TRUMPOLINE : QUI VA SAUTER?

Bon, ayé. Élu-réélu. En janvier prochain, l’homme orange aura le doigt plus près du bouton rouge. MAGA. Et pire encore. Trump-la-mort et plus si affinités. La vision du film The Apprentice, réalisé par Ali Abassi avec un Sebastian Stan bluffant dans la peau déjà auto-bronzée de Donald Trump, aura fâché très fort celui qui était alors encore candidat, jurant de lâcher sa meute d’avocats contre le cinéaste et son scénariste.

Le film ayant fait un flop aux USA, The Apprentice s’est refait une santé en Europe et particulièrement en France -rien d’étonnant, tandis que, sorti concomitamment, Reagan, le biopic sur Ronald Reagan, incarné par Dennis Quaid, acteur ultra-trumpiste grillé vif à Hollywood, a engrangé 20 millions de $ en deux semaines d’exploitation aux USA en dépit d’un flot de critiques négatives.  Sur le terrain, quasi tous les présidents américains ont fait l’objet d’un biopic hollywoodien.

Le réalisateur Oliver Stone s’en est même ciselé une spécialité controversée avec JFK, Nixon et W, trois films au succès décroissant. Sorti en 1991 avec Kevin Costner dans la peau de John F. Kennedy, JFK fut un succès planétaire. Quatre ans plus tard, Nixon avec Anthony Hopkins passera presqu’inaperçu. Quant à W, avec Josh Brolin incarnant George W. Bush, sorti en 2008, il ne cassera pas la baraque. Stone produira aussi pour la TV The Day Reagan Was Shot, avec Richard Crenna et réalisera plusieurs documentaires, dont deux sortis en 2021 : JFK : Destiny Betrayed (pour la TV) et JFK Revisited : Through the Looking Glass (pour le cinéma). Incarné plus d’une trentaine de fois au cinéma, Nixon intéressera Ron Howard pour son Frost/Nixon : l’heure de vérité réalisé en 2008 et basé sur les fameuses interviews de l’ex-président Nixon, ici joué par Frank Langella, pour la BBC. En 2016, Lyndon B. Johnson sera focalisé par Rob Reiner pour le biopic LBJ, avec Woody Harrelson dans le rôle-titre.

Autrement, Abraham Lincoln reste le champion absolu en la matière avec la bagatelle de 130 films tout à sa gloire. En effet, dès 1912, celui qui fut le 16ème président des États-Unis et aussi le 1er président républicain, fut le sujet du film When Lincoln Paid, tourné par un certain Francis Ford -rien à voir avec Francis Ford Coppola ! Acteur et réalisateur pionnier du Muet, Ford incarnait Lincoln dans ce film qu’on crut longtemps perdu. Il prit tellement goût à la chose qu’il le joua dans neuf autres films muets ! Pour la chronique, Francis Ford était le frère aîné de John Ford, lequel ajoutera sa pierre au ciné-mausolée érigé à la gloire de Lincoln avec le film Young Mr. Lincoln (Vers sa destinée), sorti en 1939 avec Henry Fonda. L’ultime biopic – ce jour, consacré au grand homme remonte à 2012 avec le Lincoln de Steven Spielberg campé par Daniel Day Lewis. Il n’y a pas qu’au cinéma que Lincoln a imprimé son héritage. Ne pas chercher ailleurs les origines du nom de la marque automobile américaine Lincoln. Fondateur de Cadillac, vite absorbé par la General Motors, Henry Martin Leland, en bisbille avec son boss, partit fonder en 1917 la Lincoln Motors Company, ainsi nommée en hommage au président Lincoln. Voitures de luxe et d’apparat, les Lincoln qui formeront bientôt le haut-de-gamme Ford, sauront séduire les politiques jusqu’à devenir les autos officielles de la Maison Blanche grâce à Franklin Delano Roosevelt. En 1916, un jeune architecte nommé John Lloyd Wright, fils cadet du grand architecte Frank Lloyd Wright, inventait un jeu de construction composé de rondins en bois et baptisé Lincoln Logs, nom référé au fait historique que jeune, Abraham Lincoln, avait vécu dans une cabane en rondins. Alors produit par la firme Red Square Toy Co., avant que Hasbro ne mette la main dessus, ce jeu se vendra à plus de cent millions d’exemplaires dans le monde jusqu’ à la fin des années 1950, soutenu notamment par des campagnes publicitaires radios et télé.  

