
« Ne dessinez jamais quelque chose de laid, quelqu’un pourrait l’acheter ! ». Lancée par le grand designer industriel Raymond Loewy, cette assertion fut allègrement démentie depuis que le design automobile fait foi chez les constructeurs du monde entier. Créateur des Hupmobile puis des Studebaker, Loewy n’a jamais cessé de clamer que la laideur se vendait mal.
Dans les années 1960, l’agence parisienne MAFIA fera son mantra du « beau au prix du laid » pour l’enseigne Prisunic. Preuve que le laid était jusque-là cheap, pas cher. Voire bon marché qui était fait pour les riches puisqu’il ne durait pas. Le débit de l’eau, le débit du lait/d ou comment le design auto s’est débilité tout seul comme un grand, sacrifié sur l’autel de la rentabilité et du cost-killing. Y ajouter le mauvais goût des constructeurs et des ingénieurs prompts à bazarder les belles idées stylistiques pour fourguer sous le capot un moteur au rabais.
À ce jeu, les Anglais furent des champions. Dans les années 1940 à 1960 et aussi après, leurs voitures furent parmi les plus moches produites en Europe. Ce qui pose question : comment un pays capable de beauté absolue avec ses Jaguar pouvait s’enorgueillir de procréer des laiderons du gabarit des Daimler Straight 8 (1949) et SP250, de la Triumph Mayflower, véritable part de gâteau taillée à la hache, de l’Allard P2 Safari de 1951, de la Jowett Javelin, de la Standard Vanguard de 1949, de la Ford Anglia, de la Sunbeam Rapier de 1968, on en passe et des pires ?
Penser les Américains exemptés d’une telle tare est se mettre l’aileron dans l’œil. L’exemple le plus frappant reste historique avec la fameuse Chrysler Airflow dessinée par Norman Bel Geddes. Censée marquer avec fracas l’entrée de l’automobile dans l’ère du Streamline, lancée en fanfare en 1934, l’Airflow qui fut un flop commercial retentissant, ressemblait à un bébé cachalot pleurnichard. Ce qui n’empêcha pas la concurrence d’en copier le concept sur le champ. En mieux. Autre mocherie patentée made-in-USA : la Graham Super Custom de 1938. Son dessin avec proue en nez de requin était dû à Amos Northup, brillant designer venu de chez Willys-Overland. Las, Northup décéda brutalement en 1937, obligeant les ingénieurs de Graham (ex-Graham-Paige) de finir le boulot. Et mal. Ceci explique cela. Voiture de luxe par essence, la Super Custom rafla curieusement tous les trophées aux concours d’élégance de Paris et Deauville mais le bide provoqué par son look précipita Graham vers le précipice. Dans les années 1950, les Hudson et les Nash firent sale figure avec leur lourdeur de baignoires roulantes. En 1959, la Ford Thunderbird de la troisième génération, torturée et baroque avec son regard de gros serpent furibard, fit bondir les puristes. Son designer, Elwood Angel, sera envoyé chez Ford Angleterre pour enlaidir les best-sellers de la perfide Albion.
Méconnues mais dûment illustrées par Timothy Jacobs, auteur du livre The World’s Worst Cars, publié en Angleterre en 1991, et qui épingle méchamment la Ford Pinto, les Mohs américaines de 1967 laissent pantois. Jacobs ignora en revanche la Dale, OVNI à trois roues, produite en 1974 par une certaine Liz Carmichael, en réalité un homme travesti en femme, de son vrai nom Jerry Dean Michael, condamné pour contrefaçon et escroquerie. La Dale qui était hideuse en était une, d’escroquerie, masquée par une firme fumeuse : la Twentieth Century Motor Car Corporation. Dessiné par Dale Clifft, plus habitué à customiser motos et bateaux, ici royalement payé 3000 $ avec un chèque en bois, le bidule à trois roues fut présenté au Los Angeles Auto Show en 1975. Auto-proclamée « The First Space Age Automobile », la Dale était également proposée en berline, The Revelle, et en break, la Vanagen. Toutes aussi moches. Et jamais fabriquées. Que Dale, donc. Jerry Dean Michael ayant pris la tangente, il fut rattrapé par la patrouille à Miami en 1977 où il bossait comme fleuriste sous un autre faux nom et toujours travesti en femme.
Retranchés derrière leurs Mercedes, les Allemands s’y entendirent aussi en matière de laideur automobile. La Porsche 356 dessinée par Erwin Komenda ? un crapaud. La Borgward Hansa 2400 de 1953 ? un veau déguisé en taureau. La grosse BMW 502 de 1955 ? une boursouflure sans grâce. Le coupé DKW 1000 de 1958 ? une T-Bird du pauvre. L’Opel Rekord P2 ? un ratage stylistique à grande bouche et petits yeux cruels et autour une carrosserie disproportionnée et prétentieuse.
Les DKW Junior et F12 de 1960 et 1963 ? des midinettes ingrates enlaidies par une proue d’idiote ahurie. Voilà peu, le site de Garage Italia, la structure de customisation milanaise voulue par Lapo Elkann a publié le palmarès de dix voitures allemandes les plus laides jamais vues. L’Audi A2 en tête. Le reste enfonce les portes ouvertes des Opel et de plusieurs BMW. Le constructeur munichois fait d’ailleurs l’unanimité en la matière. Et les choses ne s’arrangent pas en cette année 2025. Jeter un œil aux nouvelles Mini Aceman et Countryman et sortir le bazooka.
