Paris, Champs-Élysées, no. 78. L’adresse est connue : c’est là que se tenait le fameux magasin de disques Lido Musique, rival de Champs-Disques, autre négoce de vinyles import, alors fréquenté par la crème des disquaires -on ne disait pas encore DJ. Lido Musique, spécialisé dans le classique, se tenait dans ce qu’on appelait alors la Galerie du Lido.
Et aussi les Arcades du Lido, inaugurées en 1925 et présentées comme « une kermesse permanente des commerces de luxe ». Scandé de colonnes en marbre et de lanternes Lalique, déployé sous trois verrières absolument splendides, l’endroit empilait les plaisirs, avec, en sous-sol, une « piscine mondaine », des salons de beauté, un jazz-club, un dancing chic, l’ensemble alors filmé et montré au cinéma. Baptisé La Plage de Paris, décoré en référence du Lido de Venise non sans évoquer les palaces balnéaires de la Sérénissime, ses plages élégantes dont la réclame vante alors « les bains de soleil et les pyjamas », la Plage boira le bouillon en 1933. Fermé, l’établissement sera racheté par Léon Volterra, propriétaire du Casino de Paris, des Folies Bergère, du Théâtre Marigny et du Luna Park de la Porte Maillot. Périmée, à sec, la piscine sera remplacée par une salle de spectacle.
Aujourd’hui délicieusement démodées et oubliées par le temps, ces Arcades du Lido sont un monument des arts décoratifs totalement oblitéré par la laideur des boutiques qui y sont installées. Pas le cas en 1946, quand les frères Joseph et Louis Clérico, entrepreneurs en bâtiment rachetèrent l’établissement à un Volterra sur le déclin -il décèdera en 1949, le transformant de fond en comble, le rebaptisant Lido de Paris et y lançant la mode des revues en dîners-spectacles. Succès fou. Le Tout-Paris s’y presse et l’adresse est apprise par cœur par les touristes et les chauffeurs de taxi. Intitulée Sans rime ni raisons, la revue inaugurale sera la première d’une trentaine du genre, bientôt sublimé par l’arrivé des Bluebell’s Girls. Sans elles, le Lido n’aurait sans doute pas connu la célébrité mondiale qui fut sienne. Troupe de danseuses aux mensurations divines et aux costumes époustouflants, les Bluebell’s Girls doivent leur nom à Margaret Kelly, danseuse irlandaise surnommée Miss Bluebell en raison de la couleur de ses yeux. Bleu campanule pour les puristes. Après ses débuts à Londres, Miss Kelly s’était produite à Berlin avant de débarquer à Paris au début des années 1930. C’est là que, mariée à Marcel Leibovici, chef d’orchestre et futur grand imprésario, elle forma sa troupe des Bluebell’s Girls en 1932. Laquelle troupe sera chez elle aux Folies-Bergère quelques saisons durant. Au lendemain de la Seconde Guerre, les voici frétillantes au Lido de Paris, ce nouveau cabaret de grand luxe dont elles ne tarderont pas à faire leur résidence en 1948. Taille minimum 1,77m. spectaculaires, voici les Bluebell’s Girls devenues une marque déposée (bientôt rachetée par le Lido) et exportant costumes et numéros chorégraphiés par Donn Arden jusqu’à Las Vegas. Toujours aux commandes, Margaret Kelly, veuve depuis de décès de Leibovici dans un accident de voiture survenu en 1961, a hissé sa troupe en organisation mondiale et frappé un grand coup en lançant en 1970 les Bluebell’s topless. Attention, pas donné à toutes : seules les Bells sont seins nus, les Girls et les Sublimes, non. Il y avait aussi les douze Blueboys. Tous livraient chaque soir deux shows, six jours sur sept. À la caisse du Lido, on enregistrait 500.000 spectateurs par an et on débouchait chaque année 300.000 bouteilles de champagne. En 1954, le célèbre illustrateur Brénot signait la plus fameuses des affiches fameuses du Lido, celle où une Bluebell prend son pied en levant la gambette. À l’époque, les Bluebell’s sont des stars. On les voit dans des tas de films comme Ah ! les belles bacchantes avec Robert Dhéry, Sérénade au Texas avec Luis Mariano et Bourvil, Paris Palace Hôtel avec Charles Boyer et Françoise Arnoul ou encore Casino de Paris ( !) avec Gilbert Bécaud et Caterina Valente.
