Dessinée façon « boîte à chaussures », la R8 fut lancée en 1962 par la Régie Renault dans le but de succéder à la vaillante Dauphine dont le lifting chic en Ondine peinait à masquer le vieillissement.
Avant-dernière Renault à moteur arrière -il restait encore les R10 et 1100 à sortir, cette berline devait son profil anguleux au designer Philippe Charbonneaux ici associé à l’ingénieur Gaston Juchet, bientôt directeur du nouveau centre de style Renault, au sein duquel il dessinera la future R16. Designer, entre autres, de la Wimille, du Berliet Stradair, des lampes-torches Wonder, de la brosse à reluire Nénette, des réveils Jaz, des télés Téléavia ou de la voiture-jouet électrique Fulgur Virevolte, Charbonneaux sera le fondateur du fameux musée de l’Automobile de Reims, sa ville natale.
Produite à plus de 1.318.000 exemplaires en France mais aussi en Espagne (par Fasa) jusqu’ en Roumanie (par Dacia), la R8 roulera pépère ou sport jusqu’en 1973. Moteur Sierra 956cm3, elle finira sur les chapeaux de roue en livrée Gordini, apparue en 1965. Major ou S -une version sportive et tardive moins chère que la Gord’, le R8 montera et descendra en gamme, son image devenue indissociable du monde du rallye, statut disputé par la NSU 1000 TT et les Simca 1000 Rallye I et II. Chez Renault, le manteau bleu à bandes blanches sera ensuite endossé par la R12, berline sans charisme avant d’être abandonné quand la Régie mettra la R17, le coupé des kékés, à la sauce sportive. Symbolique des années 1960 et phénomène de société, la R8 Gordini ou Gord’, reste un mythe bien français.
Commercialisée en 1962, la R8 s’était distinguée par son système de freinage à 4 disques, alors inouï. Très vite, son moteur prendra du coffre, passé à 1108cm3, ce qui vaudra au modèle de gagner ses galons de R8 Major « tapant » à plus de 135km/h. Étapes suivantes : le sport et la performance. Et de faire appel à Amédée Gordini pour diaboliser la caisse à savon de Billancourt. Depuis ses ateliers du Boulevard Victor, dans le XVème ardt., Amédée G. que le milieu surnomme « le sorcier » bosse déjà sur les Alpine et les René-Bonnet (futures Matra). Encore indépendant -il se vendra à Renault à la fin des années 1960, Gordini a déjà boosté la Dauphine pour le compte de la Régie. Pour la R8, il est parti d’un modèle de série. Lancée au Salon de l’Auto de Paris de 1964, la 8 Gordini fera l’effet d’une bombe. Toute la mécanique porte la griffe du sorcier, la carrosserie est peinte en bleu de France 418, les doubles bandes blanches sont collées en usine dans l’axe du conducteur, les phares sont plus gros, et l’ensemble, surbaissé est vendu 11.500 francs, soit 4500 francs de plus que la Major des familles, mais moins chère qu’une Mini Cooper S, facturée à plus de 15.000 francs. Subito, la R8 Gordini trace en rallyes : Tour de Corse, Lyon-Charbonnières…
Dès 1966, la Coupe de France des R8 Gordini propulse la bestiole au zénith. Le passage aux 4 phares, au moteur 1300, à un second réservoir de 28l. placé à l’avant et d’une 5ème vitesse feront le reste, atteignant 170 km/h, quand la DS plafonne à 160. Jugée brillante par les pilotes et par la presse, roues arrière en carrossage négatif, la Gord’ classée 7CV fiscaux, se parera deux ans plus tard de couleurs inédites -jaune, blanc et rouge avant de renoncer à sa carrière pétaradante en 1970 après 11.607 exemplaires vendus. Sur le terrain, on ne compte plus les copies, les simples 8 et 8 major trafiquées, déguisées, travesties. Car la caisse, en sus d’être sport, se la joue classe dans le paysage des Trente Glorieuses. Au cinéma, on la voit dans « Ne nous fâchons pas », de Georges Lautner, conduite par Lino Ventura et Michel Constantin. Tourné dans le Var en avril 1966, le modèle « filmé » est une Gordini 1300 à doubles phares, sortie en juillet 1966. Les puristes estimeront qu’il s’agit d’un modèle de pré-série, les chagrins hurleront à la copie (de quoi ?). Toujours est-il que la Gord’ tient la corde, glougloutant 10 litres aux 100 en affichant aujourd’hui une cote collector prête à rouler à 50.000 €. Avec pour rivales la Mini Cooper S, la Sunbeam IMP, l’Alfa-Romeo Giulia Ti Super ou encore les Fiat-Abarth, la R8 Gordini fut l’ultime voiture conçue librement par Amédée Gordini avant de céder sa firme et son nom à Renault en 1969, dix ans avant de disparaître, âgé de 80 ans.
