COUVRE FEU : BONNE NUIT LES PETITS

C’est officiel et pour au moins quatre semaines. Une partie des grandes villes françaises dont Paris, mais aussi européennes, vit désormais ses soirées au rythme du couvre-feu. Et force est de reconnaître que 21h, c’est rude comme horaire. Pour un peu, on se croirait rendu à l’extinction des feux avant le JT et à Bonne Nuit les Petits. Justement, il fut quelques épisodes où ce bon gros Nounours dût gendarmer ses ouailles en jouant du képi d’agent de police pour envoyer Nicolas et Pimprenelle au dodo.

L’air du temps fait des loopings. Ajoutée à l’heure d’hiver, la nostalgie joue au marchand de sable. Coup de rétro dans le viseur et vice versae : voici la belle histoire d’une saga française inspirée à un acteur européen célèbre par une émission est-allemande où jouait une enfant bien élevée future punk-star. Nous sommes en 1961. Claude Laydu, comédien révélé en 1951 par Robert Bresson dans Le journal d’un curé de campagne d’après Bernanos, joue à Berlin-Est par encore muré, Un Caprice italien, biopic sur la vie de Goldoni, tourné dans les studios de la DEFA par le réalisateur Italien Glauco Pellegrini. En dix ans, l’acteur belgo-suisse, a enchaîné les films, vedette ou grand second-rôle dans Nous sommes tous des assassins (André Cayatte-1952), Le Bon Dieu sans confession (Claude Autant-Lara-1953), Le chemin de Damas (Max Glass-1953), Attila fléau de Dieu ou encore Le dialogue des Carmélites. Il a même incarné Schubert dans La Symphonie inachevée, avec Lucia Bosè et Marina Vlady. À ses côtés, les plus grands noms de l’époque -Pierre Brasseur, Danielle Darrieux, Michel Simon, Anthony Quinn, Jeanne Moreau, Sophia Loren, Mouloudji, Raymond Pellegrin…Mais c’est avec Christine Bailli, une jeune comédienne inconnue, rencontrée sur le tournage de ce biopic italo-est-allemand, qu’il se mariera. Et qu’ensemble, ils eurent de beaux enfants avec des cheveux en laine. L’idée de Bonne nuit les petits leur est, en effet, venue lors de ce séjour berlinois, en regardant l’unique chaîne de télévision de la RDA qui diffusait chaque soir à 19h, Unser Sandmännchen (Notre petit marchand de sable), une série d’animation par marionnettes avec aussi de vrais enfants, dont une très jeune gamine du nom de … Nina Hagen !. Rentré en France, le couple Laydu en imagine une adaptation pour la RTF. Le marchand de sable pour les petits enfants français ?. Chiche !. Après deux épisodes tests diffusés en 1961, la RTF passe commande de 12 nouveaux épisodes pour  la Noël de 1962. Au départ, les nenfants s’appellent P’Tit Louis et Mirabelle et l’ours, Gros Ours. En 1963, changement de blaze. Ce seront Nicolas, Pimprenelle et Nounours. Il en sera ainsi jusqu’en 1973 au fil de 568 épisodes longs de 5 minutes, pas plus (65 pour la RTF, 503 pour la nouvelle ORTF). À ce titre, on s’en souvient guère, Nounours fut doté de trois neveux : Rémi, Toto et Fanfan (pour RTF) ; au passage à l’ORTF, on rajoutera Oscar… Quant au marchand de sable lui-même, baptisé Ulysse, il balançait sa poussière dorée sur un son de harpe depuis son nuage et filait en jouant du pipeau. En l’occurrence, la mélodie, Que ne suis-je la fougère, serait attribuée à Pergolèse. On en débat encore dans les cercles autorisés. Elle en a agacé plus d’un, dont bibi. Tignasse en brins de laine, zyeux ronds comme des billes, pyjama rayé bleu et chemise de nuit vichy rose : Nicolas et Pimprenelle filaient au lit dans broncher une fois que Nounours avait moralisé sur leurs soucis du soir. Signés Monique Daumières puis Minou Laborie, les décors seront investis par d’autres personnages. Il y aura Cornichon le petit gitan (cancel culture !), la chouette Julietta, Pépita, le cheval Dada, etc… Rayon voix doublée, celle de Nounours fut celle des comédiens Georges Aubert, puis Jean Martinelli. Concepteur, producteur du programme, Claude Laydu s’arrogera la voix d’ Ulysse, le marchand de sable.

Diffusé sans interruption jusqu’en 1973, Bonne nuit les petits reprendra du service trois ans plus tard sur TF1 sous le titre Nounours, après que Valery Giscard d’Estaing, alors Président de la République eut tapé du pied et exigé le retour de la série, na !. Inscrit en gros dans l’imaginaire collectif français, BNLP a aussi fait l’objet d’une pléthorique commercialisation ludique avec disques 45T et albums, puzzles, marionnettes, poupées, figurines, porte-clés, jouets, peluches, dînettes, jeux d’éveil, panoplies, mobilier d’enfant, masques de carnaval, publications officielles (Le Journal de Nounours), friandises et jusqu’au jeu de projections Minema vendu par Meccano Tri-Ang. Aujourd’hui, Bonne nuit les petits possède son compte Instagram (bof), revit en bédé (re-bof), a subi le feu des parodies les plus trash et a laissé un vocabulaire dédié unique. Couvre-feu ou couvre-lit ?. Et si on remontait le temps en remontant les couvertures ?.

