On sait que les premières règles de circulation adoptées par décret remontent à 1899, et qu’elles limitaient notamment la vitesse à 30 km/h. Ce qui était alors totalement décoiffant. Avec un parc automobile circonscrit à deux mille tutures, il était urgent de ne pas se presser : entre 1909 et 1921, il faudra une poignée d’années pour que le pays passe d’un vague projet à celui d’un vrai code de la route. Né le 27 mai 1921, dans la clandestinité, car ce n’est en réalité qu’un décret, ce code aurait dû être voté par l’Assemblée nationale. Qui préféra regarder ailleurs.
Entre temps, le nombre de véhicules à moteur en circulation avait été multiplié par sept. Certes, il existait déjà un code, publié en 1904 mais qui était…privé. Rédigé par Jules Perrigot, propriétaire des Papeteries d’Arches, passionné d’automobile et accessoirement président de l’Automobile-Club des Vosges, ce code comportait dix articles définissant entre autres, la priorité à droite et les règles de solidarité envers les automobilistes accidentés ou en panne d’essence. Privé, donc, mais adopté illico partout en Europe et même en Afrique-du-Nord !. Perrigot était aussi très impliqué dans la mise en œuvre, ébauchée en 1906, d’un examen de connaissances de la conduite, soumis à tous les chauffeurs de maître. Y voir l’ancêtre du permis de conduire et ne pas se tromper de voie…
Cette négligence normative face à un marché en plein boom étonne dans un pays friand de normes, d’interdictions et autres brimades. En matière de circulation, les ères précédentes surent y faire. Ainsi, Louis XV avait limité le nombre de chevaux par charrette en fonction du nombre de roues, afin de préserver les routes. Napoléon Ier avait, lui, imposé la circulation à droite pour bien montrer que la France n’était pas l’Angleterre. Au milieu du XIXe siècle, une loi très complète déterminait « la police du roulage et des messageries publiques », autorisant même les engins à moteur pourtant « de nature à effrayer les chevaux et à mettre le feu aux récoltes ». Il aura donc fallu mettre sur pied commission de chapeaux à plumes chargée d’élaborer un Code de la route valable à la fois et pour les cochers des voitures à cheval, et pour les automobilistes et pour les cyclistes. Il aura aussi fallu enquêter, auditionner, déblatérer, yakafoconner pour déboucher sur un projet adopté par cette même commission, visiblement épuisée, début 1912. Penser le pensum sur les rails et se mettre le panneau sens-interdit dans l’œil : une nouvelle commission de chapeaux à plumes est formée, sera chargée d’établir la synthèse du dit projet nonobstant une consultation supplémentaire.
Dossier plié fin mai 1914, mais très vite, la guerre range le code sur le bas-côté. Et c’est tant mieux car les textes étaient plus truffés d’oublis, aberrations et ornières qu’une départementale corse. Une fois la guerre terminée, le pays, ruiné, sort péniblement d’un atroce tunnel. Entre autres véhicules motorisés, se sont illustrés les ambulances de la Croix Rouge conduites pas ces dames et les taxis de la Marne -des Renault. Cet après-guerre marquant également l’essor de l’industrie automobile, en mai 1919, une nouvelle commission est formée : vite, un code !. Deux ans plus tard, le pays tient enfin son « décret concernant la réglementation de l’usage des voies ouvertes à la circulation publique ». Y est gravé dans le marbre le sacro-saint principe de la priorité à droite, comme préconisé par le code Perrigot. Quant au nom, « Code de la Route », il sera officiellement délivré par Yves Le Troquer, ministre en charge du dossier.
Le 27 mai 2021, le Code la Route célébrait donc son centenaire. Aucune fête, aucune retraite aux flambeaux mais une avoinée de nouvelles règles contre lesquelles s’insurge la Ligue des Conducteurs. Un siècle durant, le Code la Route évoluera au gré d’accélérations législatives de plus en plus contraignantes. En 1937, Louis Rousseau, moniteur d’auto-école de son état et basé aux Sables d’Olonne, eut, le premier, l’idée de concevoir, sur la base des questions posées aux candidats, un fascicule expliqué et illustré du Code de la Route, pour que les aspirants au papier rose s’y plongent et apprennent par cœur toutes les roueries d’une législation s’étoffant à la vitesse d’un bolide. Premier éditeur national du genre, basé Place de la Liberté aux Sables d’Olonne, avec succursale parisienne, rue du Petit-Pont dans le Vème ardt.(tel : DANTON 23-09), Rousseau existe toujours et la plupart des détenteurs du permis de conduite en ont potassé les volumes pour passer leur examen.
