FORMULE WIN WIN

Le cinéma étant à la fois l’art technique du mouvement et une attraction visuelle moderne, il ne pouvait que s’intéresser à la vitesse, interjeté en cela par défaut par le fameux manifeste du Futurisme promulgué en 1909 par le poète italien Filippo Tommaso Marinetti, mais publié en France en une du Figaro. Sur trois colonnes, en onze points et quelques égarements, Marinetti, dans un français parfait et exalté, nonobstant un texte agressif, anti-féministe et belliqueux, imposait à la « splendeur du monde » une beauté nouvelle: celle de la vitesse. « Une auto de course avec son coffre orné de gros tuyaux tels des serpents à l’haleine explosive…une auto rugissante qui a l’air de courir sous la mitraille…plus belle que la Victoire de Samothrace« .

Marinetti qui appelait aussi à démolir les musées et les bibliothèques, s’enflammait devant « la vibration nocturne des chantiers sous leurs violentes lunes électriques » (les ouvriers travaillant la nuit, ça ne le gênaient pas), pour « les gares gloutonnes avaleuses de serpents qui fument…et les locomotives aux grands poitrails qui piaffent sur les rails ». Culbutant et incendiaire, le Manifeste du Futurisme brûlait de délivrer l’Italie de sa gangrène de professeurs, d’archéologues et d’antiquaires. À sa suite, une génération de peintres, de sculpteurs, d’architectes, de musiciens, d’illustrateurs façonneront une imagerie vouée au bolidisme, à l’homme-machine ou aux héros intrépides de l’aviation et de l’automobile.

Sur le terrain, les premières courses autos remontent au 22 juillet 1894 avec l’organisation du Paris-Rouen, 126km, remporté par le compte Jules-Albert de Dion sur boggie à vapeur DeDion-Bouton. En 1903, la course Paris-Madrid, épreuve de vitesse sur route libre qui vira à la tragédie, déviera l’idée de la compétition de la route vers la piste, ouvrant la voie aux autodromes. En 1907, le circuit anglais de Brookland était inauguré en fanfare, talonné deux ans plus tard par Indianapolis. Spa-Francorchamps en 1921, Monza en 1922, Le Mans en 1923, Reims-Gueux en 1926, Monaco en 1929: les Années folles se vivront pleins gaz et pied au plancher.  Les pilotes deviennent de sas du volant aux surnoms ravageurs: Le diable rouge pour Vincenzo Lancia, le Mantovano Volante pour Tazio Nuvolari, l’homme aux mille victoures. Pour beaucoup hélas, la course sera fatale. Giuseppe Campari, Antonio Ascari, Berdn Rosemeyer pour exemples. Quant à Georges Boillot qui courrait sur Peugeot, il sera tué en 1916 lors d’un combat aérien. Peugeot qui menait la course dès 1907 face à Fiat, Delage et Mercedes. Entre 1923 et 1939, Auto-Unioo, Alfa-Romeo, Bugatti, Maserati et Mercedes-Benz domineront le jeu.   

