FAIRE DU NEUF AVEC L’R VIEUX

Retrofit. Renew. Restomod. Newstalgie. En misant sur la continuation et le revival, grands groupes, grandes marques et petits constructeurs indépendants s’engagent sur toutes les voies sillonnant un paysage automobile mondial en pleine réinvention. Chez Renault, on préfère le retrofit.

Après la 4L Suite no.4 réaménagée par le designer Mathieu Lehanneur -oui ! oui !, celui de la flamme olympique des JO de Paris 24, en chambre d’hôtel à ciel ouvert et présentée en novembre 2021 à l’occasion du 60ème anniversaire de la Quatrelle, les célébrations se sont poursuivies, marquant ensuite les 50 ans de la R5, avec la 5 Diamant du designer Pierre Gonalons, révélée en juin 2022. Un bijou rose, électrique, volant en marbre, et phares diamantés comme sur les Dinky-Toys de l’enfance. Et le design originel de Michel Boué de reprendre le logo dessiné par Vasarely et appliqué pour la première fois sur la première R5. Un troisième opus de retrofit, cette fois piloté par la designer néerlandaise Sabine Marcelis touchera en 2023 la Twingo pour ses trente ans. Voilà peu, ce fut au tour du coupé R17 retrofitté par le design Ora-ïto, alors qu’on s’attendait à un exercice du même acabit autour de l’Espace ou de la R16, annoncé en regardant ailleurs pour 2025. Entre temps, Luca De Meo, alors nouveau DG de Renault, annonçait, au nom de la Renaulution, le projet d’une néo 5 électrique. Rien de nouveau sous les batteries : en 1973, la Régie en avait déjà conçu une. Pas roulé loin. Fort d’avoir réinventé la Fiat 500 avec Lapo Elkann, De Meo avait donc promis une nouvelle 5, 100% électrique vendue à prix abordable et destinée à remplacer fissa la Zoé. Signé Gilles Vidal, son design évoquait évidemment celui du projet de Marco Maltese, mais l’esprit revival demeurait, tendu vers un futur proche auquel sera associé un autre revival : celui de la 4L, elle aussi branchée à mort. On vit alors passer un avatar newstagique designé par David Obendorfer, repéré pour son travail sur les super-yachts italiens San Lorenzo, évoquant un mix hybridant la bonne vieille Dauphine et les Nissan Pao et Be-1. Tabula rasa : la future R4 E-Tech est l’œuvre de ce même Vidal et de son équipe. Présenté au Salon de Paris début octobre, en même temps que la 5 E-Tech, et annoncé pour le printemps prochain à la vente -30.000 euros, ce revival a mis la presse et les visiteurs en émoi. Dans le Canard Enchaîné, le dessinateur Bouzard n’y est pas allé de main morte avec une vignette cinglante illustrant un couple de visiteurs du Mondial de l’Auto désabusés devant cette avalanche de revivals et maugréant « on dirait un vide-grenier ». Ou plutôt un air du temps élevé en batterie(s). Certes, les codes physiques et esthétiques des modèles originaux ont été repris mais l’inflation tout autour est telle qu’au finish, ces deux icônes ont pris de l’embonpoint et ressemblent plus à des machins en Lego, voire des Hot Wheels customisées. Les roues sont aussi laides que celles des vieilles Norev Jet-Car ou des Burago vendues en station-service, le volume général en surcharge pondérale est peu gracieux, la rapprochant de certaines japonaises ou de la nouvelle Mini (l’arrière de la 4L surtout) anabolisées et les couleurs choisies enfoncent le clou : on frise le mini-corbillard en mode SUV. Quant au bleu, forcément électrique, il rappelle illico celui des 4L fourgonnettes de l’EDF. Du glamour certifié. Quant à la 5 E-Tech, si son jaune ramène aux origines, et surtout à celles de la mythique Turbo, elle se rapproche de l’esprit revival quand bien même la vue générale des gammes de couleurs et combinaisons possibles évoque le contenu d’une boîte de chocolats Richart -à chaque ganache son graphisme. Mais le public interrogé dans les allées a-do-ré. Sauf le prix…En 1964, L’Auto-Journal écumait les modèles présentés au Salon de l’Automobile et notamment la Renault 1500, future R16. Y étaient en outre férocement passés au crible tous les modèles de la Régie. La R4L ?: insonorisation inexistante, affolement prématuré des soupapes, mauvaises finitions, dossier arrière dur, forte inclinaison en virage. LA R8 en prenait aussi pour son grade : freinage irrégulier, garde au toit insuffisante, commandes de chauffage dangereuses ! Quant à la Caravelle, nouveau nom de la Floride depuis 1963, elle décrochait le pompon : équipement démodé, frein à main peu efficace. Certes, ces voitures avaient des qualités, mais les journalistes ayant effectué les tests ne se sont pas roulés par terre de bonheur pour autant. Concernant toutes les autres voitures montrées et essayées, françaises et étrangères, il apparaît que le magazine cultivait une étrange obsession : les capots s’ouvrant dans le mauvais sens. Mais on ne saura jamais lequel….

