

Pendant longtemps, l’automobile étant reliée aux concepts de puissance et de vitesse, la référence à un spécimen du monde animal pour en baptiser les modèles était une garantie de succès. L’identification suprême fut d’identifier la marque à un animal. Ainsi de Jaguar ou de Panther. Fauves, insectes, chevaux, oiseaux : le bestiaire sera amplement ratissé pour hisser sur quatre roues les vertus besogneuses de l’Abeille (Ford Vedette utilitaire) ou endurantes du Hornet (frelon) pour Hudson.

Rayon chevalin, il y aura la Camaro chez Chevrolet et la Mustang chez Ford. Tout ce qui vole roulera sa bosse pour brûler le bitume : du Thunderbird au Firebird pour Ford et Pontiac, de l’Eagle au Falcon pour AMC et Ford, du Hawk (faucon) à la Lark (alouette) pour Studebaker. Rayon puissance brute, le toro Miura fera la gloire de Lamborghini qui déclinera le registre des races et élevages taurins pourses autres modèles -Islero, Jalpa, Aventador… Autrement plus vénimeux, il y aura la Viper chez Dodge, le Scorpion chez Ford et le Cobra celle AC. Forcément bondissants, le Stag (cerf) chez Triumph, la Gazelle chez Singer et l’Impala chez Chevrolet tracèrent la route. Puissance et vitesse : rien de tel qu’un fauve tout en muscles pour marquer les esprits. Si la Buick Wildcat a ses adeptes, ce sont les Mercury Cougar, Bobcat (lynx) et Puma qui sont entrées dans la légende. En revanche, la Ford Puma a perdu ses dents avec le temps. Autrement, la Pantera et avant elle, la Mangusta chez De Tomaso surent occuper aussi le terrain avec rage. Quant au monde sous-marin, il reste un vivier inépuisable. Plymouth Barracuda, Rambler Marlin, Chevrolet Corvette Stingray, Chevrolet Corvette Mako Shark pour exemples. En Italie, Alfa-Romeo se fera une spécialité des supercars bestiales : OSI Scarabeo, Iguana ou Canguro Bertone, Caimano ItalDesign. Idem chez les grands carrossiers comme Bertone, justement, avec sa Jaguar Pirana.

Chez Opel, les références marines étaient plutôt hissées au-dessus de la ligne de flottaison avec galons et grades marins assortis. Opel Kapitän, Opel Admiral, Opel Kadett, Opel Commodore. Aussi, quand en 1971, la marque lança un coupé baptisé Manta, on lorgna subito vers la GM, maison mère d’Opel et vers Chevrolet avec sa Stingray. En français : raie pastenague. Sauf qu’appeler une voiture de sport allemande raie pastenague, c’était mollo pom’chips rayon crédibilité et grinta routière. La famille des raies comptant quelques cinq cents espèces, Opel fixera son choix sur « manta », nom allemand de la raie sus-évoquée et reliée au sigle d’Opel -un éclair- par sa capacité électrique. De surcroit, ça sonnait ein bisschen exotisch donc parfait pour barrer la route à la Capri, rivale avérée de ce coupé aux allures yankee. Ça ne fera pas un pli : à peine lancée, la Manta sera moquée et qualifiée de Corvette-du-pauvre, sobriquet déjà collé au coupé GT1900, puis en « Porsche-du-prolétaire », ce qui n’était pas gentil du tout. Lancé en 1971, le coupé Manta était basé sur la nouvelle Opel Ascona, remplaçant et la Kadett Olympia/Rallye et la Commodore GS. Élégante, racée, fluide, la Manta était proposée en trois puis cinq motorisations. Grand coupé 4 places griffé d’un beau logo mantamorphe, il restera en production jusqu’en 1975 et ne connaîtra pas de jumelage anglais chez Vauxhall, la marque-sœur d’Opel ayant snobé cet oukase teuton. Elle se rattrapera en 1975 avec la Manta B, baptisée Cavalier outre-Manche. Si la Manta B avait gommé son héritage stylistique américano-GM, elle brûlera la gomme en compétition et rallye turbo. Déclinée en coupé classique et en fastback, la Manta B sera produite jusqu’en 1988. Voilà peu, Opel, désormais versé dans le portefeuille de PSA, donc de Stellantis, annonçait le come-back de la Manta, devenue comme la Mustang, un SUV 4 portes électrique. Une annonce illustrée par la diffusion d’images montrant une Manta A historique de 1973 extraite de la collection Opel Classic et passée en ElektroMod. Préparée et convertie pour célébrer les 50 ans de la Manta, cette néo-Manta GSe a été conçue par deux designers français, Pierre-Olivier Garcia et Quentin Huber. Livrée jaune/noir mat, phares Vizor, cette Mantanniversaire est un manifeste augurant à l’horizon 2028, une gamme Opel 100% électrique. Logique quand on affiche un éclair (Blitz) pour emblème et quand on sait que les premières Opel furent électriques.

