
Au début des années 1960, le Japon est une nation lointaine anéantie par la guerre, stigmatisée par Hiroshima et dont la tutelle d’occupation américaine marque encore la société, en dépit de la signature du traité de San Francisco. Démocratie ménageant à son empereur un rôle singulier, le Japon, tout entier dévolu à sa reconstruction restera déficitaire jusqu’à 1965.
Très vite, sa modernisation, opérée à marches forcées, catapultera le pays dans le peloton de tête des puissances industrielles, devant l’Angleterre et la RFA. Urbaine jusqu’au tentaculaire et jalouse de ses traditions, la vie japonaise est encore un mirage paradoxal quand bien même les marques japonaises envahissent l’espace occidental.
Appareils photo, radios, télés, réveils-radio, magnétophones : avec Fuji, Sony, Matsushita, l’électronique du Soleil Levant bouscule les us européens. En France, du Japon, le public connaît très peu de choses. Un peu la littérature avec Tanizaki, Kawabata et Mishima, les robots jouets clignotants à piles, les motos Honda et les lampes en papier d’ Isamu Noguchi, designer qui était en réalité… américain !
Le cinéma qui fait voyager films et acteurs se borne alors aux films de Ozu, de Mizoguchi et de Kurosawa accueillis par le Festival de Cannes et par la Cinémathèque de Paris. Toshiro Mifune est alors l’unique star du cinéma japonais à faire une carrière internationale. Mondialement célèbre pour ses rôles dans Les 7 samouraïs, Rashomon et Barberousse, Mifune tournera en Europe et à Hollywood Grand Prix, Duel dans le Pacifique et Soleil Rouge. Aparté : pour jouer dans Grand Prix le rôle d’un pilote de course japonais rival de James Garner et de Yves Montand, Mifune avait refusé le James Bond On ne vit que deux fois, tourné en même temps au Japon.
C’est juste oublier qu’avant lui, une Japonaise avait mis Paris à ses pieds. Fille de diplomates, née à Paris, grandie au Japon et revenue à Paris pour faire carrière, Yoko Tani fut en effet un joli nom du cinéma de papa. On raconta qu’elle débuta comme geisha-strip-teaseuse dans un cabaret parisien où le cinéaste Marcel Carné l’aurait découverte. Voire, car elle n’a jamais tourné la moindre panouille sous sa direction. En revanche, elle épousera son boy-friend du moment, l’acteur Roland Lesaffre. Starlette de séries B, Yoko Tani faillit devenir une vraie star quand Nicholas Ray lui confia en 1959 le premier rôle féminin des Dents du diable, aux côtés d’Anthony Quinn et Peter O’Toole. La suite s’enlisa dans un cinéma euro-trash entre péplums à deux balles, polars cheap et chinoiseries en toc. Son personnage laissera un héritage dans la bédé. Roger Leloup confessera s’en être inspiré pour créer Yoko Tsuno, première héroïne féminine asiatique de la bande-dessinée. Ingénieure en électronique, ceinture noire d’aïkido, pilote d’avions et d’hélicos, Yoko Tsuno fit ses premières armes dans le Journal de Spirou en 1970, dans le cadre d’une co-édition avec le magazine ouest-allemand Stern. C’est justement dans le Journal de Spirou que le jeune lecteur francophone fut averti que son avenir viendrait du Japon : en 1964, Jidéhem consacrait en effet sa rubrique Starter, intitulée « Le disque rouge, c’est le péril jaune ! » à cette nouvelle Honda S 600 cabriolet venue de très loin. Et de s’ébaubir sur les moteurs diaboliques des Honda F1, sur ce fantastique laboratoire futuriste couvé par Honda au Japon où plus de 600 savants, chercheurs et ingénieurs, dotés de budgets illimités, bossent comme des fous pour inventer motos et autos du futur. Quatre ans plus tard, Jidéhem remettra Honda sur sa planche avec un Starter voué à la S800. Il n’y était plus question de tigre dans le moteur, mais de dragon. Banzaï !