Renault 17 TS. Norev Jet-Car, 1972.  No. 823

Depuis l’arrêt de la Caravelle au milieu des années 1960, la Régie Renault n’a plus aucun coupé dans sa gamme. Une lacune comblée à l’orée des années 1970 avec le lancement conjoint des coupés R15 et R17 élaborés sur la base de la berline R12, présentée en 1969. Voitures-jumelles, les 15 et 17 ont été dessinées par Gaston Juchet, papa de la R16, de la R12 et de toutes les Renault qui suivront, de la R14 à la R30. L’époque est en effet favorable aux coupés pépères comme la Fiat 124 Coupé, la Ford Capri, la Sunbeam Rapier, ou l’Opel Manta, rivales de la R15, plus placide que sa sœur, vitaminée et lookée comme une pony-car américaine et dont la concurrence en Europe court de l’Opel GT 1900 aux Capri « gonflées », d’autant que très vite, elle roulera Gordini. Sur le terrain, les jumelles de Billancourt ne jouent pas dans la même cour que Peugeot avec son coupé/cabriolet 504. De sucroit, la R17 virera fissa bagnole de kéké, réputation qui lui collera au châssis jusqu’à la fin de sa carrière, en 1979. Paradoxe : Renault vendra à plus de 209.000 exemplaires la R 15, affligée d’un déficit d’image notable contre seulement 94.000 unités pour la R17. Leur lifting survenu en 1976 touchera essentiellement le design de leur proue et de leur poupe. Histoire de rouler cheveux au vent, il y aura des versions découvrables avec toit souple et, sur la R17, un toit rigide amovible à effet Targa. Typiques d’une époque, devenus des collectors, les coupés 15 et 17 seront remplacés par la Fuego, sans doute la Renault la plus déroutante qui fut d’aucuns diront « la plus laide ». Voilà peu, le designer Ora-ïto a dévoilé son restomod de la 17, plus proche de la K-2000 de David Hasselhoff dans la série éponyme, que de la 17 TS utilisée dans la série télé Les Petits Meurtres d’Agatha Christie 70’S par un clone calamiteux de Starsky (sans Hutch).

Si le mode cruel de l’auto miniature a ostensiblement snobé la R15, il en fut autrement concernant la R17, sans doute grâce à son palmarès sportif. De fait, c’est unanimement, une R17 TS que Solido, Dinky-Toys Espagne (puis Auto-Pilen), Minialuxe et Norev aligneront sur la ligne de départ. Mise au catalogue simultanément avec la R15 TL, la 17 TS de Norev est de prime abord proposée en plastique (#168). Trois ouvrants, un bloc avant réussi : la miniature est parfaite et, à l’instar de la 15, passera au métal Jet-Car sans perdre ses qualités. L’adoption des roues-boutons rapides et l’usage de stickers mal posés pour la version rallye participeront de son déclin. À l’inverse de Dinky Spain et donc, d’Auto-Pilen qui reproduiront la version II restylée, Norev ne bougera pas un cil pour modifier son moule -même flemme chez Solido, ce qui rendra la miniature caduque. À des échelles moindres, Matchbox et Majorette choisiront la 17 quand Polistil en Italie, préfèrera la 15 pour sa série au 1/66 -il convient de préciser ici que de l’autre côté des Alpes, le nombre 17 porte malheur.

