Contrairement à ce que l’on croit, Columbo n’est pas sorti du chapeau cracra de Peter Falk. Quand le comédien endossa l’imper froissé de l’inspecteur de la criminelle, Columbo existait déjà, sorti de l’imagination de deux écrivains, scénaristes et dramaturges, Richard Levinson et William Link, figures récurrentes de la télé américaine et connus pour avoir créé ensemble la série Mannix, avec Mike Connors, et plus tard Arabesque, avec l’inoxydable Angela Lansbury. C’est à l’orée de sixties que le personnage de Columbo se métabolisa sur deux fronts : au théâtre et à la télé.
Sur scène, ce fut Thomas Mitchell, grand comédien américain à la filmo longue comme le bras qui campa Columbo dans la pièce policière Prescription Murder. Columbo fut aussi son ultime rôle -Mitchell décèdera lors de la tournée du spectacle en 1962. Ironie des castings : Mitchell et Falk avaient joué ensemble dans Milliardaire pour un jour (Pocketful of Miracles), film tourné en 1961 par Frank Capra avec Bette Davis et Glenn Ford.
À la télé, Columbo apparaîtra pour la première fois en 1960 sur la chaîne NBC, dans un épisode du Chevy Mystery Show, programme hebdomadaire sponsorisé par Chevrolet et présenté par le comédien Walter Slezak, truculent second-rôle hollywoodien à l’accent autrichien. Mis à l’antenne le 31 juillet, Enough Rope était interprété par Richard Carlson et Joan O’Brien tandis que Columbo était joué par Bert Freed, solide comédien vu dans Les sentiers de la gloire de Kubrick et dans Qu’est-il arrivé à Baby Jane ?.
Pendant ce temps-là, le duo Levinson-Link savoure le succès de Mannix, série-star de CBS, tout en fourbissant le projet d’une nouvelle série policière articulé autour du personnage de Columbo. Pour ce faire, seront tournés deux téléfilms-pilote : l’un diffusé en 1968, l’autre en 1971. Le décor est illico planté : un lieutenant sans prénom (Frank ?) de la police de Los Angeles enquête sur le crime auquel le public a assisté en ouverture d’épisode. Columbo semble toujours tombé du lit, est attifé comme l’as de pique, fouille ses poches à la recherche de son calepin, machouille un cigare éteint, tarabuste les suspects avec son air chafouin et ses questions retorses, parle sans arrêt de sa femme (qu’on ne verra jamais), est parfois flanqué d’un chien asthénique et surtout conduit une bagnole désespérément cabossée et exotique. En anglais dans le texte : une beat-up car.
Venu de New-York et du théâtre, passé par le cinéma où il avait déjà joué dans une quinzaine de bons films, Peter Falk qui faisait partie de la bande John Cassavetes-Gena Rowlands-Ben Gazzara, ne fut pas le premier choix pour incarner Columbo. Ni même le second. La production voulait Bing Crosby. Âgé de 65 ans, le crooner le plus célèbre du monde ne tournait plus trop. Milliardaire, il refusa poliment le rôle pour ne pas interférer avec son calendrier de compétitions de golf. On se tourna ensuite vers Lee J. Cobb qui refusa à son tour. Le premier pilote de Columbo était intitulé Prescription Murder. Logique. On y voyait Falk flicanasser entre Gene Barry, Katherine Justice et Nina Foch pour confondre l’assassin. Le second pilote, Ransom for a Dead Man, opposait Falk à Lee Grant, excellente actrice bientôt oscarisée pour son rôle dans Shampoo avec Warren Beatty. C’est ce deuxième opus et sa forte audience qui décidera NBC à lancer la série, programmée