Au cinéma, le public français se délecte alors des exploits de Roland Toutain, acteur et cascadeur aérien, rendu célèbre pour incarner le journaliste Rouletabille dans les adaptations des romans de Gaston Leroux. À Hollywood, la vitesse se jouera au guidon des motos, sur les ailes des biplans et au volant de bolides monstrueux. En 1930, à peine sonorisé, le cinéma se mettra à l’heure des circuits avec Burning Up (Plein gaz), produit par la Paramount, avec Richard Arlen et Mary Brian et dont l’intrigue mettra en place une dramaturgie encore exploitée aujourd’hui: un pilote tête-brulée + une jolie fille si possible rejetone ou ex-flirt d’un rival félon+une course périlleuse+des bolides qui arrachent. En 1932, Howard Hawks signait un des premiers films de pilotes de course américains: The Crowd Roars avec James Cagney doublé par le champion Harry Hartz. Produit par la Warner, tourné à Indianapolis, La foule hurle fut doublé d’une version française avec Jean Gabin et Hélène Perdrière en tête d’une affiche futuriste décoiffante. En 1939, la même Warner en faisait déjà un remake, Indianapolis Speedway (Le vainqueur) avec Pat O’Brien. Cette même année, la MGM produisait Burn’em Up O’Connor, avec Bud Flanagan, comédien que les sudios rebaptiseront Dennis O’Keefe, et adapté du roman Salute to the Gods publié par le pilote-journaliste Malcolm Campbell. Avec l’entrée en guerre des USA après Pearl Harbor, Hollywood consacrera ses forces vives et viriles aux héros militaires, volants, flottants et portant beau l’uniforme. Il faudra attendre le mitan des fifties pour que les pilotes de course reviennent en force sur les écrans. Deux films appuient ici sur le champignon: Le cercle infernal et Le virage du diable. The Racers et The Devil’s Hairpin en VO. Basé sur le roman de Hans Ruech, ex-pilote suisse sur Maserati et paru en 1953, The Racers fut tourné en Cinémascope par Henry Hathaway sur les circuits des Mille Miglia, Reims, Spa, Monte-Carlo et le Nürburgring en 1955. Produit par la Fox, le film était piloté par Kirk Douglas dans la peau du pilote téméraire Gino Borgesa. Face à lui, Bella Darvi, starlette franco-polonaise chouchoutée par Darryl Zanuck, producteur du film, et qui jouait comme une savate. Rival acharné, dollars partis en fumée, nerfs à vif: la recette carburait à l’adrénaline pure non sans inaugurer le ciné-genre “sports drama” encore en vigueur aujourd’hui. Deux ans plus tard, l’acteur d’origine tchèque Cornel Wilde, star masculine des années 1940, notamment grâce à des films du calibre de Ambre avec Linda Darnell ou Péché Mortel avec Gene Tierney, passait derrière la caméra  -il réalisa huit films- pour tourner Le virage du diable. Il y campait Nick Jargin, pilote bardé de prix rangé des voitures mais obligé de reprendre le volant pour des motifs personnels. Si les courses furent filmées sur la piste du Paramount Ranch, ce qui était moins glamour qu’Indianapolis, le finish n’en était pas moins spectaculaire, jusqu’à faire du film un classique du genre.

En 1963, le réalisateur Roger Corman entrait dans la course des sports dramas avec Duel sur le circuit (The Young Racers), série B terriblement efficace avec Mark Damon et William Campbell pour pilotes protagonistes, quelques pépées françaises pour faire joli -Marie Versini, Béatrice Altariba, et les scènes de courses tournées durant la saison 62 de la F1 à Monaco, Rouen et Spa. Rien de tout cela avec Un homme et une femme tourné en noir & blanc en 1966 par Claude Lelouch: les scènes de rallye avec Jean-louis Trintignant et Henri Chemin, journaliste et pilote alors fameux, avaient été tournées en janvier, lors du Rallye de Monte-Carlo avec le duo aux manettes d’une Ford Mustang. Couvert de récompenses -Cannes, Oscars…, Un homme et une femme (Trintignant+Anouk Aimée) filmait aussi l’acteur au volant d’une Ford GT40 Mark 1 P1007 lancée sur le circuit de Monthléry. Trintignant alias Jean-Louis Duroc, a de qui bien tenir. Son oncle, Maurice Trintignant, est un pilote émérite, notamment vainqueur en 1955 sur Ferrari 325 du Grand Prix F1 de Monaco.