Historiquement, on sait que la première auto à avoir roulé à Tokyo en 1898 était une Panhard ! Que la première voiture à essence japonaise produite en 1903 s’appelait Takuri. Et qu’en 1911, seulement 82 automobiles circulaient dans les rues de Tokyo. Un an auparavant, Renault avait ouvert une succursale en ville. En 1914, la marque japonaise DAT (future Datson/Datsun) lançait la Typ 31. Cinq ans plus tard, Jidosha (future Nissan) faisait de même avec la Lila, usinée à Osaka. Les deux marques fusionneront très vite pour se consacrer à la construction de camions avec de revenir à l’automobile en 1931 avec la production sous licence de l’Austin Seven et de lancer la marque Nissan en 1934. Dix ans plus tôt, le parc auto japonais recensait 12.700 véhicules à moteur : mille étaient issus de la production locale ; le reste, importé massivement des USA. Dès 1925, Ford et General Motors, suivis par Chrysler occuperont le terrain avec des usines implantées à Yokohama et Osaka produisant jusqu’à 200.000 véhicules, pic atteint en 1936 -les Américains quitteront le Japon en 1939.
Tandis que le marché local voyait passer des marques éphémères -Okta, Yanase, Okamura, Toyota sortait en 1936 sa première voiture, la AA, copie très ramassée de la Lincoln Zephyr, tandis que Nissan rachetait les presses de l’Américain Graham-Paige d’où sortira le modèle 70, première grande berline japonaise de luxe. Les ambitions belliqueuses du Japon menées par une politique militaire conquérante chambouleront la donne en entrant en guerre contre la Chine et l’URSS. Le pays a besoin de tanks, de chars, d’avions, de cuirassés, de camions et de véhicules militaires. La suite est connue… En 1947, Nissan sera autorisé à reprendre la production de camions et utilitaires. En 1951, la première Patrol suscitera l’évènement. Mitsubishi, le plus grand groupe industriel japonais, qui plus est familial, reviendra aux affaires roulantes avec des tricycles et des scooters. Fuji lancera une voiturette à trois roues -Subaru est né. Hino doublera ses lignes de camions diesel d’une production auto bientôt liée à Renault. Toyota, qui usinait des camions, lancera en 1947 sa première voiture, la Toyopet SA qui ressemble étrangement à une VW. Tashikawa Aircraft, ex-firme d’aviation au service de l’armée impériale changera de nom pour devenir Prince Motor Co. en hommage au prince Akihito. Quant à Honda, fondé en 1948 par Soichiro Honda, c’est avec ses motos qu’il raflera tous les honneurs.
En 1964, le Japon se hissait au quatrième rang de la production auto mondiale (camions et autocars compris) avec 1.7 millions d’unités produites dont 520.000 voitures de tourisme. Estimé à 5 millions de véhicules, le parc japonais doublera en 1967. Cette même année 64, les Jeux Olympiques de Tokyo boostent l’image du pays enfin doté d’autoroutes. La production automobile, jusque-là volontairement circonscrite au marché intérieur, s’exporte en Asie du Sud-Est, au Australie, en Inde, en Afrique-du-Sud et aux USA. En Europe, les premiers pays à importer des Japonaises seront la Finlande, le Danemark, la Belgique et les Pays-Bas. En Suède, la première auto japonaise à rouler fut en 1964 une Toyota Crown ; la même année en Angleterre, ce sera une Daihatsu Compagno. En France, les premières Japonaises seront les petites Honda N360, S600, S800 et Z. En 1970, ce seront les Toyota Corolla et Celica suivies du coupé Datsun 240Z. Aux USA, les premières japonaises à avoir mis un pneu sur le continent étaient, en 1958, les petites Datsun 1000 (211 et 210), suivies en 1959 par le cabriolet Fairlady, dessiné par Yuichi Ota et conçu pour rouler sur les brisées des roadsters anglais.