Sur la toile, les hit-parades des ugly-cars qui est un genre en soi, se télescopent avec entrain. Qui brandit la Ford Scorpio comme voiture insoutenable, qui prétend la Nissan Cube irregardable. Mais tous s’accordent à mettre le haro sur la Fiat Multipla. Resucée newstalgique de la Fiat 600 Multipla des années 50/60, dessinée non sans ironie par Roberto Giolito, la Multipla fut lancée en 1998 et illico taxée de tous les sobriquets. C’est vrai qu’elle ressemblait au mieux à un dauphin, au pire à un ornithorynque sur lequel on aurait greffé un aquarium de chez Alessi, mais l’auto, un monospace à 6 places, se vendra à plus de 300.000 exemplaires. Le site Motor Trend, plus pondéré hisse haut sur son podium de la laideur, la T-Bird sus-citée d’Elwood Angel, la Citroën Ami 6, la Subaru 360 qui ressemble à un œuf dur maquillé en Calimero pour Halloween, la Triumph TR7, l’Alfa-Romeo SZ de 1989 et, à juste titre, l’AMC Matador de 1974. Coupé fastback au profil mollasson, la Matador était hideuse. Les journalistes du magazine Car & Driver qui lui décernèrent le titre de Best Style Car of 74 avaient tous fumé la moquette ce jour-là. Issu de la seconde génération des berlines et breaks Matador, le coupé avait été dessiné avec les pieds par Dick Teague à qui on devait les AMC Pacer et Gremlin, deux autres voitures dont la laideur était sublimée par un concept alors inédit. On devra aussi à Teague la Jeep Cherokee XJ, autrement plus réussie. Comble du kitsch, la Matador Coupé, qui avait fait de la figuration dans le James Bond L’homme au pistolet d’or, sera proposée en robe du soir griffée par le couturier américain Oleg Cassini. Ancien mari de la star Gene Tierney, ami de Grace Kelly et de Jacqueline Bouvier Kennedy + Onassis, Cassini prenait la relève chez AMC de Gucci et de Pierre Cardin, sollicités pour habiller quelques personal cars. Ce make-up ne changea rien: ugly was the Matador, ugly she will stay…
Sur Instagram, le compte ugliest-cars-ever-made recense lui aussi la Fiat Multipla, l’AMC Pacer, la BMW XM, la Chrysler PT Cruiser, la Pontiac Aztek et la Ssangyong Rodius, ces deux voitures ayant pulvérisé la notion d’ignominie esthétique. Tellement laides qu’il s’est donc trouvé quelqu’un et plus encore pour les acheter. No panic : aucune bousculade signalée chez les concessionnaires. En 2005, cinq ans après son lancement, la Pontiac Aztek trouva 347 malheureux preneurs. Mal partie dès 2000, l’Aztec qui avait été dessinée par Tom Peters accumulait les erreurs en tentant de ratisser large : crossover, SUV, camping-car, break, pick-up. Un vrai couteau suisse tarifé au prix exorbitant de 33.000 $ nonobstant des finitions minables, une puissance assortie, une consommation de buveur de téquila -elle était fabriquée au Mexique, d’où son nom, et un gros ressenti de toc ambulant à la clé. Avec son allure semblant superposer deux voitures mal soudées, l’Aztec n’a même pas pu se réclamer de la beauté des laides. Aux USA, en Angleterre et en Allemagne, la presse s’est acharnée sur la bestiole, classée parmi les cent choses les plus laides produites dans le monde. Chez les têtes d’œufs de la General Motors, on tenta de sauver les meubles en collant à l’auto un caractère de baroudeur. Idée géniale, coco : sponsoriser la première saison de Koh Lanta tournée en 2000 lors du lancement de la tuture honnie, et diffusée l’année suivante. Entre autres gains, à chacun des deux vainqueurs fut offerte une Aztek et tout ce barnum, devant les caméras et des millions de téléspectateurs. Bof et re-bof : l’un des deux finalistes s’empressa de refourguer son Aztek sur e-Bay une semaine plus tard, son annonce, révélée par les médias, déclenchant une vague de moqueries jamais tarie. Chez Pontiac où l’on s’ingéniait à dessiner des voitures laides depuis dix ans -ce fut la curée. En 2010, la marque était liquidée, bye-bye Trans-Am, Grand-Am et No More âme…