D’origine italienne, naturalisé français au début des années 1950, Amédée Gordini fut tour-à-tour mécanicien, pilote, préparateur et constructeur. Après plusieurs années passées à « ensorceler » des Fiat devenues Simca, passé à la course, puis à la F1 et à la F2, s’épuisant à courir au Mans jusqu’à frôler la ruine, le gaillard devra son salut à Renault. Engagé en 1957 par la Régie, il y dopera la pépère Dauphine, puis la R8. En revanche, son nom disparaîtra de la R8 S, vendu à 61.000 exemplaires entre 1968 et 1971 : avec ses 6 CV, son moteur de 1108 cm3 vitaminé et ses 4 vitesses, cet avatar de fin de règne, concurrencé par la Simca 1000 II Rallye, éblouira quelques lapins avec ses quatre phares emblématiques. Produites en 1970 puis en 1975, les R12 et R17 Gordini seront suivies par une exploitation erratique du nom Gordini selon un choix de modèles ridicules. Marketing oblige : même le bleu de France iconique y perdra sa couleur troquée pour un bleu métallisé plus proche de celui des Alpine….
Autrement, en dépit de son renom, peu de fabricants de jouets feront rouler des Gordini sur le tapis du salon, exceptions faites de le monoplace 2,5l. Grand Prix de 1957, excellemment réduite au 1/43ème par la marque anglaise Crescent Toys, spécialisée dans les voitures de course exotiques (BRM, Connaught, Ferrari…), et de la Gordini Type 32 de 1956 usinée en plastique par Minialuxe.
De gauche à droite
RENAULT 8 MAJOR. DINKY TOYS. 1962. No. 517
Rayon miniatures en zamac, la R8 occupa peu de monde. Solido snoba le modèle -une Renault ? pouahhh !!, CIJ-Europarc buvait la tasse, Quiralu, Eria et JRD avaient baissé le rideau. Il faudra regarder à l’étranger en Espagne pour « fixer» une R8 reproduite par Joal. Dans ce contexte, Dinky Toy sauvera la mise avec une R8 Major proposée en jaune pâle ou en bleu ciel. Aucun ouvrant mais le modèle est juste, aussi peu excitant que la Simca 1000, mise au catalogue au même moment. Dinky dépouillera ensuite sa R8 de son vitrage et de son intérieur pour l’intégrer à la série 100 Junior, proposée en rouge foncé (#117). La firme de Bobigny attendra en revanche 1968 pour Gordiniser son moule, cosmétisé afin de reproduire, dans la nouvelle série 1400, une R8 Gordini 1300 qui se vendra dix fois plus. Évidemment, la R8 originelle sera rééditée par Atlas ainsi que par Dan Toys, version voiture pie Police.
RENAULT R8 GORDINI. NOREV. 1968. No. 14
Rayon 1/43 plastique, la R8 fut boudée par Minialuxe mais considérée par Clé (au 1/48) : sous équipée, sommaire, cela restait un cadeau Bonux. Gloire à Norev qui sauvera la mise en 1962, mais qui, à l’instar de Dinky, traitera sa R8 sans aucun ouvrant. En revanche, les pneus à flancs blancs, la gravure précise et la palette de couleurs rendaient la miniature pimpante. Tout l’inverse de la version Baby, nue et crue. Comme la R8 perdurera commercialement jusqu’en 1973, Norev fera de même en prolongeant sa carrière avec des roues filetées rapides et un plastique mat cheap Plastigam. En revanche, aucune version Jet-Car au menu, même de la première époque. Mais une Micro au 1/86ème. Pour reproduire la R8 Gordini, Norev modifiera à peine le moule original, ménageant deux orifices supplémentaires pour les doubles phares jaunes, baignant le plastique du bleu de France règlementaire et collant les bandes blanches sans autre étiquette, sinon des numéros stickés sur les portières avant. Les roues changeront de profil au fil du temps, sans plus. Aucune mention Gordini sur le socle de la miniature : un sticker doré collé en biais sur la boîte-écrin suffira pour signaler la différence aux petits garçons. Enfin, aucune version Cométal ou Jet Car. Dommage : la R8 Gordini s’y prêtait parfaitement….Dans un autre registre tout plastique, la Gord’ au 1/40è de Scalextric fut une star des circuits 24…et aujourd’hui un collector facile à dénicher.
RENAULT R8 GORDINI. DINKY TOYS. 1969 No. 1414
Tout comme Norev, Dinky apporta peu de changements à son moule de la R8 pour en extrapoler la Gordini. Doubles phares jaunes diamantés, bandes blanches, figurine pilote en plastique, petite planche de décalques et basta ! Jantes concaves, pneus Dunlop : l’équipement roulant est aux normes de la série 1400 où roule également sa rivale, l’Alfa Romeo Giulia Ti Rallye, bientôt rejointe par la R12 Gordini, dont le moule aura été modifié pour supprimer les pare-chocs avant et arrière. Dinky utilisera aussi sa Gord’ pour la série Junior (#103) avec double-phares moulés peints argent. Plus tard, la Régie Renault passera commande d’un avatar de la Gordini, transformée en R8 S, remplaçante de la 8 Gordini et proposée en jaune. Un auto-collant placé à la hâte sur le nom du modèle à même la boîte en carton illustrée de la 8 Gordini fera la blague. Ensuite, Dinky sortira la 8 de production pour ouvrir la voie en 1971 à la nouvelle R12 Gordini. Comme la R8 Major, la 8 Gordini a été rééditée par Atlas et versée, entre autres, au contenu d’un coffret collector Gordini contenant une Dauphine 1093 blanche (modèle jamais reproduit en son temps par Dinky), une R8 bleue et une R8S jaune. Même doublette chez Dan Toys avec les R8 Gordini et S… Enfin, à une échelle nettement supérieure, la plus grosse des R8 Gordini reste celle de Joustra, puisqu’il s’agit de la première version de 1965 sans ses doubles phares…