A contrario, l’industrie automobile japonaise qui dispose depuis 1954 de son propre salon professionnel, procède également par licences, subterfuge parant aux taxes prohibitives imposées par l’État, jusqu’à plus de 50%. Conduite à droite oblige, faveur aux Anglais. Ces contrats d’assistance technique donneront naissance en 1952 à la Nissan 1000, copie de l’Austin A40 Somerset (1957), à la Datsun Bluebird « venue » de l’Austin A5O Cambridge, mais aussi à une Isuzu copie conforme de la Hillman Minx (1954). Plus surprenantes : les Mitsubishi, clones de la Kaiser Henry J (1951-1954) américaine, et les Hino, clones de la Renault 4CV (1952) et de la Dauphine -la R8 sera dotée d’une carrosserie inédite griffée Michelotti et baptisée Contessa. Alors que le marché intérieur explose, l’export embraye avec brio. Nissan qui réserve justement sa marque Datsun à l’export, implante de usines à Taiwan (1959) et au Mexique (1961). Cabriolets, coupés, berlines, limousines : le répertoire de gabarits et genres s’élargit mais celui des formes pêche singulièrement. Critiquées pour leur esthétique parfois hasardeuse, singeant par chromes interposés, les excès américains, les Japonaises réclament du style.
Et les patrons nippons de se tourner vers l’Italie, sollicitant Pininfarina, Ghia, Vignale, Bertone ou encore le sus-cité Giovanni Michelotti. De ces allers-retours entre Tokyo et Turin sortiront des voitures élégantes, racées, enfin valides pour conquérir un statut de world-car. L’imprimatur de Michelotti, très présent chez BMW, chez Daf et chez Triumph, fera des Prince Skyline des objets de convoitise. La patte de Pininfarina donnera aux Nissan Gloria le chic international qui leur faisait défaut. Celle de Giugiaro chez Ghia sur le coupé Isuzu 117 hissera le modèle à la hauteur de la Fiat Dino ou de la Mazda Luce signée Bertone. Le même Giugiaro dessinera l’Isuzu Piazza en 1981.
En revanche, le succès d’image mondial viendra d’une voiture que personne n’attendait : la Toyota 2000 GT. Un coupé profilé comme la Jaguar Type E par son designer, Satoru Nozaki. Produite à 351 exemplaires dont 115 réservés à l’export, sept Toyota 2000 GT ont été vendues en France en 1967 et 1968. On raconte qu’une des clientes n’était autre que la chanteuse Sheila. À vérifier. Présenté en 1966, ce coupé accèdera à la renommée planétaire grâce au film On ne vit que deux fois, un 007 tourné au Japon, et grâce à sa reproduction au 1/43ème, gadgets compris par Corgi Toys. Filmé en 1967, Sean Connery est ici James Bond pour la cinquième fois. Il ne roule plus en Aston-Martin DB5 mais dans une Toyota 2000 GT transformée pour l’occasion en cabriolet. Trop grand, il mesurait 1,88m, l’acteur entrait et sortait difficilement de l’habitacle du coupé. Solution : la décapitation. Voilà pourquoi la Toyota 2000 GT de James Bond traversait le film décapotée. Une version jamais produite par le constructeur japonais mais dont la popularité, universelle, repose donc sur un malentendu. Il reste que le coupé, reproduit au 1/43ème par les Japonais Diapet, Tomica et Kyosho, et en Europe par Tekno/Kirk et par l’Italien Mebetoys, est aujourd’hui une auto mythique muséale.
Forte d’une production annuelle passée de 3 millions d’unités en 1967 à 5 millions en 1976, l’industrie automobile japonaise joue dès lors la déferlante mondiale. En Europe et aux USA, on limite, on taxe, on freine des quatre fers. En 1970, changement de donne : le gouvernement japonais, ultra-protectionniste, autorise les firmes étrangères à investir au Japon. Chrysler se lie avec Mitsubishi. En sortira la Colt/Mirage. GM signe avec Isuzu et plus tard avec Suzuki. Ford nouera bientôt un partenariat avec Mazda. À cette époque, seul Honda reste indépendant. Pourtant, son premier marché est justement l’Amérique du Nord, salement malmenée par le péril jaune sur 4 roues. En dix ans, les exportations y ont été multipliées par six. Devenu en 1980 le premier producteur mondial d’automobiles, avec plus de dix millions de véhicules vendus, le Japon a périmé les constructeurs US, dépassés et terrassés par les chocs pétroliers et les gabarits full-size d’autos supra-gloutonnes. En Europe, les Japonaises qui sont livrées super-équipées, jouissent d’une réputation de robustesse inégalée, doublée de garanties au long cours.