Quant à la Ssangyong Rodius, elle reste un cas d’école, un mystère du style. Savoir déjà que si le constructeur est sud-coréen, son designer est anglais. On va même jeter son nom en pâture. Avec du goudron et des plumes. Ken Greenley. Voilà un type bourré de talent, doué, capable de dessiner des merveilles comme la Bentley Continental R ou quelques Aston-Martin, et finissant par esquisser des horreurs comme la Rodius, mais aussi la Musso et la Korando II, autres modèles Ssangyong qui s’appelle aujourd’hui KGM après avoir fait faillite 35 fois, avoir été racheté-revendu 122 fois et qui « fait » des bagnoles depuis 1988. Il existe en ligne des internautes qui le défendent en répétant comme des perroquets que le Rodius, c’est un yacht roulant. Honte à eux. Monospace de 7 à 11 places, le Rodius est un enfant bâtard né en 2005, mort en 2013 et qui a fait des petits. Après leurs débuts encourageants avec la Hyundai Pony de 1975 dessinée par Giugiaro , les choses se sont gâtées et les coréennes affreuses sont devenues légion. Hyundai Coupé et Palisade, Daewoo Leganza pour commencer, suivies des Hyundai Kona I et II, simplement monstrueuses, de la récente Kia Ioniq 6, pure copie ratée de la Mercedes-Benz CLS de 2004, déjà très ratée ou du nouveau Santa Fe V, semblable à un coffre-fort en Lego. Souvent partenaires des constructeurs coréens, leurs homologues japonais peuvent aussi se revendiquer d’une laideur automobile remarquable. Plus de la moitié de la production nippone ne sortant pas de l’archipel, l’Occident échappe au pire. Entre pastiches et copies, les constructeurs nippons ne font pas dans la dentelle en matière de design. Les pires ? ces improbables Mitsuoka Nouera, Galue ou Orochi qui ressemblent à tout et à rien mais autour desquelles s’est développé un culte inexplicable. Les Datsun Cherry des années 1970 et début 1980 étaient ignobles. La Honda Insight avec son profil caréné semblait se traîner sur le bitume comme une otarie asthmatique. La Toyota Yaris Verso, qui se vendit bien, était affreuse. Plus récentes, la très tarte Toyota Mira plaît aux taxis parisiens, et la Yaris Cross donne envie de vomir. Pléthorique, la production japonaise actuelle embarque sa couvée de vilains petits canards, réservés à des marchés précis qui semblent s’en satisfaire. Sinon, que dire des coupés Nissan Nismo, Honda Integra et Civic Type R, Mitsubishi GTO ? Ignobles.
Et en France, rien, que dalle, nada ? Hormis l’Ami 6, mais ce sont les étrangers qui la pointent du doigt, notre industrie automobile ne produirait que des beautés gracieuses et élégantes ? Ce serait vite oublier les Citroën Dyane, Visa, LN et Axel, les Talbot Samba et Tagora, la Renault 6, les Peugeot 305 et 309, le coupé Renault Fuego surnommé « la tuture aux kékés », la Renault Rodeo 4 taillée à la serpe et mal barrée pour rivaliser avec la Méhari…Dans les années d’après-guerre, la Panhard Dyna X méritait amplement son surnom de Louis XV tant elle était tarabiscotée. La Claveau Descartes était laide à faire peur et ressemblait de profil à une grosse savate en cuir. Le coupé Ford Vedette 1949 affichait la lourdeur d’un fer-à-repasser. La petite Rovin semblait sortie d’un manège forain. Et la Mochet portait bien son nom. Plus près de nous, l’innovation s’appliqua à ignorer un design qui aurait pu sauver la mise. Ainsi de la Renault Vel Satis qui rata sa cible avec superbe. Cactus d’honneur aussi aux Citroën C3, C4 et C5, à toutes ces Renault Koleos, Kaptur ou Talisman, héritées des RKM coréennes (Renault Korea Motors, ex-Samsung), voire les Modus et les Wind et encore les Peugeot Ion et 3008. Le fait est que les voitures sont devenues banales, interchangeables, comme des canapés Maison du Monde ou Ikea, carrément enlaidies par des gimmicks stylistiques abusifs comme ces calandres en grille d’égout XXL, ces feux arrière compliqués, tous les mêmes d’une marque à l’autre. Mention désolée ici à la petite Ami de Citroën, véritable poubelle sur roues. Quand on voit ce que Fiat en a fait avec sa nouvelle Topolino, on peut vraiment affirmer que les Français sont en dessous de tout. Pas étonnant qu’ils s’extasient devant la Tesla Cybertruck, parangon de la laideur automobile contemporaine défendu au nom de la science et de l’avant-garde. Même lu qu’on comparait Elon Musk à Preston Tucker. Là, on sort la tronçonneuse de chez Lidl et on tire sur l’ambulance…
De gauche à droite
TRIUMPH TR7 DINKY TOYS GB. 1976. No. 211.