Monaco où le réalisateur américain John Frankenheimer tournera lors du Grand Prix 1966 les scènes clou du film Grand Prix, super-production à 9 millions de $. Également tourné à Spa et à Monza, Grand Prix renouait avec le filon sports drama en embarquant un casting international 5 étoiles et BO composée par Maurice Jarre en fond sonore. À l’affiche, James Garner, Yves Montand, Eva-Marie Saint, Toshiro Mifune, Aldoldo Celi, Claude Dauphin, Antonio Sabato, Jessica Walter, Geneviève Page, Fangio et même Françoise Hardy !. À l’origine, le rôle du pilote Peter Aron (BRM), tenu par Garner, avait été proposé à Steve Mc Queen. Puis à Paul Newman. Celui du pilote italien Nino Bartini (Ferrari) confié à Antonio Sabato, petite vedette de séries B avait été proposé à Jean-Paul Belmondo. Quant au rôle féminin principal joué par la blondissime Eva-Marie Saint, star hitchcockienne par essence, il avait été refusé par la Suédoise Harriett Andersson et par Monica Vitti !. Superstar absolue au Japon, l’acteur Toshiro Mifune (Les samouraïs, Barberousse…) mettait là un premier pied dans le cinéma hollywoodien. Son personnage, patron de l’écurie de course Yamura s’inspirait de Soichiro Honda. En guest-stars, une noria de champions -Graham Hill, Jack Brabham, Jim Clark, Bob Bondurant…Techniquement, les courses furent filmées au plus près avec des caméras installées sur des Lotus, McLaren, AC Cobra et Ford GT40. Couronnés par trois Oscars, Grand Prix collera le virus de la course à James Garner qui s’en ira fonder l’écurie AIR, laquelle préparera des voitures pour la firme AMC. À trois reprises, Garner conduira la Pace Car de l’Indianapolis 500. En coulisses, Grand Prix avait provoqué une longue fâcherie entre Garner et McQueen, qui prendra sa revanche en 1971 avec « son » film Le Mans.

Entre temps, Paul Newman, lui aussi pilote chevronné brûlera la gomme dans Virages (Winning) sorti en 1969 et réalisé par James Goldstone. Cadre : Indianapolis et la F1. Et là aussi flopée de champions dans le décor dont Bobby Unser, Dan Gurney. Filmé en 1970 sur la piste du Mans, le film de Mc Queen hissa la Porsche 917 au pinacle. Derrière la caméra, Lee Hatzkin, un tâcheron aux ordres venu (et reparti) de la télé, McQueen ayant poussé à la démission le réalisateur John Sturges dès le début du tournage. Le Mans ne sera pas un succès mais le film gagnera au fil du temps un statut de culte inoui, à l’instar de la Porsche 917K châssis 022, vendue et engagée dans plusieurs courses avant de finir rachetée en 2022 par le comédien Jerry Seinfeld. Au générique du Mans, Mc Queen avait verrouillé son statut de superstar. Face à lui, pilotant une Ferrari 512S, l’acteur allemand Siegfrid Rauch, second rôle abonné aux séries télé ouest-allemandes genre Tatort et  Derrick. Également sur Ferrari, l’acteur français Luc Merenda, connu en Italie pour rouler des mécaniques dans des polars de série B à Z. Quant à l’intérêt féminin et sentimental du film, il était incarné par la blonde Elga Andersen, starlette allemande des sixties connue en France pour avoir joué dans l’un des Monocle avec Paul Meurisse et pour avoir été un des béguins de Gilbert Bécaud. Juste avant la sortie mondiale de Le Mans, les Italiens avaient brûlé la politesse à Hollywood avec Le Mans, circuit de l’enfer (Le Mans, scorciatoia per l’inferno), bobine filmée par un certain Richard Kean, Olsvaldo Civirano de son vrai blaze, avec Lang Jeffries et Edwige Fenech. Import US débarqué à Cinecittà au début des années 1960, marié à l’actrice américaine flamboyante Rhonda Fleming, Jeffries tourna des peplums à la pelle et des espionneries à deux lires. Il fut même un Coplan de troisième plan. Le Mans, circuit de l’enfer fut son ciné-chant du cygne.