En privé, les constructeurs nippons procèdent par fusions et rachats. Et aussi par effacements quand Nissan gomme d’un trait sa marque Datsun au début des années 1980. Auparavant, Nissan a repris Fuji qui produit Subaru et racheté Prince et le motoriste Aichi. Renault, ce sera pour le futur (1999). Son rival, Toyota a acquis Hino et Daihatsu. Outre ses petites voitures populaires et ses berlines techniquement impeccables et best-sellers, le marché Japonais offre des belles opportunités sportives. Lancée en 1970, le coupé Nissan/Datsun 240Z qui possède les mêmes vertus qu’une Porsche 911 est vendu la moitié du prix que celui de l’Allemande. Un succès traduit au 1/43ème par une bousculade de reproductions chez Diapet, Tomica, Corgi Toys, Polistil ou encore Matchbox King-Size. Mais les Japonais n’en restent pas là. Bien décidés à rouler sur les plates-bandes de Mercedes-Benz et de BMW aux USA, ils y lancent en 1989 des nouvelles marques haut-de-gamme exclusivement réservées à ce marché. Ainsi d’Infiniti et de Lexus, respectivement développées par Nissan et par Toyota. Voilà un siècle, en 1925, le Japon produisait mille voitures par an. Cinquante ans plus tard, en 1975, on y dépassait les 5 millions. Aujourd’hui, ça plafonne à 7,5 millions. La faute aux Chinois. L’autre péril jaune.
Après avoir défrayé les chroniques industrielle, financière et judiciaire avec l’affaire Carlos Ghosn, l’alliance Renault-Nissan-Mitsubishi a été reconduite en 2023, Renault Group détenant 36% du capital Nissan. Ce qui n’a pas empêché Nissan d’approcher Honda dans le cadre d’un protocole industriel envisagé pour juin 2025. But avoué : contrecarrer la Chine, laquelle procède exactement comme le Japon voilà quarante ans ! Cette fusion aurait fait de ce triumvirat le troisième plus gros constructeur mondial juste derrière Toyota et VW. Boum, paf, patatras ! : à la veille de la Saint-Valentin 2025, tout ce bel échafaudage a été démoli et les rêves de grandeur mis sous le tatami.
DE GAUCHE À DROITE
NISSAN CEDRIC SPECIAL 1965. ATC MODEL PET/ASAHI TOYS Co. no. 33
En 1960, Nissan abandonne son partenariat technique avec Austin pour produire ses propres voitures dont la Cedric, grosse berline haut-de-gamme conçue pour rivaliser avec la Prince Gloria, la Toyota Crown et bientôt la Mitsubishi Debonair. De fait, la Cedric sera la première Nissan affichée et vendue comme telle (et non comme une Datsun). Déclinée en break à 8 places, la Cedric sera produite jusqu’en 2004 au gré de mille liftings et évolutions. Celle de 1965 correspond à la 4ème série et bénéficie d’une robe griffée Pininfarina. À bien observer la proue, on y retrouve le faciès de la fameuse Cadillac Jacqueline, et surtout, celui de la Peugeot 204 !. Un an plus tard, en 1966, Nissan rachetait la marque Prince. Dans la corbeille de mariage figuraient les berlines de luxe Gloria et les coupés Skyline. Très vite, Nissan jumellera les Cedric avec les Gloria, vendues sous les deux noms selon les marchés.
