Rien à voir avec la rue Gama qui lavait les couleurs plus banc que Vedette, le rayon gamma était une arme mortelle fantasmée par le cinéma et la science-fiction dans les années cinquante. Fantasmée, voire, car l’arsenal existait vraiment sous forme d’une arme à énergie dirigée, vite surnommée « le rayon de la mort ». On ne va pas entrer dans le détail, mais ce « rayonnement électromagnétique très pénétrant émis lors de transitions nucléaires » amorça une flambée de récits, films, bédés, comics ou le rayon de la mort faisait ses gammes. Une fois passée cette hystérie nourrie par la guerre froide et l’invasion belliqueuse des petits hommes verts, les choses se calmeront et on pourra voir des films comme, en 1973, De l’inluence des rayons gamma sur le comportement des marguerites, réalisé par Paul Newman, avec son épouse Joanne Woodward dans le rôle principal. Sur papier-bulles, le rayon gamma cramait tout. Publié initialement en 1952 en 45 épisodes sans Spirou, Le rayon Super-Gamma, enquête de Valhardi, rencontra un succès fou.
Paru sous forme d’album chez Dupuis en 1954, Le rayon Super-Gamma était la 12ème histoire dans la généalogie de ce héros belge et blond, qui débuta en 1941 comme enquêteur en assurances pour virer aventurier intrépide courant le monde pour le sauver. Scénario de Jean Doisy, dessin de Jijé : l’attelage créatif à l’origine des Enquêtes de Valhardi sera souvent renouvelé, et par les meilleurs (Paape, Charlier, Follet ; Philip…). Après son apogée dans les années 1950, la série déclinera jusqu’en 1965 avant de clore le dossier. Et de reprendre dans les années 1980 nonobstant des albums pirate teutons et bataves. Entre deux motos et trois F1, la voiture fera la couverture de plusieurs albums de Valhardi : Lancia Aurelia B24 Spider dans Le gang du diamant ; Simca Océane dans Rendez-vous sur le Yukon ; Ferrari 250 dans Le retour de Valhardi ; Chrysler New Yorker dans L’affaire Barnes et Ford Custom Fordor dans Le rayon Super-Gamma. Une explication très simple à cela : cette berline US était usinée en Belgique et alors très populaire Outre-Quiévrain…
De gauche à droite
FORD VEDETTE 49. DINKY-TOYS. 1949. No. 24Q
Firme automobile 300% américaine, Ford ne restera pas les pieds dans le même sabot en T de Dearborn, siège de la marque fondée en 1903 : outre l’Angleterre, l’Allemagne, la Belgique et l’Australie, Ford-mondial ouvrira Ford France avec usine à Bordeaux dès 1907. Y étaient produits les modèles américains et anglais à destination du marché français. Avant-guerre, son association industrielle en 1934 avec le constructeur français Mathis donnera naissance à Matford et à des autos robustes et modernes. L’ après-guerre sera plus shaky-shaky. Jusqu’à décider Ford de se retirer du marché hexagonal non sans avoir inauguré les usines de Poissy et après avoir lancé les deux générations de Vedette, les ultimes Ford françaises. La Vedette n’était rien d’autre qu’un projet de Ford pour le marché américain de l’immédiat après-guerre, une petite compacte à deux portes et économique, que les Américains oblitèreront sur le champ en même temps que les huiles de Ford France étaient en visite aux États-Unis, quémandant un projet de pénurie pour une France en ruines. Et de refourguer la bestiole aux Frenchies, trop heureux de pouvoir lancer une vraie nouveauté au goût vainqueur. Ce qui sera fait en 1948, en même temps que Peugeot dévoilait sa 203, rivale directe de la Vedette. Commercialisée l’année suivante, la Ford Vedette n’avait rien d’une auto bas de gamme : seule voiture française à carburer V8, à peine plus chère qu’une Citroën 15 Six, elle faisait luxe dans le paysage. Avec son pare-brise en deux parties et son « dos rond », elle se réclamait stylistiquement de « la ligne » Mercury fastback même si son profil la rapprochait d’une grosse tortue, surtout quand peinte en vert. Haute -pour y entrer chapeauté-, lourde (1200 kg), bardée de chromes et de moulures, « l’américaine au rabais » sortie des chaînes de Poissy devait la production de sa carrosserie à Chausson. Quant à ses portes antagonistes, genre buffet Ségalot chez marraine enrichie au marché noir, elles faisaient le buzz. Vendue à 105. 727 exemplaires entre 1949 et 1954, la première Vedette fut déclinée en cabriolet et coupé (remplacés ensuite par la Ford Comète dessinée par Pinin Farina) et en break-berline de service baptisé Abeille. Aucune parenté avec la chanson de Bourvil. Restylée en 1954 avec ajout d’une malle tri-corps et d’une nouvelle proue, la Ford Vedette encore affublée de son sobriquet de « petite américaine made-in-France, poursuivra sa troisième carrière chez Simca, sous le nom de Versailles, définitivement naturalisée française.