Au début des années 1950, la marque automobile anglaise Triumph roule dans le giron du groupe Standard Motor. Oubliés les vélos des débuts -1885 ; en revanche, les motos Triumph se vendent à gogo. Jalousant le succès de Jaguar aux USA, la direction qui usine des autos depuis 1925, se lance dans la conception d’un roadster rustique et sportif commercialisé en 1953 sous le nom de TR2. TR pour Triumph Roadster. Succès fou avec 70% de la production exportés en Amérique du Nord. En Europe, la petite Triumph cartonne aussi et taille des croupières à ses rivales directes – Austin-Healey 100, MG Midget, et indirectes -Sunbeam Alpine, Austin Atlantic, Jaguar XK 120, toutes auréolées d’une ambition américaine affirmée. Avec sa calandre en trou de bombe, ses portières échancrées, sa poupe fuyante et ses phares globuleux à la frog-eye, trait stylistique que lui chipera plus tard l’Austin-Healey Sprite Mk I, la TR2 doit son allure au designer Walter Belgrove, en place chez Triumph depuis 1935. Design reproduit en 1955 sur la TR3 nonobstant quelques modifications visibles à l’œil nu. À la fin des années 1950, la concurrence allemande et italienne se faisant plus rude, Triumph se tourna vers le designer italien Giovanni Michelotti qui dessinera le petit coupé Herald, puis la Spitfire, puis les berlines 2000 et 1300 et encore le coupé-targa Stag, la sportive Dolomite et, en totale rupture de style, la nouvelle TR4. Plus cabriolet que roadster, la TR4 fut lancée en 1961, alors que Triumph venait de passer sous pavillon Leyland. Elle sera remplacée en 1965 par la TR5, quasi identique. Capote+hard-top : le profil de la voiture relevait de l’exercice de style à l’italienne et ce fut un succès d’image et commercial. En 1968, Leyland devenait British Leyland et les choses se gâtèrent. Fusionnées, absorbées, cannibalisées, les marques du groupe furent jetées dans un mixer, assaisonnés de choix industriels désastreux et d’un design sacrifié au profit du cheap et de l’ugly propres aux seventies. Lancée en 1969, la nouvelle TR6 marqua une première rupture dans la lignée des TR modernes : Michelotti occupé ailleurs ayant refusé de moderniser son dessin, c’est le carrossier allemand Karmann qui s’en chargea. Résultat, une TR6 toujours séduisante, plus anguleuse et qui se vendra à près de 95.000 exemplaires dont 85.000 à l’export. Au mitan des années 1970, British Leyland estima nécessaire sinon urgent de remplacer la TR6, déjà vieillissante, par une nouvelle TR dont le projet fut confié à Harris Mann. Venu de chez Ford où il avait métabolisé le dessin de la Capri, Mann, arrivé chez British Leyland en 1968, sera nommé deux ans plus tard à la tête du studio de design. On lui doit la Morris Marina, l’Austin Allegro et la Leyland Princess, trois autos au style controversé, mais c’est son concept de la nouvelle TR7 qui va déchaîner les passions. Honnie par les puristes, conspuée par les clients déçus que Michelotti soit écarté du jeu, rejetée par la presse, la TR7 sera à la fois la TR la plus laide de sa lignée et aussi la plus vendue -plus de 141.000 unités. La laideur se vend mal aimait à dire Raymond Loewy. Raté. Maintenant, taxer de ugly la TR7 relève de la posture vengeresse. Certes, avec sa proue plongeante, ses phares escamotables (qualifiés de couvercles de WC pour nains de jardin), son cockpit tout-plastique, ses bumpers disgracieux imposés par les normes US et son pavillon brutaliste, la TR7 dérouta son monde. D’autant que le dessin originel de Mann était une merveille, digne de Bertone ou de Pininfarina. C’était sans compter avec les errements de la direction de British Leyland, sans les grèves qui paralysaient alors les usines, sans l’obstination de fourrer un moteur trop gros sous le capot et de faire de la TR7 un coupé et non un roadster. Lancée aux USA avant l’Europe, la TR7 cartonna subito en dépit des critiques et les pannes qui tombaient comme à Gravelotte. Comme quoi….Marché californien oblige, la clientèle réclamera un cabriolet. Le toit découvrable du coupé, comme celui d’une banale R5, ne suffisait pas. Piteusement, Triumph se tournera vers Michelotti pour étêter la bestiole en 1979. Un lot de consolation soldé par le fait que le cabriolet se vendra encore plus en coiffant au poteau la VW Porsche 914. Engagée dans les rallyes, la TR7 s’offrit quelques titres et trophées. Sur le terrain, la presse auto qui fustigeait la TR7 tressera des lauriers à la Fiat X 1/9 de Bertone alors que les deux spécimens se ressemblaient curieusement. Sur le papier, les pro-Mann estimeront la TR7 comparable à la Dastun 240Z et, gribouillis aidant, la profileront comme anticipant la Mazda RX7 Savannah. Pas faux. Le mauvais procès fait à la TR7 et sa présence obstinée dans les classements des dix voitures les plus moches du monde relèvent de la mauvaise foi. Celui du passage le plus fréquent au garage serait mieux adapté.
Cette mauvaise foi trouva son écho sur le champ de la miniature. En effet, seul Dinky GB reproduisit la TR7 en 1976. Après avoir mis à son catalogue la 1800, la Dolomite, la TR2, la Herald et la Vitesse, la Spitfire et les berlines 2000 et 1300, non sans avoir boudé les TR3, TR4, TR5 et TR6, Dinky se rattrapait aux branches avec une little voiture dotée de
portes ouvrantes, de bumpers en plastique gris clair ou noir à effet « ressorts » et de roues rapides Zip. De fait, le modèle appartient aux ultimes séries de production au 1/43ème sans toutefois verser dans la médiocrité qui suivra. Rouge, jaune ou vert métal : la palette des couleurs ne déborde guère. Le blanc sera consacré à la version Rallye (no.207) tandis que le jaune sera recyclé pour la version Purdey’s ( no. 112) avec décors argentés et bumpers noirs, dérivée de la série The New Avengers (Chapeau melon et bottes de cuir) diffusée à partir de 1976 -un an plus tard en France sur TF1. Au volant, Joanna Lumley qui remplaçait Diana Rigg et qui troquera sa TR7 jaune au bout de trois épisodes pour un roadster MG MGB Mk III également jaune. Snobée par Corgi pour les échelles supérieures, la TR7 fut reproduite au 1/66 par Corgi Juniors, habillée de différentes robes. Et basta ! Sweet revenge : en cette année 2025, Corgi corrige le tir et sort chez Vanguards un coupé TR7 à toit ouvrant de 1981….