Tout au long des années 1970 et 1980, le ligne de départ des sports drama s’encombrera de nombreux films, avec arrivée dans le désordre ou dans le décor, au choix. Last American Hero (1973) avec Jeff Bridges marquera un virage en roulant à tombeau ouvert sur la piste du biopic. Ici, en l’occurrence, la vie de Junior Johnson, lascar du Nascar. Sorti en 1975, La course à la mort de l’an 2000 ( Death Race 2000) était adapté d’un roman de science-fiction paru en 1956, intitulé The Racer et signé Ib Melchior. Écrivain prolifique, scénariste, réalisateur, Melchior était le fils du ténor Lauritz Melchior, gloire lyrique d’avant-guerre et star de quelques comédies musicales de la MGM. Toujours passionné de courses, le producteur-réalisateur Roger Corman avait acquis les droits du livre et proposé le rôle principal à Steve Mc Queen qui refusa tout sec. Pas question d’incarner ce cinglé de Frankenstein, pilote et tueur. Ce sera David Carradine, impatient de s’échapper de la série télé Kung Fu, qui s’y collera. Film d’action dystopique devenu cultissime, Death Race donna aussi à un Sylvester Stallone encore second rôle de crever le grand écran avant les Rockys et les Rambos. À la caméra, le réalisateur Paul Bartel qu’on retrouvera dans la foulée dirigeant en 1976 le premier Cannonball !, avec Carradine, Stallone et quelques autres. En 2008, Jason Statham reprendra le rôle de Frankenstein dans le remake Death Race. Suivra une kyrielle de suites anémiées. En 2017, Roger Corman, toujours sur la brèche bien que très nonagénaire, produisait Death Race 2050 en y ajoutant une grosse dose de satire politique avec Malcolm Mac Dowell (Orange mécanique) en président des USA.

C’est encore un bouquin qui donnera matière à un drama sports de première bourre sorti en 1977 et réalisé par Sydney Pollack. Publié en 1961, Le ciel n’a pas de préférés, était un roman signé du grand écrivain Erich-Maria Remarque, auteur, entre autres, de À l’ouest rien de nouveau. Adapté au cinéma sous le titre de Bobby Deerfield, le récit suivait l’idylle d’un champion de F1 tombé amoureux d’une jeune femme au bord de la mort. Une sorte de Love Story sur pneus brûlants. Truffaut refusera de réaliser. Gene Hackman et Paul Newman, tous deux pilotes émérites, seront écartés du projet. Catherine Deneuve aussi. Le couple sera incarné par Al Pacino et Marthe Keller. Souci : Pacino ne savait pas conduire. Il sera doublé par le pilote brésilien José Carlos Pace, hélas décédé cette même année 1977 dans un accident d’avion. Carburant au lacrymal, Bobby Deerfield dont les cascades étaient assurées par Remy Julienne,se ramassera au box-office, flingué par la critique et boudé par le public. En coulisses, Pacino et Keller avaient débuté une romance privée au long cours.

Réalisé en 1979 par David Cronenberg, Fast Company, avec William Smith, passera en revanche inaperçu -le film n’est jamais sorti en France. Ici, pas de bolides ni de F1, mais des dragsters. Les années 80 et 90 passeront ensuite au ralenti. La F1 n’intéresse plus grand monde. Les circuits ont vieilli, les stars de cinéma férues de pilotage piquent du nez. Une exception : Days of Thunder, de Tony Scott, avec Tom Cruise, Robert Duvall et Nicole Kidman. Big budget racing movie, Jours de tonnerre déboulait juste après Top Gun avec le même réalisateur et la même star masculine sur fond de courses de stock-cars. Top success mondial, évidemment suivi par un jeu vidéo et une vague promesse de suite. En 2001, Stallone repassera derrière le volant dans Driven, plongé dans l’univers du Champ Car. Il y campait un pilote vétéran remis en selle pour les besoins de la cause. Face à lui, des petits jeunes aux dents longues (Kip Pardue, Til Schweiger) et des vrais champions de la F1 -Jean Alesi, Jacques Villeneuve, Alex Montoya… Filmé par Renny Harlin qui avait propulsé Stallone au sommet avec Cliffhanger, Driven foncera dans le mur. Un flop.