Tous les présidents furent évidemment des petits-garçons. Quels jeux et jouets animèrent leurs loisirs ? Aucun document nous renseigne véritablement. Tout fut possible, exception faite des poupées et des dînettes. Quoi que, saura-t ’on jamais ? Furent-ils plus soldats, cowboys, ingénieurs ou pilote de guerre ? Préférèrent-ils les trains, les avions ou les voitures ? Furent-ils soigneux ou brise-fers ? Exception faite du fameux ours en peluche/teddy bear de Theodore Roosevelt, le chapitre est vide.

Si aujourd’hui, le monde du jouet globalisé est dominé, sinon écrasé, par l’Américain Mattel avec les marques Barbie et Hot Wheels, l’industrie du jouet US fut longtemps prépondérante bien que fortement concurrencée par les Anglais, les Allemands et les Japonais. Rayons petites voitures, l’histoire colle à l’évolution industrielle et commerciale des grands constructeurs américains qui, rapido, considèreront qu’une miniature auto était un fantastique véhicule promotionnel. Formé dans son ensemble au cœur des grands bassins industriels autour de Chicago, Detroit, Pittsburgh ou Akron, le parc automobile miniature américain se développa dès les années 1920, avec apogée dans les années 1950 et déclin notable au mitan des années 1960. Manoil, All Metal Toys, Erie, Hubley, Hodge, Barclay, Kingsbury, Ideal, National Products, Marx pour exemples. Aujourd’hui fort recherchés par les collectionneurs, les modèles du fabricant Wyandotte était produits à partir des chutes de tôles du constructeur auto Nash. Plomb, fonte d’aluminium, zamac, caoutchouc, plastiline, vinyle, plastique : la table des matières fut vaste, à l’image des échelles adoptées : 1/25, 1/32, 1/43 et 1/64 (midgets). Du rudimentaire au sophistiqué avec moteurs et éclairages électriques, l’offre était aussi vaste que celle des concessionnaires. Voire des fournisseurs. Ainsi de la firme de pneumatiques Firestone qui, participant aux grandes foires industrielles tenues dans les années 1930 à San Diego, Dallas, San Francisco ou Cleveland, avait développé une offre de Firestone Souvenirs produits par la firme-mère. En l’occurrence, des Ford, des Mercury moulées dans le même caoutchouc (rubber) que ses pneus. Succès fou auprès des gamins. En Italie, Pirelli fera de même, sans émouvoir grand monde.

Parmi cette flopée de fabricants, Tootsie Toys est celui qui demeure aujourd’hui le plus cher au cœur des collectionneurs américains. Comparable à Dinky Toys ou à Solido en termes de popularité, nourrissant les mêmes nostalgie, Tootsie Toys appartient à la mythologie industrielle américaine. Chicago, 1876. Un certain Charles O. Dowst fonde la firme Dowst & Company, alors spécialisée dans les articles de ménage et de blanchisserie. Soutenue par la publication du National Laundry Journal, sa petite entreprise croît et embellit. Rejoint par son frère Samuel, Dowst élargit son business aux boutons de col, aux bijoux fantaisie et aux petits jouets en métal. Pour cela, les deux frères ont acquis une machine fabuleuse, la Line-O-Type, permettant de diversifier la production comme jamais. Dès 1910, s’ébauche une production de jouets comme l’aéroplane de Louis Blériot en trois versions et de petites voitures. Le premier modèle (1911), une limousine générique sans marque définie sera suivie par une Ford T que les Dowst vendront par millions et pour dix sous dans les laveries, les confiseries et les magasins de jouets. Le nom de Toostie Toys sera adopté en 1920, référé au surnom de grandma’ Dowst, Toots, déjà appliqué à une production de meubles de poupées en métal. Au gré de la production, Tootsietoys sera en un seul mot ou en deux mots -Tootsie Toys. La parole « a Tootsietoy » au singulier désignera un seul modèle, comme on dira « une Dinky » en France.  En 1926, les Dowst fusionneront avec la firme de jouets Cosmo, fondée en 1892 par Nathan Shure. Ce seront leurs héritiers qui rachèteront en 1964 la Strombecker Corporation, la plus ancienne firme de jouets américaines remontant à 1876.