sans interruption de septembre 1971 à septembre 1977. En cinq saisons, Columbo va casser la baraque. Diffusé dans quarante pays, l’inspecteur va devenir une célébrité mondiale. Et Peter Falk avec lui. Produite par Universal, filmée qualité cinéma, ce qui explique aujourd’hui encore son impact esthétique, la série devenue culte toujours fait les bons samedis soirs de la chaîne TMC. On y croise des guest-stars de premier rang -Anne Baxter, Faye Dunaway, Richard Basehart, Janet Leigh, John Cassavetes, Myrna Loy, Dean Stockwell, Vera Miles, Louis Jourdan, José Ferrer, George Hamilton, Ray Milland, Ida Lupino et même Johnny Cash !. Derrière la caméra où défilent des pros de la trempe de Boris Sagal, Ted Post ou Richard Quine, Columbo vera débuter un jeune Steven Spielberg (réalisateur de Faux témoin, épisode inaugural de la série), et aussi Jonathan Demme. Rescapé de la série Le Prisonnier, Patrick Mc Goohan, souvent vu au fil des épisodes, en réalisera lui-même cinq. À raison de 45 épisodes longs d’une heure et demie à deux heures ( !), Columbo déboulera en France le 20 décembre 1972, sur la première chaîne. Aux États-Unis, la série s’arrêtera en 1978. L’année suivante, NBC presse Levinson & Link, de fabriquer le spin-off Madame Columbo (Kate Columbo puis Kate Loves a Mystery). Classée « detective drama », la série filera dans le mur après 13 épisodes. Car Kate Columbo n’est pas policière mais journaliste au Valley Advocate, feuille de chou locale. Elle est aussi divorcée de Columbo et a une fifille de 7 ans. Et pourquoi pas une femme de ménage tant qu’on y était. Mais elle conduisait la 403 décapotable de son ex. Quelle culot !, quelle impudence !. Au générique, la Kate Columbo était vainement habitée par Kate Mulgrew, actrice banale, que le public français boudera lors de sa diffusion, en 1981, sur TF1. En réalité, il fallait combler un trou. Peter Falk boudait, refusait une seconde série. Il voulait produire et le fera en 24 épisodes entre 1989 et 2003. Rien de changé sous le soleil de Los Angeles : l’imper est toujours cracra, les assassins toujours riches et cyniques, et l’œil de verre toujours en orbite. Quant à sa voiture, la fameuse 403 Peugeot cabriolet, Falk ayant piqué une crise, la production dût se mettre en quatre pour la récupérer puisque bazardée après le bide de Madame Columbo. Outre Columbo, on verra Peter Falk au cinéma dans plusieurs films de son pote Cassavetes, chez Aldrich dans le formidable Deux filles au tapis (1981) et même chez Wim Wenders dans deux films où il joue son propre rôle. En Françe, Falk était doublé à la télé comme au ciné par le comédien Serge Sauvion qui finira par s’identifier à son modèle, peut-être jusqu’à la caricature. Peter Falk est décédé en 2011, à l’âge de 75 ans.
De gauche à droite
-Peugeot 403 cabriolet. Solido. 1960. No. 108
Lancée en 1955, la berline 403 est la première Peugeot dessinée par Pininfarina. Sobre, spacieuse, robuste, raisonnable, la familiale de Sochaux cassera le moule en proposant très vite, en 1956, un cabriolet luxueux qui représentera le haut-de-gamme du Lion. Un hard-top viendra maquiller la voiture en coupé sans en altérer le profil, avec sa malle arrière rallongée. Peugeot produira jusqu’en 1961 à plus de deux-mille exemplaires ce cabriolet 403, dont la cote, aujourd’hui, en collector dépasse volontiers les 70.000 euros.