Plus récemment, le genre a évolué, ajoutant au sports drama originel deux dimensions : le biopic et le docu, parfois hybridés comme avec les films Senna (2010), Jackie Stewart (2022), Steve Mc Queen the Man and Le Mans (2015) ou Ford vs Ferrari/Le Mans 66 avec Matt Damon dans la peau de Carroll Shelby. Le biopic qui relancera la machine date de 2013 : Rush (réal. Ron Howard), le meilleur film sur la F1 tourné à ce jour, narrait la rivalité entre James Hunt, et Nikki Lauda, respectivement incarnés par l’Australien Chris Hemsworth et par l’Allemand Daniel Brühl. Lequel interprètera dix ans plus tard Roland Gumpert, le big boss d’Audi Sport, dans Race for Glory/Audi vs Lancia, rival de Cesare Fiorio, l’ex-directeur sport de Lancia, joué par Riccardo Scamarcio, et avec pour cadre « historique » le championnat des rallyes de 1983. En 2023, Michael Mann signait Ferrari, biopic mou du genou consacré à Enzo Ferrari et adapté du livre Enzo Ferrari, l’homme et la machine, de Brock Yates, légende du journalisme automobile américain. Située en 1957, annus horribilis pour Ferrari, l’action est celle d’un sports drama classique gâché par l’interprétation d’Adam Driver (le bien nommé) en Enzo Ferrari. L’acteur, spécialisé dans les italo-biopics sauce nanars -il fut Maurizio Gucci dans House of Gucci, est ici et comme d’habitude atrocement mauvais. Diffusé sur Prime Video, Ferrari s’est plantée en beauté.

En 2022, Lamborghini, l’homme derrière la légende, montrait aussi un Enzo Ferrari peu convaincant même si campé par Gabriel Byrne, autrement plus doué que ce mollasson de Driver. C’est dire si F1 était attendu au tournant. D’autant que la série Netflix Drive to Survive/Formula 1 Pilotes de leur destin cartonne depuis 2019 et sept saisons. Netflix qui produit aussi la mini-série brésilienne Senna avec Gabriel Leone dans la peau d’Ayrton Senna. Portée par la Chine et les pays du Golfe, la nouvelle médaille médiatique de la F1 éblouit par centaines de millions un public plus jeune, plus féminin. Devenue glamour et sexy, la F1 doit en effet une partie de son nouveau lustre au film F1 réalisé par Joseph Kosinski, diffusé sur AppleTV+. Projeté en salles en France, aux USA et au Canada, F1 a fait 2 millions d’entrée en France. Pour avoir mis 250 millions de $ sur la table, Apple en a récolté 500 au niveau mondial. À la production, Jerry Bruckheimer, Brad Pitt, Kosinski et le pilote-star Lewis Hamilton, empilant sa casquette de consultant. Brad Pitt, payé 30 millions de $, joue un vétéran de la F1 nommé Sonny Hayes. Livrée noire et or -clin d’œil aux Lotus JPS, l’écurie de voitures Apex, est fictive. Max Vestappen, Charles Leclerc, Pierre Gasly, Fernando Alonso et Hamilton courrent en cameo-guests. Accueilli tièdement par la critique, F1 est devenu un phénomène. Apple rêve maintenant de décrocher les droits de la F1 pour les USA, mettant 150 millions de $ sur le tapis, presque le double de ce que paye à ce jour ESPN (groupe Disney -80 millions). Le groupe de luxe LVMH a également conclu un deal mirifique de dix ans à raison de 100 millions d’euros par an. Ce partenariat mondial implique que plusieurs marques du groupe entrent dans le circuit. Ainsi de Louis Vuitton, de l’horloger Tag Heuer devenu chronométreur officiel de la F1, ou de Dior qui a « signé » Lewis Hamilton. Septuple champion du monde, Ferrari plus ultra, Hamilton qui compte 40 millions de followers sur Instagram a donc renoncé à Tommy Hilfiger. Lego a également noué un accord de licence mirobolant pour produire des coffrets de construction de voitures F1.