Chez Tootsietoys, la période pre-war se concentra sur la reproduction dès 1933 des modèles de firmes aujourd’hui disparues, Graham et La Salle, déclinés en limousines, coupés, cabriolets, vans, ambulances, town-cars, dépanneuses, etc…S’y ajoute une ample gamme de camions, trains, bus, voitures de course, tracteurs, tanks, motos, engins agricoles ou de travaux sans marque définie ou identifiables, au contraire des Ford, Cadillac, Chevrolet, Oldsmobile, De Soto et des camions Mack mis à toutes les sauces dont celle du transport d’autos, spécificité développée au fil des ans.

Tootsietoys sera aussi la première firme à capter l’intérêt de reproduire les personnages des comic-strips publiés dans les journaux tels Andy Gump, Uncle Walt ou Moon Mullins au volant de leur auto ou à bord d’un bateau. Au milieu des années 1930, Tootsietoys produira aussi la série Midget (1936-1941), le dirigeable Zeppelin (1937), les premiers cars Greyhound, les cinq fabuleuses fusées Buck Rogers (Guy L’Éclair-1937), les bateaux de guerre (1940), les camions citernes Standard Oil, Texaco, Sinclair, Shell, ainsi que la série des Jumbo et Torpedo, énormes voitures longues de 15cm ressemblant à des Auburn, Pierce-Arrow ou Hupmobile. Commercialisée pendant une seule année, entre 1936 et 1937, cette série sera reprise après-guerre, une fois l’effort de guerre imposé achevé, leurs roues en métal avec pneus troquées pour des roues pleines en gomme noire. Il faudra patienter jusqu’en 1947 pour voir Tootsietoys sortir ses premières nouveautés : une Studebaker Champion coupé dessinée par Raymond Loewy et l’énorme Kaiser Sedan. Suivront des Ford, Chevrolet, Nash, Plymouth, Pontiac, Mercury, Cadillac, Lincoln…

Camions, avions, autocars, vans mais aussi, une ouverture vers l’Europe avec la reproduction d’une Triumph TR3, des Jaguar XK 120 et 140, de la MG TF, de la Porsche Spyder, de l’Austin-Healey 100-6, de la VW Cox et de quelques voitures de course Lancia ou Ferrari. Au début des années 1960, Tootsietoys rééditera officiellement ses premières séries d’avant-guerre et assurera la distribution aux USA de la série Roadmasters (1/45) produite par la firme anglaise Lone Star avec une Cadillac 62, une Chevrolet Corvair, une Ford Sunliner, une Rambler SW et, surprise ! une DS19, unique voiture française figurant au catalogue Tootsietoys.

À l’orée des années 1970, la plupart des fabricants américains de petites voitures ont disparu du paysage. Hot Wheels a changé la donne. Les Tootsietoys, vendues sous blister ou par assortiments chatoyants, tentent de jouer la même carte. Lancés en 1971, les Freakies (Dragon Dragster, Tijuana Tarantula) fonceront dans le mur en 1973. Les Super Slicks et les Playmates (Tommy Tractor, Peter Pilot, Hoky Smoky…) rouleront plus loin -1976. La série des Hitch-Up, caricatures d’une AMC Gremlin, d’une VW Kubelwagen, d’une Chevy Vega ou d’une Honda Civic, tractant caravanes, motos, bateaux, fera long feu. Les autres séries usinées dans les années 1980 se rapprocheront du style et de la qualité de Tonka.