Au 1/43ème, la Ford Vedette 49 connut qu’un seul reproducteur : Dinky-Toys. Apparue en 1950 dans la série 24, la Vedette roulera pendant quatre ans sur jantes convexes et pneus noirs, habillée d’unis (mastic, turquoise, bleu métal ou, plus rare, marine), remplacée en 1954/55 par la nouvelle Vedette qui rencontrera une reconnaissance plus ample en miniature (Norev, Solido, Minialuxe…)
FORD CUSTOM FORDOR 1949. DINKY TOYS GB. 1949. No. 139A puis 170
Quand Ford US lança la Custom en 1949, il s’agissait de la première nouvelle berline (sedan) civile moderne d’après-guerre pour le géant américain. Un géant vacillant que la Custom sauvera de la banqueroute. Dévoilée en fanfare à New-York en 1948 dans le cadre d’un gala tonitruant au Waldorf-Astoria, la Custom, dès lors surnommée « shoebox Ford » (la Ford boîte-à-chaussures) en raison de son volume et de son allure fut illico déclinée en cabriolet et break woody Country Squire. Comme à l’accoutumée chez Ford, la berline sera baptisée Fordor (4-door/Four Door) et le coach, Tudor (2-door/Two Door). Aucun rapport avec la dynastie royale anglaise du même nom, même si la Tudor fera un tabac sur le marché Australien. Quant au look global de la Custom, il inspirera sans vergogne celui des Ford anglaises Zephyr et Zodiac présentées en 1950. Restylée en 1952, motorisée 6 cyl. ou V8, la Custom sera l’une des Ford américaines les plus populaires en Europe. Les films de gangsters pleins de cigarettes et de p’tites pépées en étaient truffés et même la bédé l’adopta. On en repère une dans Tintin Objectif Lune, paru en 1950 et elle figure, jaune canari, en pleine couverture de l’album Rayon Super-Gamma, des enquêtes de Valhardi.
Au 1/43ème, le principal reproducteur de la Ford Custom Fordor 49 fut Dinky-Toys GB qui affichait une belle brochette d’américaines à son catalogue, dont une Ford Fordor Wagon Woody de la précédente série. Usinée couleur unie à ses débuts en 1949, un chouia modifiée en1957 avec une gamme de robes bicolores, la Fordor sera également proposée en version US état-major kaki intégral military. Mais Dinky ne sera alors pas seul sur le marché : en Suède, l’éphémère fabricant Lemeco usinera dans un zamac de contrebande une Custom plagiée sur la Dinky mais déclinée en taxi, pompier, police, US military etc…En Belgique, ce sera Gasquy qui fera la nique mais avec une Custom 49 Tudor. Ces deux modèles sont aujourd’hui des supra-collectors dont les cotes flirtent avec l’indécence….Autrement, comme d’habitude chez Dinky, à Liverpool, on se livrera à une véritable pagaille dans les nomenclatures de la Fordor : après avoir été enregistrée sous matricule 139A, la Fordor fut reclassée no. 170 en 1957. Quelques années plus tard, le 139A désignera la Ford Cortina MkI et le 170, la nouvelle Lincoln Continental MkIV. Illogical project…
PLYMOUTH BELVEDERE 1957. CIJ. 1957. No. 3-16
Au rayon guéguerre des belles américaines jouée entre Dinky Toys France et CIJ, le bras-de-fer s’est concentré sur deux modèles phares des fifties : la Chrysler New Yorker et la Plymouth Belvedere. Les deux marques appartenant au même groupe (Chrysler), la doublette était facilitée pour obtenir les droits. En 1956, chez Dinky, le choix de la Chrysler s’était fixé sur le cabriolet New Yorker tandis que chez CIJ qui plaçait là en catalogue sa première américaine, on avait opté pour la berline Windsor (c’était la même auto). Un an plus tard, Dinky reproduira la Plymouth Belvedere Coupé Sports 56 (no. 24D) tandis que CIJ choisira la berline 55, seconde et ultime américaine de son mini-parc automobile. Apparu en 1951 accolé à la Plymouth Cranbrook Coupé, le nom « Belvedere » est devenu une gamme complète, commercialisée entre 1954 et 1970 au gré de plusieurs générations stylistiques. Porteuse de ce Forward Look imposé par Virgil Exner, alors directeur artistique de Chrysler, la Belvedere 57 se verra augmentée en 1956 de la version Fury, qui entrera en 1983 dans la ciné-légende des movie-cars avec Christine, le film de John Carpenter. Après Dinky Toys France et CIJ, Corgi Toys reproduira en 1959 une Plymouth Belvedere Suburban Sports, à la fois première « américaine » chez Corgi et première miniature Corgi avec glaces, intérieur et suspensions.