En 1954, c’est le fameux illustrateur Géo Ham qui en signait la couverture. Nationale 7, borne kilométrique à chapeau rouge, cabriolet rouge en plein virage et cheveux au vent. Toujours expliqué et illustré, remis à jour comme chaque année, le fascicule contient un supplément intitulé Règlements Spéciaux pour Paris. Comme il annonce en introduction être indispensable à tous les usagers, y compris cyclistes et piétons, ce livret semble follement visionnaire. Et totalement nostalgique, avec une page consacrée au bâton blanc de l’agent de circulation. Et aux signaux faits avec ses bras. Et au sifflet utilisé « pour faire avancer plus vite les voitures ». Voie libre, halte, attention, avancez… : toute une gestuelle périmée qui renvoie aux dessins de Sempé ou à ceux de Jean Bellus dans Jours de France. Le chapitre « Ne jamais » est également réjouissant à lire. Ne jamais mettre son coude à la portière, ne jamais regarder les pédales dans les virages, ne jamais tirer la portière par la vitre, ne jamais mettre la marche arrière pendant que le véhicule avance et vice-versae, ne pas descendre du véhicule sans avoir regardé derrière. Morale : mieux vaut arriver tard que jamais. Elle est bien bonne, tiens ! Sinon, l’usage du bras gauche en guise de clignotant pour changer de direction ou inviter à être dépassé était encore de mise, tout comme klaxonner avant virage, dépasser les tramways à droite, stationner en rase campagne…
Rayon rions un brin, l’examen de conduite a généré une palanquée de sketches et de films. Les plus connus ?: Jean Yanne avec son « je hais les routes départementales !!! » créé en 1967, et Le permis de conduire de Sylvie Joly, avec la grosse Touchard tentant de passer son permis pour la centième fois. Sommée de reconnaître le panneau de danger annonçant par son triangle « chaussée rétrécie », la Touchard répliquait ; c’taffaire, on approche d’une fabrique ed’ bouteilles ! ». En 1974, Jean Girault signait Le permis de conduire, aimable comédie franchouillarde, avec Louis Velle obligé de passer son permis pour le boulot. Face à lui, deux moniteurs gratinés : Daniel Prévost et Maurice Biraud. On aurait adoré le passe avec eux, ce permis…
CITROËN 2CV FOURGONNETTE AZU “SECOURS ROUTIER ». 1956. JRD. No. 117
Après le lancement de la 2CV, les Chevrons de Javel ne tarderont pas longtemps pour en dériver une fourgonnette présentée en 1950 au Salon de l’Auto sous appellation AU (U pour utilitaire) et commercialisé dès mars 1951. Spartiate et moins encore : la machine mue par un moteur de 373cm3 ne dépasse pas le 70km/h avec ses 9 chevaux et ses 5 litres aux cents. Question lièvre et tortue, ne pas chercher le plus lent. Changement de régime en 1954 : la nouvelle fourgonnette 2CV AZU carbure au 425cm3, 12ch, 80km/h, 250kg de charge utile, réservoir de 20 litres et embrayage centrifuge. Un bec verseur sur le pare-brise et la voiture était bonne pour le Salon des Arts Ménagers…
Physiquement, peu de choses différencient l’AU de l’AZU. La couleur déjà : grise, grise ou grise. Plus ou moins clair ou foncé, le gris. Cerclés dans un ovale fixé sur la calandre, les chevrons s’en émanciperont en juin 1953. Perçant les portes arrière à ouverture en armoire, les hublots ovales restent ovales tandis que quelques chiches clignotants latéraux osent une timide apparition. C’est cette fourgonnette AU que Dinky-Toys reproduira en 1958 (versions Pompiers et PTT) et qui restera au catalogue jusqu’en …1970. Norev choisira l’AZU, « civile » et publicitaire, elle aussi produite jusqu’au début des années 1980 alors que la fourgonnette 3CV dite AZU 63 restylée avec fenêtre latérales carrées (et portes ouvrantes) n’avait fait que trois petits tours au catalogue avant de filer chez Nacoral Chiqui Cars en Espagne. Quant à la 2CV fourgonnette de Clé, elle sera produite au 1/32è et au 1/48è.