Durant trois décennies, 1940, 1950 et 1960, les Tootsietoys étaient vendues dans les fameux dime stores, ou ces bazars à dix sous, popularisés par Woolworth (le modèle qui inspira Monoprix et Prisunic) et copiés à l’envi par une noria d’enseignes comme Silver’s, Newberry’s, Green’s, Kreske (devenu K-Mart) ou Ben Franklin (devenu Wal-Mart). Aujourd’hui, selon l’indice de rareté, l’échelle, le modèle et l’état de conservation (souvent repeints !), les Tootsietoys se monnayent sur le marché européen de la collection entre 40 et 150 euros. Les Dowds avaient pour habitude de dire « We make toys for doodling, not models for collecting ». Nous faisons des jouets pour les bousiller, pas pour les collectionner. C’est loupé…

De gauche à droite

KAISER TRAVELLER SEDAN 1947. TOOTSIETOYS

Ce fut la première firme automobile à sortir une véritable nouveauté moderne au lendemain de la Seconde Guerre, quand tous les autres constructeurs se contentaient de recycler gammes et modèles de l’immédiat avant-guerre. Ce fut aussi alors une nouvelle marque lancée dès 1945 par Henry J. Kaiser et Joseph Frazer. Le premier, d’origine allemande, devenu riche pour avoir produit les Liberty Ships durant la guerre, était totalement novice en matière automobile. Le second, natif de Nashville et apparenté, de loin et par sa mère, à George Washington, était un homme de l’art : chez Chrysler, il y créa la marque Plymouth. Ensuite, à la tête du constructeur Willis-Overland, il fut le père de la Jeep. En 1944, Frazer avait été nommé président de Graham-Paige, sur le déclin. C’est là que les deux hommes conclurent un deal pour créer une nouvelle marque et une nouvelle automobile lancée sous un slogan ambitieux : « The Most Important New Car in America ». Initialement baptisée Kaiser-Frazer, la firme sera rapidement renommée Kaiser Motors. Entre temps, KF rachetait Graham-Paige pour la faire disparaître. Pas question de faire de l’ombre à la plus importante nouvelle voiture américaine : la Kaiser Traveller, présentée en 1946, dessinée par le designer et carrossier Howard Darrin. Célèbre pour avoir créé des modèles de luxe exclusifs destinés aux vedettes hollywoodiennes, Darrin est alors une star du secteur. Première auto américaine à ligne ponton intégrale, sa Kaiser bardée de chromes affichait néanmoins une silhouette massive. Vendue 2.088 $ -le salaire moyen annuel n’excédait pas alors les 3000 $, la Kaiser avance de front avec sa jumelle, la Frazer, moins chères et moins luxueuse, différenciée par sa proue. Si la Kaiser séduit les Américains qui roulent pépère, elle est loin d’afficher des performances optimales sur route. Sans être sous-motorisée, la voiture, une 6 cyl. développe une puissance minorée, et ça, ça ne passe pas. D’autant que très vite, la concurrence lui taille des croupières. En tête, Hudson, Nash et surtout Studebaker qui lance de nouveaux modèles révolutionnaires designés par Raymond Loewy. Conscient des faiblesses mécaniques de sa voiture, en 1946, Henry J. Kaiser tentera de débaucher à prix d’or l’ingénieur français Jean-Albert Grégoire dont les innovations techniques colleraient idéalement à sa Kaiser. Refus poli de Grégoire, qui préfèrera plancher sur ses projets chez Hotchkiss. Henry J.Kaiser n’était peut-être pas un génie techno mais il sentait les tendances à venir. Trop tôt, en ce qui le concernait. Flairant dix ans avant l’intérêt du public pour des autos compactes comme la VW, il lancera une petite Kaiser économique, la Henry J, au design quelque peu baroque profilée fastback, motorisée Jeep, mais sanctionnée par un flop commercial cuisant. Alors que la première Kaiser accuse le coup esthétiquement, la nouvelle Manhattan, dévoilée en 1953, épouse les tendances du moment. La réclame troussée par Kaiser sera péremptoire : le triomphe de la conception anatomique. Sur papier, après une euphorie, les chiffres de vente chutent vertigineusement : 120.000 unités en 1947 ; 144.500 en 1948 ; 181.000 en 1949 ; 1291 en 1955. Cette année-là, l’industrie automobile américaine affichait une production estimée à 8 millions de voitures vendues, les Big Three de Detroit s’arrogeant 95% du marché, laissant les 5% restants à Studebaker, Packard, Hudson et Nash.

