DE RETOUR LES DIMANCHES À ORLY

Contrairement à ce que l’usager pourrait croire, Orly a toujours existé. En tant que ville déjà. Et en qualité d’aérodrome, mis en usage dès 1918, à seul visée militaire, le service « civil » étant dévolu à l’aérodrome du Bourget dès 1919. L’ouverture en fanfare de l’aéroport d’Orly-Sud, inauguré le 26 février 1961, à 11h. pétantes par le Général de Gaulle, marquera l’entrée de la France dans l’ère moderne avec cette aérogare Sud classée depuis monument historique. Pour l’État français, il fallait aussi aménager un cadre idéal au développement commercial de la Caravelle, bi-réacteur conçu par Sud-Aviation (futur Aérospatiale), livré en 1958 et mis-en-service par Air France en 1959. Vitrine symbole de la France au zénith de ses Trente Glorieuses, l’aéroport d’Orly-Sud sera bâti en trois ans, entre 1957 et 1960. Son architecte, Henri Vicariot (1910-1986), inconnu du grand public, signera là son plus gros œuvre.

L’aérogare était encore en chantier quand, dès mars 1960, on y accueillit Nikita Khrouchtchev, alors premier invité du Pavillon d’Honneur situé dans l’aérogare Nord, bien vite caduque. Quant à JFK, il sera reçu avec tout le faste dû à son rang à Orly-Sud par le Général de Gaulle en personne le 30 mai 1961. Le président américain avait voyagé à bord de son Boeing 707, autre star volante d’Orly-Sud avec la Caravelle et le DC8. Des stars ailées emplies de stars avec des pieds, adonnées et abonnées au grand jeu de la sortie de cabine sur passerelle people et paparazzi en action. Le cinéma était bien servi à Orly-Sud : il y avait une double-salle Publicis dûment inaugurée par Marcel Bleustein-Blanchet avec pour marraine, la grande Jacqueline Auriol, pionnière et héroïne de l’aviation. Il fermera en 1982…Et le cinéma aimait bien Orly : dès 1948, quand il n’était encore qu’une aérogare à trafic limité, Jean Delannoy y tourna quelques scènes de Aux yeux du souvenir, un mélo larmoyant mouchoirs blancs dans les hélices, avec Michèle Morgan en hôtesse de l’air post-suicidaire et Jean Marais en pilote et ex-amant cynique mais zéroïque. En 1954, Jean Dreville dirigeait Escale à Orly, badinage euro-aéroporté avec la ravissante Dany Robin, le très teuton Dieter Borsche et l’habituel François Perier. Le tout-cinéma se ruera ensuite sur Orly-Sud dès son ouverture. Philippe de Broca pour L’homme de Rio, Jacques Tati pour Playtime. Dans les années qui suivront, avant que Roissy n’ouvre, il n’y eut pas un film avec Jean Gabin, Belmondo et Delon sans une scène à Orly. Quant à Gérard Oury, il utilisera et Orly et Roissy pour son Rabbi Jacob. Après Patience aux Batignolles, parodie garce de la voix de FIP dans le trafic parisien, Sophie Daumier s’emparera du micro des annonces en vol à Orly avec le sketch Tokyo-Argenteuil, , écrit par Dabadie :  Mademoiselle Ginette, l’hôtesse au sol à Orly ou « J’envoie le Tombouktou de 18h, juste le temps de sauter dans mon bus pour rentrer à Argenteuil ! ». Orly fera aussi le bonheur de Gilbert Bécaud avec Les dimanches à Orly, certainement plus grisants que les Dimanches de Ville-d’Avray. Écrite par Pierre Delanoë, sortie en 1963, cette chanson à succès évoquait les dimanches entiers que les Parisiens passaient à Orly, à flâner dans l’aérogare et à scruter les décollages et atterrissages des avions depuis l’immense terrasse ouverte au public. Une terrasse à l’accès payant -5 francs-, et alors plus fréquentée que la Tour Eiffel : 4 millions de visiteurs en 1965, 9 millions en 1969 !. Il faut dire qu’on avait mis le paquet dans le décor, imaginé et réalisé par le designer Joseph-André Motte, pilier de la nouvelle décoration française et haut talent des années 1950 à 1970. Luxe et modernité : Orly doit exprimer illico la prospérité du pays à qui voyage en avion. Marbre, acier, verre, travertin, bois : la table des matières vise l’éclat et l’abondance. Qui ne prend pas un avion ou n’en débarque pas, peut jouir d’un mode de vie glamour et sexy. Du mobilier dessiné par Motte aux uniformes des hôtesses d’Air France griffés Marc Bohan pour Christian Dior, le visiteur faisait du lèche-vitrine et profitait de l’occasion pour se taper la cloche. Orly-Sud abritait plusieurs restaurants dont Les trois soleils, décoré par  Motte autour de la fameuse tapisserie de Jean Lurçat, Les horizons, Le Tournebroche qui était un snack rôtisserie, et encore La Corbeille, bar salon-de-thé, sans oublier les brasseries de la Terrasse payante. Une terrasse qui sera définitivement fermée en janvier 1975 après l’attentat à la roquette contre un avion d’El Al par le FPLP mené par la terroriste Carlos. Jacques Brel s’en désolera en 1977 avec une chanson idoine…