Totalement inconnues en Europe, les Cedric des années 1960 et 1970, resteront des curiosités exotiques seulement « goûtées » par les collectionneurs de petites voitures ayant eu la chance de voyager au Japon ou d’avoir déniché quelques miniatures exportées au compte-goutte en Belgique et aux Pays-Bas. Cette Cedric bleue métal a été reproduite par ATC Model Pet, branche de la firme Asahi Toy Company qui distribuait Corgi Toys au Japon depuis 1956. Actif entre 1959 et 1973, ATC Model Pet produira une cinquantaine de références, la première d’entre toutes étant la
Toyopet Crown Deluxe ’60. Le succès immédiat des ATC fera des émules : en 1961, le fabricant Taiseiya, connu pour ses jouets en tôle, lancera ses Micro Pet (prononcer : Micuro Peto), série de 16 modèles commercialisés pendant deux ans : en 1962, pour éviter un procès -Micro Pet est trop proche de Model Pet, Taiseiya lancera en 1963 une nouvelle marque, Cherryca Phenix, où figurent une belle brochette d’américaines (Chevrolet Impala, Buick Electra, Lincoln Continental, Ford T-Bird et Falcon, Dodge Polara) et d’européennes comme les cabriolets VW Karmann-Ghia cabriolet et Cox , une DS 19 cabrio ou les Mercedes 220 SE et 300SL roadster. Cherryca Phenix disparaîtra en 1965, après le rachat de Taiseiya par la puissante firme de jouets Yonezawa, ex-branche jouets du groupe pétrolier américain Union Carbide. Les ultimes modèles produits viendront nourrir le catalogue de la nouvelle marque Diapet qui en recyclera les moules et troquant l’antimoine (matériau originel) pour le zamac. Les Model Pet d’ATC finiront eux aussi dans le giron de Yonezawa Diapet. Tous ces modèles sont soit collectionnés avec ferveur, soit stupidement boudés. Uniques sur le marché, réalisés avec un luxe de détails inouï, leur côte dépasse les 150 € avec faveur aux Cherryca Phenix qui oscillent entre les 300 et 500 €. Quant aux Nissan Cedric, les générations ultérieures seront reproduites par Diapet, Tomica-Dandy, Asahi et Daiya..
NISSAN SKYLINE COUPÉ 2000 GT -ES TURBO. TOMICA-DANDY. No. 48
Au début étaient la Nakajima Aircraft et la Tachikawa Aircraft. La première firme, considérée dans les années 1930 comme le plus important constructeur d’avions japonais fournira la seconde en moteurs pour livrer à l’armée impériale ses bombardiers qui iront notamment attaquer Pearl Harbor. Au sortir de la Seconde Guerre mondiale, le Commandement suprême des puissances alliées procèdera au démantèlement de ces industries ensuite réunies sous la bannière d’un nouveau conglomérat, Fuji Sangyo, lui-même rebaptisé en 1950 Fuji Heavy Industries d’où sortira en 1953 la marque Subaru. Une autre branche, formée elle aussi en 1950, sera nommée Fuji Precision Industries, bientôt rachetée par Shojiro Ishibashi et qui mettra au point une voiture électrique très laide, la Tama, soldée par un echec en demi-teinte. En 1952, le prince Akihito reçoit son investiture -il deviendra empereur en…1989 ! Ishibashi imagine alors la création ex-nihilo d’une nouvelle marque automobile nommée en son honneur. Fondée officiellement en 1952, la Prince Motor Company dévoilera très vite sa première voiture, une grosse berline luxueuse, acquise derechef par Akihito. Prince vise deux segments : le luxe et le sport. En 1954, la marque retombe dans le giron de Fuji Precision Industries qui initie ses premières exportations.
En 1957, le lancement de la Prince Skyline, par ailleurs première auto japonaise à être exposée au Salon de Paris, inaugure une longue lignée de berlines, coupés et voitures de sport. Fait rare au Japon, Prince dispose des talents d’un designer at-large : ex-responsable du département meubles des grands magasins Takashimaya, Takeshi Inoue vit et travaille en Italie. Chez Prince, on a vite capté que le sport passait par le design et qui plus est, le design italien. Inoue travaille avec Giovanni Michelotti. Formé chez Pininfarina, passé par chez Vignale, ce jeune designer évolue en solo depuis 1959. Sollicité par Triumph, il dessinera pour la firme anglaise rien moins que la Herald, la Spitfire, les TR4 et TR5, la Stag, les berlines 1300 et 2000. Avec Inoue, il dessine la Prince Skyline Sports (coupé et cabriolet). Exposée au Salon de Turin 1960, la voiture remporte un beau succès d’image mais sera hélas un flop commercial. Toujours basé en Italie, Inoue se rapproche ensuite de Franco Scaglione pour divers projets plus ou moins aboutis alors que les Prince de course décrochent un palmarès inédit sur les circuits nippons. Tenu pour être le constructeur automobile le plus avancé du Japon, Prince sera racheté en 1966 par Nissan qui en sortira dopé. Les Prince Gloria et Skyline sont alors versées au catalogue Nissan, les Skyline promises à un développement mondial et sportif matérialisé par une multitude de modèles, générations et versions déclinés en berlines et coupés. Toujours valides aujourd’hui, les premières Skyline ont été reproduites par ATC, Taiseiya et Cherryca Phenix, puis par Diapet et par Tomica qui n’en ont pas loupé une seule génération ni typologie -Police, break Nippon Airways, Pompiers, etc….