MARCOS MANTIS. CORGI TOYS. 1971. No. 312
Elle figure en très bonne place au palmarès du site Motor Trend recensant les voitures les plus laides du monde depuis 1945, et ajoute à sa disgrâce un déficit d’image de marque flagrant. En effet, initiés et collectionneurs de Corgi Toys mis à part, qui connaît Marcos ? Pas grand monde. À tel point que ladite Marcos Mantis fut vendue à 32 pauvres exemplaires, ce flop précipitant la première des faillites à répétition du constructeur, survenue en 1971. Fondée en 1959 par Jem Marsh et Frank Costin, la Marcos fut une marque anglaise confidentielle spécialisée dans les petits bolides vendus en kits, puis tout assemblés. Dès ses débuts, Marcos s’est distingué par son « ugly » design, trait commun à de nombreux constructeurs anglais de l’époque, ce qui ne l’empêcha en rien de briller en rallye GT, avec une escouade de pilotes au volant, dont l’illustre Jackie Stewart. En 1965, Marcos adaptait sur une base de Mini, un micro-bolide qui sera produit à 1300 exemplaires. Dessinée par Malcolm Newell, la Mini-Marcos entrera illico au répertoire des Ugliest Cars in the World. Ce qui était exagéré car la bombinette en question n’avait rien d’une mocheté. Ou presque. La Marcos qui suivit en 1969 sera dotée de plusieurs moteurs (1300 à 1800, 2l, 3l…) dont un Ford, un Triumph et un Volvo. Succès d’estime mais suffisant pour la marque de se rêver un avenir américain. C’est dans ce but que fut conçue la Marcos Mantis M70, un coupé 2+2 d’une laideur consommée. Ligne molle, profil raté : la voiture ressemblait à une Ferrari 385 GTC Pininfarina démoulée trop chaude. Couvant un moteur de Triumph TR6 2,5l. 6 cyl., ce coupé fut un météore dont personne viendra regretter la trajectoire avortée. Comme évoqué, Marcos enchaîna ensuite les faillites, les rachats, les relances, jusqu’au jet définitif de l’éponge, en 2007…
Sus-cité plus haut, le souvenir des Marcos est entretenu rayon tutures moches par Corgi-Toys qui fut l’unique reproducteur de ces curieuses autos, trois au total, ce qui, pour un constructeur aussi singulier et confidentiel, relève de la prouesse. À croire qu’un beau-frère ou un cousin germain émargeait chez l’un ou l’autre. Le premier modèle fut, en 1966, la Marcos 1800 GT avec moteur Volvo (ref. 324) mutée en version 3l. (ref. 377) en 1969 avec roues rapides Whizzwheels et livrée dans une large palette de couleurs. La seconde, apparue en 1968, fut la Mini Marcos 850 GT (ref.341) avec ses roues amovibles Golden Jacks, ensuite modifiée avec roues rapides Whizzwheels (ref. 305) et restée au catalogue jusqu’en 1973. L’ultime Marcos reproduite par Corgi fut donc, en 1971, le coupé Mantis, fidèlement réalisé dans toute sa lourdeur, équipé des nouvelles roues rapides vues aussi sur la Citroën SM, le coupé Mercedes 350SL, la Ford GT70 ou encore la Datsun 240Z. Il s’agit là d’une des ultimes séries des Corgi au 1/43ème avant le passage au 1/36è, apparu en 1974 avec la Ferrari Daytona Le Mans. Fin d’une époque : l’année précédente, Corgi stoppait après seulement deux ans de commercialisation la production de la Morris Marina, de la Ford GT70 et de la Rover 2000 TC, profitant de ce coup de balai pour évacuer ses trois Marcos, direction magasin des souvenirs…
DAIMLER SP 250. SPOT-ON. 1960. No. 215
Avec sa gueule de mérou, le cabriolet Daimler SP250 fut une atrocité stylistique que ses performances rendirent aimables, sinon, séduisantes. Une prouesse. Autrefois fournisseur officiel du roi Edward VII, la firme anglaise Daimler, fondée en 1896, s’était enlisée après la Seconde Guerre dans une production de limousines ruineuses mais toujours statutaires, parfois pimentée de roadsters paisibles comme le cabriolet Conquest, dérivé en 1953 de la limousine éponyme. Strict 2 places, ce roadster au profil un brin baroque passa au régime 3 places avec l’adjonction quasi incongrue, d’un troisième siège latéral arrière. À l’instar des autres fabricants anglais qui exportaient à gogo leurs Jaguar, MG, Triumph et autre Austin-Healey aux USA, Daimler envisagera comme une bouée de sauvetage son projet de développer à son tour une voiture de sport décapotable visant ce seul marché. La firme avait sous le coude un moteur idéal pour cet eldorado, un V8 2,5l. de 140ch tout à fait choupinet pour couper les jarrets de ses rivales. Si ce moteur faisait des miracles -9,7 sec. pour atteindre les 100km/h, ce qu’il y avait autour était moins heureux. Plus torturé que baroque, le design du cabriolet faisait peur à voir. Certes, la carrosserie était en résine de polyester stratifié. C’était très moderne et moins lourd : la tuture pesait 948 kilos. Sa présentation officielle au Motor Show de New York en avril 1959 lui vaudra d’être sacrée « la voiture la plus laide du salon ». De surcroit, Daimler a baptisé la vilaine Dart, nom qui appartenait à Dodge (groupe Chrysler). Avocats, papier bleu : le laideron devra changer de nom. Ce sera SP250. Face aux Anglaises et surtout aux Italiennes dont le glamour donnait le ton, la Daimler SP250 restait un vilain petit canard. La clientèle ciblée se moquait bien de ses performances, réelles et saluées -200km/h, so what ? : pas question de s’afficher dans une bagnole qui ressemble à Jojo-le-Mérou. Un flop final pour Daimler, racheté par Jaguar en mai 1960 et qui enverra la SP 250 aux oubliettes en 1964, non sans avoir procédé à quelques modifications et améliorations. Quant aux ventes, elles n’auront jamais dépassé les 3000 exemplaires. Avec le temps, la Daimler SP250 est devenue une jolie laide. Mieux : un cas d’école esthétique. Pourtant, aussi laides qu’elle à l’époque, il y avait la Sunbeam Alpine, la Ford Anglia, la DB Deutsch et Bonnet Le Mans, la Sabra-Reliant et, ironie de sort, la Dodge Dart 1962….