Kaiser qui a plongé dans les profondeurs du classement a déjà jeté l’éponge. L’année précédente, Henry J. Kaiser a fondé en Argentine la IKA (Industrias Kaiser Argentina) et au Brésil, la Willys-Overland do Brasil. De fait, l’ultime Kaiser Manhattan de 1953 sera produite en Argentine de 1955 à 1962 sous le nom de Kaiser Carabela. Si les raisons de l’échec de Kaiser furent multiples, la principale, aux yeux du public américain, tenait dans le fait que la marque s’obstinait à ne pas dériver ses voitures en break, pick-up, coupé et/ou cabriolet. Un timide effort fut réalisé sur la Kaiser Traveller, proposée en berline découvrable avec un nom nouveau : Virginian, ou avec une version d’ouverture du coffre par hayon et baptisée Vagabond.

En 1952, Henry J. Kaiser tenta de combler une de ces lacunes en commandant à Howard Darrin l’étude d’un cabriolet sportif capable de rivaliser avec les Jaguar XK 120. Installé en Californie, Darrin œuvra à créer en solo mais avec l’argent de Kaiser un incroyable roadster en fibre de verre et au design décoiffant. Face à un Henry J. Kaiser furibard et peu convaincu, le designer imposera que son nom figure sur la voiture. L’Anglais Donald Healey venait de procéder de même pour le roadster Nash-Healey, alors pourquoi pas moi, lui, me, myself and I ? Exposée au salon de Los Angeles de 1952, la Kaiser-Darrin 161 sera produite jusqu’en 1955 à 435 exemplaires. Pas de quoi sauver la firme, mais suffisant pour sortir en beauté. En 1959, Kaiser-père, âgé de 77 ans, cèdera son siège à son fils Edgar. À la retraite, remarié, installé à Honolulu où il décèdera en 1967, il avait investi massivement dans l’industrie hôtelière hawaïenne. Quant à Joseph Frazer qui ne tenait pas son associé en haute estime, il avait quitté la boîte en 1951. Et Jeep dans tout cela ? on connaît la suite, plus chaotique qu’une piste birmane pendant la guerre…

Si la Kaiser fut une nouveauté automobile absolue en 1946, sa reproduction en miniature jouet sera plus tardive, les fabricants, sortis de l’effort de guerre, étant alors soucieux d’écouler les stocks restants et d’amortir les moules d’avant-guerre. La Kaiser Traveller sera pour Tootsietoys une vraie nouveauté nouvelle, produite de 1947 à 1949, en même temps que la Studebaker Champion, la Chevy Coupé et le break Buick Woody. À grande échelle, on recense une Kaiser convertible ( !) en plastique chez Steer-O-Toys. Il y eut aussi une Kaiser de 47 au 1/43 en tôle avec moteur à clé chez le Japonais SKK Sinsei, produite en zone occupée. La Kaiser Manhattan 53 fut elle, reproduite par National Products/Banthrico qui fit de même avec la Henry J proposée en tirelire. Une Henry J également reproduite en 1954 par Solido dans la série Baby, sous la référence Grenoble. La Kaiser-Darrin intéressa les Japonais avec un modèle en tôle grande échelle signé ASC Toys. Rayon colletionneurs, tous les modèles Kaiser et Frazer ont été mis en catalogue par Brooklin Models, Tin Wizard, Neo et même Maisto/SunStar. Curiosité aisément trouvable sur e-Bay : la IKA Kaiser Carabela, no.48 de la collection presse Autos Inolvidables Argentinos. Enfin, il est curieux que les industriels du jouet en gomme (rubber), activité florissante jusqu’en 1955, aient superbement snobé les Kaiser en dépit d’une production pléthorique. Rien chez Auburn Rubber, chez Sun Rubber ou encore Viceroy et Rainbow…