Comment cette voiture aura-t’elle fini dans les mains de Columbo ?. Peugeot affirme ne l’avoir jamais commercialisée aux USA et s’est toujours désolidarisé de l’image désastreuse véhiculée par la série. Quel tort. D’aucuns évoquent une voiture « importée » par un cadre d’Air France muté en 1962 en Californie. D’autres favorisent la version « Roger Pierre ». En effet, ce dernier, de passage à Hollywood avec sa 403 cab’ achetée en 1959 à Paris, serait venu travailler pour Universal, et aurait fourgué sa caisse à Peter Falk en 1968. Du pipeau. Roger Pierre n’a jamais tourné aucun film, téléfilm ou épisode de feuilleton à Hollywood. Seule la date de 1968 coïncide avec le tournage du premier pilote de Columbo. Toujours est-il, que, dénichée dans un parking, cabossée et bringuebalante, la 403 cabriolet grise entrera de plain pneu dans la légende. Excentrique, exotique et marginale, suscitant la mine dégoûtée des beautiful people de Beverly Hills abonnés aux Rolls et aux Mercedes, provoquant les ricanements de la flicaille, voire la sortie du carnet de prunes pour non-respect du code et des règles de sécurité routière, la Peugeot de Columbo est un personnage à part entière dans chaque épisode. Quand la série fut reprise en 1988, la 403 avait disparu, vendue par le studio. Colère tout plein, Peter Falk exigea le retour de la caisse originale comme condition expresse à la reprise du tournage. Tous les collectionneurs du pays qui prétendaient la posséder se bousculèrent à la porte du garage Universal, mais la vraie fut retrouvée dans l’Ohio, propriété d’une famille toute simple. Autant le savoir, ce n’est pas une mais cinq 403 cabriolets qui furent utilisées au cours des deux époques de la série, sauf que quatre furent des berlines décapitées, décapotées et carrossées en cabrios. Exactement ce qu’avait fait le fabricant de jouets en plastique Clément-Gaget (Clé) avec sa berline 403, transformée en cabriolet mais à 4 portes !. Une curiosité au 1/48ème, d’une fragilité extrême. Et donc rarissime.
Si la berline et le break 403 furent amplement reproduits au 1/43ème par l’ensemble des fabricants français (Dinky-Toys, CIJ, Quiralu, Jep, Norev, Minialuxe…), le cabriolet sera snobé avant d’être repêché tardivement, en 1960, par Solido. Qui avait usiné en 1955 une berline 403 démontable. Première française de la nouvelle Série 100, apparue en 1957 et première ligne Solido au 1/43ème., la 403 cabriolet décapotée était proposée dans une belle gamme de coloris -bleu ciel, gris clair, jaune vanille, bleu de France-, avec capote repliée peinte en noir mat, intérieur en plastique blanc ou rouge et figurine en plastique au volant. Avec la Renault Floride et la Simca Océane, la 403 roulait chic en tête des cabrios français Solido, mais ne fera pas partie des exports espagnols Solido pour Dalia. On la retrouvera en revanche quelques années plus tard chez Verem et aussi, en surmoulage caoutchouc chez le Norvégien Tomte-Lardaal. Voici quelques mois, à la faveur de la réinvention du Clud Solido et d’une entreprise de réédition qui a tourné court, la 403 cabriolet en fut le premier exercice doublé d’une édition spéciale à 1932 exemplaires en coloris lilas. Sinon pour une 403 Columbo, enquêter du côté de chez Leader, marque française des années 1990, filiale d’Éligor. Si votre femme savait ça…
-Rolls-Royce Silver Shadow coupé H.J. Mulliner Park Ward. Corgi Toys 1970. No. 273 et 280