Sur le champ de la miniature, Daimler eut dans les années 1950 toutes les faveurs des fabricants anglais avec sa fameuse ambulance (Dinky Toys, Modern Product/Morestone et Budgie Toys). Les limousines Conquest furent réduites au 1/43è par les firmes Jordan & Lewden et DCMT dont le moule partira en Israël chez Gamda. Le cabriolet Conquest 6cyl. fit un petit tour chez Lone Star (et plus récemment, à titre de fausse réédition, chez Odgi Toys). Il y eut aussi la 2, 5 l., jumelle de la Jaguar Mk II chez Dinky GB. Quant à la SP 250, c’est chez Spot-On, et au 1/42è, qu’elle connut une sorte de baroud exclusif avec une palette de couleurs chatoyantes. On croisa aussi une version jouet-de-plage en plastique soufflé chez le Français Crio et une version en plastique au 1/30è avec moteur friction chez Lucky Toys, label Made-in-Hong-Kong garanti…
FORD ANGLIA. NOREV. 1963. No. 67.
Autrement moins sportive que la Daimler SP250, l’autre anglaise à gueule de mérou fut la Ford Anglia, lancée en 1959 et dotée d’un physique d’actrice de théâtre dite de caractère croisée avec un batracien soupe-au-lait. Bouche dédaigneuse, œil torve, paupières tombantes : son physique évoquait en effet celui d’un crapaud de dessin animé. Pas étonnant qu’elle ait fini chez Harry Potter. Cette Anglia-là, dite 105-A, représentait la troisième génération des Anglia, dynastie ébauchée en 1938, et tenue pour être la plus petite des Ford anglaises. Populaire par essence, l’Anglia traversa le temps au gré de deux carrosseries distinctes (1938-1952 et 1953-1958), la première déjà laide, la seconde un brin plus sage. La 3ème Anglia fut la plus mochetasse des trois. Elle connut néanmoins un grand succès commercial et même sportif. Coach 2 portes, elle fut déclinée en petit break, 2 portes aussi. Il y eut une version belge pimpante dite Sportsman avec roue de secours en Continental Kit à la T-Bird et une version italienne, l’Anglia Torino, dessinée en 1964 par Giovanni Michelotti pour Ghia. Rayon utilitaire, l’Anglia fut rebaptisée Thames. En sus de son faciès bouffe-plancton, l’Anglia affichait un profil en Z avec sa lunette arrière inversée, gimmick hérité de la Lincoln Première et repris aussi sur la nouvelle Ford Consul Classic 315 lancée dans la foulée de l’Anglia. Laquelle fera sa sortie en 1968, cédant le pneu à la nouvelle Escort. Son design, qualifié aujourd’hui de disruptif, devait tout à Elwood Angel, designer américain venu de chez General Motors et arrivé chez Ford en 1955 où il s’occupa notamment des nouveaux designs de la Thunderbird. Imaginée en Amérique par un Américain féru de chromes et d’ailerons stellaires, l’Anglia demeure, avec la Cortina, l’une des Ford anglaises, les plus vendues de son époque -plus d’un million, également assemblée en Afrique-du-Sud et en Australie…
Sa popularité trouva un bel écho rayon english toys avec une reproduction au 1/42è chez Spot-On, une chez Dinky-Toys GB à une échelle batarde (1/48ème ?) franchement énigmatique, une chez Matchbox, à l’échelle Lesney. L’Italien Politoys la réduisit au 1/42ème et en plastique, réussissant à l’enlaidir encore plus que l’originale -le moule filera ensuite chez le Tchèque Kaden sans plus de bonheur. En France, Minialuxe mit l’Anglia au 1/43ème en même temps que sa grande sœur, la Consul Classic 315. Geste identique chez Norev alors dans son assiette anglaise -Morris Mini Minor 850, Jaguar MkX, Austin+MG+Morris 1100… : son Anglia ayant toutefois perdu de sa proue mordante pour une lippe plus fine, proche de la gueule d’un dentier version Baby sans rien dedans en plus…Back to London chez Corgi qui opta en 1964 pour l’adaptation de la fourgonnette Thames en glacier Wall’s Ice Cream avec mécanisme musical !