Fondée en 1924, basée à Tokyo, la firme de jouets Tomiyama, devenue Tomy, est toujours un géant du jouet japonais. Rayon tuturatoto, c’est en 1970 que fut lancée la marque Tomica produite à deux échelles, 1/48 et 1/77, pour concurrencer le rival local Diapet et l’Américain Hot Wheels. Nonobstant une courte parenthèse de production à Hong-Kong (1971-72), Tomy recentrera Tomica en 1972 avec la marque Tomica-Dandy, initialement dédiée à la reproduction au strict 1/43 des modèles japonais avant de s’ouvrir à l’international en 1977 (Lotus Europa, Rolls-Royce Phantom VI, Fiat Abarth 131 et X 1/9 Dallara, Renault 4 Air France et Elf-Ligier, Ford Mustang II Ghia, fourgon Citroën H, Mini Cooper S, Maserati Bora, Porsche 928, VW Cox Rolls & Ford Wagen…). Plus fines et mieux finies que les Diapet, plus originales dans le choix des modèles, les Tomica-Dandy ne rencontreront pas un grand succès en France, snobées par les collectionneurs et freinées par leur prix. Diffusion étroite : il fallait filer en Belgique, en Allemagne et aux Pays-Bas pour les trouver. Les ultimes Tomica-Dandy seront commercialisées en 1993 ; certains modèles cultes, dont la Nissan Skyline, feront l’objet d’une réédition collector dans les années 2010. Concernant cette Skyline de la 5ème génération ( 1977-1980), ce furent essentiellement les coupés 2000 et 2400 qui seront reproduits au 1/43. Il y aura aussi la version Silhouette, et, dérivées de notre coupé 2000 GT-ES Turbo (une première au Japon !) ci-dessus montré, une version Wind-Surf (no. L04) et une version ski (no. L03), difficiles à dénicher.
HONDA S800 COUPÉ. DINKY-TOYS. 1968. No. 1408.
Inscrite dans la nouvelle (et ultime) série 1400 inaugurée en 1967 avec la Peugeot 404 Taxi G7, la Honda S800 est la première (et ultime) auto japonaise reproduite par Dinky-Toys. Penser toutefois que Dinky fut le premier fabricant de petites voitures français à reproduire la S800 et se mettre la fourche du chariot Salev dans l’œil. En effet, quelques années auparavant, le fabricant Clément-Gaget, grand fournisseur de modèles réduits Clé pour Bonux, Huilor et autres marques lessivielles, avait composé une courte ligne de jolis cabriolets en plastique au 1/48 où figuraient une Matra M530, une Peugeot 204, une NSU Prinz Wankel, une Triumph TR4, une Fiat 850 Bertone et une Honda 600. Certes, la Dinky était un coupé et ciblait la S800, le modèle d’après. Une auto connue pour avoir conquis les pages de la rubrique Starter dans le Journal de Spirou et pour être devenue la voiture de Spirou, une décapotable blanche, sous le crayon de Franquin. Découverte lors du Salon de Paris 66, la Honda S800 fait un tabac. Exotique et sexy, elle carbure sec et laisse loin derrière elle la concurrence anglaise et italienne. En janvier 1967, le magazine L’Automobile inaugure son année avec deux essais à la une : une Autobianchi Bianchina Lutèce, toute chic mignonne mais vieillissante et un coupé Honda S800, toute rouge sous la neige. Le nouveau péril jaune : le cri d’alarme est lancé. Cliché pour cliché, autant mettre le paquet. Célèbre pour ses motos, Honda a pénétré en fanfare le marché auto en 1963 en écumant les circuits F1 et en lançant des kei-cars craquantes comme le cabriolet 