Ce fut le drame de l’été 22. La pénurie ciblée. Le trauma des barbecues. P’u de moutarde. Nulle part. Ou alors quelques pots d’une immonde sauce roumaine au miel effrontément présentée comme telle. Toutes les gazettes, saisies d’effroi, y sont allées de leur analyse. Si yavépu de moutarde, c’était qu’yavépu de graines. Na ! Des graines importées en masse du Canada -80% + 15% venues d’ailleurs. La France en cultive mais à dose homéopathiques. Les agriculteurs rechignent. Pas rentable.
De fait, la culture de la graine de moutarde a été abandonnée après-guerre, remplacée par des plantes éligibles aux subventions européennes, comme le colza, le blé ou le tournesol. Comme on guérissait moins les bobos à base de cataplasmes à la moutarde, le bon peuple ne s’en émut guère. D’autant que les fabricants de moutarde fine, forte, à l’ancienne, etc…, semblaient plongés dans l’abondance. Même le Gorafi s’y est mis, clamant en août 22 que le Colonel Moutarde avait été supprimé du Cluedo, remplacé par le Colonel sauce Samourai. On a l’humour trempé dans ce qu’on peut. D’autant qu’il n’y avait qu’en France qu’on manquait de moutarde. En Italie, y avait de la Maille à tous les étages. Tandis que la moutarde montait au nez des Français, obligés de tremper leurs chipolatas dans de la harissa du Cap Bon, je me suis moi-même personnellement livré à des actes de marché noir en passant des dizaines de pots en Corse depuis Gênes à bord de mon auto au gazogène couleur moutarde. Un tabac. Revendu chaque pot 12 euros ! « Le succès à 50 ans, c’est la moutarde qui arrive au dessert « déclara un jour un publicitaire vendu à Rolex. Ok, j’ai dépassé la date de péremption, mais ce petit côté Traversée de Paris à la nage fut grisant. Tiens, à propos, c’est Pierre Perret qui l’a dit : « La France sans Paris, c’est comme un gigot sans moutarde ». Pas obligé d’aimer le gigot. Ni Paris, d’ailleurs, surtout en ce moment.
Voilà pourquoi et comment My Little Voiture a vu jaune et mis Amora dans le mille. Vedette des moutardes fortes, Amora, la bonne moutarde de Dijon existe depuis 1931, faisant assaut de formules et slogans pour s’imposer sur toutes les tables du pays. Pas de bon repas sans Amora !. Fine et veloutée, toujours forte ! Le condiment au goût indéfinissable et délicieux ! Par amour du goût, la moutarde Amora appartient aujourd’hui à Maille au sein du groupe Unilever. Pendant des années, la marque fut versée au répertoire des Spécialités Alimentaires Bourguignonnes (SAB) où l’on trouvait aussi et entre autres le pain d’épices Philbée. La SAB rajouta à son panier la marque de pâtisserie industrielle Vandame et les entremets Francorusse. L’ensemble, devenu Générale Alimentaire, sera vendu en 1973 au magnat Jimmy Goldsmith. BSN, Danone, entrée de Maille dans la danse: la suite est connue.
En 1955, Amora vendait 35 millions de gobelets et flacons. Ces gobelets en verre à couvercle miroir faisaient partie de l’arsenal promotionnel de la marque. Une tradition longtemps portée par les héros de bédé et de dessins animés : Bugs Bunny, Astérix, Scoubidou, les Fous du Volant, Super Mario, Maya l’abeille, voire les Fables de La Fontaine. Il n’y avait pas que ça pour vendre : Amora distribuait à tout va des porte-clés avec des dés dans le pot, des buvards, des protège-cahiers, des figurines en plâtre. Il y eut même des planches à découper pour collage d’un fourgon Renault 1000kgs aux couleurs d’Amora ! À l’inverse de Huilor, des savons Cadum, de Bonux ou des biscottes Prior, Amora boudera le filon des petites voitures en plastique soufflé, les tacots à monter ou les cadeaux Minialuxe, Clé ou BS frappées du logo rouge. Pour cela, il y avait Norev et, histoire de mettre du piquant chez les moutards, ce n’était pas gratuit.