En marge de ce mercato, les jeunes champions, révélés par la série Formula 1 Pilotes de leur destin, drivent aussi leur image. Le Monégasque Charles Leclerc (Ferrari), hier sous contrat avec Armani et avec Puma, vient de lancer une collection de mode à son nom produite par … Ferrari. Pierre Gasly qui roule pour Alpine est l’égérie du parfum Givenchy, Gentleman Society. En ligne droite et sans chicane, la F1 brûle la gomme en mode majeur mais les virages du diable n’ont pas disparu.

De gauche à droite au fond

Ferrari F1. Politoys. 1/32ème. No. 3C

Lotus 72 JPS. 1973. Corgi. 1/36ème.  No.190

MacLaren M23. Scalextric

De gauche à droite devant

FORD GT 40. SOLIDO. 1965. No. 146

Au début des sixties, Ford ambitionne de rivaliser et évincer Ferrari des circuits de course du monde entier. La tentative de rachat par le Big de Detroit du cheval cabré de Maranello a échoué et c’est resté en travers de la gorge de Henry Ford II qui veut son écurie de course et qui veut une voiture de course bestiale. Pour ce faire, Ford s’est rapproché de Lotus, de Cooper et de Lola, avec qui Ford collabore déjà en F1. Ce sera donc Eric Broadley, architecte et fondateur en 1961 de Lola Cars qui dessinera la future GT40, produite en 1964 en l’usine anglaise de Slough. Moteur V8, 4,2l. 341km/h. On allait voir ce qu’on allait voir. Ford alignera cette même année 3 GT40 Mk1 au Mans, les 10, 11 et 12. Trois abandons. L’année suivante, Ford jouera à domicile en remportant Sebring avec une GT40 MkII conçue par Carroll Shelby. Rebelote au Mans en 1965 avec six GT40 et autant d’abandons. C’est en 1966 que Ford montera enfin au sommet du podium, avec trois de ses GT40 MkI et MkII raflant les trois premières places. Jusqu’en 1969, les Ford GT40 règneront sur les circuits, du Mans à Sebring. En 1968, c’est une Mk1 #9 préparée par John Wyer Automotive Engineering qui se placera en tête. Au volant : Pedro Rodriguez et Lucien Bianchi. Idem en 1969 avec une Mk1 #6 pilotée par Jacky Ickx et Jackie Oliver.

Produite à 126 exemplaires entre 1964 et 1968, la GT40 MkI sera doublée par la MkII de Carroll Shelby et Ken Miles. Après son légendaire triplé gagnant de 66 au Mans, c’est celle qu’on voit dans le film Le Mans 66 de James Mangold. Il y aura ensuite une GT40 MkIII, produite à 7 exemplaires entre 1967 et 1969, et une GT40 MkIV produite à 10 exemplaires elle aussi entre 1967 et 1969. Plus que satisfait, Ford pouvait se reposer sur ses lauriers après avoir hissé sa GT40 au pinacle des voitures de course modernes. En 1970, Ford GB tentera de renouveler le mythe avec la GT70, berlinette dessinée par Ercole Spada, disparu début août 2025. Grand designer chez Zagato, Spada avait conçu là une voiture de sport censée rivaliser en rallyes avec les Alpine. Sous une carrosserie en fibre de verre, il y avait le moteur V6 2,6l. de la Ford Capri RS2600 bidouillé par Cosworth. Produite à seulement six exemplaires, la Ford GT70 fut un météore que seuls Corgi Toys et Politoys s’appliqueront à reproduire au 1/43è. Autrement, Ford relancera sa GT en 2005 avec une supercar coupé/spider amplement inspiré de la GT40.