Dévoilée en 1965, la Rolls-Royce Silver Shadow est alors la première berline de prestige moderne du vénérable constructeur anglais, miniaturisée derechef par le gotha des fabricants de jouets (Dinky-Toys, Norev, Politoys, Diapet, Matchbox…). Jumelée avec la Bentley T, la Silver Shadow sera très rapidement déclinée en un élégant coupé 4 places carrossé par H.J. Mulliner Park Ward. Fondé en 1897, spécialisé dans les attelages et les carrosses de luxe, H.J.Mulliner & Co est un carrossier tombé dans l’escarcelle de Rolls-Royce en 1959. Vingt ans auparavant, en 1939, Park Ward, autre carrossier prestigieux, était racheté par Rolls-Royce Motors qui finira par fusionner en 1961 les deux maisons en une seule entité dédiée au voitures Bentley et Rolls-Royce. Voilà pourquoi le premier coupé Silver Shadow, réalisé en 1966, portait officiellement leur griffe. Et que Corgi-Toys le mentionna dûment sur la boîte de sa Rolls-Royce Silver Shadow coupé, sortie en 1970. Un modèle alors nanti des fameuses roues amovibles Golden Jacks (no. 273). Une version éphémère qui sera remplacée l’année suivante par des roues « fixes » avant de rouler en 3ème version avec les roues rapides Whizzwheels (no. 280), commercialisée en 1973. Idem pour la caisse, bicolore blanc nacré/gris pigeon ou bleu/argent, puis unie bleu métal et enfin unie argent avec calandre et pare-chocs dorés. Belle, luxueuse, diamantée, volant doré, la Silver Shadow coupé de Corgi changera aussi d’échelle, passant du 1/43ème au 1/38ème (no. 279), de moule, et dans la foulée, de nom : ce sera désormais la Rolls-Royce Corniche. Idem pour sa jumelle, la Bentley T Series, elle aussi labélisée H.J. Mulliner Park Ward et traité rose bonbon par Corgi entre 1970 et 1973. Ailleurs, le coupé Silver Shadow de 1966 sera peu reproduit, et sans mention aucune de ses carrossiers. Ainsi de celui de l’Italien Mebetoys, production luxueuse dont le moule finira en Ukraine pour un spin-off soviétique en plastique fluo. Souvenir funeste : c’est au volant d’une Silver Shadow coupé que Fernand Raynaud se tuera sur la route en septembre 1973….
-Pontiac Parisienne US Police. Dinky-Toys GB. 1970. No. 251.
Pendant plusieurs décennies, Pontiac partagea avec Chevrolet organes mécaniques, moteurs et carrosseries. Au sein de la General Motors, Pontiac formait aussi un pôle commercial défini avec Buick et Oldsmobile. Cinquième constructeur américain dans les années 1950, Pontiac s’émancipera de ces tutelles entre 1960 et 1970, alors dirigé par le bouillonnant John DeLorean. Avec ses calandres en étrave proéminente, ses jeux de double-phares verticaux ou horizontaux, Pontiac impose alors un style implacable. Entre les sportives Grand Prix, GTO et Firebird et les étirements des « grandes Pontiac » Catalina et Bonneville, l’offre se fait plus agressive. Plus volumineuse, plus lourde, plus longue, la nouvelle Pontiac Parisienne n’échappe pas aux nouveaux canons de l’époque. Comme déjà évoqué ici-même, la Parisienne était une voiture middle-class bonne pour la casse quand dépassée sa date de péremption stylistique. En 1968, une troisième génération de Parisienne était commercialisée par GM. Un an plus tard
Dinky Toys GB la reproduisait au 1/42ème, soit aussi volumineuse, lourde, chromée et tapageuse que la vraie. Aucun ouvrant, les ailes arrière percées de deux antennes en plastique chromé rétractables actionnées par une mollette, des roues Speedwheels pour aller vite : la version civile fera partie des belles américaines Dinky qui décline systématiquement ses belles américaines en taxi américain ou en US Police Car. Après la Ford Fairlane, la Cadillac 62 ou la De Soto Fireflite au tout début des années 1960, la Pontiac Parisienne, (avec la Plymouth Grand Fury) viendra clore la décennie avec une doublette policière formée d’une Police Car USA blanche à toit noir (no. 251) et une Royal Canadian Mounted Police Car ( no. 252) bleu foncé à portières blanches. À l’intérieur, une figurine en plastique au volant à gauche, et sur le toit, gyrophare et bazar de sirènes, projos, etc…Amusant : le numéro 251 attribué par Dinky à la Parisienne Police Car était auparavant porté en 1954 par …un rouleau-compresseur. Pas glop pour les poursuites et les pneus qui crissent.