Coup de théâtre : en 1977, le Lido déménage et remonte de quelques numéros les Champs-Élysées. Le numéro 116-118 est occupé par un étrange bâtiment construit en 1932 par l’architecte Jean Desbouis. Derrière sa façade en épis-accordéon et travertin jaune, se trouvaient jadis le
siège de la station Radio Paris (Radio Paris ment, Radio Paris est allemand…) puis du Poste Parisien, antenne du journal Le Petit Parisien. Au pied du bâtiment, en 1937, se trouvaient un hall Mercedes-Benz, un grand café Le Normandy, et un cinéma qui deviendra le UGC Normandie. À l’aune de ce transfert, « le cabaret le plus célèbre du monde » a cassé la baraque avec scénographie dernier cri, systèmes de jets d’eau, plateaux élévateurs surgis d’une fosse de dix mètres de profondeur, une salle et une scène immenses, un décor luxuriant. Sommet de la technologie du divertissement, le nouveau Lido de Paris demeure incontournable dès qu’il s’agit de programmer une tournée des grands ducs parisienne. En coulisses, les Clerico cèdent leurs parts, un peu, puis beaucoup, au groupe Sodexo qui, enfin propriétaire à 100%, décide de fermer la taule. Ultime représentation en août 2022 et la revue Paris Merveilles rangée au magasin des souvenirs. Sodexo promet réouverture et première. On parle d’une version de Cabaret. Boira-t’on seulement encore du champagne tiède en chipotant son saumon Bellevue ?. Quid des Bluebell’s ? Anesthésiées à la lido-caïne ? Sic transit gloria topless…
Un siècle de Lido aura laissé des traces. On ne compte plus les cinémas de quartier appelées Lido. Mais force est de constater que le nom fut peu exploité ailleurs, autrement. En 1958, le carrossier italien Pininfarina livrait à la General Motors une Buick Lido, « voiture de recherche et de style », splendide coupé V8 censé taper 170km/h mais dont le concept trop épuré laissera froid Detroit. L’heure était aux délires chromés de la Ford Edsel, de la Chrysler Crown Imperial, de la Chevrolet Bel Air et même de la Simca Chambord, en ceci plus proches des châssis et appas des Bluebell’s Girls.
DE GAUCHE À DROITE
ROLLS-ROYCE SILVER-CLOUD MkIII “CHINESE EYES”. 1964. DINKY-TOYS GB. No. 127
Vu de face, ce coupé Rolls n’est pas sans évoquer Peter Sellers grimé en Chinois dans une des nombreuses loufoqueries que l’acteur britannique tourna dans les sixties. Vue de profil, l’auto en impose sacrément. Au début des années 1960, chez Rolls-Royce, on étire à l’infini les dérivés de la Silver Cloud, fabriquée depuis 1955. Le projet d’une nouvelle Rolls « moderne », la Silver Shadow étant annoncé pour 1965, il fallait faire patienter la clientèle. Le choix fut radical : ce sera ce coupé Silver Cloud Mk III carrossé par H.J.Mulliner Park-Ward, le pool de carrossiers propriétés de Rolls-Royce, d’après un dessin du designer norvégien Vilhelm Koren. Coupé mai aussi cabriolet, produit jusqu’en 1966 à une centaine d’exemplaires avec un quart doté de la conduite à gauche. Si la calandre « Parthénon » est dument respectée, tout autour, la voiture est un délire stylistique : ailerons arrière, flancs bombés comme une brioche et surtout, ces doubles phares en oblique qui lui vaudront son surnom : « Chinese Eyes ». Une coquetterie déjà vue çà et là. Notamment, sur la Lincoln Continental Mark IV de 1959, la Fiat 2100 de 1960, la Gordon-Keeble GT de 1960 ou la Chrysler Newport de 1962. Appliqué à Rolls-Royce, ce twist stylistique fit jaser. On adora comme on détesta. Clientèle dorée sur tranche et aujourd’hui, collector suprême, la Rolls « Chinese Eyes » fut évidemment réduite sur le champ, en 1964, au 1/43 (ou presque) par Dinky-Toys GB, en même temps que l’énorme Mercedes 600 Pullman, best-seller absolu du fabricant. Proposée en doré, en turquoise et en rubis métallisé, la « Chinese Eyes », longue de 12,5 cm, pesait son poids de petits luxes avec portes et coffre ouvrants et capot en deux parties. Phares diamants obligés. Plusieurs boîtages pour sa commercialisation et une présence assez longue au catalogue : la « Chinese Eyes » connaîtra deux avatars : le premier piloté en Italie par Mebetoys, clone parfait du modèle anglais, en zamac argenté ; le second, en plastique vieil or, usiné par Lucky Toys à Hong Kong, avec option remorque hors-bord. Une rareté…
SIMCA ARONDE TAXI PARISIEN. DINKY-TOYS. No.24 UT puis 537