Rayon miniatures, la GT40 sera un best-seller mondial reproduit au 1/43ème par deux géants du genre : Solido en France et Dinky Toys en Angleterre. Carrosserie blanche, capot bleu en décalco : la GT40 de Solido est une MKI Le Mans #12 de 1965 inscrite dans la série Bolide (et qui sera reprise ensuite par l’Argentin Buby). Solido usinera aussi une GT40 MkIV (no.170). La version de Dinky GB, tout aussi blanche avec bandes décalcos bleues, est une MkI de 1967 avec coffre et capots ouvrants, phares en plastique transparent et roues nickelées bien peu crédibles. On trouvera aussi une GT40 en Espagne chez Pilen, chez l’Israélo-américain Sabra, chez Toys World (Hong-Kong) et chez le Français Champion. Un cran plus bazar en plastoque, Clé moulera deux versions de la MkII et Minialuxe une MkIV. Quant à la GT40 de l’Allemand Gama-Mini, elle n’a rien à voir avec la choucroute puisqu’il s’agit d’une barquette GT monoplace…

FORD GT 40 RV. DINKY TOYS GB. N. 216

Fierté anglaise par essence, la GT 40 ne pouvait pas être passée sous silence chez Dinky (ce fut le cas chez Corgi). Dans la  foulée de la MkI (no.215), le fabricant usera d’un second moule pour la reproduction de la GT40 RV, initialement proposée en livrée argentée avec phares diamants « maquillés » de rouge. Roues zamac brut à rayons, nombreux ouvrants, le modèle sera très vite peint en bleu métal et en vert métal. Il y aura aussi une version tardive orange fluo/jaune particulièrement flashy (no.132). Pourquoi cette appellation 40-RV made-in-Liverpool ? Tout simplement pour désigner la version routière RV= road version, de la GT40 de course. En 1966, Ford produisit 31 exemplaires de cette voiture de sport homologuée pour la route. Aujourd’hui, leur cote collector oscille entre 3 et 4 millions de $. Il existe en outre plusieurs fabricants de replicas, installés en Angleterre et en Afrique-du-Sud…

PORSCHE 917 K Le Mans Gulf John Wyer. 1971. SAFIR-CHAMPION

Entre 1946 et 1960, le monde du Grand Prix était occupé par Alfa-Romeo, Ferrari, Maserati, Lancia, Mercedes-Benz et Vanwall. En 1961, il était trusté par Ferrari, Lotus, BRM, Honda, Brabham, Lotus-Ford, Matra et…Porsche. En 1966, la Porsche 910 et ses avatars Carrera 6 et 10, auguraient d’une ère nouvelle, métabolisée avec fracas par la 917, voiture de course censée planter toute la concurrence et rafler tous les prix de la planète. Conçue pour le triomphe par Ferdinand Piëch, la 917 était proposée en deux versions : K (pour Kurz-courte) et L (pour Lang-longue). Littéralement foudroyante, la 917 ne décevra personne. Dès sa présentation au Salon de Genève en 1969, tout le monde avait pigé que le bestiau allait donner du fil à retordre à Ferrari, Matra, Lola et autres Chaparral. Pour Porsche, présent au Mans depuis 1951, aux orties les victoires de classes : l’heure est au top du classement général et au pinacle des championnats du monde. De fait, la 917 propulsera le constructeur au zénith. Puissance phénoménale, pilotage sûr, vitesse à 388km/h : Porsche avait visé juste, envoyant en 1970 et 1971 pas moins de 65 voitures au Mans. Bingo subito : en 1970, Porsche se classe premier et second et remporte la victoire.