CITROËN AMI 6. CLÉ/CLÉMENT-GAGET. No. 25
Rare sinon seule française à figurer dans la short-list des ugliest-cars of the world, exactement entre l’énorme Thunderbird de 1958 et la petite Subaru 350, une Japonaise ovoïdo-batracienne à œil de paramécie, l’Ami 6 bénéficia paradoxalement d’un affect non négligeable. Citröen avant tout, donc exonérée de facto d’un délit de sale gueule, l’auto est l’œuvre de Flaminio Bertoni, sculpteur de la DS. Conçue pour combler le fossé de gamme entre la 2CV et l’ID 19, l’Ami 6 fut dévoilée par Javel en 1961 alors que le style boite-à-chaussures des futures Simca 1000, R8 et Opel Kadett annonçaient un nouveau paysage stylistique au carré. Certes, il y avait bien la Ford Anglia avec laquelle elle partageait son profil en Z, la Daf Daffodil ou encore la DKW F12 Junior pour lui disputer le titre de mocheté roulante, mais là où l’Anglia et la DKW affichaient des moues dédaigneuses, l’Ami 6 se montrait enjouée, quasi rieuse avec ses plis, ses surplis, son habitacle décoiffé et son capot en moule à madeleines. Un capot sous lequel le moteur 2 cylindres refroidi par air ne risquait pas de jouer les Fangio en côte. Comme l’auto présentait un intérieur vaste et confortable, elle sut gagner la sympathie d’une clientèle très vite plus séduite par le break que par la berline et sa lunette arrière inversée. Résultat : ce break sera la voiture française la plus vendue en 1966, devant la 4L, non sans éclipser la berline. Quelques améliorations plus tard, la 3CV fut remplacée en 1969 par la nouvelle Ami8, guère gâtée non plus en matière de design avec sa mine de roussette liftée. Guère mieux avec celle qui suivit en 1978 : la Visa. Groin de cochon, cette GS rétrécie fut reliftée et se vendit à plus de 1,2 millions d’exemplaires. À désespérer de la nature humaine…
Rayon tuture à Toto, l’Ami 6 fut miniaturisée en zamac avec ouvrants -capot et/ou coffre, par Dinky-Toys, Solido, CIJ-Europarc et JRD, chaque miniature étant une franche réussite, qui plus est fidèle aux coloris originels de la voiture. En plastique, il y eut Norev et Minialuxe. La première plus fidèle que la seconde, traitée bicolore en ses versions initiales luxe. Et puis il y avait l’Ami 6 de chez Clé. Active depuis 1952 sur le champ du jouet de bazar, la firme Clément-Gaget ou Clé, était un pilier de la plastic-valley française. Sa production d’autos miniatures couvrait un large panel d’échelles, du 1/90ème (camions) au 1/32ème, ici réservée aux autos françaises des années 1950. Autres échelles avec le 1/54, le 1/64 et le 1/45 ou 1/48ème selon les modèles. Ainsi de l’Ami 6 proposée en plusieurs versions promotionnelles -Bonux, Lever, Prior, etc…, ou en version « boutique » avec phares diamantés, pneus blancs et antenne. Un cran plus international, cette série recensait une Fiat 600, une Mercedes 220S Ponton, mais aussi les Panhard Dyna et PL 17 cabriolets. Fragiles, les Clé ont pour la plupart fini en miettes ; les survivantes dégagent le charme des joujoux populaires d’une ère révolue. Avant de baisser le rideau en 1986, Clément-Gaget reproduisit encore quelques miniatures comme le très recherché Saviem Société Marseillaise de Crédit, les cabriolets NSU Prinz Wankel, Honda S 600, Peugeot 204, Triumph TR4 (toutes au 1/48) et, sans doute, l’ultime modèle produit : une Peugeot 604 au 1/32ème…
PANHARD DYNA X. CIJ. 1950. No. 3.47
La faute au Plan Pons. Et aussi à Louis Bionier, son designer. Et encore à celle de Grégoire et son prototype tout alu. Au sortir de la Seconde Guerre mondiale, il s’agit de rebâtir l’industrie française. L’automobile participe de cette orientation économique lourde et le ministère de la Production industrielle a confié les menées de ce vaste programme à Paul-Marie Pons, ingénieur du génie maritime et loué pour avoir, sous l’Occupation, organisé la fabrication des gazogènes français. Autoritaire et arbitraire, ce plan d’attribution des matières premières aux constructeurs automobiles se fera dans la douleur. Sur le papier, Pons avait décrété que Simca et Panhard seraient voués aux petites autos populaires, que Renault et Peugeot feraient dans le moyen-de-gamme et Citroën le haut-de-gamme. En sacrifiant Hotchkiss, Talbot, Mathis, Rosengart, Delage, Delahaye, Licorne, Salmson et autres Bugatti, ce plan qui ambitionnait l’entrée de devises en vendant aux USA, fut un flop. Les autos de luxe françaises, basées sur les modèles d’avant-guerre, étaient dépassées et les autres, péniblement vendables hors des frontières hexagonales. Sur le terrain, ce fut la foire d’empoigne : nationalisé, Renault grilla la politesse