Renault Estafette fourgon Police. CIJ-Europarc -1960. No. 3-91

C’est Louis Renault qui, avant-guerre, avait signé des accords exclusifs avec la Compagnie Industrielle du Jouet (CIJ) pour la reproduction officielle et exclusive en France des miniatures Renault sous la marque Jouets Renault. Accords prorogés après-guerre par la Régie Nationale mais rompus en 1955 suite au décès accidentel du dirigeant de la Régie, Pierre Lefaucheux, au volant de sa Frégate. Ceci pour expliquer que CIJ fut jusqu’à cette date fatidique, l’unique reproducteur des tutures Renault, omniprésentes à son catalogue (4CV, Frégate, Étoile Filante, Dauphine, Prairie, Savane, Dauphinoise, Alpine, etc…). En 1957, la Régie lançait sa fourgonnette Estafette, remplaçante de la valeureuse Goëlette 1000 Kgs, dite aussi Voltigeur, en fin de trajectoire commerciale. Traction avant, motorisée Ventoux comme la Dauphine, l’Estafette n’est pas un foudre de guerre. Il faudra attendre l’installation du 1100 cm3 de la R8 pour qu’elle carbure un peu plus décemment. Moderne, l’Estafette l’est assurément. Avec sa moue boudeuse, elle ressemble furieusement au fourgon Ford Taunus Transit lancé en 1953 et ses portières coulissantes ajoutent au gain de place. Mais cette fois-ci, CIJ n’est plus seul sur le terrain de jeux : Dinky-Toys, Eria, Norev, Clé, Minialuxe, Champion, Sésame et quelques autres vont mettre l’Estafette à toutes les sauces. Dans la série j’amortis-le-moule-coco, dès 1957, CIJ embayera sur les fourgonnettes et les minicars en déployant une gamme de coloris uniques. Comme sur la vraie, les portes coulissent et l’arrière s’ouvre en trois. Apparu au catalogue des nouveautés 1960 en même temps que l’Estafette Mini Car Hostellerie du Cheval Blanc, et que l’Estafette Gendarmerie,

l’Estafette Police se distinguait par son équipement électrique embarqué (une pile) qui faisait clignoter son gyrophare. Le toit, en plastique, était surélevé et le panier-à-salade fonctionnait à gogo. À l’image de plusieurs autres CIJ « historiques », l’Estafette Police sera commercialisée à partir de 1963 sous la marque CIJ-Europarc.

Renault Dauphine. Norev-1956. No. 13

On a déjà glosé ici-même sur l’histoire de la Dauphine, qui fut, avec la 4CV, la voiture française la plus vendue en France. Produite de 1956 à 1967, avec boost Gordini à la clé (de contact), la Dauphine sera reproduite massivement en miniature : Dinky-Toys, CIJ,  

Jep, Minialuxe, Clé, Rico en Espagne et Politoys en Italie, mais seulement parce que là-bas, la Dauphine était produite par Alfa-Romeo !. Norev sera de la partie évidemment avec une mignonne Dauphine sortie en 1956 avec, nouveautés alors inouïes, un vitrage et un socle, non plus en métal, mais en plastique, privilège alors partagé avec la DS19, la Mercedes-Benz W196 et la Jaguar Mark I 2,4l. Roues rouges, pneus blancs : la bestiole était élégante, moulée dans une palette de coloris pimpants. Justement, ce sont ces coloris qui nous arrêtent ici : des sobres beiges et gris aux fluos dignes d’une boîte de marqueurs Stabilo Boss, la palette chromatique des Norev allait loin. Rose shocking, bleu turquoise, vert émeraude, jaune maïs, orange, vert gazon, corail, lilas, vert jade, bleu lavande, rouge coquelicot, jaune poussin : ça flashait sec dans les vitrines, dans les coffres à jouets et sur le tapis du salon. Aux antipodes de Dinky-Toys dont la gamme de peintures relevait plus de l’administration carcérale que de la boîte de Caran d’Ache -il y eut heureusement des exceptions !, Norev n’imitait pas la rue. Sa matière matricielle, la Rhodialite, teintable à l’infini dans la masse, autorisait toutes les fantaisies. Les Norev étant avant tout des jouets, leurs couleurs pouvaient sortir des rails sans que les adultes fassent les gros yeux ou pissent dans le vinaigre. On s’amusera ici de constater que ce sont ces mêmes couleurs parfois variables, qui jetteront les bases de collections analytiques, pour la plupart jamais achevées. Sinon, s’il est une couleur que Norev utilisera avec parcimonie, ce sera bien le noir. Rare mais « appliqué » à quelques modèles bien précis : la Jaguar Type E, la Rolls Royce Silver-Shadow, la Traction-Avant 15/Six et la 11 de la série Moyen-Âge, la Fiat Dino, la Monteverdi 375L, le coupé Mercedes-Benz 350 SL, la Peugeot 504 ou encore la Citröen DS 21. 

Renault 4CV Sport. Norev-1958. No. 7

Tout comme la Dauphine, son aînée de Billancourt a déjà été traitée voilà peu ici-même via la 4CV de chez CIJ. Sortie en 1955 chez Norev la même année que la Peugeot 403 et les Simca Versailles et Trianon, la version choisie était celle avec la calandre à trois barres. Pas de vitrage, socle métal, roues rouges, pneus blancs et plaque d’immatriculation arrière rapportée, la 4CV de Norev sera sensiblement modifiée en 1958 avec l’apparition de la 4CV Sport, reconnaissable à son toit ouvrant au dessin seulement gravé mais bien visible. Une version commercialisée par Norev jusqu’en 1962, alors remplacée par la 4L. C’est ce même moule qui aurait été utilisé par l’Espagnol Paya pour une insolite et enviable Fasa-Renault 4CV surmoulée, en plastique aux coloris également chatoyants. L’enquête suit son cours….