Entre temps, la Postale de Nuit passait du Bourget à Orly en 1964, un immense hôtel Hilton de 268 chambres ouvrait en 1965 à proximité immédiate de l’aérogare qui abrite aussi un hôtel 4 étoiles appelé Air Hotel, au 3ème étage. En 1967, on inaugurait Orly-Ouest, toujours architecturé par Vicariot tandis que Motte planchait déjà sur l’aménagement intérieur de Roissy 1 et 2. Aujourd’hui, Orly, redessiné, redistribué, reste le second aéroport francilien après Roissy-Charles-de-Gaulle. Rebaptisé Orly 1234, il a été fermé pour cause de pandémie covidienne le 26 mars 2020, ménageant le départ d’un seul vol pour Point-à-Pitre, le 31 mars. Déconfinement oblige, Orly qu’on a dit à tort fermé jusqu’en décembre 2020, réouvrait timidement le 26 juin avec un premier vol à destination de Porto…

En attendant un retour à la normale, lire le passionnant ouvrage Orly Aéroport des Sixites, annoncé de publication des jours-ci….

De gauche à droite

PEUGEOT 404 TAXI RADIO G7. DINKY-TOYS. 1967. No. 1400

En1955, le parc automobile parisien était constitué de quelques 920.000 véhicules, dont 12.500 taxis. Taxis G7 en tête. Une compagnie fondée en 1905, longtemps propriété de Renault (Taxis de la Marne obligent), et rachetée par Simca en 1958 ce qui expliqua la profusion d’Ariane et d’Aronde en livrée noire/pavillon rouge battant le pavé de la capitale, avant qu’André Rousselet, futur fondateur de Canal+, en devienne le propriétaire en 1960. Sur le tapis du salon, les garçonnets qui avaient à cœur de reproduire le trafic urbain, poussaient des petits taxis au 1/43ème. À la fois images et symboles d’une ville, les taxis ont toujours intéressé les fabricants de miniatures qui y voyaient un bon moyen d’amortir le moule d’une version civile. Une nouvelle robe de couleurs, deux accessoires Taxi et hop, on rentrait à Levallois en sortant des nouveautés. Chez Dinky-Toys, on avait déjà souscrit au contrat G7 avec les Simca Aronde et Versailles (Ariane) en taxis parisiens. La Chambord fut épargnée alors que la vraie abondait en taxi dans les rues de Paname. Aucune 403 Peugeot, aucune DS19 non plus. La base était là, pourtant…Et pour la Dauphine, CIJ ( où roulaient aussi une Panhard Dyna et une Renault Prairie taxifiées) avait brûlé la politesse. Aussi quand sortit en 1967 la Peugeot 404 Taxi-radio G7, Dinky fit l’évènement, d’autant que cette référence inaugurait cette même année la nouvelle (et la dernière) série 1400, plus détaillée. Phares diamantés, toit ouvrant, livrée noir/rouge, insignes ciselés : le modèle avait du chien et dérivait en droite ligne de la 404 originelle (no. 553), certes améliorée depuis son lancement en 1960, notamment avec la percée du toit ouvrant sur la version « skis » (no. 536). Selon l’état, une 404 G7 cote aujourd’hui entre 150 et 300 euros. Presque le prix d’une licence taxi. Sans concurrence sur le créneau du zamac, la 404 G7 n’aura qu’une seule rivale au 1/43è, en plastique, avec la 404 G7 de Minialuxe, aussi fragile que fugace et imprécise.