500 qui évoluera en 600 puis en coupé 800. En 1967, la N360 (puis N600), suivie de la Z (1970) feront connaître et aimer Honda en France, jusqu’au lancement de la Civic en 1972. Produit à plus de 11.000 exemplaires dont la moitié trouvera acquéreurs en France, la S800 y était alors vendue moins de 10.000 francs, ce qui en faisait le coupé sportif le moins cher du marché (et qu’une R8 Gordini) et aussi le plus performant, tapant jusqu’à 160km/h grâce à une technologie dérivée de celle des motos. C’est aussi la voiture sympa des minettes, des actrices à la mode et d’une nouvelle jeunesse émancipée capable de se glisser derrière son volant -l’habitacle est un chouia exigu. Voilà qui justifie le choix de Dinky d’entre toutes les Japonaises qui pointaient leur museau dans l’Hexagone. La Honda S800 de Dinky, capot ouvrant, coloris jaune, intérieur rouge, a été évidemment reproduite par Atlas, fabriquée en Chine. Le péril jaune, encore et toujours….
HONDA S 800 CABRIOLET. ATC MODEL PET/ASAHI TOYS Co. no. 34
Entre le milieu des années 1960 et le début des années 1970, les voitures japonaises peinent à intéresser les fabricants de miniatures occidentaux. Outre la Honda 600 de Clé, et la S800 de Dinky, aucun fabricant français daigne se pencher sur le sujet. Il faudra le succès du film On ne vit que deux fois, James Bond tourné au Japon en 1967, pour que la Toyota 2000 GT intéresse Corgi Toys (en version cabrio fictive), le Suédois Tekno et l’Italien Mebetoys. C’est justement en Italie que les Japonaises de cette période intègreront le catalogue de Politoys/Polistil avec le coupé Isuzu 117 carrossé Ghia, la Honda N360 Buggy Joungstar Hondina réalisée à titre prototypal par Zagato, la Datsun 240 Z, et la Honda Z (au 1/43 et au 1/25) sans doute parce que sa lunette-arrière en forme d’écran TV évoquait une télé Brion-Vega Algol designée par Richard Sapper et Marco Zanuso. La suite sera un brin plus étoffée avec la Datsun 240 Z Rallye chez Corgi qui épinglera ensuite au 1/36 une Honda Prelude (avec planeur) et un pick-up Mazda. En France, ce sera Solido qui reproduira le coupé Toyota Celica 2000 avant de livrer la première Nissan Prairie, puis Majorette avec un Toyota Land Cruiser mis à toutes le sauces. Même échelle chez Matchbox pour une Datsun 126 X expérimentale de 1970 et pour un coupé Datsun 260 Z. Dans les années 1990, on verra passer une Mitsubishi Galant de 92 chez le Portugais Trofeu, un Nissan Patrol chez l’Espagnol Guisval et des Nissan Maxima et Serena chez le Néerlandais AHC-Doorkey (ex-Auto-Pilen).
Couplée au coupé S800 (no.35), la miniature du cabriolet S800 reproduite par ATC au 1/42 avec capot et coffre ouvrants, appartient à la fin de carrière du catalogue et de la marque. Sachant que ATC fut vendu à Yonezawa, il n’y a rien d’étonnant à ce que la marque Diapet eut récupéré nombre de moules de modèles existants dont le cabriolet Honda 600 (no. 131) et le coupé 800 (no.181). Une troisième Honda figurait au catalogue ATC, la petite N360 (no.37) avec capot ouvrant. Curieusement, la N360 reproduite par Diapet semble avoir échappé au recyclage : l’échelle (1/40) est différente, les ouvrants sont les portes, mal ajustées, les roues sont molles et l’ensemble est raté.