CADILLAC 62 1954. TOOTSIETOYS

Fondée en 1902, rachetée par la General Motors en 1909, Cadillac est sans doute la marque de voitures de luxe américaines la plus célèbre au monde. Une marque statutaire, symbolique d’un pouvoir politique et financier, devenue quasi générique quand il s’agit d’évoquer gloire, dollars et célébrité. My Brand New Cadillac chantait en 1959 le rocker Vince Taylor. Reprises ad lib….

Pour le néophyte, s’y retrouver dans les séries -60, 70, 75…, relève du casse-tête, d’autant que chaque série s’étale sur plusieurs décennies. Ainsi de la 62, produite de 1939 à 1964 au fil de sept générations dont la plus spectaculaire fut la Mark VI avec ses ailerons démesurés et ses feux en ogives nucléaires. Selon la typologie de carrosserie, la série 62 coiffe les coupés De Ville et les cabriolets Eldorado, eux-mêmes déclinés en Seville et en Biarritz. Re-casse-tête. La Cadillac 62 de 1954 appartient à la 4ème génération produite et commercialisée entre 1954 et 1956. Elle arbore une proue agressive avec nouvelle calandre et pare-chocs à obus dits Dagmar. Née Virginia Ruth Egnor, mannequin, chorus-girl, comédienne sous le pseudo de Dagmar, la dame qui fut une star de la TV américaine des fifties, possédait une laiterie moderne faisant passer Jayne Mansfield ou Mamie Van Doren pour des cosettes anémiées. D’où ce surnom carrossier aussi populaire qu’elle le fut à l’époque.

Pare-brise panoramique, ailerons modérés, phares sous paupières, flancs renflés, livrée bicolore (hors noir intégral), face avant hautaine : la Cadillac 62 série IV se vendra à 130.502 exemplaires. Vu son prix, ce chiffre indique un best-seller. Nom et modèle vendeurs : le monde du jouet reproduira la 62 à la chaîne, en métal, en tôle, en plastique, luxueusement équipée ou sommairement moulée pour les dime stores. Juste en proportions et couleurs, celle de Tootsietoys sera produite de 1955 à 1959. Le fabricant de Chicago était fidèle à Cadillac dont il a reproduit à diverses échelles une noria de modèles depuis les années 1920. Succédant à la 60 de 1948, fabriquée de 1949 à 1954, la 62, proposée en robe biton dispose ou non d’un crochet remorque (bateau ou caravane) et, selon les circuits de distribution, d’un châssis en tôle détaillé riveté -les Tootsietoys étaient en général exemptes de socle. Savoir ici que le superbe cabriolet Cadillac 62 Eldorado de chez l’Italien Mercury relève de la série V.