Elle fut la première Simca qui ne fut pas une Ford et pas une Fiat. Voire, car son cousinage avec la Fiat 1400 était probant. Lancée en 1951, la Simca 9 Aronde, première auto monocoque de la marque, fut un succès commercial immédiat. Avec sa calandre dite « en podium » et ses rondeurs, l’Aronde est dans l’air du temps. Trois ans plus tard, augurant la politique stylistique initiée par Théodore Pigozzi, big boss de la maison, l’Aronde s’offre en 1954 un premier lifting avec une calandre en arc-de-cercle. Rebelote en 1956 avec l’Aronde 1300, ailerons arrière et calandre en moustache. Jusqu’à l’arrivée de la P60, ultime Aronde d’une dynastie ayant survolé la France à tire d’aile. Dinky-Toys fut évidemment le premier à réduire la première Aronde au 1/43è. Deux couleurs, vert olive ou gris, et une concurrence seulement opérée en plasturgie avec Minialuxe, Beuzen-Sordet et Norev dont ce fut le premier modèle conçu et diffusé en 1953. Simca ayant imposé un calendrier stylistique soutenu, les fabricants d’Aronde miniatures suivront avec entrain. Dinky modifiera ainsi la calandre de sa première Aronde pour le modèle « arc-de-cercle », sans toutefois modifier la nomenclature du modèle -24U. En revanche, la palette de coloris s’égaye avec deux robes bicolores pimpantes. C’est cette Aronde de 1954 que Bobigny déclinera en taxi parisien rouge et bleu et qui sera un best-seller disputé par la Simca Ariane Taxi G7. Deux taxis Simca au catalogue, mais quoi-mais-caisse ?. Tout simplement parce que le sieur Pigozzi avait noué de fructueux accords avec la compagnie de taxis G7 en lui fournissant une flotte de 2000 voitures. Fondée en 1905, indissociable historiquement du glorieux chapitre des Taxis de la Marne, la G7 fut longtemps aux mains de Renault. Sur le pavé parisien, les vieux Renault KZ et les Vivaquatre rouleront jusqu’en 1950. Après Pigozzi, ce sera André Rousselet, qui rachètera la G7 en 1962. Rayon jouets et 1/43, l’Aronde taxi de Dinky n’aura qu’une seule rivale : celle de Minialuxe, à l’époque déjà rarissime. Norev ne s’y risquera pas, préférant développer sa gamme d’Aronde avec l’Élysée à moustache de 1956.
MERCEDES-BENZ 190 SL. SOLIDO. No. 105
Lorsqu’en 1955, Mercedes-Benz leva le voile sur un nouveau roadster 2-places proposé en coupé comme en cabriolet, l’image de la RFA était encore oblitérée par le souvenir de la guerre. Conçue comme un dérivé « économique » de la fabuleuse 350 SL à portes papillon, la 190 SL fut de prime abord destinée au marché nord-américain. Son succès outre-Atlantique chatouillera l’Europe jusqu’en 1963, date de son remplacement par la 230 SL Pagoda. Produite à 26.000 exemplaires, dont dit-on, la moitié serait encore aujourd’hui en circulation, élégante, rapide, la 190 SL compte parmi les plus belles autos sportives de son époque. Avec une caution luxe appuyée, au regard des roadsters anglais, un brin plus spartiates. Rivale directe de la Jaguar XK 120/140, contrairement à ce que l’on pense, la 190 SL n’est pas dérivée de la berline 180 ponton lancée en 1954 et encore moins de la limousine 300 dite Adenauer. Il s’agit d’une auto « indépendante » dans la gamme du constructeur et dont l’image, à postériori, symbolisera celle du boom économique ouest-allemand.
Ce succès en fera un best-seller mondial du jouet de garçon. Réduite à toutes échelles possibles, la 190 SL passa du Japon aux USA via la RFA et la France. Toutes échelles donc, et toutes matières aussi, de la tôle sérigraphiée au plastique, du zamac au caoutchouc. Une autre Mercedes contemporaine connut le même engouement ludique en miniature : la W196 Grand Prix. Techniquement, au 1/43ème , chaque fabricant aura le choix entre le coupé et le cabriolet. Schuco (Micro Racer) et Dinky-Toys opteront pour le coupé. Plus grisant et glamour, le cabriolet fera les affaires de Märklin et de Solido. Dans leur sillage, une kyrielle de repros cheaps en plastoc soufflé (Crio, Cadum Pax…). Chez Solido, la 190 SL roule dans le peloton de tête de la nouvelle Série 100 avec l’Alfa-Romeo Giulietta Spider et la Ford Thunderbird cabrio. Mise au catalogue en 1958, elle en sortira en 1966 après une brillante carrière en robe gris métal ou rouge carmin métal. Au volant, une figurine féminine. Solido ayant noué plusieurs accords avec des firmes de jouets étrangères, on retrouvera la 190 SL chez l’Espagnol Dalia et chez le Danois Tekno. Le moule Solido partira aussi chez le Norvégien Tomte Lardaal pour une version à la gomme…