à Simca et Panhard en lançant sa 4CV, une petite populaire d’entrée de gamme « hors plan », Citröen fit de même avec la 2CV, Peugeot passa au créneau supérieur avec la 203 et Simca lâcha l’affaire en abandonnant sa 5 pour un modèle supérieur venu de Turin. Quant à Panhard, bouté hors du Plan Pons malgré son « couplage » avec les camions Somua et Willeme, et sans doute puni pour avoir fait beau, grand et luxueux avant-guerre, sa bouée de sauvetage sera la Dyna X en aluminium. Une matière produite en abondance et snobée par Pons. Oubliées, justement, les grandes et belles Panhard & Levassor d’avant-guerre. Finies les 6DS et 8DS, au rebut les sublimes Panoramic et Dynamic et leurs fabuleux moteurs sans soupapes : l’heure est aux restrictions. Designer chez Panhard depuis 1921, l’ingénieur Louis Bionier ne baissa pas les bras. Ils veulent du petit populaire ? ils en auront. En coulisse, on se garde bien de dire que Jean Panhard lui-même, dès le début de la guerre, savait son haut-de-gamme condamné. La nouvelle Panhard sera en aluminium. Ce sera une traction-avant. Et roulera avec un moteur bicylindre refroidi par air. Fameux ingénieur-inventeur, Jean-Albert Grégoire avait conçu en 1943 en quatre exemplaires un prototype de petite auto à deux portes, promu par l’Aluminium Français, devenu AFG (Aluminium Français Grégoire). Le gaillard avait réussi à faire parvenir en 1945, afin de vanter les mérites de cet alu providentiel, un exemplaire à chacun des grands constructeurs français. Lesquels, malgré la gratuite technique du geste, exception faite des parties brevetées par Grégoire, rejetteront l’offre. Seul Panhard mordit à l’hameçon. Las, de cette collaboration, ni Bionier ni Grégoire sortiront satisfaits et ce jusqu’au et au-delà du procès. Qu’importe, la Dyna X, alors baptisée Dyna 100, fut présentée au Salon de Paris 1948 et récolta subito son surnom de Louis XV. Vrai que son allure évoquait celle d’une commode du Faubourg Saint-Antoine et que sa mine gourmée faisait penser à une Danielle Darrieux en phase de bouderie pincée dans un film de Henri Decoin. Elle fut aussi qualifiée de « gâteau d’anniversaire », sorte d’ennoblissement de l’expression « tarte en coin ». Face à elle, pas grand-chose à craindre de la concurrence, qu’il s’agisse de Mathis, trop d’avant-garde ou de Hotchkiss avec ses grosses berlines démodées. Seules la Renault 4CV et la Peugeot 203 s’avèreront redoutables. Initiée en 1947, opérationnelle en 1948 avec carrosseries sous-traitée chez Facel-Metallon, la Dyna, noueuse à souhait se présente surplombée par deux gros phares carénés comme des suppositoires. La calandre fut vite modifiée. Économique, nerveuse, rapide, contre toute attente spacieuse, la voiture pêche par son bruit et ses finitions qui respirent encore la pénurie. Dès 1948, la berline se présente sous un jour découvrable, puis en cabriolet, en petit break et fourgonnette paradoxalement assez élégants. La Dyna X tira sa révérence en 1953, abandonnant sa robe à panier Pompadour du pauvre aux rondeurs aérodynamiques de la nouvelle Dyna Z, inspirée par le fameux prototype de Bionier, le coupé Dynavia révélé en 1948 et affichant le physique déroutant d’un gros tétard. Un Bionier qui oeuvrera pour Panhard ( PL 17, 24 CT et BT) jusqu’à l’absorption du constructeur d’Ivry par Citroën en 1965. C’est d’ailleurs à lui qu’on doit le dessin à la serpe de la Dyane, son ultime création…
À l’orée des années 1950, la Compagnie Industrielle du Jouet ou CIJ, produisait deux types de jouets automobiles : les autos et véhicules en tôle mécaniques comme les Jouets Renault, et les miniatures en zamac à plus petite échelle proche du 1/43ème, ce répertoire étant inauguré en 1949 avec la première Renault 4CV à calandre multi-barres. Suivit la Panhard Dyna X, laquelle avec la 4CV, représentait une véritable nouveauté. Et comme pour la 4CV, la Dyna X roulait de front avec une « grande sœur » en tôle avec moteur à clé au 1/25ème. Les lignes Louis XV de la vraie Dyna X étaient fidèlement et finement réduites au 1/43ème quand bien même, à l’instar des Dinky, JRD et Quiralu de la même époque, le traitement général était réduit au strict minimum : pas de vitrage, pas d’intérieur, pas de suspensions…CIJ fut ici le seul fabricant à consacrer ses moules à la Panhard Dyna X, ses rivaux préférant regarder ailleurs. Et aussi le seul à se pencher sur le cabriolet Dyna Junior, apparu en 1953 et avéré des plus réussis. Proposée dans un joli choix de couleurs et de roues par CIJ, la Dyna X n’eut rien, rayon jouet, du vilain petit canard voulu par la légende urbaine.