CITROEN DS 19. DINKY-TOYS. 1956. No. 24CP puis 522.

« Il y a dans la DS l’amorce d’une nouvelle phénoménologie de l’ajustement, comme si l’on passait d’un monde d’éléments soudés à un monde d’éléments juxtaposés et qui tiennent par la seule vertu de leur forme merveilleuse, ce qui, bien entendu, est chargé d’introduire à l’idée d’une nature plus facile. » Pour Roland Barthes qui venait de placer la nouvelle Citroën au pinacle de ses Mythologies publiées en 1957, la DS 19 était bien phénoménale. Dévoilée au Salon de Paris, le 7 octobre 1955, la nouvelle berline de Javel dessinée par Flaminio Bertoni suscita un tel engouement qu’à la fin de cette journée inaugurale, 12.000 ordres avaient rempli les carnets de commandes. Subito, tous les reproducteurs de miniatures français mais aussi anglais, italiens et japonais, mirent la DS 19 à leur catalogue. Pas un ne manqua à l’appel, Dinky Toys en tête, évidemment. Lancée dans les mêmes coloris acidulés que la vraie, la DS 19 roula sans vitrage et sur jantes convexes et pneus blancs jusqu’en 1959, date à laquelle Dinky modifia la numérotation de ses séries. Nomenclaturée 24C lors de sa sortie en 1955, passée au 24CP puis au 522 en 1959, la DS19 sera équipée de jantes concaves, autre signal physique du changement de série, mais conservera ses pimpants pneus blancs. Aucune autre modification sera apportée au moule original et il faudra attendre 1963 pour que Dinky revoie sa copie pour la nouvelle DS 19 (no. 530). Quant à la palette de couleurs, elle ira du jaune citron à l’orange, du vert menthe au blanc crème, avec couleur de toit variable selon les versions…  

MULLINER Single decker BOAC coach -British Overseas Airways Corporation: Dinky-Toys GB. 1956. Ref: 283.

Dès le début des années 1950, face à l’essor des compagnies aériennes commerciales, et au prestige d’image véhiculé par leur publicité, les fabricants français de jouets de garçon multiplieront les modèles aux couleurs d’Air France, favorisant ici camionnettes, fourgonnettes, camions et autobus. À chaque nation, son orgueil volant. En Angleterre, la BOAC volait très haut dans l’estime des membres du Commonwealth. Fondée en 1939 par fusion d’Imperial Airways et British Airways Ltd, la British Overseas Airways Corporation opèrera sous pavillon étatique, absorbant au passage des compagnies du calibre de BEA (British European Airways) et desservant tous les pays de l’ex-empire colonial mais aussi les contrées les plus éloignées. Mis sur le marché de la miniature par Dinky Toys GB en 1956, le BOAC Coach Mulliner obéissait nullement à l’échelle du 1/43è, plus proche du 1/50è. Et par Mulliner, il fallait comprendre, non pas le fameux carrossier propriété de Rolls-Royce, mais le Mulliner constructeur de cars, basé à Birmingham. Une firme aussi ancienne que son homonyme, et carrossier attitré de voitures pour Daimler, Triumph ou Alvis. Gabarit poids-lourd, Mulliner livrait des bus militaires à Bedford et oeuvrait pour Guy comme pour Vauxhall. Spécialiste des autocars de tourisme, Mulliner fut racheté en 1958 par Triumph-Standard avant de disparaître deux ans plus tard, brutalement fermé et basta!, juste avant le maelstrom industriel provoqué par le rachat de Triumph par Leyland en 1961. Au finish, ce modèle reste unique dans l’histoire du parc auto miniature.