De gauche à droite
Renault R4L Fourgonnette « Amora ». Norev. No 65
C’est dans l’euphorie du lancement de la 4L que la Régie procèdera au développement immédiat d’une version fourgonnette, présentée en 1961. Il y avait urgence : l’unique petit utilitaire proposé par le Losange était la Dauphinoise, fourgonnette antédiluvienne héritée de la Juvaquatre d’avant-guerre et rebaptisée après l’installation sous son capot du moteur de la Dauphine. Avec sa charge utile et ses 300 kilos annoncés, la 4L Fourgonnette coiffait au poteau sa rivale déclarée : la Citroën 2CV AZ/AZU. Tôlée ou vitrée, la Quatrelle utilitaire sera illico captée par les artisans et les services publics dont les PTT. Rallongée au fil des ans, increvable, corvéable à merci, elle connaîtra une longue carrière, parfois recyclée, découpée ou rouillant dans les champs. Rayon 1/43ème, si la 4L berline faisait les affaires de Dinky, la firme de Bobigny esquivera la version fourgonnette, laissait le champ libre à Norev. Curieusement, la fourgonnette du fabricant lyonnais fut plus réussie que sa berline, pataude et ratée de la proue. De surcroit, l’utilitaire en Rhodialite était doté de nombreux ouvrants : portières et porte arrière. En revanche, le fameux girafon resta moulé dans la masse. Girafon ? oui, ce volet supérieur qui permettait le transport de machins longs à la verticale et ainsi surnommé après que le célèbre illustrateur Savignac eut signé l’affiche de la 4L fourgonnette embarquant une girafe. On chipote, car la 4L Fourgonnette de Norev est une petite merveille. La première série disposait de portes ouvrantes avec cadre et vitrage. Pour les suivantes, exit le vitrage. Puis le cadre. Économies de bout de chandelles, comme à Billancourt…Autrement, ses flancs tôlés furent des supports à une flopée de réclames en papier collé pour les aspirateurs Hoover, les cuisinières Thermor, les télés à louer Locatel, mais aussi pour Cibié, Calor, Petrole Hahn, les PTT et bien évidemment Amora, encore plus évidemment en livrée jaune. Mais attention, pas le même jaune utilisé pour la Citroen 2CV AZU « Kodak » ! Il y aura aussi une 4L Fourgonnette chez Norev Micro, au 1/86, au chiffre de Norev. Amora roulera aussi au 1/43ème avec le Citroën Tube H du même jaune moutarde. Quelques années plus tard, alors que Norev épuisait son moule de la 4L Fourgonnette en d’improbables versions plastique à roues boutons, Amora amorçait un retour bizarre avec une Peugeot 305 en métal Jet-Car (no.379), de couleur rouge ketchup, bardée d’auto-collants. Dans la même série promotionnelle, il y avait également une Peugeot 604 Belin Pepito jaune, une Renault 18 Pierrot Gourmand verte, une Citroën BX Vache qui Rit bleue…Plus récemment, Corgi Toys remettra une couche d’Amora avec un Berliet GLR8 de la Collection Heritage…
Peugeot 403 cabriolet. Tomte Laerdal (Norvège)
Stavanger, en Norvège. Petit éditeur de cartes de vœux et de livres pour enfants établi en 1940, Asmund Sigurd Laerdal diversifia trois ans plus tard son activité avec la fabrication de jouets en bois, diffusés sous la marque Smavare. Suivront des poupées, des meubles de poupée puis, en 1951, des petites voitures. Ces miniatures, il les a imaginées en caoutchouc, exemptes de danger pour les plus jeunes des enfants. Lesquels pouvaient les mordre sans se blesser. Les petites voitures en caoutchouc n’étaient pas une nouveauté révolutionnaire. Plusieurs firmes américaines comme Sun Rubber ou Rubber Company Auburn en produisaient depuis les années 1920/30. Il y avait aussi Galanite en Suède. Et plus tard Vinyl Line en RFA avec, entre autres, des ex-moules Mebetoys…Malin, Laerdal s’épargnera la dépense de moules inédits en récupérant les moules de modèles obsolètes des fabricants du calibre de Dinky GB, Dinky France, Tekno et Märklin. Suivront Corgi Toys et Solido. C’est justement le cabriolet 403 Peugeot de Solido que Tomte Laerdal commercialisera au mitan des sixties en même temps que la Mercedes-Benz 190 SL et la Renault Floride, également « fournies » par Solido. Aux autos, Tomte Laerdal ajoutera des petits camions, des tracteurs, tous plongés dans une palette de couleurs vives et primaires, un brin Rietveld : machouillables et roulantes, il s’agissait avant tout de jouets d’éveil. Véritable passion nourrie par les collectionneurs scandinaves depuis l’arrêt de leur production survenue en 1978, les Tomte Laerdal ont été vendues à plus de 100 millions d’unités dans plus de 110 pays.
Opel Kapitän. Jean Höfler (RFA)
Fabricant de jouets fondé en 1923 à Fürth, petite cité bavaroise peu éloignée de Nuremberg, capitale du jouet allemand, la manufactureJean Höfler assurait outre une large production de jouets en tôle et en étain, celle d’articles usuels domestiques ou ludiques. À sa tête, trois frères, bientôt émancipés : le premier se spécialisera dans l’outillage ; le second choisira le jouet en métal qui sera bien plus tard fabriqué et vendu sous la marque BIG (1962). Resté seul maître à bord de Jean Höfler, le troisième frère poursuivra son industrie qu’il convertira au plastique en 1956. Industrie qu’il mettra volontiers au service de la publicité et de la promotion. Au fil du temps, les trois frères et leurs héritiers ne cesseront de s’associer, de se séparer, de fusionner, de re-fusionner. À l’aune d’une offre pléthorique de jouets souvent mécaniques en plastique de qualité, frappée d’un logo reconnaissable -un buffle à cornes rouges pour BIG, les catalogues et gammes abondent. Autre logo distinct : celui du tambour pour les produits Jean Höfler, en rien concurrents, voire complémentaires, puisque visant le marché du bazar et des magasins économiques. En gros et en vrac, des figurines en plastoc injecté (chevaliers, cow-boys, indiens…), du mobilier de poupée, des bateaux, des garages et des voitures, toujours moulées par injection. Les premiers modèles étaient en plastique souple ou dur, avec une BMW 501, une Cadillac Eldorado, une Fiat 1800, une Ford Fairlane, deux Jaguar (2.4l. et Type E), deux Mercedes (220 SE et 300 Adenauer) et même une Citroën DS19 ! Sommaires et parfois ardues à identifier comme cette Opel Kapitän, les modèles Jean gagneront en fidélité à la fin des années 1960 tout en conservant une fabrication simple et l’usage d’un plastique encore plus dur. Ainsi de l’Opel GT1900, de la NSU Ro80, de la VW Porsche 914, de la Citroën SM ou de la Mercedes C111. Il y aura aussi une gamme au 1/55 avec une rarissime DS 21 et une Ford Taunus 26 M.