BUICK XP 300.  1951. TOOTSIETOYS

Imaginée pour l’image des marques lors des salons Motorama et autres giga-foires industrielles, la notion des dream-cars allait de pair avec la vision du futur, nourrie par les avancées phénoménales développées par l’aviation. Véritables laboratoires techniques et technologiques, tours de force esthétiques où le design le disputait au confort, ces voitures expérimentales furent conçues par des entités spéciales créées ad-hoc au sein des groupes Ford, Chrysler ou General Motors. Une exception toutefois, avec la fameuse Phantom Corsair de 1938, imaginée en solo par Rust Heinz, petit-fils du roi du ketchup, playboy millionnaire et passionné de design automobile, hélas décédé l’année suivante dans un accident de la route. Jamais développé et basé sur la Cord 810 personnelle de Heinz, ce concept-car unique est aujourd’hui considérée comme la voiture la plus rare du monde. Cette même année 1938, Buick levait le voile sur la Y-Job, première dream-car absolue même si présentée par General Motors comme un prototype expérimental. Son designer-concepteur, Harley J. Earl, à la tête du département Art & Colour (futur studio de design intégré), sera nommé dans la foulée vice-president de GM. Cabriolet 2 places, la Y-Job a été fignolée avec le styliste George Snyder. Ses phares escamotables ramenaient à la Cord 810 de Gordon Buehrig, tandis que sa capote et vitres électriques, ici jamais vues, profilaient un avenir radieux. En 1942, Chrysler dévoilait sa dream-car : la Thunderbolt qui n’avait rien à voir avec la Thunderbolt anglaise, voiture des records  de 1937 à moteur Rolls-Royce et qui « montait » à 520 km/h ! L’entrée en guerre des USA stoppera l’élan des dream-cars et il faudra patienter jusqu’au début des années 1950 pour assister à leur come back carburant aux visions de futur et de conquête spatiale. En 1952, Chrysler revenait sur le devant de la scène avec la K-310, prototype de la future 300. Un an plus tard, Cadillac prenait le relais avec le cabriolet Le Mans à carrosserie en plastique. Dodge entrera dans la danse en 1954 avec la Fire Arrow dessinée en Italie par Ghia. Mais ce sera Buick qui, entre 1951 et 1954, dominera cet univers avec ses nombreuses dream-cars dont la Le Sabre et la XP-300. Cabriolets fastueux techniquement futuristes, ces deux dream-cars étaient dessinées par Harley J. Earl, toujours aux commandes chez GM. La Le Sabre avec son pare-brise panoramique -une innovation totale, bien vite adapté aux nouvelles Cadillac, donnera bientôt son nom à un modèle Buick de série dont les générations rouleront de 1959 à 2005. Un brin moins ambitieux, le cabriolet XP, pour Experimental Pursuit, majestueusement carrossé tout alu façon jet, mesurait 5m de long et se la jouait labo innovant. Son moteur V8 carburait à l’essence et au méthanol. En cas de crevaison, quatre pompes hydrauliques soulevaient la voiture. Lourdement chromée, sa proue sera ensuite adaptée aux nouvelles Buick Roadmaster (oui, celle de Dinky). Exposée lors du Motorama de New-York 1953, la Buick Wildcat avec carrosserie en fibre de verre et un design rétro-futuriste inspiré par l’esthétique Buck Rogers (Guy L’Éclair), lorgnait délibérément sur le proto de la Chevrolet Corvette et donnera son nom à une lignée de modèles de série produits de 1963-1971. Au gré des années suivantes, la notion de dream-car évoluera en concept-car, calibre et exercice toujours d’actualité…

Voitures de rêve, les dream-cars firent donc rêver les pères et leurs fils. Pas question pour les fabricants de jouets de louper le coche. Forte en image, la Buick Le Sabre fut reproduite à presque toutes les échelles par les marques américaines comme Marx Toys et Tootsietoys. Au Japon, le fabricant Yonezawa en a reproduit un modèle en tôle absolument fabuleux. Chez Tootsietoys, le créneau des dream-cars fut porteur, usinant successivement la Buick Y-Job de 1938, la Chrysler Thunderbolt de 1942, la Buick XP-300 de 1951 (curieusement référencée comme Le Sabre dans les ouvrages consacrés au fabricant) et la Buick Special de 1954. Produite de 1953 à 1959, la Buick XP est un collector rouge vif flirtant avec les 200 € à condition de présenter un état impeccable. Et si on en faisait un vrai thème de collection ?…