En 1971, c’est le record de distance qui est battu ; plus de 5000km à 222 km/h. Élue « voiture de compétition du siècle » par le magazine anglais Motorsport, la 917, no.19, livrée bleu-ciel « Gulf «, crève l’écran en 1971 dans le film Le Mans, pilotée par Steve Mc Queen. C’est officiel, Porsche joue dans la cour des grands et va y rester. Cette saison 70-71 fut celle d’une récolte inouïe de prix, trophées et victoires. Endurance avant tout, et prestige absolu. Un prestige traduit par la cote affolante atteinte par la 917 sur le marché du vintage collector. En 2017, lors du fameux concours de Pebble Beach, la maison d’enchères Gooding & Company a mis à encan une 917 K, chassis 917-024, adjugée plus de 14 millions de $. Ce qui en fit la Porsche la plus chère du monde. Le pedigree était en or massif. Il s’agissait du modèle piloté par Brian Redman et Mike Hailwood durant les essais du Mans en 1970, ensuite cédé au Suisse Joseph Siffert, pilote d’usine Porsche. Lequel, propriétaire d’une écurie de course et d’un garage de préparation sis à Fribourg, louera sa 917K à la société de production Solar pour le film Le Mans avec McQueen. Après le décès accidentel de Siffert, survenu en course en 1971, la 917 restera en son garage avant d’être revendue à un collectionneur français qui la stockera des années durant. Oubliée, la 917K bleu Gulf sera extirpée de sa cachette et dûment restaurée. En janvier 2025, reproposée à l’encan par Sotheby’s, cette même 917K n’a pas atteint son prix de réserve – 15 millions de $ !  

Sur le champ de la little voiture, la Porsche 917 provoqua le même tsunami que sur les circuits. Toutes marques et échelles confondues, la plus puissante des voitures de course de l’époque fut fabriquée en ses deux versions : K et L. On trouve la K chez Solido (Martini Le Mans), chez Politoys M. (Le Mans), chez Gama Mini, chez Mercury dans sa boite-garage Autobox, chez Pilen, chez Guisval. Pour ce qui était de la 917 L, c’est chez Corgi Toys, chez Norev (plastique+Jet-Car) et chez Majorette que cela se passa. Rien chez Dinky en revanche -la maquette est restée en l’état, tandis qu’une 917 L sortait à grande échelle et en plastique sous la marque Dinky-Toys Meccano. Mais le fabricant qui s’impliqua le plus fut sans ambages le Français Safir-Champion.  Société Anonyme de Fabrication d’Injection et de Recherches, Safir avait été fondé à Paris à la fin des années 1950 et s’était spécialisé en 1959 dans la reproduction de tacots aux finitions sophistiquées, s’attaquant frontalement à Minialuxe et à JMK Rami. En 1968, virage sur les chapeaux de roues avec Champion, label frappant les voitures de course. Champion pour le 1/43ème, Championnette (Grand Prix et F1) pour le 1/66ème. Pour atours et atouts, coques en plastique épais, socles en zamac brut moulé et ces fameuses roues filetées rapides qui étaient vendues par boîtes entières dans les échoppes de modélisme pour customiser les Norev, Dinky, Solido et autres Mercury en voitures de rallye.  Avec ses 18 modèles -Ferrari 512 Le Mans, Chaparral 2D, Ford MkII GT…, Champion fut le premier fabricant à vendre ses miniatures avec les décalcos déjà posées.

Champion fut aussi le seul à proposer la Porsche 917 en versions K et L avec leurs décors originaux. La K fut ainsi vendue en livrée Daytona, Sebring, Temporada, Monza, Spa, Le Mans Gulf John Wyer avec boite « Steve McQueen Le Mans ». Quant à la L, elle fut notamment proposée en versions Martini Racing ou en pop-psychédélique Roy Lichtenstein, rarissime de nos jours. Malgré l’immense succès commercial de ces deux collections, Champion qui avait pour partenaire le pétrolier ELF sera affaibli par l’abandon brutal d’un accord jusque-là fructueux et par l’échec de la série des modèles au 1/20ème dont une superbe Traction 11cv en métal. Avec ses Chaparral, Matra et Lola, la série des Championnette qui roulaient sur les brisées de Majorette avait fait une sortie de piste en produisant des Land Rover, des Estafette Renault et une 2CV 6 du rallye Paris-Persepolis-Paris. Safir-Champion cessera ses activités en 1978. Aujourd’hui, les 917 au 1/43ème reprennent des couleurs en collection. En profiter : quelques euros suffisent pour mettre la main sur des exemplaires impeccables. Pour la Lichtenstein, ce sera plus, beaucoup plus…