De par son statut populaire, l’Opel Manta véhicule toute une mythologie goguenarde nourrie de blagues peu flatteuses, genre « Comment vider une discothèque de la Ruhr un samedi soir ?: en criant y a la police qui enlève une Manta ! ». Pour nos amis ouest-allemands, la Manta était un signe distinctif de plouquerie. Comme rouler bras à la portière. Spissig. Comprendre : vulgaire. Moins typée que la Capri, la Manta fit un peu de cinéma, à son corps défendant : on en vit une, bronze métal/noir, dans Un linceul n’a pas de poches, de Jean-Pierre Mocky, en 1974, et dix ans plus tard, toute rouge, dans À nos amours, de Maurice Pialat. C’est au début des années 1990, en Allemagne, que le mythe prendra corps. Certes, on avait croisé un tas de Manta dans les séries Derrick ou Tatort, mais deux films, sortis en 1991, feront la blague. Manta Manta, réalisé par Wolfgang Büld mettait en images un jeune pilote de la Ruhr raide dingue de sa Manta A méga tunée et incarné par l’acteur Til Schweiger, ici dans son premier film. Devenu réalisateur et producteur, Schweiger est aujourd’hui une star du cinéma allemand, vu aussi dans Les Dalton -il y était Lucky Luke, et dans Lara Croft. Manta Manta était soutenu par une BO où se bousculaient Katryna and the Waves, Yello, Def Leppard, Seal ou The Soup Dragons. Série B pour la Manta A, le film fit un carton. Face à lui, Manta der Film en fit autant. Sorte de Brice de Nice à la teutonne, Manta der Film, réalisé par Peter Timm avec Sebastian Rudolph, carburait à la Manta B over-supra-mega tunée, flirtant entre The Cannonball et les Fast and Furious à-venir. Là aussi, la BO crachait du feu avec Norbert und die Feiglinge chantant Manta 91. Sinon, il y avait aussi Samantha Fox, Europe, Scorpions, et même Marianne Rosenberg, l’icône gay allemande absolue !. À ce niveau, le match Manta vs. Capri fut remporté haut la main par Manta. En revanche, la cote des anciennes donne la Capri en tête avec une échelle de cotation (+100%) entre 7500 et 40.000 tandis que la Manta, dotée de moins de versions mais en hausse de 305%, roule entre 8500 à 14.000 euros. En ayant la chance de tomber sur un exemplaire en bon état d’origine. Pour cela, éplucher la manta-liste des petites annonces.

DE GAUCHE À DROITE

FORD CAPRI GT RALLY. Corgi Toys. 1973. No. 331.