Renault 5 TL.  Norev Jet-Car, 1972.  No. 711

Lancée en même temps que la vraie R5 et reprenant les codes visuels très bédéïstes voulus par Renault, la R5 de Solido affichait en outre les mêmes couleurs pop de carrosserie et les mêmes boucliers en plastique gris. Portes ouvrantes, phares transparents et basta !: les feux arrière n’étaient même pas peints. Il faut dire que la miniature, vendue à petit prix, inaugurait une série de populaires inédite chez Solido : Citroën LN, R12 break, Opel Kadett coupé, Peugeot 104 coupé, VW Golf….Le transfert de la R5 à la gamme Cougar (vendue en Angleterre sous la marque Dinky-Toys) sera somme toute logique. Toujours au 1/43ème, mais en plastique, Minialuxe proposera une très réussie 5TL à toit découvrable à moitié ouvert, avec capot et hayons ouvrants, ce qui la distinguait de la 5TL de Norev, sortie début 1972, dans la foulée de la Solido. Là aussi, choix du toit découvrable mais fermé et seulement les deux portes ouvrantes. Contrairement à la Minialuxe, finement et fidèlement moulée, contrairement aux autres nouveautés Norev de l’année -R15 et R17, Ligier JS2 -, la R5 de Norev était ratée. Avant écrasé, silhouette pataude, phares de traviole : les défauts sont les mêmes que ceux de la 4L. Lancée en plastique, la 5TL passera très vite en mode métal Jet-Car, changera de roues rapides de plus en plus moches, et sera déclinée en auto-école, en SOS Médecins et en version 1300 rallye Elf molle des fesses. Au mitan des années 1980, histoire d’amortir un moule vieillissant et bien que le modèle originel soit sorti de production, Norev multipliera les Jet-Car promotionnelles : peintures Tollens, laitages Yoplait et même l’inter-syndicale Cidunati !. En 1994, Norev versera sa R5 dans une nouvelle série où figurent aussi la 4L et la VW Coccinelle : seules les roues à l’ancienne les distinguent des Jet-Car précédentes. Basculé du jouet à la collection, Norev utilisera sa R5 jusqu’à plus soif, avec, en 1999, la version France Inter. Autrement, toujours au 1/43ème, et en zamac, la R5 espagnole d’Auto-Pilen n’aura rien à envier à celle de Solido en termes de qualité. En revanche, les reproductions signées par les Italiens Politoys/Polistil et Mebetoys/Mattel était totalement caricaturales.  À d’autre échelles, on débusquera des R5 chez les Espagnols Gozan et Guisval, chez le Portugais PePe, chez Corgi en versions Alpine, TS et Police, et même chez le Norvégien Tomte-Lardaal en gomme monobloc. Enfin, la R5 fut reproduite au 1/18ème et en plastique par Vuillerme avec les mêmes phares-yeux malicieux de la réclame originelle Supercar.

Renault R4. Norev. 1962. No. 53

Vitrage. Aménagement intérieur. Phares jaunes. Pneus à flancs blancs : pour le lancement de sa 4L, Norev avait mis le paquet. Non seulement il s’agissait pour le fabricant de sa première Renault moderne après la 4CV, la Dauphine, la Frégate et la Floride, mais aussi d’un des tous premiers modèles dotés d’un ouvrant. En l’occurrence, le hayon arrière. Ce qui rendait la 4L Norev terriblement sexy face à la concurrence tout-plastoc (Clé, Sésame).  En réalité, la 4L de Norev n’était jolie vue de dos, car son avant était totalement raté. Bouffi, quasi difforme, avec une calandre mal dessinée, un capot grossier et un toit bombé. La miniature donnait l’impression d’avoir été démoulée trop chaud. Sans rire, à la même époque, chez Norev, la nouvelle 2CV Az 61 et la Peugeot 404 souffraient des mêmes tares. Ce qui n’empêchera pas Norev d’éterniser la carrière de sa 4L sans procéder au moindre changement de moule touchant à la calandre au gré des modifications esthétiques apportées par Renault. Pour une Quatrelle en plastique réussie au 1/43ème, il importera alors de partir en Espagne et d’y acquérir une Chiqui-Car Nacoral, avec portes avant ouvrantes, phares diamants, aujourd’hui collector recherché. C’est Dinky-Toys qui sauvera la 4L avec une reproduction au petit poil, proposée également en version Junior. Suivront la 4L orange Autoroutes (#518A), la 4L de 1968 avec sa nouvelle face chromée réunissant phares et calandre (#518) sous marque Dinky-Espagne, ensuite récupérée par Auto-Pilen, la 4L Sinpar 4×4 Gendarmerie militaire (#815), et celle de Tanguy et Laverdure (#1406). Quant à l’ultime génération de 4L avec calandre rectangulaire en plastique noir, une seule marque au programme : la Japonaise Tomica Dandy.