Côte d’Adam par défaut de la CIJ, la firme de jouets JRD fut fondée en 1935 à Montreuil par Jean Rabier, ex-CIJ, et Donnot (=JRD). Originellement spécialisée dans les figurines paysannes, militaires, etc…, leur officine prendra du galon en 1937 avec la fabrication des Jouets Citroën, réalisés à l’échelle 1/10è. S’y adjoindra la production d’autos miniatures en plâtre, puis de camions en tôle sérigraphiée. Au mitan des années 1950, alors que le rival CIJ se consacre volontiers à Renault, JRD, fidèle à Citroën passe au zamac avec une ligne de petites voitures réduites au 1/42ème. Afin de se démarquer de Dinky Toys, la gamme qui démarre en 1956 avec la 2CV de 1949, aligne un modèle avec la malle bombée, dite Raoul, unique sur le marché du jouet. Si JRD se distingue avec ses superbes camions Berliet et Unic, son parc auto est essentiellement dévolu à Javel : Traction-Avant 11 CV N 1953, DS 19, DS 19 cabriolet avec ailes avant cendrier, fourgon type H à toutes les sauces (La Vache qui Rit, Brandt, Esso, Police…), et bien entendu, la 2CV en version fourgonnette. En 1960, son catalogue placé sous la triple bannière « fidélité-solidité-qualité » signale l’existence d’une salle d’exposition, ouverte au 23, boulevard Poissonnière, IIème ardt. La 2CV fourgonnette Secours routier 1956, ref.117, y figure en belle place, sous l’appellation « Type Touring Club de France ». Un ultime round pour ce modèle : en 1961, suivant le restyling de la 2CV, JRD modifie le moule et de la berline et de la fourgonnette, pour s’adapter au goût du jour. Si Dinky et Norev ont fait de même pour la berline, leur fourgonnette restera intouchée et JRD sera le seul fabricant français (avec Sésame, en plastique promotionnel) à reproduire la nouvelle fourgonnette 2CV AZU. Entre 1956 et 1961, outre les civiles anonymes, JRD en avait multiplié les versions dont la Secours Routier dans sa belle livrée blanche, Air France, Caisse d’Épargne, Montblanc, EDF, Nylon, Comap, Yacco et sans oublier la version Pompiers. En 1961, la nouvelle fourgonnette fera rebelote avec le Secours Routier, avec Air France et avec EDF. Ça n’ira pas plus loin : en 1963, juste le temps de sortir une Mercedes-Benz 220 SE, une Citroën Ami 6, une Peugeot 404, et une Simca 1000 (ultime référence no.155), JRD était racheté par… CIJ.
Un chouia reliftée, rallongée de 20cm, la der des der des 2CV fourgonnette tombera des chaînes en 1977, remplacée par l’Acadiane. En 1985, après vingt ans de sommeil, JRD était réveillée par Renaud Siry. Chanteur, musicien, grand collectionneur de voitures anciennes et de 1/43ème, auteur de plusieurs ouvrages dont Les DS miniatures de mon enfance, publié en 2012, Siry procéda en 1985 au lancement de la Nouvelle Société JRD. Mêmes moules et faveur très large à la DS 19 : ces JRD post-nostalgiques seront complétées par le cabriolet DS 19, la traction-avant, la 2CV Azam 61…Sic transit gloria lasso et loi des Siry : l’aventure ne durera pas.
CHRYSLER NEW-YORKER 1955. DINKY-TOYS. No. 24A>no.520
Avec la Buick Roadmaster, la Chrysler New Yorker fut chez Dinky Toys l’une des belles américaines parmi les plus populaires dans les coffres à jouets des petits garçons français des années 1950. Certes, elle n’était pas au 1/43ème mais elle en jetait sur le tapis du salon et dans les cours de récré. Star de la Série 24, la miniature est unique sur le marché du jouet. Et pour cause : alors que CIJ a choisi la berline Windsor 55, Dinky a opté pour le cabriolet, baptisé New Yorker. Il faut dire que cette gamme de Chrysler avec notamment son coupé St.Regis et son spin-off C300 a connu un succès fou aux USA comme en Europe, jusque chez Tintin où Hergé fait circuler une sedan jaune à toit ivoire dans L’affaire Tournesol. Chez Dinky, la New Yorker, disponible en octobre 1956, disposait d’une nouveauté technique absolue : le pare-brise en plastique-cristal injecté. Rayon couleurs, la Chrysler est généralement rouge/intérieur beige ou jaune/intérieur vert. Moins courantes, les combinaisons jaune-moutarde/intérieur vert, bleu métal/intérieur beige et rouge/intérieur bleu métal sont évidemment les plus recherchées et leur cote flirte avec les 400 euros. Sur le terrain, fidèle au renouvellement incessant des styles, la Windsor et la New-Yorker changeront radicalement de robe en 1957, atteignant un paroxysme d’ailerons et de chromes délirants. Ainsi du cabriolet New Yorker vu chez Norev et, en 1961, de l’immense Saratoga rose, ultime Chrysler produite chez Dinky en France…