Jumelée anglo-allemande, la Ford Capri n’était pas la première du nom : en 1961, un coupé dérivé de la très baroque Ford Consul Classic 315 avait été baptisé Capri. Référé à la fameuse île de la mer Tyrrhénienne, le nom de Capri était alors généreusement attribué à un tas de produits « modernes », des cigarettes aux pantalons via une Mercury américaine sans oublier le méga-tube d’Hervé Vilard. Capri, c’était pas fini. Si le premier coupé Ford Capri relève de la rareté (seulement 19.421 unités produites), le second cassera la baraque, vendu à 1,9 millions d’exemplaires, toutes versions confondues. Lancée en 1968/69 en même temps ou presque que la Ford Escort dont elle partage les mêmes éléments de style, produite en Angleterre, en Belgique et en RFA, la Capri qui avait été initialement baptisée Colt, sera méchamment qualifiée de Mustang-du-pauvre, mais très vite, passera du statut civil vieux-beau/kéké de banlieue, à une rage de vaincre en rallye, gonflée à s’en faire péter ailes et capot. Motorisé de 1300 à 3000, bardée d’échappées carburant sec (3,0 l. ou RS 2600), liftée en 1974 puis en 1978, la Capri connaîtra trois générations avec notamment une Capri II fadasse. Il y aura même un cabriolet, sur base Capri I, à peine aperçu en circulation sur la Côte d’Azur. Fin de course : 1986.

Rayon tuture-à-Toto, la Capri sera abondamment reproduite au 1/43ème et autres échelles de jeu. En Allemagne, ce furent Märklin et CKO Kellermann et aussi Schuco en catégorie Mini; en France, Solido fera la course avec des versions sur-gonflées tandis qu’en Angleterre, Dinky-Toys livrera son habituelle doublette avec une Capri « civile » parée d’une robe améthyste ou turquoise métallisée et une Capri Rallye rubis/noir mat. Il y aura aussi une Capri Dinky au 1/25ème déclinée Rallye et Police dont le moule finira chez l’Espagnol Guisval. En face, le rival Corgi ne s’en laissera pas compter et alignera dans les années 1970 une série de Capri en catalogue : ainsi en 1970 de la « Roger Clark » V6 blanche/capot noir mat numéro 73 sur les portes ouvrantes (no. 303) et de la 3,6l.V6 rouge ou orange/capot noir (no. 311), toutes deux remplacées en 1973 par la GT Rally Texaco, réforme de l’ex Roger Clark. Commercialisée jusqu’en 1976, cette ultime Capri corgiesque roulait véloce comme ses sœurs aînées en Whizzwheels. Avatar : la Capri Glo-Worm dragster apparue en 1971 avec sa carrosserie relevable. Si Corgi laissera passer la Capri II restylée, abandonnée au Portugais Luso Toys et à Matchbox King Size, il se ressaisira avec la Capri III S réduite au 1/36ème et proposée en version sportive et en version référée à la série télé d’espionnage The Professionals. En 1985, outre une Capri III en Corgi Juniors, plus aucune Ford Capri ne figurait au catalogue.

OPEL MANTA SR 1900. Solido. 1971. No: 188

Quand Solido mit la Manta à son catalogue des nouveautés 1971, elle venait rejoindre le coupé GT 1900, première Opel jamais reproduite par la firme française. Quelques années plus tard, en 1978, il y aura aussi le coupe Kadett GTE Rallye Monte-Carlo. Proposée en rouge, orange, gris métal, vert métal avec capot noir mat et liserés noirs latéraux, avec ses portes ouvrantes, ses feux arrière rapportés en plastique rouge, ses suspensions, la miniature était la plus réussie de toutes les Manta qui seront reproduites au 1/43ème en Europe. Il y aura même une version Olympus Rallye, robe blanche, parure étoiles/rayures décalquées et pare-chocs noirs. Inutile de préciser que la Manta Solido finira sa course chez Verem, un chouia édulcorée niveau finitions.

Solido ne fut pas le seul reproducteur de la Manta A. Snobée par les Anglais puisque la marque-sœur d’Opel Vauxhall, d’était bien gardée d’y toucher, la Manta A sera réduite au 1/43ème  en RFA par Märklin non sans rater les proportions, sorties trop carrées du moule, en dépit de beaux phares diamantés et de quatre ouvrants. Une replica sera commercialisée au début des années 2000 en boite carton. On trouvera une autre Manta, visiblement venue de chez Märklin mais tout aussi visiblement rectifiée, donc plus réussie, en Espagne, chez Auto-Pilen qui la proposera en « civile », en rallye et en robe S avec toit noir mat. Cette Manta finira sa carrière sous label batave AHC/Doorkey. À des échelles moindres, Schuco sortira une Manta dans la série Mini et une autre en Piccolo. Quant à la Manta B, on la débusquera au 1/43ème chez l’Allemand Ziss Modell et en version turboïsée 400 chez Vitesse et chez Corgi au 1/36ème, collection Turbos.

GLAS/BMW 1600 GT. Sablon. 1970. No. 8

Marque allemande disparue, Glas fit ses classes sur le champ agricole avec des machines et engins fabriqués en Bavière, à Dingolfing. Père fondateur, Maurus Glas y avait implanté dès la fin du XIXème siècle une chaîne de production aussi prolifique que son propre lit puisque le gaillard aura 18 enfants. Passée aux mains de ses héritiers, Glas changera de culture après la Seconde Guerre avec un scooter, lancé en 1951 sous le nom de Goggo. Face à Vespa, le Goggo n’en mènera pas large, aussi dans les bureaux, préféra-t’on passer aux quatre roues en surfant sur la mode des micro-cars. Présentée en 1955, la Goggomobil, première de sa lignée couvait un bicylindre de 250m3 qui tracera la route, nonobstant plusieurs restylings, jusqu’au mitan des années 1960, alors vendue à 280.000 exemplaires. À l’image de la société ouest-allemande dont le pouvoir d’achat allait bon train, Glas s’embourgeoisera dès 1958 avec l’Isar, nom du fleuve coulant non loin de Dingolfing. Petit coach élégant dessiné par l’Italien Michelotti, l’Isar sera décliné en cabriolet et en kombi et rencontrera un joli succès. Suivra en 1963 une nouvelle Glas, la 1004 puis, en 1964, Glas cassera son plafond de verre avec le lancement de deux nouvelles voitures : la berline 1700 et le coupé 1300. Ultime projet conçu pour Borgward qui venait juste de capoter et de fermer ses portes, la 1700 était signée du grand Pietro Frua qui avait également dessiné la ligne fastback de la 1300. Grisé par son succès, Glas mettra alors les bouchées doubles et annoncera pour 1965 un gros coupé 2300 puis 2600 V8 également griffé Frua. Produit à 666 unités, ce coupé puissant et luxueux qui ressemblait furieusement à la Maserati Quattroporte (signée Frua) jusqu’à être surnommé « Glaserati », sera la dernière des quatorze voitures de la marque Glas, rachetée en 1965 par BMW qui continuera à produire jusqu’en 1968 les coupés 1300/1700 et 2600/2800 badgés BMW.

Initialement proposé en 1300, le petit coupé Glas GT ressemblait à la Fiat OSI Ghia 1500 GT et aussi à l’ASA 1000 Bertone, alors considérée comme une « Ferrari prolétaire masquée ». Gonflée à 1700 deux ans après son lancement, la Glas GT s’illustrera dans les rallyes mais demeurera inconnue en France. Ramenée à 1600 par BMW, elle s’effacera du paysage, remplacée par la BMW 1602. Le temps de sa courte carrière, le coupé Glas GT se vendra à 3760 exemplaires en 1300 et 1802 unités en 1700. Sous pavillon BMW, le coupé trouvera 1255 acquéreurs. Glas en avait extrapolé un cabriolet, produit à 363 unités (+2 par BMW !). Si la vraie Glas 1300/1700 était produite en Italie par Frua, sa reproduction en miniature sera assurée par Märklin avec une version 1600 GT et une version Rallye sans pare-chocs. Fidèlement réduite au 1/43èmùe, cette Glas fut équipée de deux types de roues et vendue, soit en boîte-écrin rigide sur socle vert, soit sous blister. Comme Glas écoulait ses voitures en Belgique, le fabriquant Sablon inscrira le coupé 1600 GT à son catalogue : il s’agissait du moule Märklin, un brin raboté dans les détails (plus de rétros sur les ailes avant) et doté des fameuses roues Sablon qui fondaient comme neige au soleil. Plus exotique, on déniche une Glas 1600 GT chez le Japonais Diapet -un éphémère accord commercial noué avec Sablon, mais affichée sur boîte comme BMW 1600 GT. Savoir que le gros coupé Glas 2300 connut la même trajectoire : Märklin>Sablon>Diapet…